ARRET
N°
S.A.R.L. HEMOND PITOIS MENUISERIE
C/
S.A.S. ETABLISSEMENTS DECAYEUX
FLR
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 17 JANVIER 2023
N° RG 21/02316 - N° Portalis DBV4-V-B7F-ICWS
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 30 DÉCEMBRE 2020
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.R.L. HEMOND PITOIS MENUISERIE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Hervé SELOSSE-BOUVET, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 81
Ayant pour avocat plaidant, Me Susana MADRID, avocat au barreau d'Orléans
ET :
INTIMEE
S.A.S. ETABLISSEMENTS DECAYEUX, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Patrice DUPONCHELLE de la SCP VAN MARIS-DUPONCHELLE, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 106
DEBATS :
A l'audience publique du 22 Novembre 2022 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2023.
GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Françoise LEROY-RICHARD, en a rendu compte à la Cour composée de :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 17 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.
DECISION
Le 24 février 2020 la Société Hemond Pitois a commandé à la Sas Decayeux, avec qui elle est en relation d'affaires depuis 30 ans, des blocs portes fenêtres qui ont été livrés le 22 juin 2020.
Se prévalant de la défectuosité de deux blocs portes (vitres fissurées) la société Hemond Pitois menuiserie a attrait la Sas Decayeux devant le tribunal de commerce d'Amiens par acte d'huissier du 21 septembre 2020 pour qu'il lui soit enjoint sous astreinte de fabriquer à nouveau les deux éléments endommagés.
Par jugement contradictoire du 30 décembre 2020 le tribunal de commerce d'Amiens a rejeté l'exception de nullité de l'assignation, débouté la société Hemond Pitois menuiserie et l'a condamnée à payer à la Sas Decayeux la somme de 3 072 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du jugement, 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par déclaration en date du 28 avril 2021 la Sarl Hemond Pitois menuiserie a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions remises le 6 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la Sarl Hemond Pitois mensuiserie demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel, de condamner la Sas Decayeux à procéder au remplacement de deux portes à ses frais et à défaut de lui payer la somme de 2 560 € de dommages et intérêts, 2 000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive, 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens dont recouvrement direct au profit de maître Doucet avocat au barreau d'Orléans.
Par conclusions remises le 3 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la Sas Decayeux demande à la cour de confirmer le jugement dont appel, de condamner la Sarl Hemond Pitois mensuiserie à lui payer 1 000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive, 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
SUR CE :
L'appelante soutient que la société Decayeux a engagé sa responsabilité contractuelle au sens de l'article 1231-1 du code civil en lui livrant deux blocs portes endommagés. Elle soutient que cette défectuosité trouve sa cause dans la réalisation par la Sas Decayeux d'un emballage inadapté au transport de ces produits.
Elle fait remarquer que si elle n'a pas déballé les produits à réception elle a émis des réserves sur le bon de livraison, réserves dont elle a informé la Sas Decayeux qui a accusé réception des réclamations dès le 23 juin 2020 et a accepté dans un premier temps de prendre à sa charge le remplacement des deux éléments défectueux puis dans un second temps s'est rétractée.
Elle affirme que si le transfert de propriété s'opère lors de la conclusion du contrat il n'en demeure pas moins qu'en application de l'article 1197 du code civil l'obligation de délivrer la chose emporte également obligation de la conserver jusqu'à sa délivrance ce que la Sas Decayeux a été défaillante à faire. Elle ajoute que la Sas Decayeux ne rapporte pas la preuve qu'elle a emballé les marchandises dans les règles de l'art et qu'elle reconnaît que son atelier a omis d'emballer le vitrage entre deux planches.
Elle se prévaut pour démontrer la défaillance de la Sas Decayeux dans l'emballage des produits commandés, de la lettre de voiture contenant la formule « vitrage apparent non emballé, sous réserve de déballage de l'ensemble de la marchandise », d'échanges de courriels, d'un constat d'huissier et du film des caméras de surveillance contenant des images de la livraison litigieuse.
La Sas Decayeux soutient que le jugement doit être confirmé à défaut pour l'acheteur d'avoir mis en 'uvre dans les délais la procédure de l'article L.133-3 du code de commerce, que par ailleurs si elle a accepté dans un souci de maintenir les relations commerciales anciennes de prendre en charge le coût de re-fabrication d'un élément cette proposition ne vaut pas reconnaissance de responsabilité et qu'enfin en application de l'article L.132-7 du code de commerce elle n'a pas à assumer les risques de détérioration ou de perte de la marchandise et que cette règle est mentionnée dans les conditions générales de vente. Elle ajoute qu'en cas de vente sous clause de réserve de propriété comme en l'espèce les risques sont à la charge de l'acheteur dès la délivrance des marchandises vendues.
Elle fait également valoir que la société Hemond Pitois mensuiserie ne rapporte pas la preuve que les éléments achetés ont été mal emballés. Elle fait remarquer que le transporteur n'a émis aucune réserve au chargement, que le constat d'huissier produit est tardif pour être qualifié de preuve probante et que la vidéo ne garantit pas la sécurité des informations y figurant.
La présente espèce porte sur une action en responsabilité contractuelle dirigée par l'acheteur à l'endroit du vendeur et non sur une action du vendeur ou de l'acheteur à l'endroit du transporteur.
L'article L.133-3 du code de commerce qui prévoit que la réception des objets transportés éteint toute action contre le voiturier pour avarie ou perte partielle si dans les trois jours, non compris les jours fériés qui suivent celui de la réception, le destinataire n'a pas notifié au voiturier, par acte extra judiciaire ou par lettre recommandée, sa protestation motivée, n'est pas applicable dans la relation entre le vendeur et l'acheteur de sorte que ce premier moyen opposé par la Sas Decayeux pour écarter sa responsabilité contractuelle tirée de son manquement dans l'obligation de délivrance est inopérant.
Aux termes de l'article L.132-7 du code de commerce il revient à celui à qui la marchandise appartient de supporter le risque de la disparition ou de la détérioration de la chose sauf convention contraire.
Aux termes des conditions générales de vente le transfert à l'acheteur de la propriété des marchandises vendues est suspendu jusqu'au paiement intégral du prix. (') Les risques sont mis à la charge de l'acheteur dès la délivrance de marchandise sous réserve de propriété. Il devra en assurer à ses frais risques et périls la conservation l'entretien et l'utilisation.
Selon l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
En l'espèce si la société Decayeux demeure propriétaire des biens vendus qui n'ont pas été payés en totalité par la société Hemond Pitois menuiserie, il pèse sur cette dernière l'obligation de les conserver en application des conditions générales qui lui sont opposables en raison de l'ancienneté des liens contractuels liant les parties depuis 30 ans.
Il résulte de la lettre de voiture renseignée le jour de la livraison, soit le 22 juin 2020, que le vitrage était apparent et non emballé et que la livraison était acceptée sous réserve de déballage.
Il ne ressort pas du film de vidéo surveillance daté du 22 juin 2020 et des mentions portées sur la lettre de voiture qu'alors que le vitrage était pour partie apparent, des fissures y étaient visibles alors que pour fonder son action la société Hemond Pitois menuiserie se prévaut d'un procès-verbal d'huissier établi le 3 septembre 2020 soit trois mois plus tard comprenant la photographie des vitres litigieuses fêlées de haut en bas.
Dans ces circonstances, outre le fait que la société Hemond Pitois a l'obligation de conserver les biens achetés à ses risques et périls, les éléments versés au débat par elle, qui sont contradictoires et distants dans le temps de plus de trois mois, sont insuffisants à démontrer que les fissures litigieuses sont la conséquence d'une erreur d'emballage commise par la Sas Decayeux, peu importe qu'un membre de l'atelier de la Sas Decayeux fasse état d'un emballage réalisé cette fois-là de façon différente dans la mesure où seuls deux éléments livrés sont litigieux et non la totalité de la livraison dont une partie a été acceptée et utilisée.
En conséquence c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté la société Hemond Pitois de ses demandes et l'ont condamnée à payer le solde de ses factures.
La Sas Decayeux ne démontrant pas que la société Hemond Pitois menuiserie a abusé de son droit d'ester en justice, il convient de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
La société Hemond Pitois menuiserie qui succombe supporte les dépens et est condamnée à payer à la Sas Decayeux la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition ;
Confirme le jugement :
Y ajoutant ;
Déboute la Sas Decayeux de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Condamne la société Hemond Pitois menuiserie à payer à la Sas Decayeux la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Hemond Pitois menuiserie aux dépens d'appel.
Le Greffier, La Présidente,