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24/01/2023 | FRANCE | N°20/03209

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 24 janvier 2023, 20/03209


ARRET



















[O]





C/



[M]

S.A. CIC NORD OUEST









CV





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 24 JANVIER 2023





F N° RG 20/03209 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HYXZ



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COMPIEGNE EN DATE DU 03 FÉVRIER 2020





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





Madame [K] [O]<

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[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 80











ET :







INTIMES







Monsieur [G] [M]

Chez Mme [Y] [Adresse 6]

[Localité 3]



Assigné à domicile, le 27/10/2020





S.A. CIC NORD OUEST, agissant poursuites et diligences en so...

ARRET

[O]

C/

[M]

S.A. CIC NORD OUEST

CV

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 24 JANVIER 2023

F N° RG 20/03209 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HYXZ

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COMPIEGNE EN DATE DU 03 FÉVRIER 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [K] [O]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 80

ET :

INTIMES

Monsieur [G] [M]

Chez Mme [Y] [Adresse 6]

[Localité 3]

Assigné à domicile, le 27/10/2020

S.A. CIC NORD OUEST, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Thibaut ROQUES de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat au barreau de SENLIS

DEBATS :

A l'audience publique du 08 Novembre 2022 devant Mme Cybèle VANNIER, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2023.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES assistée de Mme [B] [X], greffier stagiaire

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Cybèle VANNIER en a rendu compte à la Cour composée en outre de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 24 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

M. [G] [M] et Mme [K] [O] sont associés à parts égales de la SCI [M] [O], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Compiègne.

Par acte authentique du 5 décembre 2007, reçu par maître [F] [Z], notaire à [Localité 11], la SCI [M] [O] a souscrit auprès de la société Banque Scalbert Dupont - CIN (SA) un crédit immobilier d'un montant de 375.000 euros portant intérêts au taux annuel de 4,95% et remboursable en 300 mensualités, destiné au financement d'un bien immobilier sis Lieudit [Localité 13] à [Localité 10].

Se prévalant de plusieurs échéances impayées, le prêteur a prononcé le 28 juin 2013 la déchéance du terme du prêt susvisé.

La SA Banque CIC Nord-Ouest, se présentant en qualité de créancière poursuivante, a engagé, par acte d'huissier du 18 novembre 2014, une procédure de saisie-immobilière au terme de laquelle le bien immobilier financé a été adjugé à la société D.B. Promotion (SARL) pour un prix de 100.000 euros, suivant jugement rendu le 13 septembre 2016 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Senlis.

Suivant jugement du 12 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Senlis a notamment :

- prononcé la liquidation judiciaire de la SCI [M] [O];

- et désigné Me [W], de la SCP Leblanc [W] Hermont, en qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 octobre 2017, la SA Banque CIC Nord-Ouest a déclaré une créance à titre chirographaire de 318.002,78 euros au passif de la SCI [M] [O], compte tenu d'un règlement de 99.421,98 euros intervenu suite à la procédure de saisie immobilière susmentionnée.

Par lettre du 31 octobre 2018, Me [W], ès qualités, a délivré un certificat d'irrecouvrabilité à la SA Banque CIC Nord Ouest.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 février 2019, la SA Banque CIC Nord-Ouest a mis en demeure M. [M] et Mme [O], en leur qualité d'associés à parts égales de la SCI [M] [O], de lui régler chacun la moitié de sa créance déclarée, soit la somme de 167.597,12 euros.

Par actes d'huissier délivrés les 1er et 2 avril 2019, la SA Banque CIC Nord-Ouest a fait assigner M. [M] et Mme [O], en leur qualité d'associés de la SCI [M] [O], devant le tribunal de grande de Compiègne, aux fins de voir :

- condamner M. [M] à lui payer la somme de 167.597,12 euros, outre les intérêts au taux conventionnel qui continuent à courir;

- condamner Mme [O] à lui payer la somme de 167.597,12 euros, outre les intérêts au taux conventionnel qui continuent à courir;

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil;

- condamner M. [M] et Mme [O] à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens;

- et ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

M. [M] et Mme [O], quoique régulièrement cités à l'étude, n'ont pas comparu, ni été représentés à l'audience de première instance.

Suivant jugement réputé contradictoire du 3 février 2020, le tribunal judiciaire de Compiègne, a :

- condamné Mme [K] [O] à payer à la SA Banque CIC Nord-Ouest la somme de 167.597,12 euros avec intérêts au taux conventionnel de 4,95 % l'an à compter du 5 décembre 2018 sur la somme de 150.911,17 euros;

- condamné M. [G] [M] à payer à la SA Banque CIC Nord-Ouest la somme de 167.597,12 euros avec intérêts au taux conventionnel de 4,95 % l'an à compter du 5 décembre 2018 sur la somme de 150.911,17 euros;

- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière;

- rejeté les autres demandes, les demandes contraires ou plus amples;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision;

- et condamné in solidum M. [G] [M] et Mme [K] [O] à payer à la SA Banque CIC Nord-Ouest la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [O] a relevé appel de ce jugement expressément en tous ses chefs par déclaration d'appel du ler juillet 2020.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 29 septembre 2020, signifiées à M. [M] par acte d'huissier en date du 27 octobre 2020 remis à domicile Mme [O] demande à la cour d'infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau de déclarer la SA Banque CIC Nord Ouest irrecevable en ses demandes, de la débouter de ses demandes et à titre subsidiaire de dire que la banque a manqué à son devoir de mise en garde et de la condamner à lui payer la somme de 175000 euros à titre de dommages et intérêts et de débouter la banque de ses demandes sa créance n'étant ni certaine, ni liquide, ni exigible.

A titre plus subsidiaire elle demande que soit ordonnée la compensation entre les créances respectives des parties et à titre infiniment subsidiaire que lui soient accordés les plus larges délais de paiement.

En tout état de cause elle demande que la banque soit condamnée à lui verser la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel et dont distraction au profit de maître Guyot.

Suivant ordonnance de référé réputée contradictoire du 26 mai 2021, Mme la Première présidente de la cour d'appel d'Amiens a notamment:

- constaté l'accord intervenu entre Mme [K] [O] et la SA Banque CIC Nord-Ouest quant à l'aménagement de l'exécution provisoire ordonnée par jugement du 3 février 2020;

- autorisé en conséquence Mme [K] [O] à régler à la SA Banque CIC Nord-Ouest la somme de 300 euros par mois dans l'attente que soit tranché l'appel du jugement du 3 février 2020;

- et dit qu'à défaut de réglement d'une seule mensualité, l'exécution provisoire de la décision dont appel pourra être poursuivie par la SA Banque CIC Nord-Ouest.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 31 août 2022 et signifiées à M. [M] le 2 septembre 2022,la SA Banque CIC Nord Ouest demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions , de débouter Mme [O] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Drye- De Balliencourt-Le Tarnec-Maigret.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelante remises le 1er mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, Mme [K] [O] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté les autres demandes, les demandes contraires ou plus amples; et statuant à nouveau de déclarer la SA Banque CIC Nord-Ouest irrecevable en ses demandes, de la débouter en tout état de cause de toutes ses demandes, fins, moyens et conclusions.

A titre subsidiaire, au cas où, par impossible, la cour ne ferait pas droit à la fin de non-recevoir soulevée, de dire et juger que la SA Banque CIC Nord-Ouest a engagé sa responsabilité en ne respectant pas son obligation et devoir de conseil et de mise en garde de la banque à l'égard de Mme [O], de la condamner à lui verser la somme de 175.000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, de dire et juger que la créance de la SA Banque CIC Nord-Ouest n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible et de débouter de plus fort la SA Banque CIC Nord-Ouest de ses demandes;

A titre plus subsidiaire d'ordonner la compensation entre les condamnations qui seront prononcées à l'encontre des parties.

A titre infiniment subsidiaire, au cas où par impossible, il ne serait pas fait droit à ses demandes,de lui accorder les plus larges délais de paiement selon l'article 1343-5 du code civil ;

En tout état de cause, elle demande à la cour de condamner la SA Banque CIC Nord-Ouest à lui verser la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction est requise au profit de Maître Aurélie Guyot selon l'article 699 du code de procédure civile.

L'appelante a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appelante en date du 29 septembre 2020 à M. [G] [M] par acte d'huissier du 27 octobre 2020 remis à domicile.

M. [G] [M] n'a pas constitué avocat, mais a précisé dans une lettre adressée au greffe de la cour le 4 septembre 2020, qu'il n'entendait pas interjeter appel et acceptait la décision entreprise, en ce qu'elle le concerne.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2022, l'affaire ayant été renvoyée pour plaider à l'audience du 8 novembre 2022.

SUR CE

Sur la recevabilité des demandes de la SA Banque CIC Nord Ouest

L'appelante fait valoir le défaut de qualité à agir de la SA Banque CIC Nord Ouest aux motifs que le crédit litigieux a été consenti à la SCI [M] [O] par la banque Scalbert Dupont CIN et que la SA Banque CIC Nord-Ouest prétend détenir une créance de 167.597,12 euros à l'égard de Mme [O] sans justifier d'un acte de cession de créance à son profit de la créance de la banque Scalbert Dupont CIN, ni de l'information de la débitrice quant à cette prétendue cession, laquelle lui est, pour cette raison, inopposable.

La SA Banque CIC Nord-Ouest prétend à la recevabilité de ses demandes, précisant que la SA Banque Scalbert Dupont CIN a changé de dénomination sociale pour devenir la SA Banque CIC Nord-Ouest selon procès-verbal d'assemblée générale mixte du 6 mai 2010 et que les deux entités sont une même société immatriculée au RCS de Lille sous le numéro 455 502 096 de sorte que son intérêt à agir est démontré sans qu'elle n'ait à justifier d'une quelconque cession de créance.

Selon l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'existence du droit d'agir en justice s'apprécie à la date de la demande introductive d'instance.

Il ressort des pièces versées aux débats que la SA Banque Scalbert Dupont-CIN a consenti à la SCI [M] [O], par acte authentique du 5 décembre 2007 reçu par maître [F] [Z], notaire à [Localité 11], un crédit 'CIC Immo Prêt modulable' d'un montant de 375.000 euros portant intérêts au taux annuel de 4,95% (TAEG de 5,274%), remboursable en 300 mensualités de 2.181,30 euros, destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier sis Lieudit [Localité 13] à [Localité 10] et que la société anciennement dénommée 'Banque Scalbert Dupont-CIN' a déposé le 6 mai 2010 en l'étude de maître [I] [V], notaire associé à Lille, un extrait (sixième résolution) du procès-verbal d'une assemblée générale mixte du même jour ayant décidé notamment d'un changement de dénomination sociale, laquelle est devenue 'Banque CIC Nord-Ouest';

Par ailleurs par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 octobre 2017, la SA Banque CIC Nord-Ouest a déclaré entre les mains du liquidateur judiciaire de la SCI [M] [O] une créance à titre chirographaire d'un montant de 318.002,78 euros au passif de cette dernière, compte tenu d'un règlement de 99.421,98 euros intervenu suite à une procédure de saisie immobilière.

Le changement de dénomination sociale du prêteur n'entrainant pas un changement de sa personnalité juridique, la SA Banque CIC Nord-Ouest, anciennement dénommée 'Banque Scalbert Dupont -CIN', est recevable à poursuivre l'appelante en paiement de la créance litigieuse sans avoir à justifier d'une cession de créance, ni d'une information des co-emprunteurs quant à sa nouvelle dénomination sociale.

La SA Banque CIC Nord-Ouest disposant de la qualité à agir en l'espèce, il convient de débouter Mme [K] [O] de la fin de non-recevoir qu'elle soulève au titre du défaut de la qualité à agir.

Sur le principe de la créance

La SA Banque CIC Nord-Ouest demande la confirmation du jugement entrepris, notamment en ce qu'il a retenu le bien fondé de sa créance au visa des articles 1857 et 1858 du code civil, étant rappelé qu'elle dispose d'un certificat d'irrécouvrabilité de la dette, délivré le 31 octobre 2018 par le mandataire liquidateur de la SCI [M] [O] et qu'au 5 décembre 2018, date du dernier décompte, la créance litigieuse s'élevait à la somme de 335.194,25 euros, de sorte que chacun des co-associés à parts égales de la SCI [M] [O] restent lui devoir la somme de 167.597,12 euros.

En application de l'article 1857 du code civil dans les sociétés civiles, les associés répondent indéfiniment à l'égard des tiers des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.

Il est admis que les associés d'une société civile demeurent tenus personnellement à l'égard des créanciers sociaux même en cas de procédure collective de cette société.

Selon l'article 1858 du code civil, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

Il est admis que dans le cas où la société est soumise à une procédure de liquidation judiciaire, la déclaration de la créance à la procédure dispense le créancier d'établir que le patrimoine social est insuffisant pour le désintéresser.

En l'espèce, les pièces versées aux débats établissent que M. [G] [M] et Mme [K] [O] détiennent chacun pour moitié les 100 parts sociales du capital fixé à 1.000 euros de la SCI [M] [O] que la SCI [M] [O] a souscrit auprès de la SA Banque Scalbert Dupont-CIN, par acte authentique du 5 décembre 2007, le crédit 'CIC Immo Prêt modulable' susmentionné, destiné à financer un bien immobilier sis Lieudit [Localité 13] à [Localité 10], que suivant le jugement précité du 12 octobre 2017, le tribunal de grande instance de Senlis a prononcé la liquidation judiciaire de la SCI [M] [O], que par LRAR du 24 octobre 2017, la SA Banque CIC Nord-Ouest, anciennement dénommée Banque Scalbert Dupont-CIN, a déclaré au passif de la SCI [M] [O] une créance chirographaire d'un montant de 318.002,78 euros, déduction faite d'un règlement de 99.421,98 euros intervenu dans le cadre de la procédure de saisie immobilière précitée, au titre du solde restant dû en exécution du prêt litigieux.

De plus par lettre du 31 octobre 2018, maître [W], ès qualités de mandataire liquidateur de la SCI [E], a délivré un certificat d'irrecouvrabilité à la SA Banque CIC Nord-Ouest.

Or ce n'est que par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 février 2019 que la SA Banque CIC Nord-Ouest a mis en demeure M. [M] et Mme [O], en leur qualité d'associés à parts égales de la SCI, de lui régler chacun la moitié de sa créance déclarée, soit la somme de 167.597,12 euros, selon un dernier décompte arrêté au 5 décembre 2018 [soit 335.194,25 euros / 2].

Par suite, il est démontré que la SA Banque CIC Nord Ouest, anciennement dénommée Banque Scalbert Dupont-CIN, a préalablement et vainement poursuivi la SCI [M] [O], avant de poursuivre les co-associés à part égales de cette dernière, M. [M] et Mme [O], afin qu'ils répondent chacun pour moitié de la créance litigieuse, conformément aux articles 1857 et 1858 précités du code civil.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la créance litigieuse était bien fondée en son principe.

Sur le montant de la créance

Mme [O] soutient que la créance de la banque n'est ni certaine, ni liquide, ni exigible, aux motifs que différentes mesures de saisie-attribution ont été diligentées par le prêteur pendant la crise sanitaire, lesquelles ont rendu incertain le montant de la créance et que suite à la notification du jugement entrepris, elle a versé plusieurs mensualités de 300 euros en remboursement de la créance de sorte qu'il convient de débouter la SA Banque CIC Nord-Ouest de sa demande à défaut d'actualiser sa créance au vu de l'ensemble des réglements déjà effectués.

La SA Banque CIC Nord-Ouest prétend à l'inverse que sa créance est certaine, liquide et exigible, étant précisé qu'elle dispose d'un titre exécutoire arrêté au 5 décembre 2018 pour un somme totale de 335.194,25 euros, soit 167.597,12 euros par co-associé de la SCI [M] [O].

Il ressort des pièces versées aux débats par la banque que suivant jugement précité du 13 septembre 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Senlis a notamment adjugé le bien immobilier financé par le prêt litigieux à la SARL DB Promotion moyennant le prix de 100.000 euros que la SA Banque CIC Nord-Ouest a déclaré au passif de la SCI [M] [O] une créance chirographaire de 318.002,78 euros, déduction faite d'un règlement de 99.421,98 euros intervenu dans le cadre de la procédure de saisie immobilière susmentionnée, au titre du solde restant dû en vertu du prêt litigieux et que selon un dernier décompte produit par le prêteur, arrêté au 5 décembre 2018, la créance litigieuse s'élève à 335.194,25 euros, déduction faite de remboursements à hauteur de 99.421,98 euros effectués depuis le 29 juin 2013.

Mme [O] ne justifie pas de la mesure de saisie-attribution du 29 mai 2020, dont elle se prévaut, ni des réglements mensuels de 300 euros qu'elle prétend avoir effectués postérieurement au 5 décembre 2018 et conformément à l'autorisation qui lui a été donnée par Mme la Première présidente de la cour d'appel d'Amiens, suivant ordonnance de référé précitée du 26 mai 2021, de procéder ainsi à l'exécution provisoire du jugement entrepris dans l'attente du présent arrêt.

Dans ces conditions, il convient de constater que la créance litigieuse est certaine, liquide et exigible pour une somme totale de 335.194,25 euros, selon un dernier décompte du 5 décembre 2018 et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné notamment Mme [O], en sa qualité de co-associée à parts égales de la SCI [M] [O], à payer à la SA Banque CIC Nord Ouest la somme de 167.597,12 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 4,95% l'an, à compter du 5 décembre 2018, sur la somme de 150.911,17 euros, correspondant à la moitié du capital restant dû à cette date en application du crédit litigieux, étant précisé que ces intérêts feront l'objet, sur demande de la créancière poursuivante, d'une capitalisation annuelle dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la demande subsidiaire de condamnation de la banque au titre de son obligation de conseil et de son devoir de mise en garde de l'emprunteur

Mme [O] fait valoir que les établissements de crédit sont tenus d'un devoir de mise en garde préalable, en considération des capacités financières et risques d'endettement corrélatifs de l'emprunteur, étant souligné qu'au vu de la responsabilité illimitée des associés d'une SCI pour les dettes sociales, ce devoir s'applique tant à la société, qu'aux associés la composant.

Elle soutient qu'au jour de la conclusion du prêt litigieux, le 5 décembre 2007, la SCI [M] [O] justifiait d'un capital social de 1.000 euros, à l'exclusion de tout autre actif, ce qui ne lui permettait pas d'honorer des mensualités de 2.282,55 euros, étant précisé qu'à cette date, le patrimoine personnel de l'appelante ne couvrait pas le risque financier d'une telle charge de remboursement, que les époux [E] venaient de se marier, ne disposaient d'aucun patrimoine commun, étaient logés à titre gratuit dans le logement de fonction de M. [M] - caserne de pompiers de [Localité 9], que la totalité de leurs économies personnelles, soit la somme de 30.000 euros, était inférieure aux frais de notaire de 35.675 euros facturés dans le cadre de l'acquisition du bien immobilier financé et que M. [M] a dû solliciter auprès de ses parents une aide financière de 11.000 euros, afin de finaliser l'opération;

Elle ajoute que la défaillance de la SCI était prévisible et inévitable au vu de la disproportion manifeste du crédit souscrit, d'autant que la banque avait connaissance de la destination du bien financé et ne pouvait ignorer la difficulté d'une location dans une commune à faible attractivité, de sorte qu'en s'abstenant d'avertir l'appelante sur le risque de défaillance de la SCI, la banque a manqué à son devoir de mise en garde et engagé sa responsabilité.

Elle soutient que son préjudice subséquent, constitué par une perte de chance de ne pas contracter, s'élève à une somme de 175.000 euros correspondant au préjudice économique subi du fait de la revente à perte de l'immeuble financé [(434.238 - 100.000 euros) / 2], outre les frais et sommes restant dues au titre du prêt en cause.

La SA Banque CIC Nord Ouest soutient pour sa part que le devoir de mise en garde du banquier qui consiste dans le fait d'alerter l'emprunteur sur ses capacités financières et le risque d'endettement né de l'octroi du prêt, est exclu à l'égard des associés d'une société civile immobilière.

Elle ajoute qu'elle n'a commis aucun manquement à son devoir de conseil en l'espèce, que la somme de 35.675 euros mentionnée par l'appelante correspondait au solde versé à la signature de l'acte authentique de l'apport personnel des co-emprunteurs, sachant que M. [M] avait déjà versé une somme de 20.325 euros à titre de provision sur frais de notaire lors de la signature du compromis, et qu'il ne lui appartenait pas d'alerter les époux [E] sur l'opportunité ou les risques de l'opération financée indépendamment de leurs capacités financières et du risque d'endettement corrélatif, d'autant que l'appelante connaissait parfaitement la région, travaillait dans le secteur du tourisme et de l'hôtellerie et que le projet professionnel des époux [E] s'inscrivait également dans un projet de vie familial et de résidence principale.

Il est admis que lorsque l'emprunteur est une société civile immobilière, seule celle-ci est créancière de l'obligation de mise en garde et non ses associés, même si ceux-ci sont tenus indéfiniment des dettes sociales, et que le caractère averti de cet emprunteur s'apprécie en la seule personne de son représentant légal et non en celle de ses associés.

Il résulte des statuts de la SCI que Mme [O] était désignée comme la première gérante en 2007.

Il n'est pas contesté que la SCI [E] a contracté le prêt litigieux en étant représentée par M. [M] et Mme [O], agissant en leurs qualités de co-associés.

Par ailleurs il n'est pas davantage contesté que Mme [O] et même son époux, n' auraient pas conféré à la SCI [E] la qualité d'emprunteur averti en considération de leur expérience, de leur formation ou de leur compétence particulières en matière financière, étant précisé qu'il ressort des pièces produites par la banque que lors de la souscription du prêt en cause, le 5 décembre 2007, M. [M] était sapeur pompier de Paris et Mme [O] exerçait des fonctions salariées de coordinatrice de séminaires et banquets pour une société hôtelière.

La banque était donc tenue à l'égard de la SCI [E] d'observer un devoir de mise en garde consistant d'une part, à vérifier les capacités financières de cette dernière et d'autre part, à l'alerter, le cas échéant, sur les risques d'endettement excessif nés de l'octroi du prêt en cause.

Elle n'était toutefois pas tenue à l'égard de Mme [O] à titre personnel d'un devoir de mise en garde.

Or la prétention dont la cour est saisie au titre d'un manquement prétendu de la banque à son devoir de mise en garde n'est pas formulée par l'unique créancière de cette obligation, la SCI [E], ni par son mandataire liquidateur, Me [W], de la SCP Leblanc [W] Hermont, lesquels ne sont pas parties à l'instance, mais par une co-associée agissant à titre personnel, Mme [O] qui demande la réparation du préjudice lié à la perte de chance de ne pas contracter alors même qu'elle n'était pas à titre personnel la cocontractante de la banque.

L'appelante agissant à titre personnel ne peut demander la condamnation du prêteur au versement de dommages et intérêts en lieu et place de la SCI [E], il convient de la débouter de sa demande, sans examiner plus avant les moyens des parties sur ce point.

Sur les délais de paiement

Mme [O] prétend à l'octroi de délais de paiement au visa de l'article 1343-5 du code civil, compte tenu de ses revenus (salaire de 2.650 euros en qualité de directrice des ventes de l'Auberge du Jeu de Paume à [Localité 7]) et charges déclarés (total mensuel de 1.261,32 euros, outre des taxes annuelles d'habitation et d'ordures ménagères à hauteur de 419 euros), ainsi que des besoins du créancier.

La SA Banque CIC Nord Ouest s'y oppose, faisant valoir que l'appelante ne justifie pas de sa situation actuelle, étant observé qu'elle ne travaillerait plus pour l'Auberge du jeu de paume à [Localité 7], mais en Bretagne, dans le secteur de l'hôtellerie.

Selon l'article 1343-5 du code civil le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Il ressort des pièces versées aux débats que l'appelante ne justifie pas de ses revenus et charges actuels, mais de salaires perçus de janvier à mars 2020, alors qu'elle exerçait des fonctions de responsable commercial pour l'Hôtel [Localité 8] ([Localité 8]), de charges concernant une maison sise [Adresse 1] à [Localité 12] et d'un avis de situation déclarative 2020 concernant l'impôt sur ses revenus de l'année 2019 alors que sa situation professionnelle aurait évolué à plusieurs reprises depuis mars 2020, à en croire une capture d'écran de son profil sur le réseau social 'LinkedIn' réalisée le 29 août 2022 par la SA Banque CIC Nord-Ouest.

Par ailleurs, l'appelante ne produit aucun élément au soutien de l'exécution de l'ordonnance de référé réputée contradictoire du 26 mai 2021, aux termes de laquelle Mme la première présidente de la cour d'appel d'Amiens l'avait notamment autorisée, en vertu d'un accord intervenu avec la créancière poursuivante, à aménager l'exécution provisoire du jugement entrepris par des réglements mensuels de 300 euros.

Dès lors, il convient de débouter Mme [O] de sa demande de délais de paiement.

Sur les demandes accessoires

L'appelante, qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Drye - De Balliencourt - Le Tarnec - Maigret, qui le demande, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Enfin, il ne parait pas inéquitable de condamner Mme [O] à payer à la SA Banque CIC Nord-Ouest une somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

Déboute Mme [K] [O] de ses demandes de dommages et intérêts , de compensation et de délais de paiement;

Condamne Mme [K] [O] à payer la somme de 1.000 euros à la SA Banque CIC Nord-Ouest en application de l'article 700 du code de procédure civile'au titre des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel ;

Condamne Mme [K] [O] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Drye - De Balliencourt - Le Tarnec - Maigret, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/03209
Date de la décision : 24/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-24;20.03209 ?
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