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27/09/2022 | FRANCE | N°20/03422

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 27 septembre 2022, 20/03422


ARRET



















[Z]





C/



CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PI CARDIE









FLR





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022





N° RG 20/03422 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HZFX



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D'AMIENS EN DATE DU 23 JUIN 2020





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT



>
Monsieur [E] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représenté par Me Anaëlle BARLOY, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 1







ET :







INTIMEE





CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cet...

ARRET

[Z]

C/

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PI CARDIE

FLR

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/03422 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HZFX

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D'AMIENS EN DATE DU 23 JUIN 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [E] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Anaëlle BARLOY, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 1

ET :

INTIMEE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Bénédicte CHATELAIN substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 06

DEBATS :

A l'audience publique du 24 Mai 2022 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Septembre 2022.

GREFFIER : Madame Vanessa IKHLEF

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Françoise LEROY-RICHARD en a rendu compte à la Cour composée en outre de :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 27 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente a signé la minute avec Madame Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Suivant acte sous-seing-privé en date du 19 février 2016 la caisse régionale de crédit agricole Brie Picardie a consenti à l'EURL GMVI un contrat dénommé « contrat'global de crédit de trésorerie'» d'un montant de 15'000 € et d'une durée indéterminée remboursable au taux de 3,72 %.

Par acte du même jour, M. [E] [Z] s'est porté caution de l'EURL GMVI dans la limite de la somme de 19'500 € couvrant le paiement du principal des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 120 mois.

Par jugement du tribunal de commerce d'Amiens du 21 mars 2019 l'EURL GNVI a été placé en liquidation judiciaire et la SELAS MJS Partners désigné en qualité de liquidateur.

La caisse régionale de crédit agricole a déclaré une créance au titre du débit de compte.

M. [E] [Z] a été mis en demeure le 26 mars 2019 de régler sous 15 jours la somme de 17'384,72 €.

Par acte d' huissier en date du 1er juillet 2019 la Caisse régionale de crédit agricole Brie Picardie a attrait en paiement M. [E] [Z] devant le tribunal de commerce d'Amiens qui par jugement contradictoire en date du 23 juin 2020 a'sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

' condamné M. [E] [Z] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole la somme de 17'532,32 € en principal avec intérêts au taux contractuel de 3,61 % à compter du 25 juin 2019 date du décompte jusqu'à complet paiement ;

' condamné M. [E] [Z] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens';

' dit M. [E] [Z] pourra se libérer des condamnations ci-dessus en vingt-trois mensualités égales et consécutives de 200 € pour la première être effectué à compter de la signification du premier jugement et une vingt-quatrième pour solde et que faute par lui de satisfaire à l'un des terres susvisées, le taux deviendra de plein droit immédiatement exigible.

Par déclaration en date du 6 juillet 2020 M. [E] [Z] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises le 12 mars 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés M. [E] [Z] demande à la cour de':

' le dire recevable et bien fondée en son appel';

' infirmer en toutes ses dispositions du jugement';

statuant à nouveau':

' prononcer l'annulation du cautionnement du 19 février 2016 en raison de l'immixtion du crédit agricole dans les affaires du débiteur principal';

' condamner la Caisse régionale de crédit agricole à verser à M. [Z] la somme de 23'996 € au titre de son préjudice matériel (15'996 €) et de la violation de sa vie privée (8000 €) ;

Subsidiairement':

' prononcer la déchéance du droit de la Caisse régionale de crédit agricole de se prévaloir du cautionnement en raison de sa disproportion.

Très subsidiairement :

' accorder à M. [E] [Z] les plus larges délais de paiement organisé comme suit :

$gt; 200 € pendant vingt-trois mensualités

$gt; le solde à la 24ème mensualité

En tout état de cause':

' débouter la Caisse régionale de crédit agricole de toutes ses demandes';

' condamner la Caisse régionale de crédit agricole à payer à M. [Z] la somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 10 mai 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés la Caisse régionale de crédit agricole demande à la cour de':

' débouter M. [E] [Z] de l'intégralité de ses demandes ;

' confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;

y ajoutant :

' condamner M. [E] [Z] au paiement d'une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

' condamner M. [E] [Z] aux entiers dépens d'appel.

SUR CE':

Sur la demande d'annulation de l'engagement de caution

Se prévalant de l'article L.650-1 alinéa 2 du code de commerce et de la possibilité d'invoquer les exceptions inhérentes à la dette, M. [Z] demande que soit prononcé l'annulation de son engagement de caution en raison de l'immixtion de la Caisse régionale de crédit agricole dans ses affaires personnelles, cette dernière selon lui ayant prélevé sur le compte de l'EURL GNVI et sans son autorisation des sommes destinées à créditer un compte personnel ouvert au nom de M. et Mme [Z] sur lequel étaient prélevées les échéances de remboursement d'un prêt immobilier. Il affirme que cette immixtion constitue une faute ayant eu pour conséquence d'accroître le débit en compte de l'EURL dans le seul intérêt de la banque, et qu'elle a privé l'EURL de la possibilité de régler certains créanciers et fournisseurs.

Il soutient que ces prélèvements sans autorisation s'élèvent à la somme de 15'996 € et que consécutivement à l'annulation de son engagement il doit être indemnisé du préjudice subi à hauteur de ce montant au titre d'un préjudice matériel et de la somme de 8'000 € au titre d'un préjudice pour violation de sa vie privée.

La Caisse régionale de crédit agricole soutient que M. [Z] doit être débouté de cette demande dans la mesure où il se prévaut d'une exception purement personnelle et non d'une exception inhérente à la dette, dans la mesure où la prétendue ingérence a pour but de protéger le débiteur en sa personne.

A tout le moins elle considère n'avoir commis aucune immixtion et n'avoir réalisé des virements à destination du compte joint personnel que sur demande de M. [Z], ce dernier n'ayant pas contrepassé les virements ou contesté ces mouvements dans le délai prévu par l'article L'.133-24 du code monétaire et financier.

Aux termes de l'article L650-1 du code de commerce, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.

Aux termes de l'article 2313 du Code civil dans sa version applicable à l'espèce la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal et qui sont inhérentes à la dette ; mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur. Il est admis que constitue une exception opposable la faute du créancier dans ses rapports avec le débiteur.

En l'espèce la faute alléguée par M. [Z] tirée de l'immixtion de la caisse régionale de crédit agricole dans la gestion de l'EURL GNVI qui a abouti à un accroissement du débit du compte courant de cette dernière peut donc être qualifiée d'exception inhérente à la dette.

Il est admis que l'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur suppose de démontrer l'accomplissement par le banquier d'actes positifs de direction ou l'exercice d'une influence décisive sur la gestion du débiteur.

Elle suppose que le créancier devient dirigeant de fait en participant activement à la gestion du débiteur et en prenant seul des décisions importantes à sa place.

La charge de la preuve de tels agissements incombe à l'appelant.

M. [Z] considère que tous les virements libellés «'Ag'» M ou Mme [Z] au débit du compte de l'EURL à destination du compte M et Mme [Z] sur lequel était prélevé le crédit immobilier souscrit le 24 septembre 2015 caractérise l'immixtion de la banque dans la gestion de l'EURL GNVI, que ces prélèvements ont accru les débits du compte de l'entreprise, sa liquidation et sont la cause des poursuites dirigées contre lui en qualité de caution.

De la lecture des relevés de compte de l'EURL il ressort qu'une majorité de créanciers étaient payés par prélèvements automatiques (Prlv Dgfip, locam, orange, axiomoto, Allianz vie, EDF, Ge money bank, leaseplan, aviva assurances, courrier Picard, équipement monétique, Stanley solution de sécurité'.) que seul le dirigeant peut avoir autorisés, que certains étaient payés par virements web (pro pièces, sogapex, loxagri, loyer [E] [Z]..) que seul M. [Z] pouvait réaliser à l'aide d'un code, que les virements libellés (Ag) étaient des virements faits non pas pour payer des créanciers de l'entreprise mais pour créditer le compte personnel de M et Mme [Z] sur lequel était prélevé le crédit immobilier, ledit compte n'étant crédité d'aucune autre sommes que celles susceptibles de couvrir le prêt et devant comptablement être qualifiées de rémunération de l'exploitant s'agissant du paiement d'une dette personnelle.

Cette analyse du compte bancaire de l'EURL ne démontre pas que la Caisse régionale de crédit agricole se soit immiscée dans la gestion de cette dernière au point de se comporter comme dirigeant de fait, M. [Z] décidant seul des modalités de paiement des créanciers de l'entreprise.

La mention «'Ag'» concernant les virements réalisés sur le compte personnel destinés à rembourser le crédit immobilier n'établit pas que la banque ait prélevé la mensualité du prêt sans autorisation sinon la ligne serait qualifiée de «'prlv'».

Cette mention est la démonstration que M. [Z] a dû se présenter à l'agence ou téléphoner à cette dernière pour demander que le crédit du couple soit remboursé par le compte professionnel dans la mesure où théoriquement il ne pouvait l'être que par un compte personnel, le couple n'étant pas créancier de l'entreprise.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les sommes portées au crédit du compte personnel par débit du compte professionnel devaient être comptablement enregistrées sous la rubrique «'revenus de l'exploitant'».

Enfin, ces virements ont permis au couple de rembourser le prêt d'un bien leur rapportant des revenus fonciers, l'immeuble objet du financement étant partiellement affecté à l'exploitation de l'EURL.

Il n'a fait l'objet en 2020 d'une saisie immobilière qu'en raison de la liquidation de l'EURL privant M. [Z] de toute rémunération et de la possibilité de rembourser le crédit immobilier qui était déjà un crédit de restructuration.

En conséquence la preuve de l'immixtion de la banque dans la gestion de l'EURL au préjudice de la caution n'est pas rapportée, de sorte que M. [Z] doit être débouté de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de son engagement et de ses demandes en paiement consécutives.

Sur l'opposabilité de l'engagement de caution

Se prévalant de l'article L.332-1 du code de la consommation, M. [Z] soutient que la banque ne peut se prévaloir de l'engagement de caution souscrit le 19 février 2016 en raison de sa disproportion par rapport à ses biens et ses revenus à cette époque.

La banque s'oppose à cette demande et soutient qu'elle peut se prévaloir de l'engagement souscrit à défaut pour M. [Z] de rapporter la preuve qui lui incombe de cette disproportion

De la fiche « renseignements patrimoine'» remplie par M. [Z] dans la perspective de son engagement de caution il ressort que ce dernier a déclaré être professionnel et exploiter un garage entretien réparation EURL GMVI depuis le 7 janvier 2009, être propriétaire d'un immeuble situé à [Localité 4] d'une valeur de 180'000 € objet d'un financement dont le coût annuel s'élevait à 10115 € et le capital restant dû à 102'397 €.

Il déclarait avoir deux enfants à charge de 11 et 15 ans et percevoir 27'600 € de revenus annuels soit 2'300 € par mois.

Ce document contient une page réservée à la banque, intitulée «'proportionnalité de l'engagement'», reprenant ces données contenant le calcul du patrimoine disponible évalué à 77'603 € (180'000 -102 3097) et la mention «'séparé'».

Des éléments déclarés dont la banque n'avait pas à vérifier l'exactitude, il résulte que l'engagement de caution de M. [E] [Z] dans la limite de la somme de 19'500 € pour une durée de 120 mois n'était pas disproportionné à ses revenus déclarés à hauteur de 27'600 € ni à son patrimoine d'une valeur nette de 77'603 € lors de la souscription.

Partant c'est à juste titre que la Caisse régionale de crédit agricole se prévaut de l'engagement de caution souscrit par M. [E] [Z] en garantie du crédit de trésorerie consenti à l'EURL GMVI.

Sur la demande d'échelonnement de la dette

Tenant compte de la liquidation judiciaire de l'EURL GMVI les premiers juges ont à juste titre accordé sous le bénéfice de l'exécution provisoire la possibilité pour M. [Z] de payer les sommes dues en 24 mensualités de sorte que la décision est confirmée sur ce point.

En revanche, M. [Z] qui demande à hauteur de cour à nouveau le bénéfice d'un échelonnement alors qu'il n'a réalisé aucun règlement depuis plus de deux et qu'il ne produit aucune pièce actualisée relative à sa situation professionnelle et personnelle ne permet pas à la cour de faire application de l'article 1343-5 du code civil.

Partant M. [E] [Z] est débouté de sa demande.

Sur les demandes accessoires

M. [E] [Z] sui succombe supporte les dépens d'appel et est condamné à payer à la Caisse régionale de crédit agricole la somme de 1'500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,

confirme le jugement en toutes ses dispositions';

y ajoutant':

déboute M. [E] [Z] de sa demande d'échelonnement';

condamne M. [E] [Z] à payer à la Caisse régionale de crédit agricole Brie Picardie la somme de 1'500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile';

condamne M. [E] [Z] aux dépens d'appel.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/03422
Date de la décision : 27/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-27;20.03422 ?
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