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12/01/2023 | FRANCE | N°20/01318

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 12 janvier 2023, 20/01318


ARRET







S.C.I. FABIEN





C/



S.C.I. CHATEAU DE LA FOLLIE













PM/VB/SGS





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU DOUZE JANVIER

DEUX MILLE VINGT TROIS





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 20/01318 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HVM4



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COMPIEGNE DU TROIS FEVRIER DEUX M

ILLE VINGT





PARTIES EN CAUSE :



S.C.I. FABIEN agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Jonathan SORRIAUX, avocat au barr...

ARRET

S.C.I. FABIEN

C/

S.C.I. CHATEAU DE LA FOLLIE

PM/VB/SGS

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU DOUZE JANVIER

DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 20/01318 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HVM4

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE COMPIEGNE DU TROIS FEVRIER DEUX MILLE VINGT

PARTIES EN CAUSE :

S.C.I. FABIEN agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jonathan SORRIAUX, avocat au barreau de COMPIEGNE

Plaidant par Me Arnoult LE NORMAN, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE

APPELANTE

ET

S.C.I. CHATEAU DE LA FOLLIE prise en la personne de son gérant, domicilié ès-qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Elisabeth LE PIVERT LEONARD, avocat au barreau de COMPIEGNE

INTIMEE

DEBATS :

A l'audience publique du 03 novembre 2022, l'affaire est venue devant M. Pascal MAIMONE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRET :

Le 12 janvier 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

La SCI Château de la Follie, propriétaire de biens immobiliers consistant essentiellement en un château, ses dépendances et des parcelles de terrain sis [Adresse 6] sur la commune de [Localité 5] a mandaté l'agence immobilière [T] [P] aux fins de procéder à leur vente.

Par une lettre d'intention d'achat en date du 18 juin 2016, M. [H] [Z], agissant en sa qualité de gérant de la SCI Fabien. s'est déclaré intéressé par l'achat de ces biens immobiliers et a proposé de les acquérir moyennant le prix de 1 300 000 euros.

Suivant bon pour accord du 23 juin 2016, M. [Y] [O], gérant de la SCI Château de la Follie a accepté l'offre d'achat de la SCI Fabien.

Par courrier électronique du 28 décembre 2016, les propriétaires de biens immobiliers voisins de ceux appartenant à la SCI Château de la Follie, M. et Mme [V], gérants de la SCI la Ferme de la Follie, ont indiqué à M. [H] [Z] qu'ils refusaient de vendre leurs parcelles consistant essentiellement en une ferme et des terres qui avant division formaient autrefois avec le château une seule propriété.

Suivant un courrier électronique du même jour, M. [H] [Z] a informé la SCI Château de la Follie que pour lui les deux acquisitions étaient unies par un lien nécessaire qu'il se trouvait dans l'obligation de renoncer à l'achat de leur propriété.

Par courrier électronique du 29 décembre 2016, M. [Y] [O] a déclaré avoir pris acte de la rétractation de la SCI Fabien.

Les pourparlers se sont poursuivis entre la SCI Fabien, la SCI Château de la Follie et la SCI la Ferme de la Follie, sans succès.

Le 14 avril 2017, la SCI Château de la Follie a conclu un nouveau mandat de vente avec l'agence immobilière Groupe Mercure en limitant la superficie des parcelles mises en vente et en diminuant le prix de vente à 1.255.000 euros.

Le 23 octobre 2017, M. [H] [Z] a indiqué à la SCI Château de la Follie être disposé à acquérir pour la nouvelle superficie au prix demandé de 1 255 000 euros sous condition de l'obtention d'un pacte de préférence au profit de l'acquéreur concernant diverses parcelles appartenant à SCI la Ferme de la Follie.

La SCI Château de la Follie n'a pas répondu à M. [H] [Z].

Suivant lettre recommandée en date du 9 février 2018, la SCI Fabien, par l'intermédiaire de son conseil, Maître Amal Delans, a mis en demeure la SCI Château de la Follie de formaliser la vente initialement prévue telle qu'envisagée dans l'accord du 23 juin 2016.

Par acte d'huissier du 28 mars 2018, la SCI Fabien a assigner la SCI Château de la Follie devant le tribunal de grande instance de Compiègne aux fins d'obtenir l'exécution forcée de la vente et de solliciter la réparation de son préjudice.

Par jugement du 3 février 2020, le tribunal judiciaire de Compiègne a :

-Déclaré recevables les demandes formées par la SCI Fabien à l'encontre de la SCI Château de la Follie ;

-Rejeté les demandes de la SCI Fabien visant à obtenir la vente forcée des biens appartenant à la SCI Château de la Follie et des dommages et intérêts en raison du retard pris dans la signature de l'acte de vente ;

-Rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par la SCI Fabien ;

-Débouté la SCI Château de la Follie de ses demandes indemnitaires ;

-Condamné la SCI Fabien à payer à la SCI Château de la Follie la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamné la SCI Fabien aux entiers dépens ;

-Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 5 mars 2020, la SCI Fabien a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 14 juin 2021, la SCI Fabien demande à la Cour de :

-La déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

Y faisant droit,

-Infirmer le jugement en date du 3 février 2020 en ce qu'il a :

.Rejeté ses demandes visant à obtenir la vente forcée des biens appartenant à la SCI Château de la Follie et des dommages et intérêts en raison du retard pris dans la signature de l'acte de vente;

.Rejeté les demandes de dommages-et-intérêts formées par la SCI Fabien ;

.Condamné la SCI Fabien à payer à la SCI Château de la Follie la somme de 1500 eurosau titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

.Condamné la SCI Fabien aux entiers dépens ;

Statuant de nouveau,

A titre principal,

-Constater l'accord des parties sur la chose et le prix intervenu le 23 juin 2016,

-Ordonner sous astreinte à la SCI Château de la Follie de concourir à l'acte de vente en la forme authentique à raison de 1 000 euros par jour de retard dans le mois suivant la signification de la décision à intervenir,

-Condamner la SCI Château de la Follie au paiement de la somme de 200 000 euros à titre dommages intérêts à raison du préjudice subi du fait du retard dans l'exécution de ses obligations.

A titre subsidiaire,

- Condamner la SCI Château de la Follie au paiement de la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la rupture abusive des pourparlers contractuels,

- Condamner la SCI Château de la Follie au paiement de la somme de 100 000 euros de dommage-et-intérêts au titre du préjudice moral subi.

En tout état de cause,

-Débouter purement et simplement la SCI Château de la Follie de l'intégralité de ses demandes,

-Condamner la SCI Château de la Follie au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 19 avril 2021, la SCI Château de la Follie demande à la Cour de :

-Confirmer le jugement du 3 février 2020 en ce qu'il a :

. Rejeté les demandes de la SCI Fabien visant à obtenir la vente forcée des biens appartenant à la SCI Château de la Follie et des dommages et intérêts en raison du retard pris dans la signature de l'acte de vente,

. Rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par la SCI Fabien,

. Condamné la SCI Fabien à payer à la SCI Château de la Follie la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. Condamné la SCI Fabien aux entiers dépens ;

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

. Débouté la SCI Château de la Follie de ses demandes indemnitaires ;

Statuant à nouveau :

A titre principal :

- Dire et juger recevables les demandes de la SCI Château de la Follie ;

- Condamner la SCI Fabien à lui verser la somme de 150.000 euros pour procédure abusive liée à la perte de son acquéreur pour la vente du bien immobilier ;

- Condamner la SCI Fabien à lui verser la somme de 50.000 euros pour préjudice moral ;

A titre subsidiaire, si la Cour ordonnait la vente de son bien immobilier par la SCI Château de la Follie à la SCI Fabien ;

- Dire que cette dernière devra justifier être en possession du prix et payer le prix le jour de la signature de l'acte d'acquisition ;

En toute hypothèse,

- Condamner la SCI Fabien à verser à la SCI Château de la Follie la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SCI Fabien aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance du 12 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l'affaire pour plaidoiries à l'audience du 3 novembre 2022.

CECI EXPOSE, LA COUR,

Sur les demandes principales de la SCI Fabien tendant à la réalisation forcée de la vente et à l'octroi de dommages et intérêt :

En vertu de l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès que les parties ont convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée, ni le prix payé.

Il en résulte que, dès la rencontre des consentements de l'acquéreur et du vendeur sur le bien vendu et le prix de vente, la vente doit être considérée comme conclue, sauf à ce qu'il soit démontré que les parties ont entendu faire de la réitération de la vente par acte authentique un élément constitutif de leur consentement.

Par ailleurs, l'article 1113 du code civil dispose que le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager. Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.

En l'espèce, suivant mandat en date du 10 novembre 2015, M. [Y] [O], gérant de la SCI Château de la Follie, et les associés de cette société, ont confié à la SARL PB, agence immobilière, la mise en vente des biens immobiliers de la SCI situés commune de [Localité 5] pour une contenance totale d'environ 45 hectares, le prix demandé étant de 1 400 000 euros net vendeur. Ce mandat a été conclu pour une durée de 3 mois tacitement reconductible jusqu'au 9 novembre 2016.

Suivant 'lettre d'intention d'achat' signée le 18 juin 2016, M. [H] [Z], agissant en sa qualité de gérant de la SCI Fabien, a émis une offre d'acquisition des biens immobiliers appartenant à la SCI Château de la Follie moyennant la somme de 1 300 000 euros. Les biens dont l'acquisition était projetée ont été désignés comme se situant [Adresse 6] sur la commune de [Localité 5] et comprenant un bâtiment principal, un grenier aménagé, des caves, des dépendances, des terrains boisés, des marais, forêts, étangs et sources, pour une contenance totale d'environ 45 hectares.

La lecture des statuts de la SCI, du mandat de vente confié à l'agence immobilière et de la lettre d'intention permet donc de déterminer que les biens mis en vente et dont M. [H] [Z], agissant en sa qualité de gérant de la SCI Fabien, s'est porté acquéreur correspondaient à l'ensemble des immeubles appartenant à la SCI Château de la Follie.

L'offre doit donc être considérée comme étant suffisamment précise pour écarter tout doute quant aux biens concernés par la vente, et ce quand bien même il n'est pas fait mention des références cadastrales précises des immeubles.

Le 23 juin 2016, M. [Y] [O], agissant en sa qualité de gérant de la SCI Château de la Follie a porté sa signature sur la lettre d'intention avec la mention ' bon pour accord', manifestant ainsi sa volonté d'accepter l'offre d'acquisition émise par la SCI Fabien aux conditions proposées par celle-ci.

Les statuts de la SCI Château de la Follie précisent que l'objet social de cette société est «  la gestion par location ou la prise à bail des immeubles apportés et de tous immeubles dont elle pourrait devenir propriétaire par acquisition ou autrement « , ainsi que «  toutes opérations quelconques pouvant se rattacher directement ou indirectement à ci-dessus défini » et ne comporte aucune référence précise à la vente .

Cependant la vente des immeubles de la SCI est incontestablement une opération se rattachant indirectement à la gestion des immeubles et entrant dans l'objet social de la SCI.

L'article 1849 du code civil disposant que dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l'objet social, nonobstant toute considération de ratification par les associés, M. [Y] [O] en donnant son accord à la proposition d'achat de la SCI Fabien a engagé la SCI Château de la Follie et régulièrement manifesté la volonté de celle-ci de vendre.

Il n'est pas nécessaire de rechercher si l'acceptation de l'offre formulée à un prix inférieur à celui du mandat, devait et a été ou non ratifiée par le consentement unanime des associés de la SCI Château de la Follie.

Par ailleurs, la SCI Château de la Follie ne peut tirer argument des stipulations des conditions de la vente prévues par l'offre d'achat.

Si la lettre d'intention d'achat contient la stipulation suivante 'la vente, si elle se réalise aura lieu aux conditions ordinaires et de droit. En cas d'acceptation de la présente proposition, un acte notarié (promesse ou compromis) sera établi pour préciser les modalités de la vente, elle sera notamment soumise aux conditions suspensives suivantes :

- L'état hypothécaire du bien objet de la présente ne devra pas révéler d'inscription d'un montant supérieur au prix de vente stipulé sauf au vendeur à en rapporter la mainlevée.

- Le certificat d'urbanisme ne devra pas révéler de servitude grave pouvant déprécier la valeur du bien vendu.

Cet acte devra être établi et signé par les parties avant le 23 juillet 2016" , les termes de cette clause et plus particulièrement la mention 'En cas d'acceptation de la présente proposition, un acte notarié (promesse ou compromis) sera établi ' démontrent que les parties n'ont pas entendu faire de la réitération de la vente par acte authentique un élément constitutif de leur consentement.

Par ailleurs, s'il est constant qu'aucun acte notarié n'a été rédigé et signé dans le délai fixé, la lettre d'intention n'indique nullement qu'à défaut de régularisation de l'acte authentique avant le 23 juillet 2016, les engagements des parties seront considérés comme nuls et non avenus ;

Ainsi la date convenue pour la signature de l'acte authentique n'était donc pas extinctive mais

constitutive du point de départ à partir duquel l'une des parties pouvait obliger l'autre à s'exécuter.

Par un courriel du 28 décembre 2016 à 17h 07, M. [H] [Z], gérant de la SCI Fabien s'est adressé à la SCI Château de la Follie et à l'agence [T] [P] dans ces termes : ' J'ai le regret de vous annoncer que je suis dans l'obligation de renoncer à l'achat du Château de la Follie. Mr  et Mme [V] m'ont informé aujourd'hui de leur changement d'attitude et de leur refus maintenant de vendre La Ferme de la Follie.

Ceci est incompatible avec mon projet. Vous savez le temps et les moyens que j'ai déjà consacrés à ce projet et vous connaissez la qualité que j'ai voulu lui donner pour développer ce domaine dans l'esprit de son histoire et de vos efforts. J'ai fait visiter lundi de nouveau la propriété à mon fils et sa s'ur s'est joint à nous. Je vais examiner avec mes conseils l'ensemble des préjudices que me cause cette situation. J'avais mobilisé les collectivités locales qui répondaient très favorablement à mes attentes. J'ai d'ailleurs prévu avec elles des réunions très importantes la semaine prochaine.

Je vais devoir les prévenir. Je suis vraiment désolé de cette fin malheureuse d'un très beau projet. Merci de prévenir votre notaire de cette situation.' ;

M. [Y] [O] a répondu à ce mail le 29 décembre 2016 à 12h10 dans les termes suivants :

' Monsieur, j'ai pris note de votre rétractation pour l'achat de la SCI Château de la Follie. En ce qui me concerne, je ne suis pas propriétaire de la SCI Ferme de la Follie et n'y peut donc rien. En fait nous avons perdu une bonne année pour sa vente. Je profite de l'occasion pour vous rappeler que je tiens absolument à récupérer les deux dossiers que je vous ai confié il y a deux semaines. J'ai bien du regret de cette fin mais n'y suis pour rien.' .

Si la lettre d'intention d'achat ne précisait pas que l'offre d'achat des biens de la SCI Château de la Follie par la SCI Fabien était conditionnée par la vente à son profit des immeubles appartenant à la SCI la Ferme de la Follie, M.[H] [Z], dans son mail du 28 décembre 2016, reconnaît que la SCI Fabien avait fait de l'aboutissement de son offre d'achat auprès de la SCI la Ferme de la Follie, une condition de la concrétisation de son projet d'acquisition des biens de la SCI Château de la Follie . La réponse de M. [Y] [O] à ce mail le 29 décembre 2016 qui ne remet nullement en cause la condition invoquée par la SCI Fabien concernant la vente des biens de la SCI la Ferme de la Follie et prend acte de la rétractation de la SCI Fabien sans aucune réserve suffit à établir que la SCI Château de la Follie et la SCI Fabien entendaient l'acquisition de droits sur les parcelles de la SCI la Ferme de la Follie par la SCI Fabien comme une condition du consentement de la SCI Fabien pour finaliser son projet d'achat avec la SCI Château de la Follie.

Il ne peut pas plus être contesté que par le mail du 28 décembre 2016, la SCI Fabien entendait non pas différer la réalisation du projet mais y mettre fin définitivement: l'emploi des termes 'renoncer à l'achat du Château de la Follie' et la formule ' Je suis vraiment désolé de cette fin malheureuse d'un très beau projet' ne laisse planer aucun doute sur la portée de la renonciation en question.

La SCI Fabien ne peut non plus sérieusement prétendre que par son écrit du 23 octobre 2017, elle a entendu poursuivre la réalisation de la vente convenue en juin 2016 et non formuler une nouvelle offre d'achat: en effet d'une part elle avait renoncé définitivement à l'achat initial le 28 décembre 2019 et d'autre part l'achat envisagé le 23 octobre 2017 faisait suite à un nouveau mandat de vente, ne concernait pas la même superficie, le prix était différent et contenait une condition explicite d'obtention d'un pacte de préférence de l'acquéreur sur diverses parcelles de la SCI la Ferme de la Follie.

Cette nouvelle offre qui n'a pas été acceptée par la SCI Château de la Follie ne l'engageait pas.

La SCI Fabien ne peut donc se prévaloir de l'existence d'aucune vente parfaite au sens de l'article 1583 du code civil.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Fabien de ses demandes visant à obtenir la vente forcée des biens appartenant à la SCI Château de la Follie et des dommages et intérêts en raison du retard pris dans la signature de l'acte de vente.

Sur les demandes indemnitaires formées par la SCI Fabien à titre subsidiaire :

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Même si une lettre d'intention ne vaut pas vente, les parties n'en demeurent pas moins tenues de poursuivre de bonne foi les négociations sur les bases convenues en vue d'aboutir à la conclusion de la promesse: l'obligation de loyauté dans les relations contractuelles n'est plus respectée en cas de rupture brutale des négociations et le préjudice en cas de rupture abusive des pourparlers doit être réparé par l'allocation de dommages et intérêts se limitant à la perte subie et excluant le gain espéré de la conclusion du contrat.

En l'espèce, comme l'ont justement constaté les premiers juges par des motifs pertinents que la cour entend adopter, force est de constater que la SCI Fabien ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la SCI Château de la Follie dans le cadre de la rupture des négociations, lesquelles ont manifestement échoué faute d'accord de la SCI la Ferme de la Follie de vendre ses biens ou de consentir sur les parcelles qu'elle détenait un pacte de préférence ou un bail rural au profit de la SCI Fabien.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts formées par la SCI Fabien.

Sur les demandes reconventionnelles formées la SCI Château de la Follie:

L'exercice d'une action en justice, comme la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

Solliciter la réitération d'une vente à laquelle on a explicitement et définitivement renoncé constitue une erreur grossière équipollente au dol qui a manifestement causé à un préjudice à la SCI Château de la Follie qui souhaitait manifestement vendre ses biens immobiliers et s'est retrouvé dans l'impossibilité de le faire en raison de la procédure engagée abusivement à son encontre.

Il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Château de la Follie de sa demande de dommages et intérêt pour procédure abusive et il convient de lui allouer de ce chef la somme de 10.000 euros.

En revanche, la SCI Château de la Follie ne développant aucun argumentaire de nature a établir qu'elle aurait subi un préjudice moral et ne produisant aucune pièce à l'appui de sa demande à ce titre, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral formé par la SCI Château de la Follie.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SCI Fabien succombant, il convient :

-de la condamner aux dépens d'appel ;

-de la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel ;

-de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance ;

-de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance.

L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la SCI Château de la Follie, il convient de lui allouer de ce chef la somme de 3000 euros pour la procédure d'appel et de confirmer le jugement en ce qu'il lui a accordé à ce titre la somme de 1500 euros pour la procédure de première instance.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la SCI Château de la Follie ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

Condamne la SCI Fabien à payer à la SCI Château de la Follie la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la SCI Fabien à payer à la SCI Château de la Follie la somme de 3000 euros par application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;

Condamne la SCI Fabien aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01318
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;20.01318 ?
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