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22/12/2022 | FRANCE | N°16/00890

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 22 décembre 2022, 16/00890


ARRET







[M] EPOUSE [L]





C/



[M]

[M]

[M]



[M]











CD/SGS





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU VINGT DEUX DECEMBRE

DEUX MILLE VINGT DEUX





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 16/00890 - N° Portalis DBV4-V-B7A-GHN6



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEAUVAIS DU VI

NGT SIX OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE



PARTIES EN CAUSE :



Madame [V] [M] épouse [L]

née le 26 Novembre 1960 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité 12]



Représentée par Me Audrey BOUDOUX D'HAUTEFEUILLE, avocat au barreau ...

ARRET

[M] EPOUSE [L]

C/

[M]

[M]

[M]

[M]

CD/SGS

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU VINGT DEUX DECEMBRE

DEUX MILLE VINGT DEUX

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 16/00890 - N° Portalis DBV4-V-B7A-GHN6

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEAUVAIS DU VINGT SIX OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE

PARTIES EN CAUSE :

Madame [V] [M] épouse [L]

née le 26 Novembre 1960 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité 12]

Représentée par Me Audrey BOUDOUX D'HAUTEFEUILLE, avocat au barreau D'AMIENS

APPELANTE

ET

Monsieur [H] [E] [T] [M]

né le 23 Janvier 1949 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 11]

Monsieur [W] [B], [P] [M]

né le 26 Mars 1953 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 14]

Représentés par Me Gilles CABOCHE, avocat au barreau de BEAUVAIS

Monsieur [R] [M]

né le 29 Juillet 1947 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 17]

[Localité 16]

Représenté par Me BARLEY substituant Me Marion MANGOT, avocat au barreau D'AMIENS

INTIMES

Madame [V] [N], [H] [M]

née le 26 Novembre 1960 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 15]

[Localité 13]

Représentée par Me Gilles CABOCHE, avocat au barreau de BEAUVAIS

PARTIE INTERVENANTE

DEBATS :

A l'audience publique du 20 octobre 2022, l'affaire est venue devant  Mme DIAS DA SILVA, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 décembre 2022.

La Cour était assistée lors des débats de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRET :

Le 22 décembre 2022, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

[D] [M] est décédé le 5 décembre 2010 laissant pour lui succéder ses 4 enfants [D], [H], [W] et [V] [M]. Son épouse [H] [Y] était prédécédée le 21 juin 2002.

En 1992 les époux [D] [M] et [H] [Y] avaient procédé à une donation-partage anticipée de la nue propriété de leurs biens et adopté le régime de la communauté universelle.

Par testament du 21 avril 1995 [D] [M] avait légué à sa fille Mme [V] [M] épouse [L] l'intégralité des meubles meublant sa maison située à [Localité 18] à charge pour elle de s'occuper de son enterrement et de régler les frais funéraires.

Le 4 mars 2013, Me [C], notaire, a adressé à Mme [L] la copie d'un second testament de [D] [M] daté du 26 janvier 2007 aux termes duquel il léguait à sa fille la totalité des comptes et révoquait toutes dispositions antérieures.

Le 26 septembre 2008, [D] [M] avait été placé sous tutelle, Mme [L] étant désignée administratrice légale son contrôle judiciaire.

Le 29 octobre 2013, MM. [H] et [W] [M] ont fait assigner leur frère M. [D] [M] et leur s'ur Mme [L] pour voir ordonner l'ouverture des opérations de partage de la succession, désigner Me [U], notaire à [Localité 19], enjoindre à Mme [L] de communiquer les comptes de gestion de la tutelle et diverses autres pièces dont l'inventaire initial des biens, la vente aux enchères d'autres biens situés à [Localité 20] et la désignation d'un expert pour évaluer d'autres parcelles situées à [Localité 18] et donner son avis sur les possibilités d'un partage en nature.

M. [D] [M] fils a sollicité l'attribution préférentielle des biens situés à [Localité 20] et l'annulation du second testament de son père.

Mme [L] s'est opposée aux demandes, hormis celles relatives à l'ouverture des opérations de partage.

Par jugement du 26 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Beauvais a :

- ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession et désigné Me [U] pour y procéder ;

- rejeté la demande de communication des comptes de tutelle ;

- dit que Mme [L] est redevable entre l'indivision successorale d'une indemnité égale à la valeur locative de la maison située à [Localité 18] dont elle est nue-propriétaire pour la période comprise entre le jour de l'entrée du défunt en maison de retraite jusqu'au décès ;

- dit n'y avoir lieu à la vente aux enchères publiques des immeubles situés à [Localité 20], cadastrés section C, [Cadastre 22], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10] ;

- rejeté la demande d'attribution préférentielle formée par M. [D] [M] fils de ces biens ;

- désigné M. [X] en qualité d'expert avec mission de déterminer la valeur locative en 2008 de l'immeuble dont est nue-propriétaire Mme [L], la valeur vénale actuelle en terres libres et occupées des parcelles section C, [Cadastre 21], [Cadastre 2], [Cadastre 3] et [Cadastre 4] à [Cadastre 5], la valeur vénale actuelle de l'immeuble cadastré sectionb C, [Cadastre 22], [Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10], dire si un partage en nature est possible et dans l'affirmative, proposer 4 lots de valeur équivalente ou presque ;

- rejeté la demande d'annulation du testament du 26 janvier 2007 ;

- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les dépens seraient employés en frais privilégiés de partage.

Par déclaration du 17 février 2016, Mme [L] a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 23 janvier 2018 la première chambre civile de cette cour a :

- confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que Mme [V] [M] épouse [L] était redevable envers l'indivision successorale d'une indemnité égale à la valeur locative de la maison située [Adresse 23] entre le jour d'entrée en maison de retraite de [D] [M] jusqu'à son décès et en ce qu'il a rejeté la demande en nullité du testament du 26 janvier 2007 pour défaut de sincérité ;

- statuant à nouveau de ces chefs,

- dit que Mme [V] [M] épouse [L] est redevable envers l'indivision successorale d'une indemnité égale à la valeur locative de la maison située [Adresse 23] pour la période comprise entre le 8 mai et le 5 décembre 2010 ;

- dit que le chef de la mission donnée à M. [Z] [X], expert, de déterminer la valeur locative de l'immeuble situé [Adresse 23] est limitée à la période du 8 mai au 5 décembre 2010 ;

- avant dire-droit sur les demandes en nullité des testaments des 26 janvier 2007 et 21 avril 1995,

désigné Mme [A] [I]En qualité d'expert avec mission de :

- se faire communiquer en original tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment le testament olographe attribué à [D] [M] daté du 26 janvier 2007 et le testament olographe attribué à [D] [M] daté du 21 avril 1995 ;

- dire si les deux testaments ont été écrits et signés par [D] [M] ;

- dit que Mme [L] devra consigner une somme de 2 000 euros au greffe de la cour d'appel dans le délai de deux mois à compter du présent arrêt à titre de provision sur les frais et honoraires de l'expert ;

- dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

- enjoint à la partie la plus diligente de conclure au vu du rapport de l'expert dans les deux mois suivant le dépôt du rapport ;

- rejeté toutes autres demandes ;

- dit que chaque partie supportera la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés.

Par ordonnance du 3 octobre 2018 la demande d'extension de la mission de l'expert sollicitée par MM. [H] et [W] [M] a été rejetée.

L'expert a déposé son rapport au greffe de la cour le 9 octobre 2018.

Une mesure de médiation a été proposée aux parties qui en ont accepté le principe.

Par ordonnance du 4 novembre 2019 le conseiller de la mise en état a désigné l'association Médiation Picarde pour y procéder, fixant la durée de la médiation à 3 mois et la consignation mise à la charge de chacun des enfants la somme de 250 euros. Le délai imparti au médiateur pour déposer son rapport a été prorogé à plusieurs reprises.

Le 14 décembre 2021 le médiateur a indiqué à la cour que les parties n'avaient pas trouvé de solution au conflit qui les opposait.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 11 octobre 2022 Mme [L] demande à la cour de :

- ordonner la restitution à Mme [L] de la somme totale de 45 000 euros indûment versée le 23 septembre 2011 à MM. [H], [W] et [D] [M],

- condamner en tant que de besoin MM. [H], [W] et [D] [M] à verser chacun la somme de 15 000 euros à Mme [L],

- condamner solidairement MM. [H], [W] et [D] [M] à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- dire et juger MM. [H], [W] et [D] [M] mal fondés en leur appel incident et les débouter de toutes leurs demandes,

- condamner solidairement MM. [H], [W] et [D] [M] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise judiciaire sous le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 octobre 2022, MM. [H] et [W] [M] demandent à la cour de :

- désigner un expert en remplacement de M. [X] avec la même mission que celle qui lui avait été confiée sauf à préciser que les immeubles devront être évalués d'après leur état à la date aussi proche que possible du décès de [D] [M] et à une date aussi proche que possible du partage,

- sur l'annulation du testament du 26 janvier 2007,

- dire n'y avoir lieu d'entériner le rapport d'expertise de Mme [I] du 9 octobre 2018,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du testament du 26 janvier 2007 dont le bénéfice est revendiqué par Mme [L],

- dire que Mme [L] ne démontre pas la réalité et la sincérité des testaments datés des 21 avril 1995 et 23 janvier 2007 dont elle vante le bénéfice,

- dire au surplus subsidiairement qu'elle ne démontre pas être habile à réclamer le versement de quelque somme que ce soit au regard de ses droits dans la succession,

- débouter Mme [L] de l'ensemble de ses demandes,

- dire que l'indemnité d'occupation due par Mme [L] pour l'immeuble situé [Adresse 23] sera proposée par le notaire chargé de régler la succession,

- dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage sous le bénéfice de la distraction prévue par l'article 699 du code de procédure civile,

- dire que chaque partie conservera la charge de ses frais non compris dans les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 19 octobre 2022, M. [D] [M] demande à la cour de :

- dire Mme [L] recevable mais mal fondée en son appel,

- le dire bien fondé en son appel incident,

- réformer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande en nullité du testament du 26 janvier 2007,

- statuant à nouveau,

- prononcer la nullité des testaments des 21 avril 1995 et 26 janvier 2007,

- en tout état de cause,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [L] au paiement d'une indemnité au profit de l'indivision successorale,

- désigner un nouvel expert en remplacement de M. [X] pour procéder à l'évaluation des immeubles er reprenant les mêmes missions que celles confiées par le premier juge,

- débouter Mme [L] de sa demande tendant à le voir condamner à lui verser la somme de 15 000 euros au titre d'une restitution,

- débouter Mme [L] de sa demande tendant à voir condamner les fils [M] au règlement de dommages et intérêts,

- condamner Mme [L] au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner Mme [L] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 octobre 2022 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du jour même.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Au vu de l'arrêt rendu par cette cour le 23 janvier 2018, lequel n'a pas fait l'objet d'un pourvoi, le jugement entrepris est définitivement confirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que Mme [L] est redevable envers l'indivision successorale d'une indemnité égale à la valeur locative de la maison située [Adresse 23] depuis le jour d'entrée en maison de retraite de [D] [M] jusqu'au décès de ce dernier et en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du testament du 26 janvier 2007 pour défaut de sincérité.

Par ailleurs cet arrêt a, après infirmation partielle, dit d'une part que Mme [L] est redevable envers l'indivision successorale d'une indemnité égale à la valeur locative de la maison située [Adresse 23] pour la période comprise entre le 8 mai et le 5 décembre 2010 et d'autre part que le chef de la mission donnée à M. [X] expert de déterminer la valeur locative de l'immeuble situé [Adresse 23] est limitée à la période du 8 mai au 5 décembre 2010.

Il s'ensuit que la cour a déjà statué sur la question de l'indemnité d'occupation due par Mme [L] et qu'elle a, par son arrêt du 23 janvier 2018, confirmé la désignation de M. [X] aux fins d'expertise. Les demandes des parties tendant à voir désigner un autre expert à la place de M. [X] ne peuvent prospérer et doivent être rejetées. Il en est de même s'agissant de la demande de dommages et intérêts présentée par M. [D] [M] et la demande de dommages et intérêts formée par Mme [L].

Il ne reste dévolu à la cour que les demandes en nullité des testaments des 26 janvier 2007 et 21 avril 1995, la cour ayant, avant dire droit sur ces seules demandes, ordonné une expertise judiciaire.

- sur la demande en nullité des testaments des 26 janvier 2007 et 21 avril 1995

L'article 970 du code civil dispose que 'Le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme.'

En l'espèce il est constant que par courrier du 4 mars 2013( pièce 1 de l'appelante), Me [C], notaire, a adressé à Mme [L] une lettre au termes de laquelle il indique 'je vous prie de trouver sous ce pli la copie du testament que j'ai ressorti de mon coffre, fait par votre père le 26 janvier 2007, non enregistré, celui-ci n'ayant pas à l'époque versé les frais d'enregistrement'. Cet acte stipule que le rédacteur lègue à sa fille 'la totalité des comptes' et révoque toutes dispositions antérieures, l'auteur précisant que le testament a été fait de sa main. Ce document est daté et signé.

Ainsi qu'il a déjà été dit dans l'arrêt de cette cour daté du 23 janvier 2018 c'est par des motifs pertinents que le premier juge a écarté les moyens développés par les parties, repris en appel, tendant à voir annuler lesdits testaments pour insanité d'esprit. Les pièces produites aux débats en appel ne permettent pas de remettre en cause l'analyse du premier juge sur cette question.

MM. [M] font valoir que les deux testaments ne peuvent avoir été rédigés de la main de leur père. Ils produisent le rapport amiable daté du 4 octobre 2016 établi par Mme [F], expert graphologue à la demande des fils [M], qui conclut que les testaments ne peuvent avoir été écrits par [D] [M] et qu'elle a relevé des similitudes graphiques entre les écrits de ces testaments et ceux de Mme [L].

Dans son rapport d'expertise judiciaire Mme [I] conclut à l'inverse que 'Les concordances graphiques observées entre les documents litigieux et les écrits de comparaison nous conduisent à dire que [D] [M] a écrit et signé les 2 testaments du 21 avril 1995, respectivement déposés chez Maître [K] [S] et Maître [J] [C] ainsi que le testament du 26 janvier 2007, déposé sans être enregistré chez Maître [J] [C].'

Contrairement aux affirmations des intimés l'expert Mme [I] a examiné les originaux des testaments litigieux ainsi qu'elle l'indique dans son rapport en page 6 alors que l'expert amiable Mme [F] a rédigé son rapport au seul vu de photocopies desdits testaments.

L'expert judiciaire explique quelle a été sa méthodologie de travail, laquelle avait fait l'objet d'une certification qualité par l'IRCGN, pour en conclure que [D] [M] était le rédacteur et le signataire des testaments litigieux remarquant notamment que le second était plus dégradé dans son déroulement graphique ce qui lui semblait logique puisque 12 années séparaient leur rédaction. Elle a comparé lesdits testaments avec les signatures apposées par [D] [M] sur des actes notariés en présence d'un notaire et a privilégié les signatures contemporaines des documents litigieux.

L'expert judiciaire a encore répondu aux dires des parties et expliqué en quoi elle ne partageait pas l'avis de Mme [F], cette dernière ayant travaillé sur des signatures anciennes qui n'étaient pas contemporaines du testament de 2007 et ayant écarté de son raisonnement les signatures codifiées qui lui avaient été transmises par Mme [L]. L'expert judiciaire a ainsi indiqué, à juste titre, en page 28 du rapport que le travail fait par Mme [F] n'était pas conforme au respect de la procédure contradictoire qui impose de prendre en compte les documents des deux parties et que dès lors que des documents signés en 2007 par [D] [M] avaient été écartés arbitrairement il n'était 'donc pas surprenant que nous ne parvenions pas aux mêmes conclusions'.

Force est de constater que le rapport d'expertise judiciaire établi par Mme [I] est parfaitement circonstancié et démontre le travail minutieux qu'elle a effectué pour établir ses conclusions. Ce rapport d'expertise n'encourt ainsi nullement les critiques que les intimés émettent à son encontre.

En tout état de cause, les conclusions de l'expertise amiable ne peuvent être retenues pour mettre en échec celles de Mme [I] compte tenu de l'absence de garanties suffisantes d'objectivité puisqu'il a été basé sur les seuls éléments d'appréciation fournis par son mandant. Elles ne peuvent pas plus justifier la demande de nouvelle expertise qui n'apparaît nullement nécessaire à la solution du litige.

Il se déduit de ces développements que [D] [M] est bien le rédacteur et le signataire des testaments querellés datés des 26 janvier 2007 et 21 avril 1995 et MM. [M] doivent être déboutés de leur demande de nullité de ces testaments, le jugement étant confirmé de ce chef.

- sur la demande de restitution formulée par Mme [L]

Mme [L] fait valoir qu'en dépit des termes du testament du 26 janvier 2007 une provision de 15 000 euros a été versée à chacun des héritiers par le notaire le 24 septembre 2011 et qu'en application de ce testament elle est fondée à solliciter la restitution de cette provision.

MM. [M] sont cependant fondés à lui répondre qu'il ne peut en l'état être fait droit à cette demande dès lors qu'il n'est nullement établi que cette provision excéderait leurs droits dans la succession de leur père alors que les liquidités de la succession s'élèvent à la somme de 84 589,42 euros et que les dispositions testamentaires sont susceptibles d'excéder la quotité disponible. Il appartiendra au notaire chargé du partage de faire le compte entre les héritiers en réclamant le cas échéant la restitution des provisions versées si elles excèdent leur part dans la succession.

La demande de Mme [L] doit donc être rejetée.

Les demandes de dommages et intérêts ne peuvent pas non plus prospérer faute de justifier de l'existence d'un préjudice subi en lien de causalité avec une faute commise par l'adversaire alors qu'il est de principe que l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue un droit et ne dégénère en abus que lorsqu'est caractérisé une faute en lien de causalité directe avec un préjudice.

- sur les frais irrépétibles et les dépens

L'équité commande de ne pas faire application en l'espèce des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes des parties sur ce fondement doivent donc être rejetées.

Ainsi que l'indique l'arrêt de cette cour daté du 23 janvier 2018 chaque partie supportera la charge des dépens d'appel. Il sera cependant ajouté que les frais de l'expertise judiciaire ordonnée par cet arrêt seront à la charge de la succession et donc employés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu l'arrêt de cette cour rendu entre les parties le 23 janvier 2018 ;

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité des testaments des 21 avril 1995 et 26 janvier 2007 ;

Y ajoutant ;

Rejette la demande de Mme [L] en restitution de la somme de 45 000 euros perçue par les autres héritiers ;

Rejette les demandes de dommages et intérêts et celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle qu'en application de l'arrêt de cette cour daté du 23 janvier 2018 chaque partie supportera la charge des dépens d'appel qu'elle a exposé ;

Dit que les frais de l'expertise judiciaire confiée à Mme [I] seront à la charge de la succession et donc employés en frais privilégiés de partage.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/00890
Date de la décision : 22/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-22;16.00890 ?
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