ARRET
N°
[H], VEUVE [G]
C/
Société [10]
S.C.P. ANGEL HAZANE
S.C.I. [12]
CV
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 24 JANVIER 2023
F N° RG 20/03890 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H2CS
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SENLIS EN DATE DU 03 DÉCEMBRE 2019
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [N] [H], veuve [G]
[Adresse 3]
[Localité 7] (France)
Représentée par Me Philippe DUBOILLE, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160
ET :
INTIMEES
Société [10] agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean François CAHITTE de la SCP COTTIGNIES-CAHITTE-DESMET, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 05
Plaidant par Me Catherine BONNEAU, avocat au barreau de PARIS
S.C.P. [9] agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Assignée à étude, le 26/11/2020
S.C.I. [12] agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Assignée dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile, le 30/11/2020
DEBATS :
A l'audience publique du 08 Novembre 2022 devant Mme Cybèle VANNIER, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2023.
GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES assistée de Mme Anne-Lise LEPLUMEY, greffier stagiaire
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Cybèle VANNIER en a rendu compte à la Cour composée en outre de :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 24 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.
DECISION
Mme [N] [V] [C] [H] veuve [G] a acquis le 3 décembre 2011 un appartement et deux places de parking de la SCI [12] sis [Adresse 3] dans un immeuble collectif (lots n° 1,3,6).
Se plaignant de divers désordres notamment au regard de l'isolation de son appartement Mme [G] a sollicité en référé au contradictoire de la SCI [12] en qualité de vendeur et de la Sarl [13] en sa qualité de constructeur la mise en oeuvre d'une expertise à l'effet de déterminer les causes des défauts d'isolation et les moyens d'y remédier.
La société [13] a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Compiègne en date du 9 avril 2014.
Les opérations d'expertise ordonnées par ordonnance du 4 février 2014 et confiées à M. [W] ont été étendues au liquidateur de la société [13] et au syndic de la copropriété La Gestion familiale.
Mme [G] a déclaré sa créance auprès du liquidateur sous réserve d'actualisation après expertise et jugement sur le fond et un avis d'inscription à l'état des créances pour la somme de 10 000 euros dans l'attente de l'instance en cours a été rendu.
En effet parallèlement Mme [G] avait saisi au fond le tribunal de grande instance de Senlis en mettant en cause le vendeur, le constructeur et son liquidateur aux fins de voir déclarer entièrement responsables le vendeur et le constructeur des désordres d'occupation et de fixer sa créance à la procédure ouverte à l'encontre du constructeur.
A la suite de la radiation de cette procédure dans l'attente du rapport d'expertise, par exploits d'huissier en date des 25 août, 4 et 5 septembre 2017 Mme [G] a fait assigner la SCP [9] ès qualités de liquidateur de la Sarl [13], la SCI [12] et la compagnie d'assurances [10], assureur de la SARL [13] aux fins de voir au visa des articles 1792 et suivants du code civil et de l'article 15 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 joindre la procédure avec la précédente radiée , débouter la compagnie d'assurances [10] de ses demandes, de voir déclarer entièrement responsables des désordres subis dans son habitation la SCI [12] et la Sarl [13] qui en devront réparation in solidum, de voir fixer sa créance dans la liquidation judiciaire de la société [13] à la somme totale de 21377, 40 euros et condamner la société [10] à lui payer la même somme dans la limite de ses obligations contractuelles.
Par jugement du tribunal de grande instance en date du 3 décembre 2019, l'ensemble des demandes de Mme [G] a été rejeté et celle-ci a été condamnée à régler à la compagnie d'assurances [10] la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 28 juillet 2020 Mme [G] a interjeté appel de cette décision en l'ensemble de ses dispositions.
Par conclusions notifiées le 13 octobre 2021 Mme [G] demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et statuant de nouveau de débouter la compagnie d'assurances [10], de déclarer la SCI [12] et la Sarl [13] entièrement responsables des désordres subis dans son habitation, de dire qu'elles en devront in solidum entière réparation et en conséquence de fixer sa créance dans la liquidation judiciaire du constructeur et de voir condamner l'assureur du constructeur dans les limites de ses obligations contractuelles au paiement d'un montant de 20457,40 euros au titre de la réparation des désordres avec indexation sur l'indice des prix à la construction BT01 à compter du 7 juin 2015, de 670 euros au titre de l'indemnisation du surcoût de consommation électrique et de 250 euros en indemnisation du trouble de jouissance depuis novembre 2011.
Elle demande enfin la condamnation des intimées au paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens qui comprendront les frais du référé et de l'expertise et de première instance et d'appel dont distraction au profit de maître Duboille.
Par conclusions notifiées le 22 janvier 2021 la compagnie d'assurances [10] demande à la cour à titre principal de confirmer le jugement entrepris et si la cour ne faisait pas application de la nullité du contrat d'assurances, en cas de condamnation de débouter Mme [G] de l'ensemble des demandes, de réduire la demande relative à l'indemnisation du préjudice de jouissance à une durée ne pouvant excéder huit mois et le montant relatif à l'indemnisation du préjudice de jouissance au montant correspondant au surcoût de la consommation électrique, de dire que sa garantie est inapplicable et qu'elle est bien fondée à opposer les limites du contrat d'assurance qui comprend une franchise et un plafond s'agissant de ses garanties facultatives. En tout état de cause elle demande la condamnation de Mme [G] à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.
La déclaration d'appel a été signifiée à la SCP Angel Hazane en qualité de liquidateur de la société [13] par exploit d'huissier en date du 26 novembre 2020 mais la société [9] qui reconnaissait avoir eu connaissance de la déclaration d'appel avait indiqué préalablement par courrier du 17 août 2020 que la procédure de liquidation avait été clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 2 août 2018 et que sa mission avait donc pris fin.
Par ailleurs la déclaration d'appel a été signifiée à la société [12] et à son liquidateur M. [R] [M] par exploit d'huissier en date du 30 novembre 2020 converti en procès-verbal de recherches infructueuses.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 octobre 2022.
MOTIFS
Il sera observé que si Mme [G] demande que soit retenue la responsabilité de la société [12] et de la société [13] elle ne forme une demande de réparation qu'à l'encontre de la société [13] et l'assureur de celle-ci.
Sur la garantie de la compagnie d'assurances [10]
Le premier juge a tout d'abord considéré que la compagnie d'assurances étant intervenue volontairement aux opérations d'expertise le rapport d'expertise lui est opposable.
Il a par ailleurs retenu que l'intervention de la société [13] à l'opération de construction ne faisait aucun doute et qu'en outre la société [13] avait agi en qualité de contractant général, un seul contrat de louage d'ouvrage étant intervenu. Il en a déduit que la société avait fait une fausse déclaration sanctionnée d'une nullité du contrat dès lors qu'elle était de nature à modifier dans d'importantes proportions l'appréciation du risque par l'assureur.
Enfin il a débouté Mme [G] de ses demandes fondées exclusivement sur l'article 1792 du code civil, les désordres dénoncés étant existants lors de la réception de l'ouvrage.
Mme [G] maintient que la compagnie d'assurances a bien été convoquée aux opérations d'expertise et a reçu communication des notes de l'expert.
Elle soutient que l'intervention de la société [13] dans la construction qui n'a jamais été contestée par le gérant de la société ne peut être remise en cause et résulte notamment du titre de propriété et des factures déposées au rang des minutes du notaire.
Elle conteste le fait que la société [13] soit intervenue dans l'opération de construction comme contractant général dès lors que le lot électricité n'a pas été réalisé par ses soins.
Elle ajoute qu'il appartient à l'assureur de prouver la mauvaise foi de l'assuré et donc une réticence ou une fausse déclaration intentionnelle et s'interroge sur l'utilisation de clauses pré-imprimées susceptibles d'induire en erreur le cocontractant sans que celui-ci soit avisé de son obligation de répondre loyalement au questionnaire.
Enfin elle fait valoir que le défaut d'isolation thermique est nécessairement de nature décennale, l'impropriété à la destination de l'ouvrage pouvant être caractérisée en cas de défaut de performance énergétique et ne peut être considéré comme un désordre visible à la réception dès lors qu'il ne peut se révéler qu'au cours de l'occupation.
Elle soutient encore que la clause d'exclusion des désordres immatériels lui est inopposable et que le trouble de jouissance est la conséquence directe des malfaçons liées au défaut d'isolation.
La compagnie d'assurances [10] soutient à titre principal que la société [13] a procédé à une fausse déclaration sanctionnée par la nullité du contrat d'assurance.
Elle lui reproche en effet d'avoir expressément déclaré ne pas exercer l'activité de contractant général qui est celui qui s'engage à travers un contrat de louage d'ouvrage unique à ce que l'ouvrage soit réalisé dans son intégralité et livré au client peu important qu'il fasse appel ou non à de la sous-traitance .
Elle fait observer qu'en l'espèce il n'est produit aucun autre contrat de louage d'ouvrage relatif à la construction litigieuse ce qui est confirmé par les mentions de l'acte de vente.
A titre subsidiaire seulement elle maintient que le rapport d'expertise lui est inopposable contestant toute intervention aux opérations d'expertise dès lors que le cabinet [11] n'était nullement son représentant mais un conseiller technique de la société [13] et elle conteste l'intervention de son assurée faute de production des documents contractuels permettant de déterminer la nature et l'ampleur de la mission confiée ou la date de son intervention.
A titre encore plus subsidiaire elle conteste l'existence d'un désordre thermique l'appartement acquis étant classé en catégorie D et l'expert n'ayant fait aucune constatation ni investigation quant à la température ambiante pourtant relevée par son sapiteur à 21° à 8h du matin pour une température extérieure de 0°.
Elle ajoute qu'à supposer établi un désordre thermique, son caractère décennal n'est pas établi en l'absence de coût exorbitant de la consommation électrique , le préjudice financier étant chiffré par l'expert à 9,51 euros par mois.
Enfin elle fait valoir que le désordre lié au défaut d'isolation thermique était connu depuis le 30 novembre 2011et l'acte de vente du 3 décembre 2011 qui faisait état du diagnostic de performance énergétique plaçant l'appartement en catégorie D mais qu'il n'est pas justifié que les défauts aient fait l'objet de réserves lors de la réception et qu'il sont donc purgés et que les désordres liés au nez de marche saillants et à un dysfonctionnement de l'arrêt du volet de la fenêtre du séjour visibles lors de la réception ont nécessairement été purgés .
Elle fait valoir la clause d'exclusion des dommages immatériels et l'absence de justification du préjudice de jouissance.
Il convient de relever qu'aux termes des conditions particulières du contrat la liant à la compagnie d'assurances la société [13] a déclaré avoir la qualité d'entreprise et ne pas exercer d'activités de contractant général, ce terme étant défini expressément comme une personne physique ou morale qui s'engage au travers d'un contrat de louage d'ouvrage unique à la conception et la réalisation dans son intégralité d'un ouvrage et les conditions générales attiraient l'attention de l'assuré sur la déclaration du risque et des modifications de celui-ci mais aussi sur les conséquences d'une omission ou d'une déclaration inexacte conformément à l'article L 113-9 du code des assurances.
En l'espèce il ne peut être contesté au vu de l'acte notarié mais également des constatations et justificatifs apportés par les parties lors des opérations d'expertise que la société [13] a exécuté l'ensemble des travaux de construction ne sous-traitant que le lot électricité.
Elle a donc exercé une mission de contractant général en contradiction avec la déclaration ayant présidé à la prise en compte du risque assuré par son assureur aux termes de laquelle elle indiquait ne pas exercer d'activité de contractant général, cette notion étant précisément définie.
Cette déclaration mensongère et de nature à modifier dans d'importantes proportions l'appréciation du risque assuré doit conduire à prononcer la nullité du contrat d'assurance et la décision entreprise doit être confirmée sur ce chef.
S'agissant des désordres dénoncés il convient d'observer qu'à hauteur d'appel le procès-verbal de réception des travaux n'est pas davantage produit et qu'il n'est ainsi pas possible de connaître l'existence et la nature des réserves pouvant avoir été faites alors même qu'avant la réception des travaux une expertise amiable avait déjà été réalisée pour dénoncer divers désordres et notamment des difficultés quant à l'isolation thermique.
Il sera rappelé que les désordres apparents lors de la réception ne peuvent être pris en charge au titre de la garantie décennale.
A supposer que le désordre thermique n'ait pu être apprécié dans son ampleur au moment de la réception qui est néanmoins intervenue en décembre 2011 pour une prise de possession des lieux en novembre 2011 un défaut d'isolation therrmique en divers points du logement et une difficulté à obtenir une température ambiante satisfaisante ont été relevés par l'expert.
Il sera toutefois rappelé que le sapiteur a relevé une température extérieure de 0° et une température intérieure de 21+° à 8h du matin au mois de mars et que l'expert s'il a considéré que les désordres affectant l'isolation thermique avait une incidence sur la consommation électrique en raison de l'énergie nécessaire au chauffage des locaux, n'a cependant estimé l'impact de ces désordres qu'à 8% du montant moyen mensuel de la consommation électrique et le préjudice financier mensuel à 9,51 euros par mois.
Il sera à cet égard rappelé qu'en application de l'article L 113-13-1 du code de la construction et de l'habitation l'impropriété à destination en matière de défaut de performance énergétique suppose que le désordre conduise à une surconsommation énergétique ne permettant l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût exorbitant, ce qui n'est à l'évidence pas établi en l'espèce.
Mme [G] ne justifie pas en conséquence qu'elle était fondée à mettre en oeuvre la responsabilité de la société [12] ou de la société [13] sur le fondement de l'article 1792 du code civil et il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Il convient de condamner Mme [G] à payer à la société [10] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 et de la condamner aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de maître Cahitte.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition de la décision au greffe,
Confirme la décision entreprise;
Y ajoutant,
Condamne Mme [N] [V] [C] [H] veuve [G] aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de maître Cahitte ;
La condamne à payer à la compagnie d'assurances [10] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,