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22/12/2022 | FRANCE | N°21/05402

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 22 décembre 2022, 21/05402


ARRET







[J]





C/



[G]













CD/SGS





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU VINGT DEUX DECEMBRE

DEUX MILLE VINGT DEUX





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/05402 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IIVJ



Décision déférée à la cour : ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SENLIS DU DOUZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT ET UN






PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [L] [J]

né le 12 Août 1988 à [Localité 16] (Espagne)

de nationalité Espagnole

[Adresse 14]

[Localité 13]



Représenté par Me Antoine PILLOT, avocat au barreau D'AMIENS





APPELANT



ET



Monsi...

ARRET

[J]

C/

[G]

CD/SGS

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU VINGT DEUX DECEMBRE

DEUX MILLE VINGT DEUX

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/05402 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IIVJ

Décision déférée à la cour : ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SENLIS DU DOUZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT ET UN

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [L] [J]

né le 12 Août 1988 à [Localité 16] (Espagne)

de nationalité Espagnole

[Adresse 14]

[Localité 13]

Représenté par Me Antoine PILLOT, avocat au barreau D'AMIENS

APPELANT

ET

Monsieur [M] [G]

né le 14 Novembre 1989 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 13]

Représenté par Me Laurent PRIEM, avocat au barreau de SENLIS

INTIME

DEBATS :

A l'audience publique du 20 octobre 2022, l'affaire est venue devant Mme Christina DIAS DA SILVA, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 décembre 2022.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRET :

Le 22 décembre 2022, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

Par acte authentique du 2 octobre 2019, M. [M] [G] a fait l'acquisition d'une maison d'habitation située [Adresse 12], l'acte contenant un droit de passage dans la cour commune cadastrée section AB [Cadastre 5].

M. [J] a fait part à son voisin de son souhait d'installer une clôture à l'aplomb de la gouttière du hangar de ce dernier en limite de propriété séparant la parcelle AB [Cadastre 7] contenant le hangar de M. [G] et la parcelle AB [Cadastre 11] lui appartenant.

Par courrier recommandé du 1er décembre 2020, le conseil de M. [G] a fait part à M. [J] du risque d'empêchement d'utiliser la servitude de passage et d'accéder à son hangar en y stationnant ses véhicules. Il a proposé de faire appel à un géomètre expert afin de convenir d'un trajet et d'une largeur de servitude, de manière à ce que celle-ci soit le moins dommageable pour M. [J].

Par courrier du 11 décembre suivant, le conseil de M. [J] a répondu que ce dernier maintenait sa volonté d'installer une clôture, invoquant un arrêté de non opposition à sa déclaration préalable.

M. [J] a fait procéder à la pose de la clôture à l'aplomb du hangar de M. [G] fin février 2021.

Suivant exploit délivré le 27 mai 2021 M. [G] a fait assigner M. [J] sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile devant le juge des référés aux fins de le voir principalement condamner à procéder au retrait de la clôture mise en place et à lui verser une indemnité provisionnelle au titre de son préjudice de jouissance.

Par ordonnance du 12 octobre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Senlis a :

- constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite causé par M. [J] à M. [G],

- ordonné à M. [J] de rétablir au profit de M. [G] le droit de passage dont il est titulaire à partir de la voir publique pour accéder à son fonds cadastré section AB [Cadastre 7] (hangar) par un chemin situé notamment sur les parcelles cadastrées section AB [Cadastre 10] et [Cadastre 11], anciennement AB [Cadastre 8] appartenant à M. [J],

- en conséquence,

- condamné M. [J] à procéder au retrait de la clôture en grillage verte mise en place sur sa parcelle cadastrée section AB [Cadastre 11] sise [Adresse 14] à l'aplomb du hangar cadastré AB [Cadastre 7] appartenant à M. [G] et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- dit que cette astreinte courra à compter d'un délai de 15 jous ouvrables après la signification de l'ordonnance et pendant une période de trois mois,

- dit qu'il appartiendra à M. [J] de justifier de l'exécution de son obligation pour la liquidation de l'astreinte provisoire,

- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision,

- condamné M. [J] à verser à M. [G] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute demande plus ample ou contraire,

- condamné M. [J] aux dépens.

Par déclaration du 19 novembre 2021, M. [J] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 17 février 2022, il demande à la cour de :

- le dire et juger recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes,

- constater l'absence de trouble manifestement illicite et les contestations sérieuses,

- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

- débouter M. [G] de l'intégralité de ses demandes et de son appel incident,

- condamner M. [G] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 31 janvier 2022, M. [G] demande à la cour de :

- dire et juger M. [J] mal fondé en son appel et l'en débouter,

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a précisé que la condamnation au retrait de la clôture se faisait à l'aplomb du hangar,

- dire et juger M. [G] recevable en son appel incident de l'ordonnance en ce qu'elle a précisé que la condamnation au retrait de la clôture se faisait à l'aplomb du hangar et l'infirmer de ce chef,

- statuant à nouveau, condamner M. [J] à procéder au retrait de la clôture en grillage verte mise en place sur sa parcelle cadastrée section AB [Cadastre 11] le long de la limite séparative des parcelles cadastrées section AB [Cadastre 11] et AB [Cadastre 7] appartenant à M. [G] et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- confirmer l'ordonnance dont appel pour le surplus,

- condamner M. [J] à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

La cour a proposé aux parties une mesure de médiation qu'elles ont refusé.

L'affaire a été plaidée lors de l'audience du 20 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient à titre liminaire de constater que la cour n'est pas saisie de la disposition de l'ordonnance entreprise ayant dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par M. [G].

- sur l'appel principal

L'article 835 du code de procédure civile dispose : 'Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'

Le dommage imminent s'entend du 'dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer' et le trouble manifestement illicite résulte de 'toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit'.

Il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines. Un dommage purement éventuel ne saurait être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés mais la constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets.

En l'espèce au soutien de son appel M. [J] fait valoir qu'il n'a causé aucune trouble manifestement illicite au droit de passage de M. [G] puisqu'il a installé la clôture, après avoir reçu une autorisation d'urbanisme, intégralement en limites séparatives des fonds sur son propre terrain. Il ajoute que M. [G] jouit de son droit de passage de manière normale et sans interruption depuis février 2021.

M. [G] soutient quant à lui que la clôture mise en place par son voisin porte atteinte à l'exercice de la servitude figurant dans son titre de propriété.

L'acte notarié daté du 2 octobre 2019 produit aux débats par M. [M] [G] stipule au paragraphe relatif aux servitudes en page 9 qu' 'aux termes de l'acte reçu par Maitre [N], notaire à [Localité 15] (Oise) le 10 octobre 1991 contenant acte au profit de M. [R] et Mme [Z], il a été indiqué ce qui suit littéralement rapporté :

' Il est ici précisé qu'il existe un DROIT DE PASSAGE dans la cour faisant partie du numéro [Cadastre 8] (anciennement [Cadastre 6] et anciennement [Cadastre 4]) de la section AB au profit des propriétaires des jardins sis derrière la propriété présentement vendue, lesdits jardins repris au cadastre sous les numéros [Cadastre 2] et [Cadastre 3] de la section AB et pour les parcelles cadastrées section AB numéros [Cadastre 7] et [Cadastre 9]"'.

L'existence de cette servitude n'est pas contestée par M. [J]. Son acte de propriété daté du 18 juin 2019, également versé aux débats, en fait état en page 9 en des termes identiques à ceux du titre de M. [G] : 'Il est ici précisé qu'il existe un DROIT DE PASSAGE dans la cour faisant partie du numéro [Cadastre 8] (anciennement [Cadastre 6] et anciennement [Cadastre 4]) de la section AB au profit des propriétaires des jardins sis derrière la propriété présentement vendue, lesdits jardins repris au cadastre sous les numéros [Cadastre 2] et [Cadastre 3] de la section AB et pour les parcelles cadastrées section AB numéros [Cadastre 7] et [Cadastre 9]"'.

Il ressort du procès verbal de constat d'huissier daté du 14 avril 2021 que depuis l'installation par M. [J] d'une clôture en limite de sa propriété le propriétaire du fonds dominant ne peut plus manoeuvrer lorsqu'il entre dans le hangar avec son véhicule, l'huissier précisant que 'la clôture grillagée et le poteau métallique l'empêchent d'effectuer des manoeuvres sans endommager son véhicule. Le chauffeur ne peut pas descendre de son véhicule par le coté conducteur.' Les constatations de l'huissier sont corroborées par les photographies prises sur les lieux.

Le fait que la clôture ait été installée en limites séparatives du terrain de M. [J] sans empiétement sur celui de son voisin et en vertu d'une autorisation d'urbanisme est sans influence sur l'existence du trouble invoqué par M. [G] dès lors qu'étant débiteur d'une servitude de passage l'appelant ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à la rendre plus incommode ainsi qu'il est dit à l'article 701 du code civil. Or il est établi au vu du procès verbal de constat du 14 avril 2021 que la mise en place de la clôture litigieuse porte manifestement atteinte à l'exercice de la servitude par M. [G], les pièces versées aux dossier par M. [J] ne venant aucunement contredire cet état de fait et les photographies qu'il produit confirmant celles prises par l'huissier mandaté par M. [G].

Les moyens tendant à voir constater l'existence de contestations sérieuses s'opposant à la demande de M. [G] sont inopérants dès lors que ce dernier justifie de l'existence d'un trouble manifestement illicite, M. [J] ne pouvant valablement soutenir que depuis l'installation d'une clôture son voisin ne peut plus bénéficier correctement de la servitude de passage grevant le fonds de son voisin alors par ailleurs qu'il ne justifie pas d'une utilisation abusive de ladite servitude.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge a dit que M. [G] était bien fondé à invoquer l'existence d'un trouble manifestement illicite qu'il y avait lieu de faire cesser, l'ordonnance étant confirmée de ce chef.

- sur l'appel incident

M. [G] forme un appel incident et demande à la cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a précisé que la condamnation au retrait de la clôture se faisait à l'aplomb du hangar.

Il soutient que M. [J] a profité de cette mention pour interpréter de façon spécieuse l'ordonnance entreprise et ne pas retirer une partie de celle-ci.

Il ne peut cependant y être fait droit dès lors que la condamnation au retrait de la clôture à l'aplomb du hangar permet à M. [G] de jouir pleinement de la servitude de passage dont il dispose sur le fonds de son voisin. Dès lors son appel incident doit être rejeté et l'ordonnance critiquée confirmée en toutes ses dispositions soumises à la cour

- sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [J] qui succombe principalement en son recours doit être condamné aux dépens d'appel et à verser à M. [G] la somme supplémentaire de 1 500 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile, sa demande faite à ce titre ne pouvant prospérer.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant ;

Condamne M. [L] [J] à payer à M. [M] [G] la somme de 1 500  euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [L] [J] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/05402
Date de la décision : 22/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-22;21.05402 ?
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