ARRET
N°
S.A. FRANFINANCE
C/
[Z]
[Z]
S.A. FRANCE PAC ENVIRONNEMENT
S.E.L.A.R.L. S21Y
CD/SGS
COUR D'APPEL D'AMIENS
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU DOUZE JANVIER
DEUX MILLE VINGT TROIS
Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 20/04380 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H3BO
Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE LAON DU VINGT SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT
PARTIES EN CAUSE :
S.A. FRANFINANCE, Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Marc ANTONINI de la SCP ANTONINI ET ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
APPELANTE
ET
Monsieur [U] [Z]
né le 06 Mars 1969 à [Localité 9] (02)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
Madame [F] [Z]
née le 02 Juillet 1973 à [Localité 9] (02)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentés par Me CANAL, avocat au barreau D'AMIENS
Ayant pour avocat plaidant Me Grégory ROULAND, avocat au barreau de
PARIS
S.A. FRANCE PAC ENVIRONNEMENT, Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Dominique ANDRE, avocat au barreau D'AMIENS
INTIMES
S.E.L.A.R.L. S21y prise en la personne de Maître [P] [B] désigné ès-qualités de mandataire liquidateur de la société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT, suivant jugement d'ouverture de liquidation judiciaire du Tribunal de commerce de CRETEIL du 15 septembre 2021
[Adresse 6]
[Localité 8]
Assignée à secrétaire le 20/01/2022
PARTIE INTERVENANTE
DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :
L'affaire est venue à l'audience publique du 10 novembre 2022 devant la cour composée de Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.
A l'audience, la cour était assistée de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
Sur le rapport de Mme Christina DIAS DA SILVA et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCÉ :
Le 12 janvier 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.
*
* *
DECISION :
A la suite d'un démarchage de la société France Pac Environnement, M. [U] [Z] lui a acheté un chauffe eau thermodynamique ainsi qu'un kit photovoltaïque composé de 12 panneaux solaires pour un montant total de 24 500 euros. Le bon de commande a été signé le 3 mai 2017.
Suivant offre préalable acceptée le 11 mai 2017, M. [Z] et son épouse Mme [F] [Z] ont souscrit auprès de la société Franfinance un crédit affecté d'un montant de 24 500 euros remboursable en 12 mensualités au taux de 5,80 %.
Le matériel acheté a été installé au domicile des époux [Z].
Suivant exploit délivré le 20 août 2019, les époux [Z] ont fait assigner la société France Pac Environnement et la société Franfinance au visa des articles L 111-1 et suivants, L 121-17, L 312-48 et R 111-12 du code de la consommation aux fins de voir prononcer la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté.
Par jugement du 27 juillet 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Laon a :
- prononcé l'annulation du contrat de fourniture et d'installation conclu le 3 mai 2017 entre la société France Pac Environnement et M. [Z],
- dit que la société France Pac Environnement sera tenue de procéder à la dépose et à la récupération du matériel fourni à M. [Z] ainsi qu'à la remise en état de la toiture de l'immeuble et de l'ensemble de ses éléments conformément aux règles de l'art et dans le même état qu'au jour de la signature du contrat, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la décision sous astreinte de 50 euros par jour de retard courant à compter de l'expiration de ce délai,
- prononcé l'annulation du contrat de prêt affecté du 11 mai 2017 souscrit par M. et Mme [Z],
- constaté l'existence d'une faute de la société Franfinance la privant de son droit à restitution,
- condamné la société Franfinance à rembourser aux époux [Z] les sommes qu'elle a perçues au titre du crédit du 11 mai 2017 évaluées à 26 404,64 euros,
- rejeté toutes autres demandes des parties,
- condamné la société France Pac Environnement à payer aux époux [Z] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les sociétés France Pac Environnement et Franfinance de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés France Pac Environnement et Franfinance aux dépens.
Par déclaration du 26 août 2020, la société Franfinance a interjeté appel de cette décision.
La société France Pac Environnement a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 15 septembre 2021.
Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 14 septembre 2022 la société Franfinance demande à la cour de :
- infirmer en son intégralité le jugement entrepris,
- statuant à nouveau,
- à titre principal,
- déclarer les époux [Z] irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes,
- en conséquence les en débouter,
- à titre subsidiaire si la cour confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat principal et la nullité du crédit affecté,
- constater que la société Franfinance n'a commis aucune faute en procédant au déblocage des fonds,
- en conséquence dire et juger que la société Franfinance ne sera pas tenue de restituer les sommes perçues au titre du contrat de crédit affecté,
- en tout état de cause,
- condamner la société France Pac Environnement à la garantir de toutes condamnations éventuellement prononcées à son encontre,
- en conséquence fixer au passif de la société France Pac Environnement, placée en liquidation judiciaire, la créance de la société Franfinance,
- condamner in solidum les époux [Z] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 1er septembre 2022, les époux [Z] demandent à la cour de :
- débouter la société Franfinance de ses demandes dirigées contre eux,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et condamner la société Franfinance à leur restituer la somme de 26 404,64 euros,
- pour le surplus déclarer qu'ils devront tenir à la disposition de la SELAR S21Y prise en la personne de Me [B] l'intégralité des matériels installés par la société France Pac Environnement durant un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt et que passé ce délai ils pourront procéder à leur démontage et les porter dans un centre de tri à leurs frais personnels,
- condamner la société Franfinance à leur payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par acte d'huissier du 20 janvier 2022 remis à personne habilitée, la SELAR S21Y prise en la personne de Me [B] en sa qualité de mandataire liquidateur de la société France Pac Environnement, appelée en intervention forcée par la société Franfinance, n'a pas constitué avocat.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 octobre 2022 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 10 novembre suivant.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- sur le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société Franfinance
La société Franfinance, qui dans le dispositif de ses conclusions, demande de déclarer les époux [Z] irrecevables en leurs demandes, n'invoque aucun moyen à l'appui de l'irrecevabilité soulevée. Ce moyen ne peut donc prospérer.
- sur la nullité du contrat de vente
La société Franfinance fait valoir que le contrat de vente conclu avec la société France Pac Environnement est parfaitement valable et qu'il a été régulièrement exécuté ; que l'installation a bien été raccordée aux réseaux postérieurement à la pose des panneaux photovoltaïques et M. [Z] reconnaît même qu'il a perçu chaque année des revenus grâce à cette installation.
Elle ajoute qu'elle n'a commis aucune faute puisqu'elle a libéré les fonds sur instruction de l'emprunteur.
Les époux [Z] plaident qu'ils n'ont pas été en mesure de connaître le prix réel des matériaux et services vendus de sorte qu'ils n'ont pas pu les comparer avec ceux des concurrents ; que le contrat de vente ne contenait aucun planning des délais quant aux déroulement des travaux ; que le contrat de vente doit donc être annulé. Ils ajoutent que la société Franfinance n'a pas vérifié la validité du contrat de vente avant de débloquer les fonds seulement 18 jours après la signature du contrat de crédit et qu'en un délai aussi court le vendeur ne pouvait pas avoir exécuté intégralement les travaux prévus.
Le droit de la consommation, et en particulier l'article L 111-1 du code de la consommation, impose au professionnel de communiquer au consommateur de manière lisible et compréhensible un certain nombre d'informations lui permettant de connaître les caractéristiques essentielles du bien, son prix, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à délivrer le bien ou a exécuter le service.
Le premier juge a rappelé à juste titre les dispositions du code précité applicables à la cause dès lors qu'il est constant que M. [Z] a conclu hors établissement avec la société France Pac Environnement un contrat d'achat et d'installation d'un chauffe eau thermodynamique ainsi qu'un kit photovoltaïque composé de 12 panneaux solaires pour un montant total de 24 500 euros.
Le bon de commande signé le 3 mai 2017 ne comporte pas le prix unitaire de chacun des biens vendus mais un prix global sans précision de la TVA. Il se contente de mentionner un descriptif très sommaire des caractéristiques des biens, sans précision de leur dimension ou marque ni leur fonctionnement en terme de puissance notamment. Il n'indique pas non plus le prix du matériel et le coût de sa pose et ne prévoit pas le délai de livraison des biens pas plus que les modalités et les délais d'exécution des prestations d'installation.
C'est dès lors à bon droit que le premier juge a dit que le contrat de vente conclu le 3 mai 2017 entre M. [Z] et la société France Pac Environnement n'est pas conforme aux exigences prévues à peine de nullité par les dispositions précitées du code de la consommation.
La société Franfinance ne peut valablement soutenir que M. [Z] a volontairement exécuté le contrat et manifesté sa volonté de renoncer à invoquer la nullité du contrat au titre des vices l'affectant sur le fondement de la législation applicable en la matière dès lors qu'étant un simple consommateur M. [Z] ignorait totalement les règles d'ordre public applicables au contrat litigieux.
Ainsi que l'indique à bon droit le premier juge la signature le 29 mai 2017 de l'attestation de livraison du matériel ne permet pas d'en déduire que M. [Z] connaissait les règles d'ordre public qui n'avaient pas été respectées par la société France Pac Environnement et qu'il avait décidé, malgré les causes de nullité affectant le contrat, de l'exécuter.
Il s'ensuit que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat souscrit entre M. [Z] et la société France Pac Environnement du 3 mai 2017.
- sur les conséquences de la nullité du contrat de vente sur le contrat de crédit affecté
Il est de principe que le contrat principal de vente et le contrat de crédit dédié à son financement forment une opération commerciale unique au sens de l'article L 311-1 du code de la consommation. L'unicité de cette opération commerciale s'accompagne d'une interdépendance d'ordre public entre les deux contrats de sorte que l'annulation du contrat principal entraîne de plein droit celle du contrat de crédit accessoire ainsi qu'il est dit à l'article L 312-55 du code de la consommation. Les parties au contrat sont alors rétablies dans leur état antérieur, ce qui impose à l'emprunteur de restituer le capital emprunté sauf si ce dernier démontre que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds ou en ne vérifiant pas la régularité formelle du contrat principal.
La société Franfinance soutient à l'appui de son appel qu'elle n'a commis aucune faute et que M. [Z] ne s'est pas opposé à la délivrance des fonds.
Il est cependant de principe que le prêteur est tenu de vérifier la régularité formelle du contrat principal et d'informer l'emprunteur d'une éventuelle irrégularité afin que celui-ci puisse confirmer le contrat ou y renoncer. Il est également tenu de vérifier l'exécution complète du contrat principal. A défaut, le prêteur commet une faute susceptible d'engager sa responsabilité.
En l'espèce l'examen des pièces de la procédure permet d'établir que la société Franfinance s'est abstenue de procéder à un contrôle de conformité du contrat de vente lequel contenait de nombreuses irrégularités et les fonds ont été versés dès la réception d'une attestation de livraison datée du 29 mai 2017 dont le contenu, rappelé par le premier juge, ne permettait pas au prêteur de s'assurer de l'entière exécution de la prestation alors qu'il est établi que les travaux se sont achevés bien après cette date. Ainsi le prêteur a délivré les fonds sur la base d'une part d'une seule attestation de livraison pré-remplie datée du 29 mai 2017 soit seulement 18 jours après la signature du contrat alors que M. [Z] disposait d'un délai de rétractation de 15 jours et d'autre part d'une attestation de conformité des travaux signée par le seul vendeur et non par M. [Z].
Les époux [Z] justifient du préjudice qu'ils subissent par suite des fautes commises par la société Franfinance. En effet la libération des fonds est intervenue alors que l'installation n'était pas opérationnelle et compte tenu de la faillite du vendeur ils ne seront pas remboursés par ce dernier du prix de vente consécutif à la nullité du contrat de vente et devront assumer la charge des frais de démontage du matériel pour lequel il ne leur a été fourni aucune assurance.
Il s'ensuit que c'est par une juste appréciation des éléments de la cause que le premier juge a dit que le préjudice subi par les époux [Z] s'élevait à la somme de 26 404,64 euros correspondant aux échéances du crédit payées et au capital remboursé par anticipation. Le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions. Il lui sera ajouté que les époux [Z] devront tenir à la disposition de la SELAR S21Y prise en la personne de Me [B] l'intégralité des matériels installés par la société France Pac Environnement durant un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt et que passé ce délai ils pourront procéder à leur démontage et les porter dans un centre de tri à leurs frais personnels.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société Franfinance tendant à voir la société France Pac Environnement condamnée à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, la condamnation mise à sa charge étant la conséquence de sa propre faute. Au demeurant compte tenu de la liquidation judiciaire de la société France Pac Environnement une telle demande aurait dû être dirigée à l'encontre de son mandataire liquidateur.
- sur les frais de procédure et les dépens
La société Franfinance qui succombe doit être condamnée aux dépens d'appel et à verser aux époux [Z] la somme supplémentaire de 2 000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel. Le jugement est confirmé du chef de ces dispositions et des dépens de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant ;
Dit que les époux [Z] devront tenir à la disposition de la SELAR S21Y prise en la personne de Me [B] l'intégralité des matériels installés par la société France Pac Environnement durant un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt et que passé ce délai ils pourront procéder à leur démontage et les porter dans un centre de tri à leurs frais personnels ;
Rejette la demande de la société Franfinance en garantie des condamnations prononcées à son encontre ;
Condamne la société Franfinance à payer aux époux [Z] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Franfinance aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE