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05/01/2023 | FRANCE | N°20/05948

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 05 janvier 2023, 20/05948


ARRET







[W]





C/



S.A.R.L. COUR MACADAM ENVIRONNEMENT



[K]





















































































VBJ/SGS





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU CI

NQ JANVIER

DEUX MILLE VINGT TROIS





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 20/05948 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H5ZV



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-QUENTIN DU SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT





PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [W]

né le 20 Juillet 1949 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]



Représent...

ARRET

[W]

C/

S.A.R.L. COUR MACADAM ENVIRONNEMENT

[K]

VBJ/SGS

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU CINQ JANVIER

DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 20/05948 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H5ZV

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-QUENTIN DU SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [W]

né le 20 Juillet 1949 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me PONCHON substituant Me Sylvie RACLE-GANDILLET, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

APPELANT

ET

S.A.R.L. COUR MACADAM ENVIRONNEMENT, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Dominique ANDRE, avocat au barreau D'AMIENS

INTIMEE

Maître Me [C] [K], Mandataire Judiciaire, ès-qualités de Liquidateur à la liquidation judiciaire de COUR MACADAM ENVIRONNEMENT,

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Dominique ANDRE, avocat au barreau D'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant la SCP BEJIN-CAMUS-BELOT, avocats au barreau de SAINT-QUENTIN

PARTIE INTERVENANTE

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L'affaire est venue à l'audience publique du 27 octobre 2022 devant la cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, conseiller, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l'audience, la cour était assistée de Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

Sur le rapport de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 05 janvier 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 05 janvier 2023, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M.[W] a confié à la société Cour macadam environnement la réalisation de travaux de création et d'aménagement d'enrobé pour les allées privatives de sa propriété.

Le 11 septembre 2019, il a réglé la somme de 8281,75 euros correspondant à la facture des travaux qui avaient été réalisés.

Après une expertise extrajudiciaire réalisée courant octobre 2017, se plaignant de divers désordres affectant les travaux, le 26 juillet 2018, M.[W] a fait assigner la société Cour macadam environnement devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint-Quentin aux fins d'expertise. Désigné par ordonnance de référé du 4 octobre 2018, l'expert a déposé son rapport le 23 novembre 2019.

Le 29 avril 2019,M.[W] a fait assigner la société Cour macadam environnement devant le tribunal de grande instance de Saint-Quentin, au visa de l'article 1792 du code civil, en paiement du coût de la reprise des désordres et de dommages-intérêts.

Par jugement du 16 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Quentin a ainsi statué :

-déclare recevables les demandes de M.[W],

-déboute M.[W] de sa demande de condamnation au titre du remboursement du coût de remise en état des désordres constatés,

-déboute M.[W] de sa demande de dommages-intérêts,

-déboute M.[W] de sa demande de condamnation de la société Cour macadam environnement au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamne M.[W] aux dépens dont distraction au profit de la SCP Bejin-Camus-Belot,

-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

M.[W] a interjeté appel de cette décision le 5 décembre 2020.

Le 8 mars 2022, la société Cour macadam environnement a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Douai. Me [K] a été désigné en qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire et est intervenu à la procédure.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 juin 2022 et l'affaire fixée à l'audience des débats du 27 octobre 2022.

A la demande de la cour, M.[W] a justifié le 27 octobre 2022 de sa déclaration de créance le 25 avril 2022, auprès de Me [K], liquidateur judiciaire de la société Cour macadam environnement, placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Douai du 8 mars 2022

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions en date du 9 juin 2022, M.[W] demande à la cour d'infirmer dans son intégralité le jugement rendu le 16 novembre 2020 et statuant à nouveau :

à titre principal :

constater que l'ouvrage prévu au devis du 7 octobre 2008 et à la facture du 11 septembre 2009 est affecté de dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage et qui le rendent impropre à sa destination en application de l'article 1792 du code civil,

dire que la société Cour macadam environnement est responsable de l'entier préjudice de M.[W],

à titre subsidiaire :

constater que la société Cour macadam environnement a commis une faute de part l'absence de pose du revêtement fondamental du géotextile de l'ouvrage prévu au devis du 7 octobre 2008 et à la facture du 11 septembre 2019,

dire que la société Cour macadam environnement est responsable de l'entier préjudice de M.[W],

en tout état de cause :

condamner la société Cour macadam environnement à régler à M.[W] la somme de 6890,40 euros TTC correspondant au coût de remise en état des désordres constatés et correspondant aux travaux de démontage des allées, la pose d'un géotextile anti-végétation et la constitution d'une sous-couche d'assise et réalisation des enrobés,

condamner la société Cour macadam environnement à leur régler la somme de 4000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de ses préjudices,

débouter la société Cour macadam environnement de l'intégralité de ses demandes,

condamner la société Cour macadam environnement aux entiers dépens d'instance de référé ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

condamner la société Cour macadam environnement aux entiers dépens de la présente instance outre le paiement d'une indemnité de 4000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de compte liquidation et partage en ordonnait distraction au profit de Me Racle avocat aux offres de droit, avec bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Il conclut que la responsabilité décennale de la société Cour macadam environnement est engagée car la pose de l'enrobé est un ouvrage et que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge il n'est pas affecté d'un désordre de faible importance mais d'un désordre qui nuit à sa solidité puisque des herbes poussent à travers. Selon l'expertise c'est bien un manquement aux règles de l'art qui est à l'origine du désordre et il conteste tout défaut d'entretien qui en serait l'origine. Il affirme avoir toujours entretenu sa propriété avec soin.

Il invoque subsidiairement la théorie des dommages intermédiaires, la faute contractuelle étant caractérisée par l'expertise.

Au soutien de sa demande en paiement de 4000 euros à titre de dommages-intérêts M.[W] soutient qu'il subit un trouble de jouissance qui est établi et avéré alors qu'il a pendant des mois cherché à privilégier la résolution amiable du litige et que la valeur de son immeuble est diminuée en raison de ce désordre.

Par conclusions en date du 29 avril 2022, la société Cour macadam environnement et Me [K], intervenant volontaire demandent à la cour de:

1°)Donner acte à Me [K] es qualités de liquidateur judiciaire de Cour macadam environnement de son intervention volontaire en cause d'appel, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

Donner acte à Me [K] es qualités de ce qu'il entend reprendre pour son compte es qualités l'ensemble de l'argumentaire et des demandes formées par Cour macadam environnement à l'époque où celle-ci était in bonis, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

Donner acte à Cour macadam environnement de ce qu'elle entend maintenir ses demandes en cause d'appel en vertu de ses droits propres, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

2°) Déclarer irrecevable et en tous les cas non fondé l'appel interjeté par M.[W] du jugement de rejet ou de débouté rendu par le tribunal Judiciaire de Saint Quentin le 16.11.2020 sous le n°de rôle 19/00468, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

3° ) A titre principal,

Vu la déclaration d'appel établie au nom de M.[W] en date des 05 et 10.12.2020,

Dire que le juge d'appel n'a pu être régulièrement saisi des demandes de M.[W], et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

Déclarer par voie de conséquence irrecevable l'appel interjeté par M.[W], et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

4° ) Au fond, à titre principal,

Vu les dispositions de l'article 1792 du code Civil constituant le fondement juridique de l'action initiée par M.[W] à l'encontre de la société Cour macadam environnement ,

Vu par ailleurs le rapport d'expertise judiciaire de M.[H] en date du 23.02.2019,

Dire et juger que les malfaçons opposées à la société Cour macadam environnement, à les supposer existantes et imputables à cette dernière, ne sauraient avoir compromis la solidité de l'ouvrage ou, l'affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, l'avoir rendu impropre à sa destination, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

Dire n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 1792 du code Civil ;

Dire n'y avoir lieu à application de la garantie décennale ;

Débouter par voie de conséquence M.[W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'égard de la société Cour macadam environnement ;

5° ) Au fond,

Vu les dispositions de l'article 1792-4-3 du code Civil,

Vu l'argumentaire exposé par M.[W] sur la responsabilité contractuelle de Cour macadam environnement au titre des « dommages intermédiaires »,

Déclarer cet argumentaire irrecevable au regard du principe d'estoppel selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

Dire cet argumentaire irrecevable du fait de sa tardiveté au regard du délai de forclusion décennale (cf. CASS. CIV. 10.06.2021 n° 20-16837) ;

Dire et juger que les vices et malfaçons exposés par M.[W] ne sauraient entrer dans le périmètre des « dommages intermédiaires », et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

Dire enfin que M.[W] n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, d'une faute imputable à la société Cour macadam environnement et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

6°) A titre subsidiaire, et dans l'hypothèse où la Cour de céans considérerait que la responsabilité de la société Cour macadam environnement pourrait être reconnue ou accueillie,

Dire et juger que M.[W] a failli à l'obligation d'entretien mise à sa charge et que les malfaçons constatées ou alléguées trouvent leur cause exclusive ou à tout le moins principale dans les manquements ou fautes commis par le maître d'ouvrage, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

Par voie de conséquence, débouter au fond M.[W] de ses demandes, fins et conclusions au vu des fautes qui lui sont imputables, exclusives de toute responsabilité de l'entrepreneur ;

En tout état de cause, vu le jugement de liquidation judiciaire rendu par le Tribunal de Commerce de Douai le 08.03.2022 à l'égard de la société Cour macadam environnement et la désignation de Me [C] [K] en qualités de Liquidateur Judiciaire de cette dernière,

Vu par ailleurs les dispositions des articles L 622-22 et L 622-24 du code de Commerce,

Déclarer irrecevable et en tous les cas non fondé M.[W] en ses demandes de « condamnation », et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

7°) Dire et juger que M.[W] ne saurait alléguer d'un quelconque « préjudice » ;

Débouter en conséquence M.[W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, tant à ce titre qu'au titre des frais irrépétibles et dommages intérêts divers et variés, et ce avec toutes suites et conséquences de droit ;

8°)Vu le jugement de rejet rendu par le tribunal judiciaire de Saint Quentin en date du 16.11.2020,

Confirmer le jugement dont appel en ce que M.[W] a été débouté de ses demandes de condamnation de la société Cour macadam environnement au titre du remboursement du coût de remise en état des désordres constatés ;

Confirmer le jugement dont appel en ce que M.[W] a été débouté de sa demande de dommages intérêts ;

Confirmer le jugement dont appel en ce que M.[W] a été débouté de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

9° ) Condamner M.[W] au paiement d'une indemnité de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Me [K] es qualités de liquidateur judiciaire de la société Cour macadam environnement ;

Condamner enfin M.[W] aux entiers dépens de première instance et d'appel, et en prononcer distraction au profit de Me Dominique Anne André, Avocat aux offres de droit.

Au visa de la jurisprudence de la 2ème chambre de la Cour de cassation des 30 janvier 2020 et 2 juillet 2020, la société Cour macadam environnement soutient que l'effet dévolutif n'a pas opéré si la déclaration d'appel ne mentionne pas les chefs de jugement critiqué et si elle se contente de reprendre les demandes formulées devant le premier juge.

Elle conteste l'atteinte à la solidité et toute impropriété à la destination et l'engagement de sa responsabilité décennale.

Sur la responsabilité contractuelle, elle conclut à l'irrecevabilité en invoquant l'estoppel et la forclusion de l'action engagée sur le fondement contractuel, dès lors que l'effet interruptif de l'assignation du 29 avril 2019 ne vaut que pour l'action engagée par cette assignation qui vise la responsabilité décennale. Elle soutient également que cette demande est nouvelle en cause d'appel dès lors qu'en première instance n'était évoquée que la responsabilité décennale.

En tout état de cause elle estime que la preuve de ce que les vices affectant l'enrobé ne seraient imputables qu'à sa faute n'est pas rapportée dès lors que c'est le défaut d'entretien du macadam qui est à l'origine de la pousse de l'herbe.

Sur le montant des travaux de reprise elle verse aux débats un devis d'un montant inférieur qui a été déclaré cohérent par l'expert: en tout état de cause les prétentions devront donc être réduites. Elle conteste les autres préjudices qui sont sans lien avec les malfaçons supposées.

MOTIVATION

1. Sur l'irrecevabilité de l'appel

Vu l'article 901 du code de procédure civile,

La lecture de la déclaration d'appel déposée au greffe par M.[W] permet de s'assurer qu'elle vise expressément les 4 chefs de jugement qu'elle critique. L'ajout de la motivation de l'appel sur la déclaration d'appel ne saurait la priver d'effet dévolutif.

Il convient donc de déclarer l'appel de M.[W] recevable.

2. Sur la responsabilité décennale de la société Cour macadam environnement

Vu l'article 1792 du code civil,

La pose d'un enrobé pour créer des allées non compris dans une opération de construction globale et qui n'incorpore pas au sol des matériaux au moyen de travaux de construction n'entre pas dans les prévisions de l'article 1792 du code civil. Elle ne constitue pas un ouvrage relevant de la garantie décennale.

Il convient donc de débouter M.[W] de ses demandes fondées sur l'article 1792 du code civil.

3. Sur la responsabilité contractuelle de la société Cour macadam environnement

3-1.la recevabilité

*l'estoppel

Vu l'article 122 du code de procédure civile 

Si en vertu du principe de l'estoppel, une partie ne peut se contredire au détriment d'autrui dans le cadre d'actions de même nature et fondées sur les mêmes conventions, ce principe n'interdit nullement à une partie d'évoquer des moyens nouveaux au soutien de son appel.

En l'espèce invoquer à titre subsidiaire la responsabilité contractuelle du fait des désordres intermédiaires n'est nullement contradictoire avec une action principale fondée sur la responsabilité décennale.

Le moyen d'irrecevabilité sera donc rejeté.

*la forclusion

L'action engagée sur le fondement de la théorie des dommages intermédiaires et de l'article 1792-4-3 du code civil dirigée contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 du code civil se prescrit par 10 ans à compter de la réception des travaux.

En alignant quant à la durée et au point de départ du délai, le régime de responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs sur celui de la garantie décennale, dont le délai est un délai d'épreuve ( 3e Civ, 12 novembre 2020) le législateur a entendu harmoniser ces deux régimes de responsabilité.

Il en résulte que le délai de dix ans pour agir contre les constructeurs sur le fondement de l'article 1792-4-3 du code civil est un délai de forclusion, qui n'est pas, sauf dispositions contraires, régi par les dispositions concernant la prescription. Il n'est donc susceptible que d'interruption et non de suspension.

Par ailleurs, l'article 2241 du code civil prévoit que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Si en principe l'interruption de la prescription ou de la forclusion ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions ont une identité d'objet.

Il y a identité d'objet entre une demande principale en responsabilité décennale sur le fondement de l'article 1792 et une demande subsidiaire en responsabilité de droit commun, comme cela est le cas en l'espèce, toutes deux tendant à la réparation des désordres reprochés au constructeur.

Dès lors, contrairement à ce que soutient la société Cour macadam environnement, l'assignation en référé du 26 juillet 2018, visant les désordres à l'enrobé, a interrompu le délai de forclusion de 10 ans qui avait débuté lors de la réception des travaux le 11 septembre 2009 et cette interruption s'étend nécessairement à l'action en responsabilité contractuelle visant les mêmes désordres, développée ensuite dans les conclusions d'appel du 6 mars 2021.

L'action de M.[W] engagée sur le fondement de sa garantie contractuelle du fait des dommages intermédiaires est donc recevable.

3-2. la responsabilité

En application de la jurisprudence de la Cour de cassation, constitue un dommage intermédiaire, un désordre caché à la réception, qui ne relève ni de la garantie décennale, ni de la garantie biennale ou de parfait achèvement.

L'action pour en obtenir réparation doit être engagée dans les dix ans à compter de la réception et suppose la démonstration de l'existence d'une faute contractuelle du constructeur et d'un préjudice en découlant.

-la faute

Il ressort du rapport d'expertise que l'ensemble des désordres relevés sur les allées et l'accès au garage réalisé par la société Cour macadam environnement sont liés à l'absence d'un dispositif géotextile anti-contaminant pour bloquer les progressions racinaires au travers de la structure des allées ainsi qu'à une épaisseur réduite de cette structure pour l'allée d'accès au jardin. L'expert a ajouté que les plantes invasives s'immiscent dans les fissures au bord des allées, les racines des plantes progressant sous l'enrobé en le soulevant, étant relevé qu'il n'a pas été procédé à un désherbage régulier.

Selon l'expert les travaux n'ont pas été réalisés conformément aux règles de l'art ni conformément au devis puisque la pose du géotextile était prévue au devis et a été facturée. L'état de surface des allées n'est pas conforme à l'aspect régulier, plat et uniforme que l'on peut attendre d'un revêtement en enrobé en raison de la présence de mauvaises herbes et des déformations à la surface.

Ces manquements ont entraîné des désordres qui n'étaient pas visibles à la réception.

Sont ainsi établis par l'expertise d'une part l'existence d'un manquement aux règles de l'art et d'autre part un non respect des obligations contractuelles qui caractérisent une faute contractuelle de nature à engager la responsabilité de la société Cour macadam environnement pour les dommages intermédiaires affectant le revêtement qu'elle a posé chez M.[W].

L'absence d'arrachage régulier des herbes, tel que relevé par l'expert et souligné par la société Cour macadam environnement, n'est nullement la cause du désordre qui est intrinsèque à la pose de l'enrobé. Il ne saurait en effet être reproché à M.[W] de ne pas avoir entretenu les allées sur lesquelles, en tout état de cause ne devaient pousser aucuns végétaux si les travaux avaient été réalisés dans les règles de l'art.

L'attestation versée au débats par la société Cour macadam a été établie par M.[R] qui est son salarié. En considération de lien de subordination existant, cette attestation qui indique que M.[W] n'entretient pas son jardin et qu'un minimum d'entretien doit être fait pour éviter que la végétation ne reprenne le dessus, est en tout état de cause insuffisante pour caractériser le défaut d'entretien allégué par l'intimée.

-les préjudices

*la reprise des désordres

Il résulte de l'expertise que le désordre affecte une partie des 175 m2 posés par la société Cour macadam environnement. Les travaux de reprise consistent en un démontage des allées, la pose d'un géotextile anti-végétation, la constitution d'une sous couche d'assise et la réalisation des enrobés sur une surface de 120m2.

En considération des devis remis par les parties, étant relevé que le devis moins-disant a été établi par la société Cour macadam environnement elle-même et qu'il ne saurait être imposé à M.[W] qu'elle réalise les travaux, compte tenu des manquements aux règles de l'art commis par l'intimée dans la réalisation des travaux, il convient de retenir le devis d'une autre entreprise et donc le coût de 51,50 euros HT par m2, correspondant au devis Moquet selon l'expert, soit 6180 euros pour 120 m2.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté M.[W] de sa demande de dommages-intérêts pour reprise.

La liquidation judiciaire de la société Cour macadam ayant été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Douai le 8 mars 2022 et M.[W] justifiant de sa déclaration de créance le 19 avril 2022 à hauteur de 16  890,40 euros pour le présent litige, il convient de fixer au passif de la liquidation la somme de 6180 euros.

*le préjudice de jouissance

M.[W] ne justifie pas plus à hauteur de cour que devant les premiers juges, du trouble qu'il allègue. La perte éventuelle de valeur de l'immeuble en considération du désordre affectant l'enrobé cessera nécessairement avec les travaux de reprise qui seront entrepris avec la somme allouée par le présent arrêt.

Il convient donc de confirmer le jugement qui l'a débouté de sa demande de ce chef.

4. Sur les frais du procès

La société Cour macadam environnement succombant, le jugement doit être infirmé s'agissant des dépens et des sommes sollicitées au titre des frais irrépétibles.

Il convient de mettre à sa charge les dépens de première instance et d'appel qui seront fixés au passif de la procédure collective.

L'équité commande d'allouer à M.[W] une somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en appel, somme qui sera fixée au passif de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort

Rejette les moyens d'irrecevabilité soulevés par la société Cour macadam environnement,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté M.[W] de sa demande de condamnation au titre du remboursement du coût de remise en état des désordres constatés, l'a débouté de sa demande de condamnation de la société Cour macadam environnement au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens dont distraction au profit de la SCP Bejin-Camus-Belot ,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant:

Déclare engagée la responsabilité de la société Cour macadam environnement pour les dommages intermédiaires affectant le revêtement qu'elle a posé chez M.[W],

Fixe la créance de M.[W] au passif de la liquidation de la société Cour macadam environnement à la somme de 6180 euros au titre de la reprise des désordres,

Fixe la créance de M.[W] au passif de la liquidation de la société Cour macadam environnement à la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles,

Dit que les entiers dépens incluant les dépens de la procédure de référé et le coût de l'expertise seront à la charge de la société Cour macadam environnement,

Ordonne l'emploi de ces dépens en frais privilégiés de la procédure collective de la société Cour macadam environnement.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/05948
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;20.05948 ?
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