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15/12/2022 | FRANCE | N°21/05253

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 15 décembre 2022, 21/05253


ARRET

























Etablissement Public OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DES COMMUNES DE L'OISE DÉNOMMÉ OISE HABITAT









C/







EURL AYBAT

S.A.S. COBAT CONSTRUCTEURS













CV



COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 15 DECEMBRE 2022





N° RG 21/05253 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IIMJ





JUGEMENT DU

TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 12 OCTOBRE 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





Etablissement Public OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DES COMMUNES DE L'OISE DÉNOMMÉ OISE HABITAT, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adre...

ARRET

Etablissement Public OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DES COMMUNES DE L'OISE DÉNOMMÉ OISE HABITAT

C/

EURL AYBAT

S.A.S. COBAT CONSTRUCTEURS

CV

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 15 DECEMBRE 2022

N° RG 21/05253 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IIMJ

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 12 OCTOBRE 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Etablissement Public OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DES COMMUNES DE L'OISE DÉNOMMÉ OISE HABITAT, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Serge LEQUILLERIER de la SCP LEQUILLERIER - GARNIER, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160

Plaidant par Me Coline DERRIEN, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEES

EURL AYBAT, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Nathalie CARPENTIER de la SCP ANAJURIS, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

S.A.S. COBAT CONSTRUCTEURS, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Assignée à personne morale, le 19/11/21

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Octobre 2022 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES

PRONONCE :

Le 15 Décembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Le 1er février 2017 , l'office public Oise Habitat a confié à la société Cobat Constructeurs la construction de 38 logements individuels et de 12 logements collectifs à [Localité 7].

La société Cobat Constructeurs a confié la réalisation du lot n°6 cloisons, doublage, isolation à la société Aybat par contrat de sous traitance en date du 14 janvier 2020, ce contrat prévoyant le paiement direct des prestations par Oise Habitat , avec une retenue de garantie de 5% pesant sur la société Cobat.

La société Cobat Constructeurs a transmis le 20 janvier 2020 une demande d'agrément de sous traitance de l'entreprise Aybat concernant les travaux de fourniture et pose de cloisons , doublage et isolation.

Oise Habitat a accepté ce sous traitant et agrée ses conditions de paiement le 24 janvier 2020 pour un montant de 366 756, 05 € HT.

La société Aybat a transmis à la société Cobat Constructeurs deux devis de travaux supplémentaires en date du 5 mars 2020 et 27 avril 2020 ainsi que 3 factures de travaux pour des montants respectifs de 55 500 € , 85 219, 80 € , et 185 553, 96 € .Par courrier du 29 septembre 2020 elle a adressé un courrier à la société Cobat en vue d'obtenir le règlement des 3 factures et les 2 devis supplémentaires signés.N'ayant pas obtenu satisfaction , la société Aybat a mis en demeure la société Cobat Constructeurs et Oise Habitat de procéder aux paiements puis a fait assigner la société Cobat Constructeurs et Oise Habitat devant le Tribunal de Commerce de Compiègne.

Devant le Tribunal de Commerce de Compiègne , l'office public Oise Habitat a soulevé une exception d'incompétence, exposant que seul le Tribunal administratif d'Amiens pouvait connaître des demandes dirigées contre lui.

Par jugement en date du 12 octobre 2021, le Tribunal de Commerce de Compiègne :

-a dit recevable mais mal fondé l'office public Oise Habitat .

-a débouté Oise Habitat de sa demande d'exception d'incompétence .

-s'est déclaré compétent .

-a invité les parties à échanger et à conclure au fond pour le 9 novembre 2021 .

-a réservé les dépens.

L'office public Oise Habitat a interjeté appel de la décision par déclaration enregistrée le 5 novembre 2021 et a présenté une requête afin d'être autorisé à assigner les intimés à jour fixe.

Par ordonnance en date du 17 novembre 2021, l'office public Oise Habitat a été autorisé à assigner à jour fixe l'Eurl Aybat et la société Cobat Constructeurs.

Par acte d'huissier en date du 19 novembre 2021, délivré dans les formes de l'article 658 du code de procédure civile , l'appelante a fait signifier sa déclaration d'appel , la copie de sa requête , l'ordonnance rendue le 17 novembre 2021 , ses conclusions devant la Cour et ses pièces à la SAS Cobat Constructeurs , laquelle n'a pas constitué avocat.

L'affaire a été fixée à l'audience du 24 mars 2022 , puis a fait l'objet d'une renvoi à l'audience du 13 octobre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 17 mars 2022 , l'office public Oise Habitat demande à la Cour de :

-infirmer le jugement en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau ,

-déclarer que le marché conclu entre Oise Habitat et la société Cobat Constructeurs est un contrat administratif.

-déclarer que le Tribunal compétent pour juger les demandes de la société Aybat à l'encontre de Oise Habitat est le tribunal administratif d'Amiens, lieu d'exécution du contrat.

En conséquence ,

-déclarer le Tribunal de Commerce de Compiègne incompétent pour trancher le litige opposant la société Aybat à Oise Habitat au fond ,

-renvoyer la société Aybat à mieux se pourvoir devant le Tribunal administratif d'Amiens , pour trancher le litige opposant la société Aybat à Oise Habitat.

-condamner la société Aybat à verser à Oise Habitat la somme de  3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner la société Aybat aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 14 mars 2022 , l'Eurl Aybat demande à la Cour de :

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit que ce marché relève des juridictions judiciaires et déclare le Tribunal de Commerce de Compiègne matériellement compétent.

-condamner Oise Habitat à payer à la société Aybat la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties , la Cour renvoie à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la compétence

Le tribunal a relevé que les dates des signatures du marché étaient les 14 novembre 2016 et le 11 février 2017, la mention apposée sur la page de garde indiquant la soumission à l'ordonnance 2005-645 du 6 juin 2005 concernant les marchés passés par des personnes privées ou publiques non soumis au marché public,que compte tenu des dates de signatures des contrats et de la mention apposée, étaient applicables les dispositions de l'article L 421-6 du Code de la Construction et de l'habitation en leur version applicable du 19 mai 2011 au 25 novembre 2018, que le marché relevait bien des juridictions judiciaires.

L'office public Oise Habitat fait valoir que le marché principal constitue un contrat administratif et que le litige relève par conséquent de la compétence du Tribunal administratif , que la jurisprudence retient la qualification de contrat administratif lorsque deux critères cumulatifs sont réunis , un critère organique , la présence d'une personne publique dans le contrat,y compris un établissement public industriel et commercial, un critère matériel relatif à l'objet ou au contenu du contrat qui peut être satisfait notamment lorsqu'il est relatif à l'exécution de travaux publics ou si le contrat comporte des clauses exorbitantes de droit commun.

Elle souligne qu'en l'espèce les deux critères sont réunis , Oise Habitat étant un établissement public en application de l'article L 421-1 du code de la construction et de l'habitation , que par ailleurs selon la jurisprudence, la construction de logement sociaux poursuit un but d'utilité publique générale et constitue des travaux publics, qu'en outre le marché conclu comporte des clauses exorbitantes de droit commun, notamment dans son article 45,une possibilité de mettre fin à l'exécution des prestations pour un motif d'intérêt général, qu'il ne peut y avoir de confusion entre la notion de résiliation pour motif d'intérêt général et un cas de force majeure , que la Cour de Cassation dans un arrêt du 31 janvier 2018 a retenu la compétence de la juridiction administrative pour connaître des demandes en matière de paiement d'un sous traitant d'un marché public de travaux.

L'Eurl Aybat réplique que l'article L 421-6 du code de la construction et de l'habitation dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat souscrit les 14 novembre 2016 et le 11 février 2017 dispose que les marchés des offices publics de l'habitat sont régis par les dispositions applicables aux marchés des personnes publiques ou privées soumises aux règles fixées par l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés publics , que cette ordonnance est relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics. Elle souligne qu'en l'espèce, l'acte d'engagement signé par l'entreprise principale et Oise Habitat le 1er février 2017 ne comporte aucune clause exorbitante de droit commun ,que la résiliation n'est possible dans le contrat non pas pour un motif d'intérêt général mais pour faute contractuelle du cocontractant, mode de résiliation courant dans les contrats privés, qu'à supposer que l'article 45 confère à l'adjudicataire le pouvoir de mettre fin à tout moment au contrat pour un motif d'intérêt général, cette clause n'est pas une clause exorbitante, qu'il est fréquent dans les contrats de nature privé de voir une clause de résiliation pour cas de force majeure, sans contrepartie,que le contrat relève bien de l'ordre judiciaire et non administratif et qu'il y a lieu de confirmer le jugement.

Les offices publics de l'Habitat sont des établissements publics locaux à caractère industriel ou commercial , leurs contrats sont soumis à l'ordonnance n°2005-649 du 6 juin 2005, remplacée par l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et non plus au code des marchés publics , leurs marchés ne sont plus administratifs par détermination de la loi , ils constituent des contrats de droit privé ou des contrats administratifs .Pour qualifier un contrat d'administratif , celui ci doit répondre à deux critères , qui sont cumulatifs , un critère organique c'est à dire la présence d'une personne publique dans le contrat y compris un établissement public à caractère industriel et commercial et un critère matériel relatif à l'objet ou au contenu du contrat.

En l'espèce , il est constant que l'Office public Oise Habitat est un établissement public puisque selon l'article L 421-1 du Code de la Construction et de l'habitation , les offices publics de l'habitat sont des établissements publics locaux à caractère industriel et commercial , que d'autre part le marché comporte au moins une clause exorbitante de droit commun, puisque le cahier des clauses administratives particulières prévoit notamment dans son article 11, que « le pouvoir adjudicateur peut résilier le marché aux torts du contractant en cas d'inexactitude des renseignements prévus à l'article 19 du décret n°2005-1742 et selon les dispositions des articles 45 , 46.3 et 47 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG) .Or selon l'article 45 du CCAG dans sa version en vigueur à la date du contrat, le représentant du pouvoir adjudicateur peut également mettre fin à tout moment à l'exécution des prestations pour un motif d'intérêt général .Le contrat confère donc à Oise Habitat un pouvoir de résiliation unilatérale pour motif d'intérêt général qui ne saurait se confondre avec la force majeure laquelle fait référence à l'hypothèse d'un fait exceptionnel et imprévisible mettant une partie dans l'impossibilité d'exécuter ses obligations.

Le contrat principal conclu entre Oise Habitat et la société Cobat est donc un contrat de nature administrative.

Le sous traitant de la société Cobat , la société Aybat, a été accepté par l'Office Public Oise Habitat, il était prévu dans le contrat de sous traitance, qui rappelait que le marché principal avait pour maitre de l'ouvrage Oise Habitat , dans son article 6, que des paiements seraient effectués par paiement direct du maitre de l'ouvrage dans les cas d'application du titre II de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 , il est admis que le litige relatif au paiement direct au sous traitant par le maitre de l'ouvrage du prix des travaux concernant l'exécution d'un marché public relève de la compétence administrative, l' Eurl Aybat présente une demande de condamnation à paiement à l'encontre de l'office public Oise Habitat, le Tribunal administratif d'Amiens, lieu d'exécution du contrat est donc compétent , le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté Oise Habitat de sa demande d'exception d'incompétence.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Aybat succombant en ses prétentions , sera condamnée à payer à l'office public Oise Habitat la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour , statuant par arrêt rendu par défaut, en dernier ressort , par mise à disposition au greffe

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'office public Oise Habitat de son exception d'incompétence et s'est déclaré compétent pour connaître du litige opposant l'office public Oise Habitat à l'Eurl Aybat.

Dit que le marché conclu entre l'office public Oise Habitat et la société Cobat Constructeurs est un contrat administratif.

Déclare le Tribunal de Commerce de Compiègne incompétent pour trancher le litige opposant la société Aybat à l'office public Oise Habitat.

Déclare que le Tribunal compétent pour trancher le litige opposant l'office Public Oise Habitat et l'Eurl Aybat est le Tribunal administratif d'Amiens.

Renvoie l'Eurl Aybat à mieux se pourvoir devant le Tribunal administratif d'Amiens.

Condamne l'Eurl Aybat à payer à l'office public Oise Habitat la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne l'Eurl Aybat aux dépens.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/05253
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;21.05253 ?
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