La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2022 | FRANCE | N°20/04459

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 15 décembre 2022, 20/04459


ARRET

























S.A. IMMOBILIERE EUROPEENNE DES MOUSQUETAIRES









C/







S.A.S. ARKAL

S.A.S. PROJEX













OG





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 15 DECEMBRE 2022





N° RG 20/04459 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H3GA





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 31 JUILL

ET 2020





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





S.A. IMMOBILIERE EUROPEENNE DES MOUSQUETAIRES, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]





Représentée par Me Véronique SOUFFLET de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocat au ba...

ARRET

S.A. IMMOBILIERE EUROPEENNE DES MOUSQUETAIRES

C/

S.A.S. ARKAL

S.A.S. PROJEX

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 15 DECEMBRE 2022

N° RG 20/04459 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H3GA

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 31 JUILLET 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. IMMOBILIERE EUROPEENNE DES MOUSQUETAIRES, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Véronique SOUFFLET de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 92

Plaidant par Me Claire TITRAN, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMEES

S.A.S. ARKAL, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Laetitia BEREZIG de la SCP BROCHARD-BEDIER ET BEREZIG, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 09

Plaidant par Me Alexis FATOUX, avocat au barreau D'ARRAS

S.A.S. PROJEX, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Plaidant par Me Claire LECAT, avocat au barreau de LILLE

DEBATS :

A l'audience publique du 13 Octobre 2022 devant :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES

PRONONCE :

Le 15 Décembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La société VM Deligny, désormais Arkal (SAS), spécialisée dans la fabrication et la pose d'éléments de charpentes et de structures métalliques, s'est vue confier le 8 juillet 2016 par la société Immobilière européenne des mousquetaires (SA), ci-après IEM, en qualité de maître d'ouvrage, le lot n°2 'charpentes métalliques' d'un marché de travaux de transformation en zone commerciale d'une ancienne sucrerie d'[Localité 3], pour un prix initial de 1.865.000 euros HT (compte prorata inclus).

Les travaux de ce projet immobilier ont été réalisés par corps d'état séparés, sous la maîtrise d'oeuvre d'exécution de la société Projex (SAS), selon avenant du 1er décembre 2015.

S'agissant du cinéma prévu au sein de la zone commerciale, le futur exploitant des lieux, la société CGR, s'est adjoint la société ABP Architectes en qualité de maître d'oeuvre spécialisé.

Le montant des travaux était prévu payable sur situations mensuelles, établies par la maîtrise d'oeuvre pour soumission au maître de l'ouvrage et il appartenait à la maîtrise d'oeuvre de vérifier les demandes de travaux complémentaires et si nécessaire d'établir des avenants aux marchés en vue de les présenter pour approbation et signature au maître de l'ouvrage

Les travaux de la SAS Arkal ont fait l'objet d'une réception avec réserves à effet du 3 janvier 2018.

Un litige financier est apparu entre le maître d'ouvrage, la SA IEM, et la SAS Arkal, cette dernière lui réclamant le paiement:

- d'une facture n°1637-1709007 du 30 septembre 2017 d'un montant de 26.682,72 euros TTC, échue le 31 octobre 2017;

- et d'une facture n°1637-1801001 du 3 janvier 2018 d'un montant de 91.889,49 euros TTC échue le 28 février 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 4 avril 2018, la SAS Arkal a mis en demeure la SA IEM de lui régler sous quinzaine la somme de 118.572,21 euros TTC, au titre des deux factures précitées.

La SA IEM a réglé le 7 mai 2018 à la SAS Arkal un montant de 26.682,72 euros TTC correspondant à une facture n°1637-1709007 du 30 septembre 2017.

Par acte d'huissier du 4 juin 2018, la SAS Arkal a fait assigner la SA IEM devant le tribunal de commerce d'Amiens en paiement des sommes :

- de 91.889,49 euros TTC, au titre d'une facture n°1637-1801001 du 3 janvier 2018;

- et de 259.200 euros TTC en réparation d'un préjudice financier consécutif à une modification de chantier.

Le 28 juin 2018, la SA IEM a réglé à la SAS Arkal un montant de 62.244,93 euros HT, soit 74.693,92 euros TTC.

Par acte d'huissier du 29 janvier 2019, la SAS Arkal a fait assigner la SAS Projex en garantie et a actualisé ses demandes en paiement à hauteur:

- de 17.195,57 euros TTC, au titre de la facture n°1637-1801001 du 3 janvier 2018;

- et de 263.796 euros TTC, en réparation d'un préjudice financier consécutif à une modification de chantier.

Suivant jugement contradictoire du 31 juillet 2020, le tribunal de commerce d'Amiens a joint les instances, déboutant les parties de leurs plus amples demandes, a condamné la SA Immobilière européenne des mousquetaires à payer à la SAS Arkal la somme de 17.195,57 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du jugement, faute d'autre indication dans les conclusions de la SAS Arkal et la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Il a en revanche débouté la SAS Arkal de ses demandes à l'encontre de la SAS Projex et la SA Immobilière européenne des mousquetaires de ses demandes de relevé de garantie de la SAS Projex.

La SA Immobilière européenne des Mousquetaires a relevé appel de cette décision par déclaration du 8 septembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 12 avril 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA IEM demande à la cour d'infirmer la décision entreprise sauf en ce qu'elle a débouté la société Arkal de ses demandes indemnitaires consécutives à une prétendue modification des travaux et à un retard du chantier et statuant à nouveau de débouter la société Arkal de l'ensemble de ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance.

A titre subsidiaire si la cour entrait en voie de condamnation à son encontre, elle demande que la société Projex soit condamnée à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et en toute hypothèse elle demande la condamnation de la société Arkal ou de toute société succombante au paiement de la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel et sa condamnation au entiers dépens dont distraction au profit de maître Soufflet.

Aux termes de ses conclusions d'intimée remises le 1er mars 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SAS Arkal demande à la cour d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de condamnation solidaire de la SA IEM et de la SAS Projex au titre de son préjudice économique à hauteur de 263.796 euros HT et statuant à nouveau de condamner solidairement la SA IEM et la SAS Projex à lui payer la somme de 263.796 euros HT au titre de son préjudice financier.

Elle demande en outre à la cour de confirmer la décision entreprise pour le surplus, sauf à condamner la SAS Projex, solidairement avec la SA IEM à régler à la SAS Arkal la somme de 17.195,57 euros TTC, condamner solidairement la SA IEM et la SAS Projex à lui régler la somme de 8.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, outre 4.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel et de débouter la SA IEM et la SAS Projex de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée remises le 17 mai 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SAS Projex demande à la cour à titre principal de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et à titre subsidiaire de condamner la SA IEM à la relever indemne de toutes condamnations prononcées à son encontre et en toute hypothèse, de condamner la SA IEM et la SAS Arkal à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la cause.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2022, l'affaire ayant été fixée pour plaider à l'audience du 13 octobre 2022.

SUR CE,

Il convient de relever qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Par ailleurs les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués et à défaut elles sont réputées les avoir abandonnées et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

Le dispositif des dernières conclusions de la société IEM ne contient aucune prétention relative à la levée des réserves et la cour n'a donc pas à statuer sur la demande de la société IEM sollicitant la condamnation à ce titre de la société Arkal.

Sur les sommes restant dues en exécution du marché

La SA IEM fait valoir que le marché de base a été régularisé pour un montant forfaitaire global de 1.865.000 euros HT et que dix avenants ont été régularisés, portant le montant global du marché à la somme de 2.024.858 euros HT mais que la preuve d'un onzième avenant pour un montant de 4.000 euros HT, dont se prévaut la SAS Arkal au travers d'une facture n° 1637-1709007 du 30 septembre 2017, n'est pas rapportée en l'espèce.

Elle ajoute qu'elle a réglé les factures qui lui étaient présentées non pas en raison de la procédure engagée mais dans les délais contractuellement prévus sans qu'aucune faute ne puisse lui être reprochée.

Elle fait valoir que les travaux dont le paiement est désormais réclamé sont fondés sur quatre situations reprenant des avenants régularisés par d'autres parties que le maître de l'ouvrage ou des travaux sollicités également par d'autres parties.

Elle conteste avoir en qualité de maître de l'ouvrage commandé ces travaux et même en avoir eu connaissance alors même qu'aucun autre intervenant ne bénéficiait d'un mandat du maître de l'ouvrage pour régulariser la commande de travaux supplémentaires.

Elle considère qu'il résulte des courriels versés aux débats qu'en réalité la société Projex a outrepassé son mandat de maître d'oeuvre en faisant réaliser sous sa seule responsabilité des travaux supplémentaires.

Elle soutient qu'il ne lui appartenait pas en qualité de maître d'ouvrage profane de s'immiscer dans le suivi du chantier quand bien même elle aurait été avisée des échanges entre la maîtrise d'oeuvre et les entreprises, professionnels de la construction.

Elle souligne que l'entreprise ne pouvait en ce qui la concerne exécuter des travaux supplémentaires sans ordre de service et ou avenant ou bon de commande de la part du maître de l'ouvrage ce qu'elle n'ignorait pas.

Elle précise à ce titre que M. [E] de la société FX n'était qu'un assistant des preneurs des cellules commerciales et n'était aucunement mandaté pour régulariser des commandes de travaux pour le compte du maître de l'ouvrage.

La SAS Arkal soutient que le maître de l'ouvrage reste lui devoir une somme de 17.195,57 euros TTC correspondant à des postes pour lesquels un accord a été donné, notamment par la SAS Projex, représentée par M. [K], en sa qualité de maître d'oeuvre d'exécution, et par M. [O] [E], en sa qualité d'assistant du maître de l'ouvrage, savoir :

*un 'Avenant Chevêtres sur plancher mezzanine Cinéma (avenant n° 11)' pour un montant de 4.000 euros HT (4.800 euros TTC);

* un 'Avenant Chevêtres Bricomarché' pour un montant de 2.826 euros HT (3.391,20 euros TTC);

* un 'Avenant Chevêtres Façade Cinéma' pour un montant de 1.992 euros HT (2.390,40 euros TTC);

* et des 'Travaux Cinéma' pour un montant de 3.744 euros TTC;

* outre le prorata sur l'ensemble des avenants, pour un montant de 2.869,97 euros TTC;

Elle fait valoir que les échanges de courriels versés aux débats justifient des accords donnés pour chacun des postes susvisés par la SAS Projex, ès qualités de maître d'oeuvre, et par la SA IEM, ès qualités de maître d'ouvrage.

Elle ajoute que les devis ont été adressés à l'ensemble des intervenants.

Elle fait observer que les quatre postes de travaux supplémentaires en cause ont été réalisés, à défaut de preuve contraire.

La SAS Projex soutient qu'elle a traité avec diligence et sans retard la facture émise par la SAS Arkal pour un montant de 22.235,60 euros HT (26.682,72 euros TTC) correspondant à la situation de travaux n°14, laquelle, bien que datée du 30 septembre 2017, avait été refusée le 3 novembre 2017, puis reçue rectifiée le 17 avril 2018 et validée le 19 avril 2018, avant l'émission d'un certificat de paiement du même jour.

Elle fait valoir qu'en sa qualité de maître d'oeuvre elle ne pouvait qu'émettre un avis sur les situations présentées par l'entreprise mais ne pouvait être condamnée à régler une facture aux lieu et place du maître de l'ouvrage, seul bénéficiaire des travaux exécutés.

Elle ajoute qu'ayant émis un avis sur les situations litigieuses elle n'a commis aucune faute dommageable à l'égard de la société Arkal.

Il résulte du marché de travaux liant la société IEM en qualité de maître de l'ouvrage et la société Arkal anciennement VM Deligny et notamment du cahier des clauses particulières que le marché est à prix forfaitaire global d'un montant hors taxe de 1 865 000 euros pour le lot charpente métallique et que les situations des entreprises doivent être transmises au maître de l'ouvrage et à la maîtrise d'oeuvre.

Le marché à forfait n'autorise pas l'exécution de travaux supplémentaires et leur règlement en l'absence d'une autorisation préalable écrite du maître de l'ouvrage ou de son représentant dûment mandaté à cette fin.

Il n'est pas contesté en l'espèce que dix avenants sont intervenus en accord avec le maître de l'ouvrage portant le montant du marché à la somme de 2 021 858 euros.

Ces avenants ont été régularisés sur des devis établis par l'entreprise, ont été signés par l'ensemble des parties et ont donné lieu à des ordres de service.

Si les parties sont en désaccord sur l'exécution de quatre postes de travaux supplémentaires force est de constater que la société Arkal ne produit pour ces postes de travaux aucun accord préalable et écrit du maître de l'ouvrage la société IEM.

En effet les courriels dont elle fait état pour chacun de ces postes émanent soit d'un représentant de la société Projex maître d'oeuvre d'exécution M. [K] soit de M. [E] de la société FX mais aucunement du maître de l'ouvrage la société IEM.

Le seul fait que pour deux postes, les chevêtres façade cinéma et les autres travaux du cinéma le maître de l'ouvrage ait été destinataire en copie des demandes de devis et des devis établis ne peut valoir accord de celui-ci sur les travaux à exécuter et leur prix.

De même le fait que ces travaux exécutés soient considérés comme justifiés par la maîtrise d'oeuvre d'exécution la société Projex qui seule a donné son accord pour leur exécution ne saurait engager le maître de l'ouvrage.

Il convient en conséquence d'infirmer la décision entreprise et de débouter la société Arkal de sa demande en paiement de la somme de 17195, 57 euros formée à l'encontre de la société IEM, maître de l'ouvrage.

Il convient de relever que la société Arkal agit également à l'encontre de la société Projex chargée de la maîtrise d'oeuvre d'exécution sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle.

Contrairement à ce que défend la société Projex qui argue de sa diligence il ne lui est pas reproché d'avoir commis une faute dans sa mission consistant à donner son avis sur les situations et notamment les situations litigieuses et ce notamment au regard des délais impartis dans ce cadre , mais il lui est reproché d'avoir donné son accord pour l'exécution des travaux aux lieu et place du maître de l'ouvrage.

Il résulte en effet des courriels échangés avec la société Arkal que la société Projex a été amenée à valider des devis et a indiqué donner son accord sur les devis en rappelant qu'elle régulait elle-même les commandes. Ainsi à un message de la société Arkal s'inquiétant de l'absence de commande du maître de l'ouvrage suivant un devis sur les chevêtres Bricomarché la société Projex va répondre' Je te donne mon accord sur le devis joint pour rappel c'est Projex qui régule les commandes par rapport au DGD TCE'.

De même dans un courriel du 21 novembre 2017 le représentant du groupe Projex va aller jusqu'à indiquer aux différentes entreprises que la direction Immo Mousquetaires l'autorise à régulariser des prestations et indiquer dans le mémoire de réclamation au titre des décomptes généraux définitifs qu'elle s'est vue donner des accords de principe sur l'exécution de prestations sans accord préalable du maître de l'ouvrage du fait qu'il avait été conclu avec celui-ci que les moins-value pourraient couvrir les travaux supplémentaires nécessaires à la bonne exécution des travaux.

Pour autant le maître d'oeuvre n'était que le délégué du maître de l'ouvrage et non son mandataire et le contrat de maîtrise d'oeuvre prévoyait qu'il appartenait au maître d'oeuvre de vérifier les demandes de travaux complémentaires et si nécessaire d'établir notamment des avenants au marché en vue de les présenter pour approbation et signature au maître de l'ouvrage mais il ne délèguait pas au maître d'oeuvre ni ne donnait mandat à celui-ci de statuer sur les situations de travaux supplémentaires.

En donnant son accord à la société Arkal sur les devis de travaux supplémentaires par elle établis et en lui faisant ainsi exécuter ces travaux la société Projex qui a outrepassé sa mission a commis une faute directement à l'origine du dommage consistant pour la société Arkal à se voir opposer un refus de paiement par le maître de l'ouvrage pour des travaux dont le chiffrage s'élève à la somme de 17195,57 euros TTC.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris, de condamner la société Projex seule à indemniser la société Arkal du préjudice matériel qu'elle a ainsi subi et à lui payer à ce titre la somme de 17195,57 euros.

Sur la modification des travaux et le décalage du chantier

La SAS Arkal soutient qu'elle a subi les errances de la SA IEM, relayées par la SAS Projex concernant le plan d'aménagement d'un cinéma dès lors que si en décembre 2016 il lui était réclamé en urgence par l'entreprise en charge du lot gros oeuvre son plan d'implantation et descente de charge définitive du cinéma et qu'il lui était indiqué par le maître d'oeuvre que seule une partie de la mezzanine était à supprimer et qu'il fallait rester sur les bases définies, le 27 janvier 2017, alors que le planning prévisionnel de pose fixait son intervention début février 2017, qu'aucune contre-indication n'avait été formulée jusqu'à présent, que les études en calcul étaient terminées, que les études dessin étaient avancées à 80%, que la charpente était fabriquée et peinte à 70% et que la quasi-totalité des aciers était livrée dans les ateliers, une modification de l'implantation des poteaux pour le cinéma a été sollicitée, bouleversant totalement la structure initialement prévue. Elle indique qu'il en est résulté un report de son intervention de début à fin février 2017, soit un arrêt soudain d'activité le temps qu'intervienne le gros oeuvre pour les pieux et fondations et qu'elle a dû ensuite multiplier les demandes écrites auprès de la SAS Projex pour obtenir des instructions définitives et établir des devis détaillés de travaux supplémentaires tenant compte des modifications exigées, lesdits devis ayant été acceptés en fin d'année 2017.

Elle soutient que compte tenu de la mobilisation de ses moyens de l'arrêt soudain de sa production et de la perte des matériaux non récupérables elle a subi un lourd préjudice financier.

Elle reproche à la société Projex maître d'oeuvre de n'avoir pas su coordonner l'envoi en temps et en heure entre les différents intervenants des plans de la charpente et des plans du maître d'oeuvre du preneur et fait valoir que la société IEM ne peut s'exonérer de sa responsabilité dès lors qu'elle est la seule responsable de la gestion de la communication entre les différents maîtres d'oeuvre mais est restée en l'occurence spectatrice de la cacophonie sur le chantier et de l'incapacité de son maître d'oeuvre à gérer les différentes interventions.

Elle considère que pour un arrêt de son activité de douze jours avec 45 salariés à l'arrêt et un décalage de douze jours de l'équipe de montage en se fondant sur la marge brute déclarée à l'assurance son préjudice peut être évalué à la somme de 263796 euros.

Elle soutient que cette évaluation du préjudice financier ne repose pas uniquement sur des attestations des salariés de la SAS Arkal, mais également sur les échanges de courriels avec la SAS Projex et une attestation d'assurance et qu'il lui était impossible de remobiliser immédiatement ses équipes pour travailler sur d'autres éléments du chantier (partie loisir de la zone commerciale), compte tenu du fait que les plannings des chantiers sont établis des semaines à l'avance et en fonction des interventions des autres entreprises.

La SA IEM fait valoir que la SAS Arkal ne justifie pas davantage, au sens de l'article 1315 susvisé du code civil, qu'une modification d'implantation des poteaux pour le cinéma, de nature à bouleverser la structure initialement prévue, serait intervenue le 27 janvier 2017, ni que cette modification lui aurait causé un préjudice financier lié à la mobilisation de moyens, l'arrêt de sa production et la perte de matériaux fabriqués non récupérables pour un montant de 216.000 euros HT (259.200 euros TTC).

Elle fait observer que la modification en cours de chantier ayant consisté à supprimer la mezzanine sur entrée dans la cellule à usage de cinéma a fait l'objet de l'avenant n°1 du 26 juin 2017, selon trois devis des 8 février (réalisation d'une passerelle, suppression de poteaux) et 5 avril 2017 (réalisation d'une ossature de charpente métallique), ledit avenant ayant été accepté sans réserve et payé à hauteur d'un montant forfaitaire, non actualisable et non révisable de 14.358 euros HT.

Elle fait valoir qu'elle n'a accepté aucun autre devis que ceux objets de l'avenant n°1 concernant les modifications de la cellule destinée à usage de cinéma et que la société Arkal ne justifie pas avoir dû solliciter et attendre des instructions définitives pour établir d'autres devis qui n'auraient été acceptés qu'en fin d'année 2017.

Elle soutient par ailleurs que la SAS Projex peut se voir reprocher d'avoir commis des manquements dans sa communication avec les autres maitres d'oeuvre, y compris dans la diffusion le 14 décembre 2016 mais qu'aucune faute dans l'exécution de ses propres obligations, pas même une abstention fautive, n'est en revanche imputable au maître d'ouvrage, de sorte que la SAS Arkal devra être déboutée de ses demandes indemnitaires, de même que la SAS Projex de son appel en garantie sur ce point, lequel ne repose sur aucune justification particulière

A titre infiniment subsidiaire, elle fait valoir que sa condamnation indemnitaire, le cas échéant ne pourra excéder une perte de marge nette, étant précisé que la SAS Arkal ne verse aux débats aucun élément comptable permettant de l'établir, et que l'arrêt complet de production revendiqué ne parait pas crédible alors que le chantier restait en cours et que les équipes pouvaient être redéployées sur d'autres missions. Elle ajoute qu'elle sera fondée, en cas de condamnation indemnitaire, à obtenir la condamnation de la SAS Projex à la garantir et la relever quitte et indemne de toute condamnation qui viendrait à être prononcée à son encontre.

La société Projex soutient que les pièces versées aux débats ne démontrent aucune faute de sa part dans le cadre de sa mission de suivi de l'exécution des travaux , que les retards d'études que lui impute la SAS Arkal sont dus à un manque de diligences de la société Cinéma CGR, laquelle n'a pas été en mesure de fournir le plan d'aménagement du cinéma de la société ABP Architectes à la date initialement prévue, soit le 14 décembre 2016, étant précisé qu'elle démontre leur avoir adressé le plan CHM le même jour, que l'historique des échanges avec la SAS Arkal, la SA IEM et la société ABP Architectes entre le 7 octobre 2016 et le 16 février 2017 témoigne de ses diligences pour intégrer la problématique liée à l'exploitation du cinéma par la société CGR Cinéma, laquelle disposait de son propre maitre d'oeuvre en la personne du cabinet ABP Architectes;

Elle ajoute que les fautes de communication que lui imputent la SAS Arkal et la SA IEM ne sont pas démontrées, étant précisé qu'elle n'avait aucun rapport contractuel avec les autres maîtres d'oeuvres du chantier, dont le cabinet ABP Architectes et qu'il incombait au maître d'ouvrage, la SA IEM, de superviser et d'assurer la communication à l'égard des autres maîtres d'oeuvre.

La SAS Projex relève que la SAS Arkal reproche, d'une part à la SA IEM des errances ayant retardé l'exécution des travaux, d'autre part au maître d'oeuvre d'exécution d'avoir relayé ces errances sans tenter d'y remédier, ce qui est pourtant contredit par la démonstration des diligences accomplies par ce dernier pour minimiser les retards en cause et intégrer la problématique liée à l'exploitation du cinéma par le biais de la société CGR Cinéma ayant elle-même désigné un maître d'oeuvre.

Elle fait valoir à ce titre qu'aucune des parties ne peut caractériser à son encontre une situation de fait constituant une faute dans le cadre de l'exécution de sa mission de suivi de l'exécution des travaux dès lors que les retards dénoncés par la société Arkal ne sont pas imputables à ses prestations de maître d'oeuvre ayant toujours suivi le projet avec rigueur pour éviter puis limiter le dérapage du planning . Elle maintient que n'ayant aucun lien contractuel avec les autres maîtres d'oeuvre désignés son seul interlocuteur restait le maître de l'ouvrage qui seul pouvait assurer la coordination.

Elle fait observer que la SAS Arkal ne produit aucun document comptable qui permettrait d'évaluer la perte de marge nette réelle qu'elle dit avoir subi et subsidiairement, qu'il conviendra sur le fondement de la responsabilité contractuelle de condamner la SA IEM à la relever indemne, le cas échéant, de toute condamnation prononcée à son encontre.

Il résulte des différents courriels échangés entre la société Arkal et la société Projex notamment, qu'une difficulté est survenue dans la planification des travaux incombant à la société Arkal en raison de modifications rendues nécessaires sur la charpente du fait de la réception tardive du plan d'aménagement du cinéma et de consignes contradictoires.

La société Arkal justifie que si elle a avisé le maître d'oeuvre le 20 décembre 2016 qu'elle devait reprendre ses études au vu des demandes des preneurs du cinéma il lui a été assuré à la même date par le maître d'oeuvre qu'il convenait pour l'essentiel de rester sur les bases et plans existant mais que le 27 janvier 2017 seulement elle a été avisée de modifications plus importantes à prendre en compte notamment quant à l'implantation des poteaux pour le complexe cinéma.

Par un courrier du même jour elle indiquait cesser toute intervention en matière d'études et de fabrication et évoquait un préjudice en termes de retard dans le planning d'intervention et de fabrication de matériaux potentiellement inutilisables en fonction de l'ampleur des modifications envisagées et dès lors qu'elle indiquait avoir achevé les études et que la fabrication de la charpente était exécutée à 70%.

Elle était néanmoins en mesure dès le 7 février 2017 d'adresser les devis modificatifs de la charpente du cinéma.

Il résulte en effet des courriels produits par la société Projex maître d'oeuvre qu'elle a été confrontée à des difficultés dans l'obtention des plans d'aménagement du cinéma de la part de l'exploitant et dans la coordination des différents intervenants.

A la suite des courriers recommandés adressés par la société Arkal relatifs à ses difficultés face à ces circonstances tant le maître d'ouvrage que le maître d'oeuvre ont tenté d'apporter des réponses afin de remédier rapidement au retard pris quant à la coordination entre les différents plans d'implantation.

Ainsi à la suite des devis de travaux supplémentaires adressés le 7 février 2017 par la société Arkal la société Projex lui retournait dès le 14 février 2017 la proposition validée par ses soins.

Il sera relevé que le seul échange de courriels entre les parties, d'un nombre certes important mais au contenu parfois très technique, permet de constater l'existence de retards dans l'exécution dus à la nécessaire coordination des travaux mais ne permet pas de retenir une faute à l'encontre du maître de l'ouvrage.

De même alors que maître d'oeuvre justifie par ses courriels avoir tenté de maintenir le planning des travaux mais avoir dû composer avec les maîtres d'oeuvre de l'exploitant du cinéma, le seul grief pouvant lui être reproché serait d'avoir donner des consignes contradictoires mais toutefois motivées par sa volonté constante de ne pas décaler les planning d'intervention des sociétés.

Surtout la société Arkal évoque des préjudices liés à des matériaux perdus non récupérables, à l'arrêt de son activité durant douze jours ouvrés et au décalage de l'intervention de son équipe de montage mais ne produit pour justifier de ces préjudices que les attestations de ses propres employés et une attestation de son assurance sur les pertes d'exploitation indiquant que la marge brute assurée est de 7126,662 euros sur 12 mois.

Ces éléments sont nettement insuffisants pour établir et chiffrer un préjudice.

Ainsi la société Arkal qui dans ses courriers évoquait la possibilité de la perte de matériaux en fonction des modifications qui seraient apportées ne justifie pas de la réalité de ce préjudice ni dans son existence ni dans son montant.

Par ailleurs s'il ne peut être contesté que la société Arkal a subi un retard dans l'exécution des travaux elle ne produit aucun élément comptable permettant d'appréhender les conséquences financières subies du fait de ce retard.

Enfin bien qu'ayant mis en garde début février 2017 le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre de son intention de solliciter une indemnisation de ses préjudices liés au retard apporté à son intervention pour le complexe du cinéma notamment, elle a été en mesure ensuite d' établir àrapidement des devis pour les travaux supplémentaires liés certes aux modifications relatives à la mezzanine mais également à celles relatives aux modifications de la charpente du cinéma, devis ne faisant pas état notammment de matériaux perdus. Elle n'a pas sollicité davantage en raison de ces modifications.

Il convient de considérer en conséquence que la société Arkal ne rapporte pas la preuve des préjudices invoqués du fait des prétendues fautes commises par le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre et doit être déboutée en conséquence de son action en responsabilité formée à l'encontre de la société IEM et de la société Projex.

Il convient en conséquence de confirmer sur ce chef le jugement entrepris.

Sur l'appel en garantie formé par la société Projex à l'encontre du maître de l'ouvrage

La société Projex fait valoir que seul le maître de l'ouvrage est concerné par la facture litigieuse et conteste avoir outrepassé son mandat en validant les travaux supplémentaires de la société Arkal par courriel en date du 30 novembre 2017 alors que M. [E] de la société FX avait lui-même donné son feu vert aux deux précédents courriels.

La société IEM soutient pour sa part que la société Projex a outrepassé son mandat de maître d'oeuvre en faisant réaliser des travaux qu'elle n'avait pas commandés.

Elle ajoute que M. [E] est intervenu à l'opération de construction de la zone commerciale en qualité d'assistant auprès des preneurs des différentes cellules commerciales et ne disposait pas davantage d'un mandat de sa part pour commander des travaux.

Il ne résulte d'aucune disposition contractuelle du contrat de maîtrise d'oeuvre que la mission du maître d'oeuvre soit étendue à la commande et validation de travaux supplémentaires et il était clairement prévu par le contrat de maîtrise d'oeuvre qu'il appartenait au maître d'oeuvre de vérifier les demandes de travaux complémentaires et si nécessaire d'établir notamment des avenants au marché en vue de les présenter pour approbation et signature au maître de l'ouvrage mais le contrat ne déléguait pas au maître d'oeuvre ni ne donnait mandat à celui-ci de statuer sur les situations de travaux supplémentaires.

Il résulte d'ailleurs des propres documents produits par la société Projex qu'elle a à plusieurs reprises respecté la procédure de validation.

Il convient dès lors de rejeter son appel en garantie à l'encontre de la société IEM

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de condamner la société Projex aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de maître Soufflet pour ceux d'appel.

Il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné la société IEM à payer à la société Arkal la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau de condamner la société Projex à payer à la société Arkal la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance et de la condamner à lui payer la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel.

Il y a lieu de débouter la société IEM de ses demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de la société IEM relative à la levée des réserves;

Confirme le jugement entrepris excepté sur la condamnation au titre des travaux litigieux les frais irrépétibles et les dépens ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute la société Arkal de sa demande formée à l'encontre de la société IEM ;

Condamne la société Projex à payer à la société Arkal la somme de 17195,57 euros ;

Déboute la société Projex de son appel en garantie à l'encontre de la société IEM ;

Condamne la société Projex à payer à la société Arkal la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles par elle exposés en première instance et la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel ;

Condamne la société Projex aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de maître Soufflet.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/04459
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;20.04459 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award