La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2022 | FRANCE | N°20/04482

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 18 octobre 2022, 20/04482


ARRET



















S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS





C/



[S]

[O]

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DES HAUTS DE FRA NCE









FLR





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 18 OCTOBRE 2022





N° RG 20/04482 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H3HN



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS EN DATE DU 31 JUILLET 2020



>
PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]





Représentée par Me Fabrice CHIVOT de la SELARL...

ARRET

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

C/

[S]

[O]

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DES HAUTS DE FRA NCE

FLR

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 18 OCTOBRE 2022

N° RG 20/04482 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H3HN

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BEAUVAIS EN DATE DU 31 JUILLET 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Fabrice CHIVOT de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 92

Plaidant par Me GARCIA, avocat au barreau de BEAUVAIS

ET :

INTIMES

Monsieur [J] [S]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me Stéphanie DERIVIERE de la SCP STEPHANIE DERIVIERE, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 10

Madame [G] [O] divorcée [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurent PRIEM, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DES HAUTS DE FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Plaidant par Me MARTINOT, avocat au barreau de LILLE

DEBATS :

A l'audience publique du 21 Juin 2022 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 18 Octobre 2022.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Françoise LEROY-RICHARD en a rendu compte à la Cour composée de:

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 18 Octobre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; La présidente étant empêchée, la minute a été signé par Mme Françoise LEROY-RICHARD, conseiller le plus ancien et Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Suivant acte sous seing privé en date du 4 août 2008 la Sa Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts de France (ci-après la Sa Caisse d'épargne) a consenti à M. [J] [S] et Mme [G] [O] un financement comprenant deux prêts immobiliers d'un montant respectif de 18 000 € et de 302 445 € soit au total un financement de 320 445 € afin de financer l'acquisition de leur résidence principale située [Adresse 4].

Le prêt de 18 000 € à taux 0 était amortissable sur 96 mois et le prêt de 302 445 € au taux de 5,19 € était amortissable sur 300 mois.

Par acte du 1er juillet 2008 la Saccef aux droits de laquelle vient la Compagnie européenne de garanties et cautions (ci-après Cegc) s'est portée caution solidaire des emprunteurs.

Se prévalant de mensualités impayées en octobre novembre et décembre 2016 et de l'exigibilité immédiate du prêt consécutive au prononcé de la déchéance du terme à la date du 2 février 2017, la Sa Caisse d'épargne a présenté le 7 mars 2017 à la Cegc une demande en paiement.

Soutenant être subrogée dans les droits de la Sa Caisse d'épargne, la Sa Cegc a attrait M. [J] [S] et Mme [G] [O] en paiement par acte d'huissier délivré le 15 septembre 2017 devant le tribunal de grande instance de Beauvais, devenu le tribunal judiciaire.

Par acte d'huissier en date du 20 juillet 2018, M. [S] et Mme [O] ont assigné la Sa Caisse d'épargne en intervention forcée afin de la voir condamnée au paiement de créances indemnitaires et susceptibles d'être compensées avec des sommes qu'ils pourraient lui devoir.

Par ordonnance du 1er octobre 2018 les affaires ont été jointes.

Par jugement du 31 juillet 2020 le tribunal judiciaire de Beauvais a :

Condamné M. [J] [S] à verser à la Cegc la somme de 256 308,94 € augmentée des intérêts au taux contractuel de 5,19 % à compter du 4 avril 2017 ;

Rejeté la demande en paiement de la Cegc concernant Mme [G] [O] ;

Dit que la Caisse d'épargne a manqué à son obligation d'information et de mise en garde à l'encontre de M. [J] [S] et Mme [G] [O] ;

Condamné en conséquence la Caisse d'épargne à payer à M. [J] [S] la somme de 12 761,10 € à titre de dommages et intérêts ;

Débouté les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamné la Cegc à verser à Mme [G] [O] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné la Caisse d'épargne à payer à M. [J] [S] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens ;

Dit n'y a voir lieu à application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 10 septembre 2020, la Cegc a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions remises le 2 juin 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, elle demande à la cour de :

Infirmer partiellement le jugement dont appel ;

Débouter M. [J] [S] et Mme [G] [O] épouse [S] de leur appel incident et de l'intégralité de leurs demandes.

Statuant à nouveau :

Dire et juger la Sa Cegc recevable et fondée en son appel et faire droit en conséquence à l'intégralité de ses demandes.

En conséquence :

Condamner Mme [G] [O] à payer à la Cegc la somme de 274 250,57 € avec intérêts au taux contractuel de 5,19 % l'an sur la somme de 256 308,94 € à compter du 4 avril 2017 et subsidiairement avec intérêts au taux légal sur le surplus et ce à titre de dommages et intérêts supplémentaires ;

Condamner solidairement M. [J] [S] et Mme [G] [O] épouse [S] à payer à la Cegc la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les mêmes en tous les dépens d'instance et d'appel avec faculté de recouvrement direct au profit du cabinet Berthaud et associés.

Par conclusions remises le 2 juin 2021, expurgées des demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la Caisse d'épargne demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a :

Dit que la Caisse d'épargne a manqué à son obligation de mise en garde à l'encontre de M. [J] [S] et Mme [G] [O] ;

Condamné la Caisse d'épargne à payer à Mme [J] [S] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirmer le jugement querellé pour le surplus.

Statuant à nouveau :

Débouter les consorts [S] [O] de l'ensemble de leurs demandes.

Si la cour devait confirmer le jugement querellé sur le manquement au devoir de mise en garde ;

Dire que la perte de chance doit être évaluée à hauteur de 50 % du préjudice financier à hauteur de 14 179 €.

En tout état de cause :

Condamner les consorts [S] [O] à payer à la Caisse d'épargne la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner les consorts [S] [O] aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

Par conclusions remises le 2 novembre 2021, expurgées des demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, Mme [O] demande à la cour de :

Dire et juger la Cegc mal fondée en son appel du jugement du tribunal judiciaire de Beauvais du 31 juillet 2020 ;

L'en débouter ;

Dire et juger Mme [G] [O] recevable et bien fondée en son appel incident du jugement du tribunal judicaire de Beauvais du 31 juillet 2020 ;

Infirmer ledit jugement en ce qu'il a débouté Mme [G] [O] du surplus de ses demandes reconventionnelles ;

Confirmer le jugement pour le surplus, notamment en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la Cegc dirigée contre Mme [G] [O] ;

Et statuant à nouveau :

Concernant la Caisse d'épargne :

Condamner la Caisse d'épargne à indemniser Mme [G] [O] à hauteur de 256 308,94 € pour la perte de chance de pouvoir éviter de souscrire le crédit de la maison de 320 445 € ;

Condamner la Caisse d'épargne à indemniser les débiteurs défaillants à hauteur de 256 308,94 € au profit de Mme [G] [O] correspondant à 95 % du préjudice subi ;

Condamner la Caisse d'épargne à rembourser à Mme [G] [O] la somme de 5 262,95 € prélevée indûment, majorée du taux légal à compter de la présente demande valant mise en demeure ;

Dire et juger que l'indemnisation des préjudices financiers subis par Mme [O] sera compensée par la condamnation de celle-ci à garantir le paiement des sommes qui pourraient être mises à la charge de Mme [O] ;

Condamner la Caisse d'épargne à payer à Mme [O] une somme de 5 000 € pour résistance abusive de la banque a exécuter le contrat de bonne foi.

Concernant la Cegc :

Dire et juger que la procédure de la Sa Cegc est irrecevable et infondée ;

Débouter la Cegc de ses demandes.

A l'égard de la banque et de la caution

Débouter la Sa Caisse d'épargne de ses demandes ;

Ordonner la compensation des sommes mises à la charge de la banque avec les sommes qu'elle pourrait être condamnée à régler à la caution ;

Condamner la Cegc à payer à Mme [O] 30 000 € de préjudice financier, 20 000 € au titre de la perte de chance de pouvoir payer le solde du crédit suite au paiement hâtif de la caution, 10 000 € de préjudice moral et les intérêts au taux légal sur la somme de 256 308,94 € ;

Ordonner la compensation des sommes qui seront dues respectivement par Mme [O] à la banque et celles qui seront dues à celle-ci par la banque ;

Condamner in solidum la Cegc et la Sa Caisse d'épargne à payer à Mme [O] la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens au titre de la procédure de première instance ;

Condamner in solidum la Cegc et la Sa Caisse d'épargne à payer les sommes mises à sa charge sous peine d'astreinte de la somme de 300 € par jour de retard ;

Condamner in solidum la Cegc et la Sa Caisse d'épargne à payer à Mme [O] la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel ;

A titre infiniment subsidiaire :

Dire et juger que la créance de la banque et celle de la caution doivent être limitées à l'égard des emprunteurs défaillants au montant, frais et intérêts prévus par les dispositions du code de la consommation, est réduite à ce qui est prévu par les articles précités du code de la consommation

Ordonner la compensation entre les 30 000 € majorés que la caution sera condamnée à leur payer au titre du préjudice financier avec les sommes réclamées par la caution au titre du solde du capital restant dû au 2 février 2010 ;

Fixer au taux prévu par la loi les frais et intérêts indemnité réclamés par la caution.

Par dernières conclusions remises le 8 mars 2021, expurgées des demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, M. [J] [S] demande à la cour de :

Dire et juger M. [J] [S] recevable et bien fondé en son appel incident ;

Infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [J] [S] du surplus de ses demandes conventionnelles ;

Confirmer le jugement pour le surplus.

Statuant à nouveau :

Condamner la banque à indemniser M. [J] [S] à hauteur de 256 308,94 € pour la perte de chance de pouvoir éviter de souscrire le crédit de la maison à hauteur de 320 445 € ;

Condamner la banque indemniser les débiteurs défaillants à hauteur de 256 308,94 € correspondant à 95 % du préjudice subi ;

Condamner la banque à rembourser à M. [J] [S] la somme de 5 262,95 € prélevés indûment majorés du taux légal à compter de la présente demande ;

Dire et juger que l'indemnisation des préjudices financiers subis sera compensée par la condamnation de celle-ci de la banque à garantir le paiement des sommes qui pourraient être mises à la charge de M. [J] [S] ;

Condamner la banque, sans les fautes de laquelle toute cette procédure n'aurait pas été initiée par la caution, à payer la somme de 5 000 € à M. [J] [S] en raison de la résistance abusive de la banque a respecté son obligation d'exécution de bonne foi et à garantir le paiement des sommes qui pourraient être mises à leur charge dans la présente procédure ;

Dire et juger que la procédure de recouvrement initié par la caution est irrecevable et infondée ;

Dire et juger la Saccef irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes ;

Dire et juger que la procédure initiée par la caution est irrecevable et infondée ;

l'en débouter ;

Débouter la Caisse d'épargne de ses demandes ;

Dire et juger M. [J] [S] recevable et bien fondé en toutes ses demandes ;

Ordonner la compensation entre les indemnités que la banque sera condamnée à verser à M. [J] [S] avec les sommes qui pourraient être condamnées à régler à la caution ;

Condamner la Saccef à payer à M. [J] [S] 30 000 € au titre d'un préjudice financier, 20 000 € au titre d'une perte de chance de pouvoir payer le solde du crédit, 10 000 € pour préjudice moral, les intérêts au taux légal sur la somme de 247 509,50 € de sa date de saisie jusqu'à sa complète libération ;

Donner acte à M. [J] [S] qu'il offre de régler à la caution le solde du capital restant dû et les échéances impayées du prêt au moment où la déchéance du terme a été abusivement prononcée par la banque soit 256 308,94 € ;

Ordonner la compensation des sommes qui seront dues respectivement par M. [J] [S] à la banque et celles qui seront dues à M. [J] [S] par la banque ;

Condamner la banque et la caution in solidum à lui payer 5000 € titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens qui seront recouvrés directement par Maître Pontier en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Condamner la banque et la caution in solidum à lui payer toutes ses sommes sous astreinte définitive de 300 € par jour ;

à titre infiniment subsidiaire :

Dire et juger que la créance de la banque et celle de la caution doive être limitée à l'égard des emprunteurs défaillants au montant frais et intérêts prévus par les dispositions du code de la consommation est réduit à ce qui prévue par les articles précités du code de la consommation ;

Ordonner la compensation entre les 30 000 € majorés que la caution sera condamnée à leur payer au titre de leur préjudice financier avec les sommes réclamées par la caution au titre du solde du capital restant dû au 2 février 2017 ;

Fixer au taux prévu par la loi les frais et intérêts indemnité réclamés par la caution.

SUR CE :

A titre liminaire la cour relève que les demandes tendant à voir constater des éléments de faits contenues dans les conclusions et celles de « dire et juger » qui contiennent en réalité des moyens ne saisissent pas la juridiction de prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions M. [S] et de Mme [O] demandent que soit prononcé des condamnations à l'endroit de « la caution » de « la banque » et de « la Saccef ».

L'appel opposant la Compagnie européenne de garanties et cautions et la Sa Caisse d'épargne assignée en intervention forcée à M [S] et Mme [O], la cour statuera à l'égard de ces parties de façon nominative à défaut de pouvoir statuer à l'égard de termes génériques ou d'acronyme (la Saacef au demeurant n'ayant plus d'existence).

Sur les demandes de la Compagnie européenne de garanties et cautions

L'application de l'article 2308 alinéa 2 du code civil étant conditionnée à l'examen au fond de la demande en paiement de la Cegc afin de vérifier si les conditions de son recours sont remplies, la fin de non-recevoir soulevée par M. [J] [S] et Mme [G] [O] est écartée et ce moyen sera apprécié au fond.

Sur le fond, le cautionnement étant l'engagement de payer la propre dette du débiteur, il est un accessoire de la dette garantie, dépendant de cette dette, qu'il s'agisse de son existence, de sa validité, de son étendue, des conditions de son exécution, de son extinction.

Le créancier ne peut donc engager de poursuites à l'égard de la caution tant que la dette de celle-ci n'est pas exigible. La date d'exigibilité du cautionnement est généralement calquée sur celle de la dette principale de sorte que l'obligation de la caution est exigible lorsque celle du débiteur principal l'est aussi du fait du caractère accessoire du cautionnement.

En conséquence, le caractère accessoire de l'engagement de caution impose que la créance du débiteur principal soit exigible.

Il est admis que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut cependant, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose débiteur pour faire obstacle.

En conséquence l'irrégularité de la déchéance du terme, peut affecter l'exigibilité de la créance contrairement à ce que soutient l'appelante.

En l'espèce, si en première instance la Cegc n'avait pas produit la preuve de la remise de la lettre de mise en demeure de payer les échéances impayées antérieures au prononcé de la déchéance du terme, en cause d'appel elle produit la copie d'un accusé de réception pouvant être rattaché à la copie de ladite lettre libellée au nom de Mme [G] [S] et portant l'adresse [Adresse 3] (adresse du fonds de commerce de boulangerie exploité par le couple) signé par l'époux.

Cependant outre le fait que Mme [G] [O] rapporte la preuve qu'elle ne pouvait être touchée habituellement à l'adresse de la boulangerie car elle était en arrêt maladie (pièce 49) et qu'elle était joignable [Adresse 4] dans la mesure où elle produit la copie du courrier adressé à la banque trois mois plus tôt afin d'obtenir la suspension du paiement des mensualités le temps de vendre l'immeuble, contenant cette adresse, il n'est pas établi que M. [S] avait le pouvoir de recevoir des courriers au nom de son épouse et qu'il la lui a remise, étant observé que le couple était en instance de divorce.

En conséquence c'est par de justes motifs que la cour adopte que le tribunal judiciaire de Beauvais a considéré que la déchéance du terme en date du 2 février 2017 n'avait pas pu être valablement prononcée à l'égard de Mme [G] [O] à défaut d'être précédée d'une mise en demeure de payer régulière.

Aux termes de l'article 2308 alinéa 2 dans sa version antérieure à l'ordonnance du 15 septembre 2021 entrée en vigueur le 1er janvier 2022, lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n'aura point de recours contre lui dans le cas, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens offerts déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier.

En l'espèce, la Cegc qui ne répond pas dans ses écritures au moyen opposé tiré des dispositions ci-dessus rappelées, produit pour fonder sa demande en paiement :

Copie de la demande de garantie émanant de la Caisse d'épargne en date du 7 mars 2017 contenant comme cause de défaillance la liquidation judiciaire de la Sarl [O] [S] du 18 janvier 2017 ;

Copie de deux courriers simples émanant de la Cegc, datés du 17 mars 2017, comportant l'adresse de la boulangerie faisant état d'un prêt consenti dont la déchéance du terme a été prononcée et invitant M. [S] et Mme [S] à prendre contact pour étudier les modalités de règlement de la dette ;

Copie de deux courriers contenant la mention recommandée, émanant de la Cegc, datés du 4 avril 2017 (preuve d'envoi et de réception non rapportée) informant M et Mme [S] du fait qu'elle a remboursé à leur place les sommes dues et les mettant en demeure de payer une somme de 274 250, 57 € suivant décompte arrêté au 4 avril 2017 ;

Copie d'une quittance subrogative éditée par la Caisse d'épargne dans laquelle elle reconnaît avoir reçu de la Cegc la somme de 256 308,94 € en date du 28 avril 2017.

M. [S] et Mme [O] rapportent la preuve que dès le mois de septembre 2016 et alors qu'il n'y avait aucun incident de paiement depuis la souscription des prêts en 2008, ils ont informé la Sa Caisse d'épargne de la mise en vente de leur immeuble en lui communiquant la copie du mandat de vente et qu'ils ont demandé la suspension du prêt le temps de la réalisation et mentionné qu'en cas de refus ils présenteraient cette demande au juge. Ils produisent également le compromis de vente de leur immeuble en date du 5 janvier 2017.

Outre le fait que la Cegc ne rapporte pas la preuve de la date exacte à laquelle elle a payé la Sa Caisse d'épargne (4 avril 2017, 28 avril 2017 ou 17 mars 2017), elle ne justifie pas avoir payé sur poursuite de la Sa Caisse d'épargne mais uniquement sur la base d' une demande en paiement en date du 7 mars 2017 ne contenant aucun montant, dans laquelle la Sa Caisse d'épargne vise comme cause de défaillance la liquidation judiciaire de la Sarl Vall [S] en date du 18 janvier 2017, ni avoir informé M et Mme [S] à leur adresse personnelle, du fait qu'elle avait reçu une demande en paiement de la Sa Caisse d'épargne, de sorte que M. [S] et Mme [O] n'ont pas pu l'informer que l'immeuble était en vente, qu'il avait fait l'objet d'un compromis au prix de 270 000 € le 5 janvier 2017, le prix de vente permettant de faire face au paiement des sommes dues.

En conséquence, la Cegc n'a point de recours à l'endroit de M. [S] et de Mme [O].

Infirmant le jugement dont appel, la Cegc est déboutée de sa demande dirigée contre M. [S] à défaut de disposer d'un recours contre lui et surabondamment contre Mme [O].

Sur les demandes de M. [S] et de Mme [O] dirigées contre la Compagnie européenne de garanties et cautions.

La disposition du présent arrêt déboutant la Cegc de sa demande en paiement dirigée contre M. [S] et Mme [O] suffit à indemniser ces derniers des fautes commises par la Cegc qui a payé une créance non exigible à l'endroit de Mme [O], qui a payé à une date indéterminée sans être poursuivie en paiement d'une somme précise et sans prévenir les emprunteurs que la Sa Caisse d'épargne lui avait présenté une demande en paiement ce qui les a privés de la possibilité de désintéresser la banque.

En conséquence, M. [S] et Mme [O] sont déboutés de leur demande dirigée contre la caution tendant au paiement de la somme de 30 000 € de préjudice financier, 20 000 € au titre de la perte de chance de pouvoir payer le solde du crédit suite au paiement hâtif de la caution, 10 000 € de préjudice moral et des intérêts au taux légal sur la somme de 256 308,94 €.

Sur les demandes de M. [S] et Mme [O] dirigées contre la Sa Caisse d'épargne

M et Mme [S] et [O] lorsqu'ils ont été assignés par la Cegc ont attrait la Sa Caisse d'épargne afin d'obtenir sa condamnation au paiement de dommages et intérêts en raison de fautes commises lors de la souscription des contrats de prêts et lors de l'exécution du contrat de prêt principal leur causant un préjudice qu'ils évaluent à 256 308,94 € dont ils demandent paiement.

Tout d'abord ils soutiennent que lors de l'exécution du contrat de prêt la Sa Caisse d'épargne s'est empressée de prononcer la déchéance du terme pour les empêcher de faire prospérer devant le juge d'instance une procédure de suspension des échéances du prêt principal le temps de vendre leur immeuble en raison des difficultés qu'ils traversaient, causées par leur procédure de divorce, la maladie de Mme [O] et l'état de cessation des paiement de la Sarl [O] [S] qu'ils dirigeaient et qui exploitait le fonds de commerce de boulangerie acquis en 2002. Ils ajoutent que se prévalant à la hâte de la clause d'exigibilité anticipée des prêts et dans les circonstances ci-dessus développées ils ont été privés de la possibilité de désintéresser la banque.

Ils soutiennent également que lors de la souscription des prêts , la Sa Caisse d'épargne qui était débitrice à leur endroit d'une obligation de mise en garde en raison de leur qualité d'emprunteurs non avertis, mais également d'information, n'a pas respecté ses obligations et que cette défaillance leur a fait perdre une chance de souscrire un crédit à de meilleures conditions ou auprès d'un autre prêteur ou de ne pas contracter.

Ils ajoutent que la Sa Caisse d'épargne, lors de la vente de l'immeuble a indûment prélevé sur leur compte une somme de 5 262,95 € dont elle leur doit remboursement.

Ils demandent qu'au titre de l'indemnisation des fautes commises , la Sa Caisse d'épargne les garantisse des paiements, qui pourraient être mis à leur charge, dans la présente procédure.

Ils demandent également la condamnation de la Sa Caisse d'épargne à leur payer 5 000 € de dommages et intérêts pour avoir résisté à l'exécution de bonne foi du crédit.

Sans remettre en cause la qualité d'emprunteurs non avertis de M. [S] et de Mme [O], la Sa Caisse d'épargne soutient qu'elle n'a pas été défaillante dans ses obligations de mise en garde des emprunteurs et qu'elle a dispensé une information à leur endroit sans pour autant s'ingérer dans leurs affaires. Elle soutient qu'elle démontre ces affirmations au motif que les prêts ont été remboursés de 2008 à 2016, et par l'assurance , à compter de 2014, et que les difficultés ne sont apparues que lors du divorce mais également en raison de la maladie de Mme [O]. Elle fait valoir que les prêts consentis étaient adaptés à la situation financière et patrimoniale des emprunteurs.

Quoiqu'il en soit elle rappelle que le préjudice de la perte de chance s'apprécie selon certaines règles et qu'elle doit être mesurée à la chance perdue.

Il est admis qu'un établissement de crédit qui octroie un prêt à un emprunteur non averti est tenu à l'égard de celui-ci d'un devoir de mise en garde et à une obligation d'information à raison des capacités financières de l'emprunteur et des risques d'endettement né de l'octroi des prêts.

En l'espèce il est établi que si M. [S] et Mme [O] étaient porteurs de parts et dirigeaient la Sarl exploitant le fonds de commerce de boulangerie depuis 2002 et la Sci propriétaire des murs depuis 2006 (ces opérations ayant été financées par la Sa Caisse d'épargne), ces derniers disposaient de compétences dans le domaine de la boulangerie et de la vente, leurs compétences en matière financière étaient très limitées de sorte que la Sa Caisse d'épargne était débitrice à leur endroit d'une obligation de mise en garde et d'information.

En l'espèce, la SA Caisse d'épargne qui affirme avoir recueilli les informations relatives à la situation patrimoniale de M et Mme [S] mais qui n'en rapporte pas la preuve ne peut sérieusement soutenir qu'elle a rempli son obligation d'information ou de mise en garde à leur endroit dans la mesure où seul le recueil de ces informations permet de mettre en garde des emprunteurs sur leur risque d'endettement et de leur dispenser une information. En effet, la Sarl [O] [S], la Sci Borval et M. et Mme [S] ayant ouvert leurs comptes dans les livres de la Sa Caisse d'épargne, cette dernière n'a pas cru devoir faire le point avec eux sur leur situation patrimoniale ni les mettre en garde sur les risques d'endettement à raison des différents emprunts déjà souscrits par les personnes morales limitant le montant des revenus dont M et Mme [S] pouvaient profiter à titre personnel pour faire face aux dépenses quotidiennes de leur famille.

Elle ne remet pas en cause l'analyse faite par les appelants incidents et par le premier juge aux termes de laquelle les emprunteurs qui disposaient de ressources mensuelles de 2 949,66 € lors de la souscription des prêts immobiliers devaient faire face à des remboursements mensuels représentant 50 % de leurs revenus personnels.

Ce pourcentage démontre à lui seul que la Sa Caisse d'épargne n'aurait pas dû accepter de financer cette opération dans de telles proportions ou leur suggérer de faire l'acquisition d'un bien immobilier d'une valeur moindre le temps d'amortir les prêts professionnels et de pouvoir se dégager des revenus personnels plus importants.

En conséquence, la Sa Caisse d'épargne a manqué à son obligation de mise en garde et d'information à l'endroit de M. [S] et Mme [O].

Le préjudice résultant de cette faute est constitué de la perte de chance de ne pas souscrire ou de souscrire à d'autres conditions avec des mensualités moindres le temps d'amortir les prêts professionnels notamment. Tenant compte que le prêt a été remboursé de 2008 à septembre 2016 (dont au moins deux ans par l'assurance en raison de la maladie de Mme [O]) au prix de sacrifices importants et de demande d'aide auprès de la famille, le couple et les enfants ont pu vivre dans cet immeuble pendant 8 ans, ce dernier a été vendu à un prix inférieur à celui d'acquisition mais à un prix supérieur aux sommes dues à la banque dans la mesure où elle reconnaît avoir perçu 256 308,94 € de la caution, le préjudice de M et Mme [S] [O] ne peut dans ces circonstances être égal au montant des sommes réclamées par la caution comme ils le soutiennent. Ils disposaient des capacités d'emprunter 250 000 € en remboursant des mensualités constantes ou 300 000 € avec des modalités différentes tenant compte de l'évolution possible de leurs revenus personnels.

Leur préjudice dans ces circonstances peut être évalué à 50 000 € et la banque a concouru à ce préjudice à hauteur de 80 % de sorte qu'elle doit être condamnée à leur payer la somme de 40 000 €.

La Sa Caisse d'épargne ne présentant aucune demande en paiement à l'égard de M et Mme [S] il n'y a pas lieu à compensation.

S'agissant de la demande de remboursement d'une somme de 5 262,95 € indûment prélevée selon eux par la Sa Caisse d'épargne, c'est par de justes motifs que la cour adopte que le premier juge a débouté M. [S] et Mme [O] de cette demande dans la mesure où il n'est pas possible sur la base des documents produits de rattacher ce prélèvement en date du 29 juin 2017 au prêt litigieux et ce d'autant qu'à cette date la Sa Caisse d'épargne avait reçu des paiements de la caution.

Enfin il ressort des échanges de correspondance entre M et Mme [S] et la Sa Caisse d'épargne que cette dernière a refusé de faire droit à la demande de suspension de paiement des mensualités présentée en septembre 2016, alors qu'il n'y avait aucun incident de paiement depuis 8 ans, qu'elle avait connaissance de la mise en vente de l'immeuble du couple, de la maladie de Mme [O] et de la situation du divorce, pour précipiter la déchéance du terme et faire perdre la possibilité pour le couple de saisir le juge d'instance de cette demande. Cette attitude caractérise la résistance abusive à exécuter le contrat de bonne foi. Elle a causé un préjudice aux emprunteurs qui ont dû faire face à cette procédure complexe.

En conséquence la Sa Caisse d'épargne est condamnée à payer à M. [J] [S] et à Mme [O] la somme de 2 500 € à chacun soit 5 000 € au total, de dommages et intérêts.

Sur la demande de condamnation sous astreinte

Aucune circonstance ne justifiant que les condamnations soient assorties d'une astreinte, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] [S] et Mme [G] [O] de cette demande.

Sur les demandes accessoires

La Cegc et la Sa Caisse d'épargne qui succombent supportent les dépens de première instance et d'appel à parts égales et sont condamnés in solidum à payer à M. [J] [S] et à Mme [O] 4 000 € à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt par défaut rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme la décision entreprise sauf en ce qu'elle a rejeté la demande en paiement présentée par la Compagnie européenne de garanties et cautions concernant Mme [G] [O], dit que la Sa Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie a manqué à son obligation d'information et de mise en garde à l'égard de M. [J] [S] et Mme [G] [O] ; débouté M. [J] [S] et Mme [G] [O] de leur demande en remboursement de la somme de 5 262,95 € et de leur demande d'astreinte.

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant ;

Déboute la Compagnie européenne de garanties et cautions de sa demande en paiement dirigées contre M. [J] [S] ;

Condamne la Sa Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts de France à payer à M. [J] [S] et à Mme [G] [O] la somme de 40 000 € de dommages et intérêts pour manquement aux devoirs de mise en garde et d'information ;

Condamne la Sa Caisse d'épargne et de prévoyance des Hauts de France à payer à M. [J] [S] et à Mme [G] [O] chacun la somme de 2 500 € de dommages et intérêts soit 5 000 € au total au titre de résistance abusive ;

Dit n'y avoir lieu à quelconque compensation ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne in solidum la Compagnie européenne de garanties et cautions et la Sa Caisse d'épargne des Hauts de France à payer à M. [J] [S] et Mme [G] [O] 4 000 € à chacun sur le fondement sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;

Condamne in solidum la Compagnie européenne de garanties et cautions et la Sa Caisse d'épargne des Hauts de France aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier, P/La Présidente,

Empêchée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/04482
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;20.04482 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award