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29/09/2022 | FRANCE | N°21/00720

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 29 septembre 2022, 21/00720


ARRET



















Ste Coopérative banque Pop. CAISSE D4EPARGNE DES HAUTS DE FRANCE





C/



[D]

S.A.R.L. GARDEN APPRO









CV





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2022





N° RG 21/00720 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H7V2



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 15 jANVIER 2021





PARTIES EN CAUSE :






APPELANTE







Ste Coopérative banque Pop. CAISSE D'EPARGNE DES HAUTS DE FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]





Représentée par Me Marc STALIN substituant Me Phi...

ARRET

Ste Coopérative banque Pop. CAISSE D4EPARGNE DES HAUTS DE FRANCE

C/

[D]

S.A.R.L. GARDEN APPRO

CV

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 29 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/00720 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H7V2

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 15 jANVIER 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Ste Coopérative banque Pop. CAISSE D'EPARGNE DES HAUTS DE FRANCE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marc STALIN substituant Me Philippe VIGNON de la SCP PHILIPPE VIGNON-MARC STALIN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

ET :

INTIMES

Monsieur [N] [D]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Aurélie GUYOT, avocat postulant au barreau d'AMIENS, vestiaire : 80, et ayant pour avocat plaidant Me Marie NEGREL, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. GARDEN APPRO, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Assignée le 30 avril 2021, à personne morale

DEBATS :

A l'audience publique du 10 Mai 2022 devant Mme Cybèle VANNIER, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2022.

GREFFIER : Madame Vanessa IKHLEF

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Cybèle VANNIER en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

et Mme Françoise LEROY-RICHARD , Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 29 septembre 2022.

Le 29 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Le Président étant empêché, la minute a été signée par Mme Cybèle VANNIER, conseiller le plus ancien, et Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Par acte sous seing privé en date du 29 mars 2012 , la Sarl Garden Appro a ouvert un compte courant d'entreprise auprès de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie assorti d'un découvert en compte à hauteur de 50 000 € .

Par acte du 15 janvier 2014 , la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie a consenti à la Sarl Garden Appro qui exploitait sous la dénomination Garden Discount un prêt d'un montant de

100 000 € au taux de 3, 37 % l'an remboursable en 60 mensualités de 1 813, 36 € .

M.[N] [D] s'est porté caution de cet engagement par acte du 15 janvier 2014 dans la limite de 39 000 € en principal , intérêts et accessoires .

Par acte du 4 août 2014 , la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Picardie a consenti à la Sarl Garden Appro un second prêt d'un montant de 100 000 € au taux de 3, 10 % l'an remboursable en 60 échéances de 1 801, 32 € .

M.[N] [D] s'est porté caution de cet engagement dans la limite de 39 000 € en principal , intérêts et accessoires.

Un billet à ordre a été souscrit par la société Garden Appro pour un montant de 100 000 € le 21 avril 2016 , au bénéfice de la Caisse d'Epargne , billet à ordre avalisé par M.[D] .

La Caisse d'Epargne a fait assigner M.[N] [D] es qualité de caution de la Société Garden Appro en paiement du solde débiteur du compte courant dans la limite de 65 000 € et en paiement de la somme de 100 000 € au titre du billet à ordre dont il était avaliste .

La société Garden Appro a fait l'objet d'une mesure de redressement judiciaire le 20 janvier 2017 , converti en liquidation judiciaire , le 2 juillet 2018 .

La Caisse d'Epargne et de Prévoyance des Hauts de France venant aux droits de la Caisse

d' Epargne de Picardie a procédé à une déclaration de créances d'un montant de 726 891, 33 € à titre chirographaire et 58 579 , 36 € à titre privilégié .

Par jugement en date du 15 janvier 2021 , le Tribunal de Commerce de Saint Quentin a :

-pris acte du désistement d'instance de la Caisse d'Epargne des Hauts de France à l'égard de la société Garden Appro .

-débouté la Caisse d'Epargne des Hauts de France de sa demande en paiement de la somme de 65 000 € , faute de production d'un acte de cautionnement de ce chef .

-prononcé la nullité de l'aval du billet à ordre et débouté la Caisse d'Epargne de sa demande de condamnation de [N] [D] de la somme de 100 000 € au titre du billet financier .

-condamné M.[N] [D] à payer à la Caisse d'Epargne des Hauts de France la somme de

39 000 € outre intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2016 , date de l'assignation au titre du cautionnement du prêt n° 4211263 .

-condamné M.[N] [D] à payer à la Caisse d'Epargne des Hauts de France la somme de

39 000 € outre intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2016 au titre du cautionnement du prêt n°4310087 .

-ordonné la capitalisation des intérêts dus annuellement en application des dispositions de l'article 1154 du code civil .

-dit n'y avoir lieu à délais .

-condamné M.[N] [D] aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

-rejeté le surplus des demandes .

La Caisse d'Epargne des Hauts de France a interjeté appel de la décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 21 septembre 2021, la Caisse d'Epargne des Hauts de France demande à la Cour de :

-la dire recevable et bien fondée en ses demandes .

-infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 65 000 € au titre du compte courant et a prononcé la nullité de l'aval du billet à ordre et l'a déboutée de sa demande en paiement de la somme de 100 000 € .

Statuant à nouveau ,

-condamner M.[N] [D] à lui payer la somme de 65 000 € au titre du cautionnement du compte courant .

-condamner M.[N] [D] à lui payer la somme de 100 000 € au titre du billet financier .

-ordonner la capitalisation des intérêts dus annuellement en application des dispositions de l'article 1154 du code civil .

-confirmer le jugement pour le surplus .

En tout état de cause ,

-déclarer M.[N] [D] irrecevable et en tous cas mal fondé en tous ses moyens , fins et prétentions .

- l'en débouter .

-condamner M.[N] [D] à lui payer la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel .

Aux termes de ses dernières conclusions, expurgées des demandes de dire et juger en date du 27 juillet 2021 , M.[N] [D] demande à la Cour de :

-d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne le débouté de la demande en paiement de la somme de 65 000 € et juger nul l'aval du billet à ordre .

statuant à nouveau ,

à titre principal ,

-décharger M.[N] [D] de l'ensemble des engagements de caution solidaire et d'aval .

-débouter la Caisse d'Epargne de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de M.[D] .

À titre subsidiaire ,

-décharger M.[D] du paiement de toutes pénalités et intérêts de retard à compter du premier incident de paiement de Garden Appro .

-ordonner l'échelonnement sur 24 mois de toutes sommes auxquelles il serait condamné, ainsi que la réduction du taux d'intérêt sur les échéances reportées au taux légal , dire que les majorations d'intérêts ou de pénalités encourues à raison du retard cesseront d'être dues pendant le délai ainsi fixé et que tous les paiements s'imputeront en priorité sur le capital .

À titre reconventionnel , en tout état de cause ,

-annuler les garanties souscrites par lui à hauteur de 243 000 € outre intérêts , ou à défaut lui verser des dommages et intérêts égaux au montant de toutes sommes auxquelles il serait condamné , dans une limite maximale de 243 000 € outre intérêts , montants qui se compenseront alors avec toutes condamnations éventuelles prononcées à son encontre .

-condamner la Caisse d'Epargne à lui régler la somme de 20 000 € en réparation de son préjudice moral .

-condamner la Caisse d'Epargne à régler à lui régler des dommages et intérêts égaux à toutes sommes au paiement desquelles il serait condamné , dans une limite maximale de 243 000 € outre intérêts, ainsi que la somme de 20 000 en réparation du préjudice moral

-dire qu'il y a lieu à compensation des sommes dues .

-condamner la Caisse d'Epargne à lui payer la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties , la Cour renvoie à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile .

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 6 janvier 2022.

SUR CE

A titre liminaire , la Cour rappelle que les demandes de « dire et juger » et « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droits à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi , en conséquence , la cour ne statuera pas sur celles-ci qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

Sur la demande au titre du cautionnement du compte courant

Le tribunal n'a pas fait droit à la demande en paiement de la somme de 65 000 € au titre du cautionnement du compte courant de la société au motif que la banque ne produisait aucun acte de cautionnement de ce compte courant .

La Caisse d'Epargne déclare qu'elle produit cet acte par sa pièce n°14 .

M.[C] [D] réplique qu'aucune pièce justificative n'avait été produite devant le Tribunal , que la pièce produite concerne un acte de cautionnement qui n'est pas daté , qu'il encourt donc la nullité .

Selon l'article 2015 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause , le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès et on ne peut pas l'étendre au delà des limites dans lesquelles il a été contracté .

L'ancien article L 341-2 du code de la consommation dispose que toute personne qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel , doit à peine de nullité de son engagement faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci « en me portant caution de X dans la limite de la somme de '. couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ', je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X n'y satisfait pas lui même.

S'il résulte de ces textes que le cautionnement doit être exprès et comporter certaines mentions , la mention d'une date n'est pas exigée , le cautionnement n'est pas nul pour défaut de date il appartient au juge d'apprécier l'acte à la lumière de tous les éléments qui sont produits .

Il est justifié par les pièces produites que la société Garden Appro représentée par M.[N] [D] a ouvert un compte courant auprès de la Caisse d'Epargne de Picardie le 29 mars 2012 .

L'acte intitulé cautionnement solidaire du solde d'un compte courant mentionnant que le bénéficiaire est la caisse d'Epargne , la caution , M.[N] [D] , et le débiteur principal la société Garden Discount est paraphé sur chacune de ses pages par M.[D] et porte sa signature sous la mention manuscrite, conforme en tous points à l'article précité , précisant qu'il se porte caution de la Sarl Garden Appro dans la limite de 65 000 € concernant le paiement du principal , des intérêts et le cas échéant , des pénalités de retard et pour une durée de 60 mois '. » .

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que l'acte de cautionnement a été conclu le 29 mars 2012 , il convient de débouter M.[D] de sa demande tendant au prononcé de la nullité de cet acte .

Sur le billet à ordre

Le tribunal après avoir rappelé les circonstances de la souscription du billet à ordre et son aval par M.[N] [D] a déclaré que M.[N] [D] en sa qualité de gérant , n'aurait jamais consenti à se porter avaliste du billet à ordre s'il avait eu connaissance de la volonté de la Caisse d'Epargne de dénoncer ses concours juste après la souscription du billet à ordre et de faire jouer l'aval , qu'en outre en le faisant s'engager en qualité d'avaliste , alors qu'elle avait une parfaite connaissance de la situation compromise de la société , la Caisse d'Epargne savait qu'elle pourrait ainsi se substituer un débiteur solvable

, M.[D] , à la société Garden Appro , qui ne pourrait manifestement pas régler le billet à ordre à son échéance .Il a déclaré que le consentement de M.[N] [D] en sa qualité d'avaliste du billet à ordre avait été vicié , qu'il n'aurait jamais consenti à se porter avaliste avec le risque de devoir honorer l'engagement pris par Garden Appro du fait de la signature du billet à ordre s'il avait su que quelques semaines après , la Caisse d'Epargne dénoncerait ses concours , que la mauvaise foi du banquier est caractérisée dés lors qu'au moment où il escompte l'effet , il sait que la provision ne pourra être fournie , que le dol est constitué , l'aval donné par [N] [D] devant être annulé .

La Caisse d'Epargne des Hauts de France, au soutien de son appel , fait valoir que le Tribunal a commis une erreur d'appréciation dans la mesure où elle n'a jamais mis fin à ses concours , que le compte de la société Garden Appro a continué à fonctionner jusqu'à la liquidation judiciaire , que ce point n'est pas contesté par M.[C] [D] qui en tire même argument pour considérer qu'il y a eu un soutien abusif de crédit au delà du mois de juin 2016 ..Elle ajoute que si le 30 juin 2016 , une saisie conservatoire a été pratiquée , M.[D] omet de préciser que le billet à ordre était payable au 21 juin 2016 et que le 9 juin 2016 , la banque CIC a rejeté l'ensemble des chèques de la société Garden Appro laissant un découvert en compte admis dans la liquidation judiciaire pour la somme de 556 676 , 32 € , que cette circonstance justifie pleinement que la Caisse d'Epargne dénonce ses concours pour éviter un accroissement des impayés , que le seul fait qu'une banque cherche à garantir un défaut de paiement du débiteur principal ne peut être une cause de nullité d'un engagement .

Elle souligne que l'échange de messages produits ne démontre en rien un état de cessation des paiements , que la société Garden Appro a publié des résultats pour l'année 2015 largement bénéficiaires à hauteur de 138 059 € , que par ailleurs le jugement prononçant le redressement judiciaire de la société a fixé la date de cessation des paiements au 20 janvier 2017, que l'on ignore pour quelles raison la situation s'est brusquement dégradée en juin 2016 , que 65 chèques ont été présentés à l'encaissement pour un montant de 600 000 € , tous ces chèques tirés sur des structures appartenant à M.[D] étant revenus impayés .

Elle ajoute que M.[D] connaissait nécessairement la situation financière de sa société qu'il n'y a eu aucune dissimulation de la situation par la banque , que le billet à ordre n'a été crée que le 21 avril 2016 , qu'aucun dol n'a été commis .

M.[N] [D] expose que la Caisse d'Epargne a consenti un prêt professionnel à la société Garden Appro le 15 janvier 2014 d'un montant de 100 000 € garanti par son engagement de caution solidaire à hauteur de 39 000 € par une garantie pour le solde et par le nantissement du fonds de commerce , que le 4 août 2014 , la Caisse d'Epargne a consenti un nouveau prêt d'un montant de 100 000 € à la société Garden Appro , avec des garanties identiques , que malgré l'existence de toutes ces suretés , la Caisse d'Epargne a fait souscrire à la société Garden Appro le 21 avril 2016 un billet à ordre , qu'elle lui a fait avaliser .

Il fait valoir que la banque s'est fait consentir un billet à ordre dans le but de se prémunir contre l'insolvabilité de la société Garden Appro et l'ouverture prévisible d'une procédure collective afin de pouvoir bénéficier de son aval , lui permettant ainsi d'échapper aux règles strictes du cautionnement , que la banque savait que la société était dans une situation irrémédiablement compromise avant qu'elle fasse souscrire ce billet à ordre ainsi qu'en attestent les messages échangés en 2016 , que le 17 juin 2016 , elle a dénoncé ses concours contrairement à ce qu'elle prétend puis que le 30 juin 2016 , elle a pratiqué une saisie conservatoire .Il souligne qu'il n'aurait jamais consenti à avaliser le billet à ordre s'il avait eu connaissance de la volonté de la Caisse d'Epargne de dénoncer ses concours juste après sa souscription , que son consentement a été vicié , que le Tribunal a , à juste titre, estimé que son engagement devait être annulé .

Selon l'article 1116 du code civil dans sa version applicable au présent litige , le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont elles qu'il est évident que sans ces man'uvres , l'autre partie n'aurait pas contracté .

Il ne se présume pas et doit être prouvé .

Il est admis que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son

cocontractant un fait qui s'il avait été connu de lui , l'aurait empêché de contracter .

Le billet à ordre dont s'agit a été souscrit le 21 avril 2016 avec une échéance au 21 juin 2016 au bénéfice de la Caisse d'Epargne par la société Garden Appro et avalisé par M.[C] [D] gérant de la société.

Les pièces versées aux débats établissent que la société Garden Appro était un client de la Caisse d'Epargne de Picardie depuis plusieurs années puisqu'en mars 2012 , elle y avait ouvert un compte courant , que cette banque lui avait consenti à deux reprises , un prêt , le 15 janvier 2014 d'un montant de 100 000 € remboursable en 60 mois , le 4 août 2014 d'un montant de 100 000 € également , remboursable en 60 mois , M.[C] [D] se portant caution de chacun des prêts , que la banque était tout à fait informée des difficultés de la société en 2016 .

En effet , il est constant que M.[I] [Z], responsable clientèle entreprise à la Caisse d'Epargne a adressé le 26 janvier 2016 à M.[D] le message suivant  «  il manque 80 k€ aujourd'hui .Par contre, il va falloir se calmer en termes de dépenses , j'ai 500 k€ en attente de paiement qui normalement sont exigibles ça commence à faire vraiment beaucoup . A ce jour , on peut considérer que vous êtes en cessation de paiements. Les fonds de la BPI arrivent quand .Ils ne vont même pas couvrir l'ensemble des paiements en attente ,ça devient très chaud » puis le 1er mars 2016 «  c'est un truc de fou , il y a 455 k€ de paiements en stocks , qui sont exigibles .A ce jour , on peut considérer que la société est en état de cessation de paiements .Au vu de nos derniers échanges , à savoir que le crédit de 300 K € devait permettre de solder les retards de paiement fournisseur , et revenir dans un fonctionnement normal .Je ne comprends pas du tout cette situation qui se dégrade .On ne peut pas continuer comme ça » .

Si la Caisse d'Epargne indique dans ses écritures ne pas avoir dénoncé ses concours le 16 juin 2016 , et avoir poursuivi ses relations avec la société au cours des années 2017 et 2018 il est constant qu'elle a reconnu l'avoir fait dans un message en août 2016 précisant alors » nous avons été amenés à prononcer le 17 juin 2016 la résiliation immédiate de nos concours CT (découvert de 50 KE et BF de 100 KE ) conformément à l'article L 313-12 du code monétaire et financier , eu égard au fonctionnement anormal du compte ouvert en nos livres » et que cette dénonciation a d'ailleurs été suivie d'une assignation en paiement par la Caisse d'Epargne de la société Garden Appro et de M.[D] signifiée le 28 juillet 2016 pour obtenir paiement de différentes sommes dont celle due au titre du compte courant .

Par jugement en date du 20 janvier 2017 , le Tribunal de Commerce de Saint Quentin a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société fixant provisoirement la date de cessation des paiements au 20 janvier 2017.

L'ensemble de ces éléments et la chronologie des faits démontrent que lorsque le billet à ordre a été souscrit le 21 avril 2016 à échéance du 21 juin 2016 et avalisé par M.[C] [D] , la Caisse d'Epargne de Picardie était tout à fait informée des graves difficultés financières de la société et avait parfaitement conscience de la situation gravement obérée de cette dernière .En dissimulant à M.[D] le fait qu'elle allait mettre fin à ses concours quelques semaines seulement après l'obtention du billet à ordre et de son aval , elle s'est rendue coupable de dol , l'aval n'ayant pour but que de se prémunir de la défaillance imminente de la société et permettant par sa nature , d'engagement cambiaire de ne pas être soumis aux règles strictes du cautionnement .Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de l'aval du billet à ordre et débouté la Caisse d'Epargne de sa demande en paiement de la somme de 100 000 € à ce titre .

Sur les cautionnements

Le Tribunal a déclaré que M.[N] [D] faisait état dans sa fiche de renseignements remise à la banque d'un patrimoine immobilier de 150 000 € et ne précisait pas d'engagements antérieurs , il a considéré que dans ces circonstances , les deux cautionnements de 39 000 € n'étaient pas disproportionnés par rapport à son patrimoine au moment de sa souscription .

M.[C] [D] déclare que ses engagements de caution étaient manifestement disproportionnés à ses biens et revenus lors de leur souscription , qu'il s'est porté caution le 29 mars 2012 à hauteur de 65 000 € au titre du compte courant , le 15 janvier 2014 à hauteur de 39 000 € et le 4 août 2014 à nouveau à hauteur de 39 000 € , qu'en 2012 , il a déclaré un revenu fiscal de 13 500 € que cependant il avait souscrit 3 prêts personnels auprès du Crédit du Nord en janvier , octobre et novembre 2005 pour des montants de 130 000 € , 130 000 € et 325 000 € pour acquérir des terrains et des serres d'exploitation , qu'en 2014, il avait déclaré des revenus à hauteur de 21 000€ , que la fiche de renseignements produite par la banque Caisse d'Epargne n'est pas datée de sorte qu'elle n'a aucune valeur , qu'il était engagé comme caution en faveur du CIC Nord Ouest le 8 novembre 2013 , qu'en 2016 , ses revenus étaient de l'ordre de 60 000 € mais qu'il était toujours tenu par ses emprunts personnels .

Il souligne que ses engagements demeurent manifestement disproportionnés au vu de son patrimoine actuel , qu'il est actuellement salarié , que s'il détient des parts dans des SCI Familiales ces dernières sont minoritaires , que plusieurs autres banques l'ont assigné en paiement , pour obtenir les sommes de 278 709 € et 130 929 € , qu'il a conclu un accord transactionnel avec une troisième banque et doit s'acquitter de la somme de 150 000 € en 7 ans , qu'il est locataire de son logement , règle un loyer mensuel de 1 000 € et a un enfant à charge .

La Caisse d'Epargne réplique que la charge de la preuve de la disproportion des engagements de caution repose sur la caution , et que le bénéficiaire du cautionnement n'est pas tenu de vérifier la situation de la caution , qu'en l'espèce , M.[D] ne produit aucun élément sur sa situation patrimoniale notamment sur les immeubles ou parts de sociétés civiles qu'il détiendrait , ni sur ses placements et avoir financiers en 2012 et 2014 , que par ailleurs il a rempli une fiche de renseignements le 13 juillet 2014 dans laquelle il a déclaré des revenus annuels de 18 000€ et un patrimoine de 150 000 € , lequel permet de faire face à ses engagements cumulés en qualité de caution d'un montant de 143 000 € ( 65 000 € + 2 x 39 000 € ). Elle souligne qu'il n'a déclaré dans cette fiche aucun engagement financier et ne peut se prévaloir d'engagements qu'il a cachés à la banque , qu'il importe peu qu'il s'estime incapable actuellement de faire face à ses engagements dés lors qu'au jour des engagements de caution ceux ci n'étaient pas disproportionnés .

Selon les dispositions de l'article L 332-1 du code de la consommation , un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était lors de sa conclusion , manifestement disproportionné à ses biens et revenus , à moins que le patrimoine de cette caution au moment où celle ci est appelée , ne lui permette de faire face à ses obligations .

Il appartient à M.[D] qui se prévaut de la disproportion de ses engagements de caution d'en rapporter la preuve .La banque n'est pas tenue d'exiger une fiche de renseignements patrimoniale ni de vérifier la situation financière de la caution ,sauf si dans l'hypothèse où des renseignements lui ont été donnés , ceux ci comportent des anomalies apparentes .

Si M.[D] démontre avoir emprunté au Crédit du Nord en 2005 une somme de 130 000 € , le contrat de prêt en cause indique que ce prêt devait être remboursé en 7 annuités dont la dernière était en date du 30 juin 2011, il avait donc pris fin lorsque Monsieur [D] a signé son engagement de caution à hauteur de 65 000 € le 29 mars 2012 .Quant au prêt consenti par le Crédit du Nord de 130 000 € le 10 mars 2005 remboursable sur 15 ans pour acquérir des parcelles de terrains à [Localité 4] ainsi que le prêt qui lui a été consenti par le Crédit du Nord le 28 octobre 2008 d'un montant de 325 000 € remboursable en 120 mensualités de 3 685 € , force est de constater qu'il s'agissait d'un montant élevé de remboursement mensuel nécessitant un certain niveau de ressources financières mais M.[D] ne donne aucun élément sur ces dernières ni sur sa situation patrimoniale .Par ailleurs , son avis d'imposition 2013 sur les revenus 2012 démontre qu'il déclarait des salaires à hauteur de 13 500 € , des revenus fonciers à hauteur de 538 € et un déficit de 462 995 € . M.[D] ne donne pas d'élément de valeur sur le bien pour lequel il perçoit des revenus fonciers à cette date ni sur les biens qui lui permettent de retenir un déficit foncier , et il doit être observé que les statuts de la SCI des Fleurs en date du 6 mars 2001 et ceux de la SCI de la Baie de Somme en date du 10 septembre 2005 , sociétés dans lesquelles il est associé, ne permettant pas de connaître la valeur des biens immobiliers détenus par ces dernières .

Concernant son engagement de caution à hauteur de 39 000 € donné en janvier 2014 , son avis d'imposition démontre qu'il percevait des revenus salariaux en 2014 d'un montant de 21 000 € , des revenus fonciers à hauteur de 768 € , reportant encore un déficit de 432 721 € , aucun élément de valeur n' étant produit concernant ses biens fonciers.

Force est de constater que les éléments qu'il produit ne sont pas cohérents avec ce qu'il déclare percevoir et ce qu'il dit assumer sur le plan financier . M.[D] ne démontre pas que ses engagements de caution à la date où ils ont été conclus , tant en mars 2012 , qu'en janvier 2014 , étaient manifestement disproportionnés à ses biens et à ses revenus .

S'agissant du cautionnement donné à hauteur de 39 000 € le 4 août 2014 , il est constant que M.[D] a rempli une fiche de renseignements émanant de la Caisse d'Epargne le 13 juillet 2014 dans laquelle il a mentionné des salaires à hauteur de 1 500 € par mois mais aucun autre revenu , et a inscrit dans la rubrique Patrimoine Immobilier 4 biens immobiliers dont 3 pour une « valeur nette si prêt en cours » de 0 , mais une maison sise au [Localité 3] acquise en 2007 , valeur estimative actuelle de 500 000 € et valeur nette si prêt en cours 150 000 € .Il n'a rien indiqué dans la rubrique épargne et n'a porté aucune mention dans la rubrique Engagements Financiers en cours ni aucune charge mensuelle

Le fait qu'il mentionne l'existence de 4 biens immobiliers acquis en 2004 , 2006 , 2007 , 2012 , dont 3 étaient retenus pour une valeur nette de 0 € compte tenu des prêts en cours, alors qu'aucun de ces prêts n'a été mentionné ensuite avec sa durée , le montant initial , la garantie , la charge mensuelle représentée ainsi que le formulaire le requérait , et qu'aucune charge mensuelle autre n'était indiquée , constitue des anomalies en présence desquelles la banque devait exercer des vérifications , ce qu'elle n' a pas fait , alors qu'il est constant qu'à cette date , [C] [D] supportait la charge d'au moins trois emprunts dont deux auprès du Crédit du Nord , et ne déclarait que 1500 € de revenus mensuels , était déjà caution auprès de la Caisse d'Epargne à hauteur de 65 000 € et 39 000 € , cet engagement de caution était manifestement disproportionné à ses biens et à se revenus , la banque ne peut s'en prévaloir .

M.[D] doit donc être condamné à payer à la Caisse d'Epargne des hauts de France les sommes de 65 000 € et 39 000 € outre intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2016 , la banque ne rapportant pas la preuve de l'information de la caution telle qu'elle résulte de l'article L 341-1 du code de la Consommation .

Sur le soutien abusif de la Caisse d'Epargne

M.[D] déclare que la banque a apporté un soutien abusif à la société Garden Appro et demande l'annulation des garanties souscrites ou des dommages et intérêts à hauteur des condamnations prononcée à son encontre ainsi qu'une somme de 20 000 € en réparation de son préjudice moral .Il fait valoir que la banque connaissait les difficultés de la société et a laissé fonctionner les comptes en ligne débitrice jusqu'à la liquidation judiciaire , que malgré la situation dégradée de la société , elle lui a fait souscrire un billet à ordre et a fait avaliser le billet à ordre au gérant .

La Caisse d'Epargne réfute le soutient abusif faisant valoir qu'on ne peut à la fois lui reprocher d'avoir mis fin à ses concours bancaires en juin 2016 et indiquer qu'elle a laissé le compte de la société fonctionner en position débitrice .

La souscription d'un billet à ordre n'est pas constitutive d'un soutien abusif , et il a été statué sur la validité de l'aval donné par M.[D] .

M.[D] ne peut reprocher à la Caisse d'Epargne d'avoir mis fin à ses concours bancaires en juin 2016 et d'avoir dans le même temps apporté un soutien abusif à la société .

Ainsi que cela a été mentionné , la Caisse d'Epargne a estimé en janvier puis en mars 2016 que la société Garden Appro se trouvait en état de cessation des paiements, puis a dénoncé ses concours en juin, trois mois plus tard , son comportement ne saurait donc être qualifié de soutien abusif .

M.[D] sera débouté de ses demandes à ce titre .

Sur l'obligation de mise en garde

M.[D] sollicite la condamnation de la Caisse d'Epargne à lui régler des dommages et intérêts à hauteur des sommes auxquelles il serait condamné ainsi que la somme de 20 000 € en réparation du préjudice moral subi , en raison du manquement de la banque à son devoir de mise en garde et de bonne foi , faisant valoir qu'il n était pas une caution avertie même s'il était dirigeant de plusieurs sociétés , qu'il n'avait pas de compétence financière particulière , que l'endettement de la société était excessif , tout comme les garanties que la société lui a demandées , que la banque a sollicité ces garanties alors qu'elles étaient sans commune mesure avec son patrimoine , que la banque connaissait la situation dégradée de la société .

La Caisse d'Epargne réplique que M.[D] connaissait parfaitement la situation de la société qu'elle a publié en 2015 des résultats largement bénéficiaires ,que l'état de cessation des paiements n'était pas acquis à la date de la souscription des cautionnements.

La banque est tenue d'une obligation de mise en garde à l'égard de la caution non avertie .En l'espèce il est constant que M.[D] était , ainsi qu'il le reconnaît lui même , dirigeant de plusieurs sociétés depuis plusieurs années , qu'il était également associé au sein de plusieurs sociétés civiles immobilières , avait dés 2005 contracté des emprunts importants à titre personnel , et connaissait les mécanismes financiers , qu'il s'agit donc d'une caution avertie envers laquelle la banque n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde , qu'il convient donc de le débouter de ses demandes.

Sur les délais de paiement

M.[D] sollicite à titre subsidiaire des délais de paiement , fait valoir qu'il est poursuivi en justice par plusieurs établissements bancaires qui sollicitent sa condamnation à leur régler la somme totale de 559 639 € , qu'il doit régler à une autre banque la somme annuelle de 17 750 € , est débiteur du RSI à hauteur de 67 992 €.

La Caisse d'Epargne des Hauts de France s'oppose à cette demande puisque M.[D] ne formule aucune proposition concrète de règlement et a caché une partie de son endettement pour financer ses activités.

M.[D] ne produit aucune pièce qui démontrerait qu'il soit en mesure de régler sa dette en bénéficiant de délais de paiement ,il convient de le débouter de sa demande , le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il y a lieu de condamner M.[D] à payer à la Caisse d' Epargne des Hauts de France la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour , statuant par arrêt contradictoire , en dernier ressort , par mise à disposition au greffe

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Caisse d'Epargne des Hauts de France de sa demande en paiement de la somme de 65 000 € et en ce qu'il a condamné M.[C] [D] à payer la somme de 39 000 € outre intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2016 au titre du prêt n°4310087.

statuant à nouveau ,

Condamne M.[C] [D] à payer à la Caisse d'Epargne des Hauts de France la somme de 65 000 € au titre du cautionnement du compte courant.

Déboute la Caisse d'Epargne des Hauts de France de sa demande en paiement de la somme de 39 000 € outre intérêts au titre du cautionnement du prêt n°4310087.

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions .

Déboute les parties de toutes autres demandes .

Condamne M.[C] [D] à payer à la Caisse d'Epargne des Hauts de France la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dé

Le Greffier,P/La Présidente empêchée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/00720
Date de la décision : 29/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-29;21.00720 ?
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