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03/11/2022 | FRANCE | N°20/05680

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 03 novembre 2022, 20/05680


ARRET



















[G]





C/



S.A. BANQUE CIC NORD OUEST









OG





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022





N° RG 20/05680 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H5J5



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 06 NOVEMBRE 2020





PARTIES EN CAUSE :



APPELANT





Monsieur [M], [B] [G]>
[Adresse 4]

[Localité 1]





Représenté par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 80

Ayant pour avocat plaidant, Me Marie Négrel, avocat au barreau de PARIS





ET :





INTIMEE





S.A. BANQUE CIC NORD OUEST, agissant poursuites et diligences en son représentant lé...

ARRET

[G]

C/

S.A. BANQUE CIC NORD OUEST

OG

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 03 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/05680 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H5J5

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 06 NOVEMBRE 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [M], [B] [G]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Aurélie GUYOT, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 80

Ayant pour avocat plaidant, Me Marie Négrel, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

S.A. BANQUE CIC NORD OUEST, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Pierre LOMBARD de l'ASSOCIATION DONNETTE-LOMBARD, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

DEBATS :

A l'audience publique du 06 Septembre 2022 devant Mme Odile GREVIN, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 03 Novembre 2022.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES, assistée de Madame Sophie TRENCART, adjointe administrative faisant fonction

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Odile GREVIN, en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 03 Novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Par acte sous seing privé en date du 8 novembre 2013 la SA CIC Nord Ouest a consenti à la société Garden Appro un prêt professionnel d'un montant de 120 000 euros au taux de 2,27% l'an hors assurance, d'une durée de 40 mois, et garanti par une inscription de nantissement sur le fonds de commerce de la société Garden Appro et par la caution solidaire de M. [M] [G], gérant à hauteur de la somme de 120 000 euros.

Le 30 avril 2016 la société Garden Appro a souscrit un billet à ordre de 250 000 euros à échéance du 30 juin 2016 escompté par la même banque et garanti par l'aval de M. [G].

Ce billet est resté impayé à son échéance.

Par jugement en date du 20 janvier 2017 une procédure de redressement judiciaire a été ouverte au bénéfice de la société Garden Appro, procédure convertie en liquidation judiciaire par décision du 2 juillet 2018.

Par courrier recommandé en date du 14 mars 2017 la SA CIC Nord Ouest a déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire.

Par ordonnance en date du 23 novembre 2017 le président du tribunal de commerce de Saint-Quentin a autorisé l'inscription d'une hypothèque provisoire sur les biens de M. [G] pour la somme de 278709,68 euros régularisée le 5 décembre 2017 et dénoncée au débiteur par acte d'huissier en date du 11 décembre 2017.

Par jugement du tribunal de commerce de Saint-Quentin en date du 23 mars 2018 il a été donné acte à la SA CIC Nord Ouest de ce qu'elle a accompli les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire et il a été sursis à statuer sur les demandes en paiement formées à l'encontre de M. [G] dans l'attente de l'issue de la procédure de redressement juciciaire de la société Garden Appro.

Par jugement du 6 novembre 2020 le tribunal de commerce de Saint-Quentin a condamné M. [G] à payer à la SA CIC Nord Ouest les sommes de:

- 28709,68 euros selon décompte arrêté au 30 octobre 2017 outre les intérêts au taux contractuel au titre du prêt professionnel

- 250 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2016 au titre du billet à ordre.

Il a autorisé M. [G] à se libérer par échéances mensuelles de 18000 euros mais ce avec déchéance du terme, la première échéance intervenant dans le mois de la signification de la décision et la dernière devant comporter le solde des condamnations.

Enfin M. [G] a été condamné aux entiers dépens et à payer à la banque une somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 23 novembre 2020 M. [G] a interjeté appel de cette décision des chefs des condamnations prononcées à son encontre.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 4 juillet 2022 M. [G] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions et statuant à nouveau à titre principal sur l'aval du billet à ordre de déclarer prescrite l'action de la banque et de débouter celle-ci de sa demande en paiement, à titre subsidiaire de prononcer la nullité de l'aval du billet à ordre en date du 30 avril 2016 consenti par lui du fait du dol de la banque ayant vicié son consentement et de débouter la banque de sa demande en paiement.

A titre plus subsidiaire ou à titre principal pour les cautionnements il demande à la cour de dire que les cautionnements et l'aval consentis par lui étaient manifestement disproportionnés au moment de leur conclusion et le demeurent au regard de ses revenus actuels, d'annuler le cautionnement du 6 janvier 2016 et l'aval du 1er août 2016 en raison de l'absence de fiche de renseignement et de le décharger de l'ensemble de ses obligations.

A titre infiniment subsidiaire il demande à pouvoir se libérer des condamnations sur 24 mois et donc de reporter ou échelonner dans la limite de deux années les condamnations prononcées à son encontre, les majorations d'intérêts ou de pénalités encourues cessant d'être dues pendant ce délai et les paiements étant imputés en priorité sur le capital.

Il demande par ailleurs à la cour de le décharger du paiement des pénalités et intérêts de retard échus à compter du premier incident de paiement ou bien de dire qu'ils ne seront dus qu'à compter de la date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Garden Appro.

En tout état de cause il demande que la SA CIC Nord Ouest soit condamnée à réparer les fautes lui ayant causé un préjudice et qu'elle soit ainsi condamnée à lui verser une somme de 298709,68 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, une somme de 20000 euros au titre de son préjudice moral, que soit ordonnée une compensation avec les condamnations prononcées à son encontre et demande enfin à la cour de condamner la SA CIC Nord Ouest à lui verser une somme de 15000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions en date du 1er septembre 2021 la SA CIC Nord Ouest demande à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a accordé des délais de paiement à M. [G]. Elle demande la capitalisation du droit aux intérêts et la condamnation de M. [G] au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er septembre 2022.

MOTIFS

Sur la prescription de l'action fondée sur l'aval du billet à ordre

M. [G] soutient que l'action de la banque CIC Nord-Ouest en qualité de porteur du billet à ordre est prescrite dès lors qu'elle ne l'a assigné qu'à l'expiration d'un délai d'un an à compter de l'échéance du billet.

Il fait valoir que l'action du porteur contre les endosseurs et contre le tireur se prescrivent par un an et les actions contre l'accepteur par trois ans et que l'action du porteur contre l'avaliseur est soumise à la même prescription que celle exercée contre le débiteur garanti.

Il conteste toute interruption de la prescription faisant valoir qu'aucun commandement de payer n'a été délivré avant l'acquisition de cette prescription le 30 juin 2017 et que la déclaration de créance de la banque CIC Nord-Ouest à la procédure collective de la société Garden Appro n'a pu l'interrompre, l'effet interruptif ne s'étendant pas d'une action à une autre.

La SA CIC Nord-Ouest soutient que le litige porte sur une action du porteur bénéficiaire du billet à ordre à l'encontre de son souscripteur et non du tireur et qu'en conséquence la prescription triennale s'applique mais qu'au demeurant la question de la prescription est sans objet dès lors qu'elle a déclaré sa créance au passif de la procédure collective de la société débitrice le 14 mars 2017 avant l'échéance annuelle du 30 juin 2017, cette déclaration de créance interrompant la prescription jusqu'à la clôture de la procédure et valant acte de poursuites. Elle soutient ainsi que sa déclaration de créance a interrompu la prescription de l'action cambiaire tant à l'égard du souscripteur que de l'avaliseur, le donneur d'aval étant tenu de la même manière que celui dont il s'est porté garant et l'acte interrompant la prescription à l'égard du débiteur garanti et à l'égard de l'avaliseur.

La lettre de change est le titre par lequel une personne le tireur invite une autre personne le tiré accepteur à payer une somme d'argent à un bénéficiaire à une date déterminée, le tiré par son acceptation s'obligeant à payer la lettre de change à son échéance tandis que le billet à ordre est le titre par lequel une personne le souscripteur s'engage à payer à une date déterminée une somme à une personne le bénéficiaire.

Le tiré accepteur d'une lettre de change comme le souscripteur sont les débiteurs principaux obligés, c'est par eux que le paiement doit être fait à l'échéance.

Ainsi selon l'article L 512-6 du code de commerce le souscripteur d'un billet à ordre est obligé de la même manière que le tiré accepteur d'une lettre de change.

La prescription cambiaire abrégée prévoit un délai de trois ans pour les actions du porteur de la lettre de change contre le tiré accepteur débiteur principal de la traite et d'un an contre le tireur ou les endosseurs.

Selon l'article L512-3 du code de commerce les règles de la prescription en matière de lettre de change sont applicables au billet à ordre.

Ainsi il doit être appliqué au souscripteur la même prescription triennale que pour le tiré accepteur.

S'agissant du donneur d'aval en matière cambiaire qui en application des articles L511-21 et L 512-4 du code de commerce est tenu de la même manière que celui dont il s'est porté garant, il a le droit d'invoquer à l'encontre du porteur la prescription dont peut bénéficier le débiteur garanti.

Ainsi l'action du porteur contre l'avaliseur du tiré accepteur ou du souscripteur est soumise à la prescription triennale.

En l'espèce il n'est pas contesté que l'aval de M. [G] a été donné au profit du souscripteur la SARL Garden Appro qui est le souscripteur du billet à ordre.

Au demeurant lorsque l'aval n'indique pas pour le compte de qui il a été donné il est réputé l'avoir été pour le compte du souscripteur.

En conséquence l'action de la SA CIC Nord-Ouest engagée moins de trois ans après l'échéance du billet à ordre ne peut être déclarée prescrite et le jugement doit être confirmé sur ce chef.

Sur la nullité de l'aval du billet à ordre

M. [G] soutient que son consentement à l'aval du billet à ordre a été obtenu par le biais de manoeuvres dolosives de la banque et qu'ainsi son consentement a été vicié par les agissements dolosifs de celle-ci.

Il fait valoir que le donneur d'aval est fondé à opposer au porteur les exceptions tirées de leurs relations et notamment les manoeuvres dolosives du porteur l'ayant conduit à s'engager pour garantir l'effet.

Il reproche à ce titre à la banque de lui avoir fait consentir un aval trois ans après l'octroi du prêt garanti alors qu'elle connaissait la situation irrémédiablement compromise de la société Garden Appro et qu'elle disposait déjà d'autres garanties couvrant intégralement le prêt, nantissement sur le fonds de commerce et engagement de caution solidaire de lui-même en qualité de gérant.

Il rappelle qu'au cours de l'exercice 2016 la banque a fait souscrire à la société Garden Appro ce billet à ordre escompté pour un montant de 250 000 euros qui a été renouvelé plusieurs fois dont la dernière le 30 avril 2016, l'escompte ayant permis de financer la société à court terme.

Il souligne que ce financement de la société par le biais d'un billet à ordre escompté alors que la société rencontrait des difficultés est surprenant et inadapté pour une société dans une telle situation et a en réalité permis à la banque de se prémunir contre l'insolvabilité de la société Garden Appro et l'ouverture d'une procédure collective en obtenant l'aval du gérant alors qu'elle savait que la société était lourdement endettée et ne pourrait payer le billet à ordre à son échéance.

Il soutient qu'elle reconnaît que les sociétés Bred et Caisse d'épargne avaient dénoncé leurs soutiens en juin 2016 et qu'elle a été appelée à la procédure de conciliation de la société Garden Appro en juillet 2016.

Il considère que la banque a sollicité la souscription du billet à ordre et de l'aval aux fins de se prémunir contre les conséquences de l'ouverture prévisible d'une procédure collective et fait observer que dès le 17 juin 2016 soit 45 jours après la signature du billet à ordre elle a dénoncé ses concours et en a avisé l'avaliste.

Il précise qu'il a été relaxé des poursuites de la Caisse d'épargne pour chèques sans provision, le tribunal correctionnel ayant considéré qu'il ne cherchait qu'à sauver la société sans aucune intention délictueuse et aucun profit personnel.

Il fait valoir enfin qu'il n'aurait jamais donné son aval s'il avait eu connaissance de la volonté de la banque de dénoncer ses concours juste après la souscription du billet à ordre.

La SA CIC Nord-Ouest soutient en premier lieu que l'aval du billet à ordre pour un montant de 250000 euros en date du 30 avril 2016 n'a aucun lien avec le prêt consenti le 8 novembre 2013 que M. [G] a cautionné dès lors qu'il s'agit de deux concours distincts.

Elle rappelle que le crédit par billet à ordre avait déjà été consenti antérieurement soit en janvier 2016 à échéance du 28 février 2016 et par un billet à ordre du 28 février 2016 arrivé à échéance le 30 avril 2016.

Elle fait valoir que M. [G] a procédé à des remises croisées de chèques entre les différents comptes de sa société créant ainsi un semblant de solvabilité en jouant sur les dates de valeur des chèques non provisionnés et que les premiers établissements bancaires à le constater et à rejeter les chèques ont été la Bred et la Caisse d'épargne générant alors une interdiction bancaire en juin 2016.

Elle soutient que lorsque le billet à ordre a été avalisé le 30 avril 2016 elle ignorait qu'elle allait enregistrer sur la période du 20 juin au 30 juin  2016 plus de 22000 euros de chèques impayés portant le solde du compte à - 15521,04 euros .

Elle ignorait que les incidents bancaires en cascade allaient conduire plus de deux mois après la signature du billet à ordre à l'ouverture d'une procédure de conciliation.

Elle soutient que si la Caisse d'épargne a résilié ses concours le 17 juin 2016 et procédé à une saisie conservatoire le 30 juin 2016, elle n'est pas la Caisse d'épargne et ne peut se voir reprocher les rejets de paiement effectués par d'autres établissements bancaires.

Elle considère que M. [G] ne justifie pas des manoeuvres utilisées alors que le billet à ordre a été renouvelé à plusieurs reprises et qu'en tout état de cause au regard de l'interdiction bancaire initiée par les  autres établissements bancaires, elle ne pouvait plus accorder d'autres concours.

Elle fait observer que si l'aval d'un billet à ordre consenti par M. [G] a été annulé pour dol de la Caisse d'épargne celle-ci avait détecté des anomalies et avait connaissance de la situation obérée de la sociétéavant de faire signer le billet à ordre avalisé en avril 2016 mais que ce n'est nullement son cas dès lors que le financement par billets de trésorerie avalisés était récurrent depuis plusieurs mois et que la dénonciation des concours est intervenue postérieurement aux incidents de paiement déclenchés par d'autres établissements bancaires et par l'émission par la société de chèques sans provision.

Si l'annulation de l'aval donné par M. [G] au billet à ordre souscrit par la société Garden Appro au bénéfice de la Caisse d'épargne pour vice du consentement est intervenu alors qu'il était constaté que la banque connaissait avant même la souscription de ce billet à ordre les graves difficultés de la société la considérant même comme étant en état de cessation des paiements et l'alertant sur ce point, il n'en va pas de même pour la SA CIC Nord-Ouest.

En effet il n'est nullement établi par M. [G] que la SA CIC Nord Ouest connaissait la situation compromise de la société Garden Appro avant la signature du billet à ordre le 30 avril 2016 et l'aval donné par son dirigeant.

Il résulte au contraire des documents produits par la banque d'une part que le billet à ordre souscrit le 30 avril 2016 destiné à financer la société Garden Appro a été précédé de deux autres billets à ordre en janvier 2016 et février 2016 et que le crédit ainsi accordé à la société a été renouvelé à plusieurs reprises et d'autre part que la banque n'a remis en cause son concours à la société Garden Appro que le 17 juin n2016 et seulement après avoir été informée le jour même de l'interdiction bancaire de la société Garden Appro liée à des rejets des autres partenaires bancaires la Bred et la Caisse d'épargne correspondant à des remises de chèques croisées entre les comptes de la société.

Aucun élément ne permet de caractériser la connaissance par la SA CIC Nord Ouest de la situation compromise de la société Garden Appro avant l'engagement de M. [G].

La liste des mouvements du compte de la société auprès de la SA CIC Nord Ouest ne trahit pas de difficultés particulières avant le 20 juin 2016 date à laquelle vont apparaître de nombreux chèques impayés.

Aucune alerte n'avait été émise auparavant par la banque, aucune difficulté évoquée.

Il ne peut être considéré dans ces conditions que la souscription du billet à ordre et la demande de l'aval à M [G] n'étaient motivés que par la volonté d'échapper aux conséquences de l'ouverture d'une procédure collective dont rien n'indique que la banque connaissait la forte probabilité en raison d'une situation irrémédiablement compromise.

Il n'est aucunement démontré par M. [G] l'existence de manoeuvres dolosives de la banque l'ayant conduit à donner son aval.

M. [G] en revanche en qualité de dirigeant de la société connaissait la situation de celle-ci auprès notamment des autres banques et ne pouvait ignorer les mises en garde des autres banques ni les conséquences de cet engagement cambiaire dans ce contexte.

Il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré valable son engagement.

Sur la disproportion des engagements souscrits

M. [G] soutient que la SA CIC Nord Ouest lui a fait souscrire des cautionnements et un aval alors qu'elle savait que ces engagements étaient disproportionnés par rapport à ses revenus à l'époque de leur conclusion et le demeurent à ce jour, sans prendre la peine de lui faire remplir de fiches de renseignements excepté pour le premier cautionnement ce qui constitue une cause de nullité. Il soutient que l'exigence de proportionnalité s'étend aux engagements cambiaires.

Il fait valoir qu'en 2013 lors du cautionnement du prêt Garden Appro il percevait un revenu de 18000 euros et était propriétaire de sa résidence principale, d'un terrain et d'une serre hypothéquée et assumait des prêts en nom propre pour un montant total de 585000 euros.

Il fait valoir que la vente de son immeuble à usage d'habitation en juin 2014 n'a eu que pour but de réinjecter des sommes dans la société Garden Appro et ne peut lui être reprochée. Il reconnaît posséder des participations minoritaires dans des SCI familiales dont les actifs ont étré financés par des emprunts affectés de sûretés.

Il ajoute qu'en 2016 il percevait des revenus de 60000 euros et avait un enfant en bas âge, était locataire de son logement, qu'il avait contracté plusieurs emprunts en son nom propre pour financer son activité et était tenu par des engagements de caution et d'avaliste au profit de différents établissements bancaires pour un montant de 439000 euros.

Il considère que les garanties sollicitées par la SA CIC Nord Ouest étaient excessives et sans commune mesure avec ses capacités financières et le demeurent dès lors qu'il ne perçoit plus de revenus de deux des sociétés placées en liquidation judiciaire et qu'il n'a perçu en 2021 qu'un revenu annuel de 21717 euros en étant toujours tenu des mêmes engagements de caution et qu'il doit faire face à plusieurs procédures initiées par des établissements bancaires.

La SA CIC Nord Ouest rappelle que la disproportion doit s'apprécier au regard des revenus et des biens de la caution et que M. [G] déclarait en 2013 lors du cautionnement du prêt de la société Garden Appro un revenu de 18000 euros mais surtout un patrimoine composé d'un immeuble d'une valeur de 175000 euros sans crédit en cours et se déclarait propriétaire d'un terrain de 3 hectares et de serres d'une valeur nette de 330000 euros avec un seul engagement financier de 60000 euros et que pour cet engagement de caution une fiche patrimoniale a bien été remplie.

Elle fait observer que s'agissant des prêts contractés auprès du Crédit du Nord l'un était soldé deux ans avant le cautionnement de 2013 et pour les autres contractés en 2005 et 2088 ils étaient largement amortis et surtout M. [G] n'a déclaré que devoir un solde de 60000 euros sur sa fiche patrimoniale et qu'il n'a pas au demeurant fait état des biens ruraux acquis grâce aux emprunts.

Ellle rappelle également que l'aval est un engagement cambiaire auquel ne peut être opposé le principe de proportionnalité issu des règles propres au cautionnement.

Elle soutient enfin qu'il convient de s'interroger sur la motivation de la souscription de plusieurs billets à ordre auprès de différents établissements bancaires et leur lien avec la volonté de donner une apparence de solvabilité à ses sociétés dont la situation était en réalité largement compromise.

Elle fait observer de surcroît qu'après son engagement de caution M. [G] a aggravé son endettement et vendu une partie de son patrimoine, cherchant à se soustraire à ses obligations.

En application de l'article L332-1 du code de la consommation un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion manifestement disproportionné à ses biens et ses revenus, à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle-ci est appelée lui permette de faire face à son obligation.

Il appartient à la caution d'établir le caractère disproportionné de son engagement. Toutefois il doit être tenu compte des éléments financiers par lui donnés à l'établissement bancaire notamment au travers de la fiche de renseignement.

Or il résulte de la fiche patrimoniale renseignée par M. [G] que celui-ci a déclaré des revenus de 18000 euros sur l'année mais qu'il a fait état de la propriété de plusieurs biens immobiliers et mobiliers d'une valeur totale de 565000 euros en ne faisant état que d'un solde dû au Crédit du Nord de 60000 euros et sans mentionner les crédits contractés ou cautionnés par lui.

Il ne saurait dès lors reprocher à la SA CIC Nord Ouest de lui avoir fait contracter un engagement disproportionné alors même que les éléments d'information par lui donné à l'établissement bancaire sur sa situation financière démentaient toute disproportion.

Il a de surcroît déjà été retenu que la connaissance par la SA CIC Nord Ouest de la situation compromise de la société Garden Appro n'était pas établie.

S'agissant de l'aval du billet à ordre il convient de rappeler qu'il s'agit d'un engagement cambiaire qui n'est pas soumis au principe de proportionnalité avec les revenus et les biens de l'avaliseur.

Il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts .

Sur la déchéance du droit aux intérêts

M. [G] soutient que la SA CIC Nord Ouest en se contentant de lui demander postérieurement à l'ouverture du redressement judiciaire de la société Garden Appro et à la déclaration de sa créance de se substituer à celle-ci pour le règlement des échéances futures du prêt sans l'informer de la date du premier incident de paiement n'a pas respecté les prescriptions de l'article L341-1 du code de la consommation. Il reproche aux premiers juges d'avoir retenu qu'en sa qualité de dirigeant de la société il était nécessairement au courant, alors que cette circonstance ne dispensait pas la banque de son obligation légale d'informer la caution.

La SA CIC Nord Ouest souligne qu'en sa qualité de dirigeant M. [G] ne pouvait ignorer les incidents de paiement de la société et qu'au demeurant il a reçu consécutivement deux informations une information à caution le 17 mars 2017 et un courrier recommandé le 15 mars 2017 l'informant de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Elle fait valoir que lors de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire sept échéances étaient impayées et qu'elle encourt tout au plus la déchéance des intérêts sur ces impayés soit la somme de 424,27 euros, aucune pénalité n'ayant été appliquée.

La SA CIC Nord Ouest justifie des lettres d'information annuelles adressées à la caution mais ne justifie pas l'avoir avisée du premier incident de paiement datant du mois de juillet 2016 ainsi que le révèle son décompte.

Elle n'a avisé la caution des difficultés que le 15 mars 2017 en lui demandant de se substituer à la société Garden Appro placée en redressement judiciaire.

Il convient de faire droit à la demande de M. [G] et de prononcer la déchéance du droit aux intérêts entre les 10 juillet 2016 et le 15 mars   2017. 

Il convient ainsi de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné M. [G] au paiement de la somme de 250000 euros au titre du billet à ordre mais de l'infirmer sur le montant des sommes dues au titre du cautionnement du prêt et de le condamner à ce titre au paiement de la somme de 28169,74 euros avec intérêts au taux de 2,27 % à compter du 30 octobre 2017.

La capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière sera ordonnée.

Sur la responsabilité de la SA CIC Nord Ouest

M. [G] reproche en premier lieu à la SA CIC Nord Ouest d'avoir soutenu abusivement sa société et pris des garanties disproportionnées alors qu'elle connaissait sa situation irrémédiablement compromise.

Il considère qu'en faisant souscrire à la société un nouveau billet à ordre le 30 avril 2016 et en sollicitant l'aval du dirigeant elle a maintenu artificiellement en vie la société et a souhaité se prémunir contre les effets de l'ouverture d'une procédure collective et échapper à la réglementation protectrice du cautionnement.

Il fait valoir que la banque a agi de manière déloyale dans ces conditions.

Il soutient que son préjudice est constitué par le fait que sans cet aval son engagement aurait été inférieur de 250000 euros et sollicite son indemnisation à hauteur de cette somme au titre de son préjudice matériel et à hauteur de la somme de 20000 euros au titre de son préjudice moral.

A titre subsidiaire il reproche à la banque d'avoir manqué à son devoir de mise en garde envers un emprunteur non averti. Il rappelle que la seule qualité de dirigeant de société ne suffit pas à établir le caractère averti de l'emprunteur.

Il fait valoir que la SA CIC Nord Ouest aurait dû l'alerter des risques que faisaient peser ses engagements de caution et d'avaliste sur sa situation financière et ce d'autant plus qu'elle savait la situation de la société irrémédiablement compromise lors de l'aval disproportionné par rapport à ses revenus.

Il lui reproche de ne pas s'être renseignée sur ses capacités contributives avant cet aval et de ne pas avoir pris en compte ses engagements auprès d'autres banques.

Enfin il reproche à la banque porteuse du billet à ordre sa mauvaise foi, par l'endettement excessif qu'elle a fait peser sur lui et par son intention dolosive de se prémunir des risques d'insolvabilité de la société Garden Appro qu'elle connaissait parfaitement, sans l'avertir des risques d'endettement encourus qui étaient plus qu'avérés.

La SA CIC Nord Ouest soutient en premier lieu qu'elle a déclaré sa créance qui a été admise pour les montants déclarés sans que le mandataire judicaire n'ait engagé une procédure à son encontre sur le fondement de l'article L650-1 du code de commerce et qu'en l'état M. [G] ne rapporte pas la preuve d'une fraude de sa part ou d'une immixtion dans la gestion de la société.

Elle rappelle qu'elle ne connaissait pas la situation irrémédiablement compromise de la société, les incidents de paiement étant survenus plus d'un mois après le dernier billet à ordre consenti et son aval. Elle considère qu'elle ne pouvait avoir plus d'informations que le dirigeant lui-même sur la situation de la société et que M [G] justifiait l'endettement de la société par ses besoins de développement.

Elle fait d'ailleurs observer que M. [G] n'a pas hésité à avaliser un billet à ordre le 25 juillet 2016 souscrit auprès d'une autre banque trois mois après le présent billet à ordre alors que certaines banques avaient déjà dénoncé leurs concours et qu'il avait déposé une requête aux fins d'ouverture de la procédure de conciliation.

Elle rappelle que le prêt cautionné a été régulièrement remboursé durant cinq ans et s'agissant du billet à ordre elle fait observer que la garantie est considérée comme disproportionnée lorsque son montant est supérieur au concours financier accordé et lorsqu'il est sollicité plusieurs engagements sans rapport avec le montant du concours apporté et relève que tel n'est pas le cas en l'espèce.

Elle soutient enfin qu'elle n'a aucunement engagé sa responsabilité contractuelle dès lors qu'au jour des engagements la situation de la société était in bonis et surtout que M. [G] ayant tenté de dissimuler l'endettement global de ses sociétés pour sauvegarder leur pérennité n'est pas fondé à lui opposer un manquement à son devoir de mise en garde alors de surcroît qu'il n'établit pas qu'elle aurait eu sur sa situation financière des éléments que lui-même aurait ignorés.

Il sera relevé que la responsabilité délictuelle de la banque soulevée par M. [G] et fondée notamment sur l'article L 650-1 du code de commerce ne saurait être retenue dès lors qu'elle est fondée sur la connaissance par la banque de la situation irrémédiablement compromise de la société Garden Appro dont il a déjà été retenu l'absence de preuve.

En effet aucun élément probant ne permet de caractériser tant dans le cautionnement sollicité en 2013 que dans le billet à ordre et son aval en 2016 un soutien abusif de la banque et la volonté de celle-ci de sauvegarder ses intérêts au préjudice de M. [G] qui n'établit pas davantage une action concertée des différentes banques ayant accordé des concours à ses sociétés.

Il sera relevé également que l'engagement de M. [G] était la seule garantie du billet à ordre et était limité au montant de celui-ci.

S'agissant de la responsabilité contractuelle de la banque et notamment du manquement à son devoir de mise en garde il convient de rappeler en premier lieu s'agissant du billet à ordre que l'aval, en ce qu'il garantit le paiement d'un titre dont la régularité n'est pas discutée, constitue un engagement cambiaire gouverné par les règles propres du droit du change, de sorte que l'avaliste n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la banque pour manquement au devoir de mise en garde.

En ce qui concerne le cautionnement du prêt consenti en 2013 il convient de rappeler que M. [G] en sa qualité de dirigeant de la société Garden Appro et particulièrement rompu aux opérations bancaires depuis plusieurs années était une caution avertie ne pouvant se prévaloir d'un manquement de la banque à son obligation de mise en garde.

Le manquement à l'obligation de bonne foi de la banque toujours fondé sur sa connaissance de la situation d'insolvabilité de la société Garden Appro, circonstance non justifiée, ne peut davantage être retenu.

Il convient en conséquence de débouter M. [G] de ses demandes de dommages et intérêts .

Sur les délais de paiement

M. [G] demande à bénéficier de délais de paiement sur 24 mois et à être ainsi autorisé à se libérer de sa dette en 24 mensualités de 11612,90 euros en raison de sa situation financière difficile dès lors qu'il perçoit un revenu de 2000 euros par mois, est poursuivi par plusieurs établissements bancaires et rembourse plusieurs emprunts contractés en nom propre.

La SA CIC Nord Ouest soutient que par la signature de différents billets à ordre auprès de différents établissements bancaires M. [G] a pu dissimuler les difficultés financières de ses sociétés et mettre en place un système de cavale, qu'il s'est ainsi engagé au remboursement d'une somme de 3562,50 euros et règle un loyer de 1000 euros alors qu'il ne perçoit que 2000 euros de revenus, qu'il est donc largement endetté et ne peut respecter aucun échéancier et qu'il est désormais dans l'incapacité de faire face à son passif mais signe des protocoles d'accord pour retarder l'échéance.

Elle rappelle en outre qu'aux termes de l'article L 511-81 du code de commerce aucun délai de grâce ni légal ni judiciaire n'est admis pour le paiement des billets à ordre.

Il convient de rappeler qu'en application de l'article L 511-81 du code de commerce aucun délai de grâce ne peut être accordé en matière cambiaire.

S'agissant du cautionnement du prêt au regard de la situation financière de M. [G] et des nombreux autres engagements dont il est désormais redevable il ne peut être fait droit à un échelonnement du remboursement des sommes dues par lui sur deux ans.

En effet il ne perçoit qu'un revenu mensuel de 1809,75 euros en 2020 et fait état de déficits agricoles de 821328 euros mais également d'un loyer de 1000 euros et notamment d'un protocole d'accord avec la banque Palatine l'obligeant à un remboursement de 17750 euros par an.

Il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle lui a accordé des délais de paiement.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de condamner M. [G] qui succombe en son appel, aux entiers dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme la décision entreprise excepté sur le montant des sommes dues au titre du cautionnement du prêt et l'octroi de délais de paiement;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne M. [G] à payer à la SA CIC Nord Ouest la somme de 28169,74 euros avec intérêts au taux de 2,27 % à compter du 30 octobre 2017

Déboute M. [G] de sa demande de délais de paiement;

Y ajoutant,

Ordonne la capitalisation des intérêts ;

Condamne M. [G] aux entiers dépens d'appel;

Condamne M. [G] à payer à la SA CIC Nord Ouest la somme de 3000 euros au titre des frais non compris dans les dépens par elle exposés en appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/05680
Date de la décision : 03/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-03;20.05680 ?
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