ARRET
N°
[G]
S.A.R.L. FSA
C/
S.C. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
S.A. MMA IARD
VA/VB
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU VINGT HUIT FEVRIER
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/03953 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IFZT
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS DU QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT ET UN
PARTIES EN CAUSE :
Monsieur [E] [G]
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Emmanuelle GREVOT de la SELARL CABINET CBG, avocat au barreau de BEAUVAIS
S.A.R.L. FSA agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Emmanuelle GREVOT de la SELARL CABINET CBG, avocat au barreau de BEAUVAIS
APPELANTS
ET
S.C. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
S.A. MMA IARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentées par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS
Plaidant par Me Pauline KORVIN substituant Me Matthieu PATRIMONIO, avocats au barreau de PARIS
INTIMEES
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 03 janvier 2023 devant la cour composée de M. Philippe MELIN, président de chambre, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, conseillers, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
Sur le rapport de M. Vincent ADRIAN et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 février 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 28 février 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Philippe MELIN, président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
*
* *
DECISION :
M. [G] avait été embauché le 1er décembre 2008 par la société Ineo Com en qualité de conducteur de travaux. Il a reçu un avertissement le 31 août 2015 lui reprochant une mauvaise réaction de sa part face à la présence d'amiante sur un chantier, puis a été convoqué à un entretien de licenciement le 28 octobre, pour divers faits d'insubordination et de laxisme.
Il a engagé une procédure devant le conseil de prud'hommes de Versailles lequel l'a débouté de toutes ses demandes par jugement du 16 mai 2017.
Il a mandaté Maître [I] [U] pour relever appel de ce jugement, formé par déclaration d'appel le 20 juin 2017 devant la cour d'appel de Versailles, laquelle a constaté la caducité de la déclaration d'appel, faute de conclusions déposées dans les délais, par ordonnance du 9 novembre 2017, puis, sur déféré, par arrêt du 15 février 2018.
Par ailleurs, M. [G] s'est trouvé en conflit avec son épouse.
M. [G] et Mme [W] [T] se sont mariés le [Date mariage 1] 2003, sans contrat préalable.
En 2007, Mme [W] [T] a créé une SARL à associé unique, la SARL FSA, laquelle a pris en location-gérance le Café du théatre situé à [Localité 11] pour les années 2008, 2009 et 2010, puis une autre location-gérance à [Localité 8].
Mme [W] [T] a déposé une requête en divorce en 2010.
M. [G] a revendiqué la qualité d'associé de la SARL FSA à hauteur de la moitié des parts sociales, le capital social (3 000 euros) ayant été financé par des biens communs. Il a reproché en outre à son épouse d'avoir commis un certain nombre d'anomalies comptables et de détournements de fonds au préjudice de la communauté.
Par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 5 avril 2012, au contradictoire de Mme [W] [T] et de la société FSA, M. [G] a été reconnu associé à hauteur de 50% des parts depuis le 24 février 2010.
Nouveau gérant de la société FSA dans un contexte qui n'est pas exposé, M. [G] a reproché à divers avocats choisis par Mme [W] [T] d'être intervenus également pour la société FSA sans mandat de représentation.
La situation s'est arrangée avec certains.
Dans ce contexte, par actes des 27 mai et 30 mai 2016, M. [G] et la société FSA ont assigné devant le tribunal d'instance de Puteaux deux avocats, Maître [H] et Maître [K] aux fins de restitution d'honoraires et d'indemnisation de divers préjudices.
Au terme d'un jugement du 2 mars 2017, le tribunal d'instance de Puteaux a débouté M. [G] et la société FSA de toutes leurs demandes à l'encontre de ces deux avocats.
M. [G] a mandaté Maître [U] pour relever appel de ce jugement.
Suivant déclaration d'appel établie par Maître [U] le 18 avril 2017, M. [G] et la société FSA ont relevé appel de ce jugement. Suivant ordonnance du 11 janvier 2018, le conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel faute pour les appelants d'avoir conclu dans le délai imparti.
M. [G] a décidé d'engager la responsabilité civile professionnelle de Maître [U], selon assignation du 5 novembre 2019, devant le tribunal judiciaire de Beauvais.
La société civile MMA IARD Assurances mutuelles et à la société anonyme MMA IARD sont intervenues à l'instance en qualité d'assureur de celle-ci.
Aux termes de ses dernières conclusions, M. [G] et la société FSA demandait la condamnation solidaire de Maître [U] et des deux assureurs à lui payer :
- la somme de 50 000 euros (15 000 euros + 35 000 euros) au titre de la perte de chance de voir le jugement prud'homal être réformé par la cour d'appel de Versailles,
- la somme de 14 775, 76 euros au titre de la perte de chance de voir le jugement du tribunal d'instance de Puteaux être infirmé par la cour d'appel de Versailles,
- la somme de 19 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de la société FSA à obtenir dans la procédure civile devant la cour d'appel de Versailles.
Par jugement du 14 juin 2021, le tribunal judiciaire de Beauvais a débouté M. [G] de toutes ses demandes, constatant, pont par point, l'absence de chance d'infirmation de l'un et de l'autre des jugements devant la cour d'appel de Versailles.
M. [G] et la société FSA ont relevé appel de ce jugement à l'encontre des seuls assureurs : la société civile MMA IARD Assurances mutuelles et la société anonyme MMA IARD.
La cour se réfère aux uniques conclusions des parties par visa.
Vu les conclusions d'appelant de M. [G] et de la société FSA notifiées le 8 octobre 2021 sollicitant l'infirmation du jugement et reprenant exactement les demandes faites en première instance avec les mêmes moyens, lesquels seront exposés au fur et à mesure, point par point.
Vu les conclusions d'intimées du 30 décembre 2021 notifiées par la société civile MMA IARD Assurances mutuelles et la société anonyme MMA IARD visant à la confirmation du jugement.
L'instruction a été clôturée le 22 juin 2022.
MOTIFS
1. Sur la responsabilité de Maître [U].
Il n'est pas contesté que Maître [U] avait reçu mandat d'interjeter appel dans les deux procédures en cause et n'a pas conclu dans les délais.
Selon l'article 411 du code de procédure civile 'le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d'accomplir au nom du mandant les actes de la procédure'.
Le mandataire qui manque d'accomplir un acte compris dans son mandat engage sa responsabilité contractuelle sauf cas de force majeure.
D'une manière générale, 'l'avocat, investi d' un devoir de compétence, est tenu d'accomplir, dans le respect des règles déontologiques, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client' Civ.3e, 25 octobre 2018, n° 17-16.828 P, D.218, 214.
En laissant passer le délai pour conclure à peine de caducité de la procédure prévue à l'article 911 du code de procédure civile, et ce, dans les deux procédures d'appel qui lui ont été confiées, Maître [U], en l'espèce, a commis une faute susceptible d'engager sa responsabilité en cas de préjudice causé par celle-ci.
Le préjudice s'analyse en une perte de chance d'obtenir gain de cause en appel.
'Le juge doit, pour évaluer le préjudice pouvant résulter de la faute de l'avocat pour omission d'un appel en garantie, reconstituer fictivement la discussion qui aurait pu s'instaurer entre l'emprunteur, le prêteur et l'assureur, si ce dernier avait été appelé en garantie', Civ. 1re, 2 avril 2009, n° 08-12. 848 P et la jurisprudence citée notes 120 et 121 sous l'article 1231-1 du code civil Dalloz)
Le premier juge qui a fait application de ces principes doit être approuvé et son jugement doit être confirmé.
La cour se doit de reprendre la totalité des points en litige dans les deux instances concernées pour apprécier la perte de chance.
Les pièces citées sont toutes extraites du dossier de M. [G].
2. Sur la perte de chance au titre de l'appel formé à l'encontre du jugement rendu le 16 mai 2017 par le conseil de prud'hommes de Versailles.
2.1. Sur la perte de chance d'annulation de l'avertissement du 31 août 2015.
Cet avertissement a été donné à M. [G] le 31 août 2015 par son employeur, la société Ineo Tertiaire, dans le cadre du chantier de rénovation d'une école à [Localité 12] sur lequel M. [G] occupait la fonction de conducteur de travaux.
L'avertissement est produit en appel par M. [G] (pièce 53). Il lui est reproché, après avoir appris la présence d'amiante sur le chantier d' une école à [Localité 12] le 10 juillet 2015, de s'être contenté d'envoyer un mail à son responsable, M. [L], en congé, et, faute de réponse, d'avoir continué le chantier 'sans chercher à avoir confirmation ou non de la présence d'amiante'.
'En tant que conducteur de travaux, il est de votre devoir de respecter et faire respecter les règles de sécurité sur les chantiers. Il n'est pas acceptable de ne pas avoir alerté votre hiérarchie et nos correspondants dès le 10 juillet 2015'.
Dans le cadre de sa procédure devant le conseil de prud'hommes de Versailles, M. [G] sollicitait l'annulation de cet avertissement.
En premier lieu, il y a lieu de relever que M. [G] n'indique pas, même à hauteur d'appel, en quoi la chance d'annulation de l'avertissement aurait conduit la juridiction prud'homale à lui octroyer des dommages et intérêts alors qu'il n'en sollicitait pas de ce chef.
Le conseil de prud'hommes (pièce 6) a débouté M. [G] en observant :
'Attendu qu'après examen des pièces versées aux débats, il ressort qu'une réunion avant travaux sur le chanter de [Localité 12] s'était tenue avec le client et que sur le compte-rendu de cette réunion il est fait mention de la présence d'amiante dans les dalles de sols et dans la colle ;
Attendu que M. [G] de par sa qualité de conducteur de travaux aurait dû prendre toutes les mesures nécessaires pour effectuer les travaux sans porter intégrité aux dalles de sols ;
Attendu que M. [G] reconnaît avoir été averti le 10 juillet de la présence d'amiante sur le chantier ;
Attendu que M. [G] malgré cet avertissement a simplement averti son RA [responsable d'affaires] qui était en congés sans chercher à contacter sa hiérarchie ou même le CHSCT et a continué le chantier ;
Attendu que M. [G] n'a contacté son CHSCT que le 28 juillet bien qu'il ait reconnu que le percement des dalles de sols avait eu lieu le 7 juillet'.
Devant la cour, M. [G] reprend son argumentation de première instance selon laquelle il n'avait appris la présence d'amiante sur le chantier que 'directement par le client', 'tardivement' (conclusions, page 10) et que ce n'est qu'après l'interrogation faite auprès de son responsable d'affaires, le 11 juillet 2015, qu'il a appris que de la présence d'amiante concernait 5 sites sur 12.
M. [G] omet les faits qui lui ont été reprochés et qui apparaissent sur le 'compte-rendu de retour d'expérience', à savoir une réunion contradictoire organisée par sa hiérarchie le 11 août 2015 entre lui-même et son responsable d'affaires, M. [L], de retour de congés, pour faire le clair sur l'incident.
Comme l'a relevé le premier juge, en effet, il n'a pas été prouvé que M. [G] avait été mis au courant de la présence d'amiante sur site avant son arrivée le lundi 6 juillet 2015, malgré l'affirmation en ce sens de M. [L], non circonstanciée et non datée ('dès le premier rendez-vous').
C'est par des motifs pertinents que la cour s'approprie que le tribunal a jugé - indépendamment de considérations incertaines sur le point de savoir si M. [G] était au courant, en amont de sa première intervention sur le site le lundi 6 juillet 2015, de la nécessité de passer en procédure de désamiantage -, en considération de ce que M. [G] indiquait avoir interrogé son employeur en la personne de M. [L], son responsable d'affaires, le samedi 11 juillet 2015 - en application des dispositions de l'article L.4131-1 du code du travail - sur les sites affectés par la présence d'amiante et ne l'avoir relancé, en l'absence de toute réponse, que le 25 juillet 2015, et que le 'compte-rendu de retour d'expérience'(pièce 13) exposant le déroulement des faits selon M. [G] et selon M. [L] indiquait que, selon M. [G] lui-même, le vendredi 10 juillet 2015, sachant que 'les percements existants étaient insuffisants' et qu'il faudrait procéder à 12 percements, le client lui ayant alors rappelé 'la gestion amiante en cas de percement', de sorte qu'au plus tard le vendredi 10 juillet 2015, M. [G] avait conscience du problème, d'où il se déduit que sa réaction a été en effet empreinte de 'laxisme' et de mauvaise communication, et qu' il lui appartenait, n'ayant pas de réponse à son courriel du samedi 11 juillet 2015, de s'enquérir des éventuels congés de son responsable d'affaires et de solliciter des instructions auprès des échelons supérieurs de sa hiérarchie ; qu'en l'état de ces circonstances, le tribunal a justement considéré que les faits les plus établis justifiaient l'avertissement du 31 août 2015 et fermaient la possibilité d'une infirmation de la décision du conseil de prud'hommes sur ce point par la cour d'appel de Versailles.
Il sera ajouté au jugement deux points.
Selon les échanges de mails produits aux débats (pièce15), le mail de M. [G] à M. [L] du 25 juillet 2015 est simplement intitulé 'relance' et son mail aux collègues du CHSCT du 28 juillet 2015 est ainsi formulé : 'Bonjour, je viens de découvrir que nous travaillons sur des sites amiantés'. Il s'agit là d'éléments de mauvaise communication et même de communication inexacte pour le second, sur une question sensible de sécurité, qui justifiaient largement la réaction de l'employeur.
En second lieu, M. [G] n'indique pas en quoi la chance d'annulation de l'avertissement aurait conduit la juridiction à lui octroyer des dommages et intérêts qu'il ne sollicitait pas de ce chef.
Le jugement sera confirmé sur ce premier point.
2.2. Sur la perte de chance d'obtenir des dommages et intérêts (15 000 euros) pour violation de l'obligation de sécurité.
Dans la logique de sa contestation de l'avertissement du 31 août 2015, M. [G] sollicitait devant le conseil de prud'hommes l'allocation d'une somme de 15 000 euros de dommages et intérêts pour avoir été personnellement exposé à un risque de contamination par l'amiante.
'En l'espèce, M. [E] [G] a été gravement exposé à l'amiante sur le site de Drancy, notamment lors du percement des dalles de sol le 7 juillet 2015, sans que son employeur ne l'ait informé... (il) avait donc toutes les chances de voir sa demande de réformation prospérer devant la cour d'appel de Versailles' (conclusions, pages 19-20).
La cour, en l'absence de toute attestation ou document produit par M. [G] au soutien de son affirmation, comme le tribunal, ne peut guère que se référer au 'compte rendu de retour d'expérience'(pièce 13) qui expose le déroulement des faits selon M. [G] et selon M. [L].
Il est exact que les affirmations de M. [L] selon lesquelles il aurait averti M. [G], 'dès le 1er rendez-vous [non daté] de la présence d'amiante dans la colle des dalles de sols et qu'il ne fallait pas percer' ne sont pas corroborées par des éléments de preuve. Le doute reste total sur la question de savoir si M. [G] avait été averti par son supérieur hiérarchique sur ce point.
Dans sa chronologie des événements, M. [G] indique avoir procédé à des percements (12 au maximum) à partir du mardi 7 juillet 2015 et indique avoir été conscient qu'il 'aurait dû stopper de suite le 10 juillet 2015", étant rappelé que sa qualification était celle de conducteur de travaux avec plusieurs années d'expérience.
Il est fait mention de présence d'amiante dans la colle des dalles ou, parfois, dans les dalles elles-mêmes, sans précision.
L'exposition à l'amiante éventuellement imputable à l'employeur serait donc de quelques jours, dans la colle des dalles ou dans les dalles elles-mêmes.
En l'absence d'indice de concentration particulière et de conséquence réelle sur la santé depuis les faits, une telle exposition, sans commune mesure avec les conditions d'exposition générant les indemnisations allouées par le Fonds de garantie des victimes de l'amiante, était de toute évidence insuffisante à générer un préjudice indemnisable ; de sorte que, de fait, le risque d'infirmation devant la cour d'appel de Versailles était nul.
Le jugement qui a rejeté toute perte de chance sur ce point sera également confirmé.
2.3. Sur la perte de chance d'obtenir des dommages et intérêts (35 000 euros) pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. [G] avait été embauché le 1er décembre 2008 par la société Ineo Com en qualité de conducteur de travaux. Il a été convoqué à un entretien de licenciement le 22 octobre 2015 et la lettre recommandée avec accusé de réception de licenciement est partie le 28 octobre, réceptionnée le lendemain. Il n'est pas contesté que le mal-fondé du licenciement de M. [G] ouvrirait droit à des sommes qui seraient proches de celles qu'il avait sollicitées (environ douze mois de salaires).
La question, comme pour les points précédents, est de savoir s'il avait des chances de voir son licenciement être déclaré sans cause réelle et sérieuse devant la cour d'appel de Versailles.
Il l'affirme à nouveau en appel de façon laconique :
'Il a subitement été licencié sans aucun motif réel et sérieux.
Il s'est en réalité retrouvé sans emploi pour avoir osé alerter ses supérieurs hiérarchiques sur l'existence d'amiante sur le chantier de [Localité 12] et a fortiori sur le non-respect des règles de sécurité et de santé par son employeur' (conclusions, page 18).
La lettre de licenciement est produite en pièce 2.
Il est fait à M. [G] trois séries de reproches :
- un comportement conflictuel et un non-respect des consignes données par la hiérarchie (mauvaise gestion du chantier de [Localité 9] avec [B] [F] en responsable d'affaires, intervention en quatre fois, 23 septembre 2015 : intervention en dépannage sans contrat, 28 septembre 2015 : absence de 3 heures le matin sans autorisation, excès de vitesse à [Localité 13] le 11 septembre 2015),
- une non-tenue de poste et de responsabilité (ultime non respect des délais sur le chantier de [Localité 12] malgré la mise au point sur la fin de chantier du 20 août 2015), absence en certains cas des équipements de protection (EPI),
- des problèmes de communication envers vos responsables hiérarchiques (depuis plusieurs mois vous n'arrivez plus à communiquer avec [Y] [L], votre RA, et ne communiquez que par mails, malgré la remarque de M. [O], votre RA principal, d'avoir à communiquer autrement, manque d'implication dans les difficultés, manque de capacité à reconnaître une faute, émission systématique d'une version différente de celle énoncée par les autres collaborateurs de l'agence, alors que celle-ci compte beaucoup sur le développement de cette nouvelle activité).
Le conseil de prud'hommes avait admis la réalité de ces griefs dans leur généralité, admettant que 'sur le chantier de Drancy, M. [G] a fait preuve d'une grande négligence et n'a pas pris les mesures nécessaires pour assurer le déroulement de son chantier dans de bonnes conditions de sécurité' et que, plus généralement, 'M. [G] exerçait ses fonctions avec négligence, entraînant des non-respects de délais dans ses chantiers, et qu'il avait des problèmes de communication avec sa hiérarchie. Il s'avère aussi que M. [G] se déchargeait sur les sous-traitants alors qu'il était censé être le pilote de ses chantiers'.
Comme l'a retenu à juste titre le premier juge, la mention par le jugement des négligences commises par M. [G] dans le chantier de [Localité 12] était 'critiquable' dès lors qu'elles avaient fait l'objet de l'avertissement du 31 août 2015.
Au delà de ce point secondaire, le premier juge a relevé les éléments décisifs suivants :
- chacun des reproches était détaillé par des explications circonstanciées faisant état de comportements précis, à des dates précises, ce qui est exact,
- les reproches étaient étayés par des attestations rédigées 'soit par des collègues' (MM. [F], [L], [S], en fait des supérieurs hiérarchiques), 'soit par des clients de la société Ineo' ([R] [N] de la société Nexity, [M] [A] de l'agglomération de [Localité 10], la Poste), ce qui est également exact et décisif,
- M. [G] contestait tous les griefs élevés contre lui, mais ne produisait aucun élément personnel et notamment aucune attestation de collègue, pour soutenir le bien fondé de ces contestations, ce qui est toujours exact à hauteur d'appel malgré la remarque du premier juge,
- si l'entretien annuel du mois du 24 mars 2015 fait effectivement état d'une adéquation du salarié aux niveaux attendus, d'un salarié 'très investi dans ses actions', de divers points forts, il n'en reste par moins qu'il est noté plusieurs réserves tel qu'un niveau à développer dans les courants forts, la programmation des réseaux, la nécessité de ne pas trop en dire au client, la gestion des outils Ineo Tertiaire et le suivi auto-contrôlé, motivation exacte au regard de la pièce citée (pièce 16), qui n'est pas critiquée à hauteur d'appel ; à laquelle il faut ajouter que l'entretien était fait avec un nouvel intervenant RH ('étant nouvellement arrivé, nous allons nous donner une année pour apprendre à découvrir [E]', 1ere page) et que les faits invoqués par la lettre de licenciement révèlent une incompatibilité de fonctionnement entre M. [G] et M. [L] qui s'est manifestée après cet entretien, à partir de juillet 2015 jusqu'au licenciement d'octobre 2015,
- que l'incident de juillet 2015 sur le chantier de [Localité 12], ayant motivé l'avertissement, a conduit M. [G] 'à recourir systématiquement aux courriels dans ses relations avec sa hiérarchie afin de garder trace de ses échanges', motivation qui ne reçoit aucune critique circonstanciée en appel, qui paraît exacte et suffisante pour fonder le licenciement d'un conducteur de travaux.
En l'état de ces motifs, dépourvus de critique en appel, et faute de production en appel de nouveaux éléments corroborant l'interprétation de M. [G], il a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que M. [G] n'avait aucune chance sérieuse de faire déclarer son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse en appel et d'obtenir des dommages et intérêts de ce chef.
Le jugement sera confirmé sur ce point encore.
3. Sur la perte de chance au titre de l'appel formé à l'encontre du jugement rendu le 2 mars 2017 par le tribunal d'instance de Puteaux.
M. [G] et Mme [W] [T] se sont mariés le [Date mariage 1] 2003.
En 2007, Mme [W] [T] a créé une SARL à associé unique, la SARL FSA, laquelle a pris en location-gérance le Café du théatre situé à [Localité 11] pour les années 2008, 2009 et 2010, puis une autre location-gérance à [Localité 8].
Les époux sont entrés en conflit en 2010. Mme [W] [T] a déposé à cette époque une requête en divorce.
M. [G] a revendiqué la qualité d'associé à hauteur de la moitié des parts sociales, le capital (3 000 euros) ayant été financé par des biens communs. Il a reproché en outre à son épouse d'avoir commis un certain nombre d'anomalies comptables et de détournements de fonds au préjudice de la communauté.
Par jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 5 avril 2012, au contradictoire de Mme [W] [T] et de la société FSA, M. [G] a été reconnu associé à hauteur de 50% des parts depuis le 24 février 2010.
Une procédure d'appel n'a pas eu de suite.
Un expert judiciaire, M. [J], désigné à la demande de M. [G], a conclu dans un rapport du 4 novembre 2014 à des détournements de recettes imputables à Mme [W] [T] à hauteur de 230 000 euros.
Nouveau gérant de la société FSA dans un contexte qui n'est pas exposé, M. [G] a reproché à divers avocats choisis par Mme [W] [T] d'être intervenus dans diverses procédures également pour la société FSA sans mandat de représentation.
La situation s'est arrangée avec certains.
Dans ce contexte, par actes des 27 mai et 30 mai 2016, M. [G] et la société FSA ont assigné devant le tribunal d'instance de Puteaux deux avocats, Maître [H] et Maître [K] aux fins de restitution d'honoraires et d'indemnisation de divers préjudices.
Au terme d'un jugement du 2 mars 2017, le tribunal d'instance de Puteaux a débouté M. [G] et la société FSA de toutes leurs demandes à l'encontre de ces deux avocats.
C'est l'appel de cette décision qui a été déclaré caduc faute pour Maître [I] [U] d'avoir régularisé ses conclusions d'appelante dans le délai requis.
En première instance, le tribunal judiciaire de Beauvais a débouté M. [G] de son action en responsabilité contre Maître [U], estimant que la faute de Maître [U] était restée sans conséquence, faute de toute chance d'obtenir la réformation du jugement du tribunal d'instance de Puteaux.
M. [G] reprend ses demandes devant la cour avec la même argumentation, sans faire référence aux motifs du jugement déféré. La cour doit ré-examiner la situation point par point.
3.1. Sur la demande formée contre Maître [H] relativement à la procédure devant le tribunal de commerce de Nanterre ayant abouti au jugement du 5 avril 2012.
Maître [H] avait été choisi par Mme [W] [T] dans cette procédure. Il s'était constitué, selon ses écritures, également pour la société FSA. C'est ce jugement qui a abouti à reconnaître à M. [G] la propriété de 50 % des parts.
Lors d'une audience de décembre 2011, Maître [H] avait demandé et obtenu le renvoi.
Selon M. [G], son conseil, Maître [Z], a facturé un honoraire supplémentaire de mise en état à hauteur de 813 euros (pièce 48) à cause de ce renvoi, somme que devrait lui rembourser Maître [H].
Néanmoins, comme le relève le premier juge, Maître [H] était bien le conseil de Mme [W] [T] et le report était motivé par le souhait de celle-ci de changer d'avocat, ce qui n'est pas remis en cause dans la procédure d'appel par M. [G]. La circonstance que Maître [H] se soit cru fondé à avoir mandat de repésentation également à l'égard de la société FSA, dans un contexte au demeurant fort obscur à l'époque, est totalement indifférente au regard de la facturation supplémentaire faite par Maître [Z].
A bon droit, le tribunal judiciaire de Beauvais a-t-il estimé que M. [G] n'avait aucune chance d'infirmation sur ce point devant la cour d'appel de Versailles.
Le jugement sera confirmé.
3.2. Sur la demande formée contre Maître [H] et contre Maître [K] relativement à l'appel contre le jugement rendu le tribunal de commerce de Nanterre.
Maître [H], avocat de Mme [W] [T], par un courrier du 1er juin 2012, sibyllin, a demandé à son confrère Maître [K] 'd'interjeter appel' du jugement du 5 avril 2012, appel qui a abouti à une déclaration de caducité faute de conclusions déposées dans le délai requis.
Néanmoins, expose M. [G], il a dû régler une facture de son avocat suite à cet appel (598 euros d'honoraire outre 150 euros de timbre et 54,37 euros de frais de signification), tous frais inutiles que Maître [H] et Maître [K] doivent lui rembourser.
La même remarque doit être faite sur ce point : Maître [H] était au moins l'avocat de Mme [W] [T], laquelle dirigeait le procès, et il aurait tout autant demandé à son confrère de relever appel, abstraction faite de la question de savoir s'il était bien mandaté également par la société FSA à l'époque. Ce raisonnement vaut aussi bien pour Maître [K], lequel, en outre, postulant, n'a fait qu'obéir aux instructions de son confrère.
Le tribunal d'instance de Puteaux a parfaitement jugé à l'époque en déboutant M. [G] et celui-ci n'avait pas plus de chance de réformation devant la cour sur ce point que sur le précédent.
La faute de Maître [U] est restée sans conséquence.
Le jugement doit sur ce point également être confirmé.
3.3. Sur la demande formée contre Maître [H] relativement à l'ordonnance rendue le 20 juillet 2012 par le président du tribunal de commerce de Nanterre.
Le 21 mai 2012, M. [G] a assigné en référé d'heure à heure devant le président du tribunal de commerce de Nanterre, Mme [W] [T], l'EURL FSA et une société d'expertise-comptable aux fins notamment de voir déclarer par le juge un certain nombre de points, de voir reconnaître les anomalies comptables commises par Mme [W] [T], de voir révoquer la gérante, de désigner un expert judiciaire, de lui allouer une provision.
Selon la page de garde de l'ordonnance, Maître [H] s'est présenté en défense comme avocat de Mme [W] [T] et de la société FSA.
M. [G] a été débouté par le juge des référés au constat de contestations sérieuses et a relevé appel devant la cour d'appel de Versailles, laquelle lui a donné partiellement gain de cause sur la demande d'expertise.
Par arrêt du 22 mai 2013 (pièce 35), la cour d'appel de Versailles a en effet constaté que la demande de révocation de la gérante était devenue sans objet et a désigné un expert judiciaire en la personne de M. [J].
M. [G] a demandé au tribunal d'instance de Puteaux de lui allouer le remboursement de ses frais (3 160, 39 euros dont 2 427, 50 euros d'honoraires d'avocat en appel, pièce 36) de procédure d'appel 'pour une procédure qui n'aurait jamais dû exister', demande dont il a été débouté.
En réalité, la mention de Maître [H] comme intervenant pour la société FSA est une erreur matérielle, l'ordonnance exposant les prétentions des parties dans le détail et précisant que l'EURL FSA ne comparaît pas (5e page de l'ordonnance, pièce 30) ; outre que cette supposée faute de Maître [H] est sans aucun rapport avec le constat de l'existence de contestations sérieuses par le juge des référés.
Là encore, il n'y avait aucune chance d'infirmation et la carence de Maître [U] est restée sans conséquence, le jugement devant en cela être confirmé.
3.4. Sur la demande de dommages et intérêts supplémentaire (10 000 euros et 19 000 euros).
D'une manière générale, la ou les supposées erreurs ou fautes de Maître [H] sont restées totalement sans conséquence sur le sort des procédures de première instance (assignation à bref délai et référé d'heures à heures).
A fortiori, aucuns dommages et intérêts supplémentaires ne devaient être accordés. M. [G] n'avait aucune chance de réformation devant la cour d'appel de Versailles.
La demande de dommages et intérêts formée contre Maître [U] a donc été rejetée à bon droit par le tribunal judiciaire de Beauvais.
En conclusion, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Beauvais le 14 juin 2021,
Condamne M. [E] [G] aux dépens d'appel et à payer à la société civile MMA IARD Assurances mutuelles et à la société anonyme MMA IARD la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT