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22/09/2022 | FRANCE | N°21/05495

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 22 septembre 2022, 21/05495


ARRET

























[P]









C/







S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES



















COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022





N° RG 21/05495 - N° Portalis DBV4-V-B7F-II3T





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 12 NOVEMBRE 2021



APRES COMMUNI

CATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC



EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





Madame [D] [P] épouse [L]

[Adresse 4]

[Localité 2]





Représentée par Me Aude TONDRIAUX-GAUTIER, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : ...

ARRET

[P]

C/

S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/05495 - N° Portalis DBV4-V-B7F-II3T

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 12 NOVEMBRE 2021

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [D] [P] épouse [L]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Aude TONDRIAUX-GAUTIER, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 75

ET :

INTIMEE

S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BBI

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric GARNIER substituant Me Serge LEQUILLERIER de la SCP LEQUILLERIER - GARNIER, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160

DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dominique BERTOUX , Présidente de chambre et Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère, qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER:

Madame Vanessa IKHLEF

MINISTERE PUBLIC : M. Alain LEROUX, Avocat Général

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Ces magistrats ont rendu compte à la Cour composée de :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 22 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre a signé la minute avec Madame Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Suivant jugement du 2 octobre 2019, le tribunal de commerce de Compiègne, statuant sur assignation délivrée par l'URSSAF de Picardie, a ouvert une enquête sur la situation de la Sarl Bbi, exerçant une activité transitaire, de logisticien, toutes activités connexes et toutes opérations de négoce, située à [Localité 2] et gérée par Mme [D] [P], épouse [L].

Suivant jugement du 18 décembre 2019, le tribunal de commerce de Compiègne, statuant suite au rapport et après avis du juge commissaire a :

- ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la Sarl Bbi;

- fixé la date de cessation des paiements au 18 juin 2018 ;

- désigné la Scp Alpha mandataires judiciaires, anciennement dénommée Lehericy Hermont, en qualité de liquidateur.

Se prévalant de fautes commises par la gérante ayant concouru à l'insuffisance d'actif, le liquidateur judiciaire par acte d'huissier du 3 juin 2021, a fait assigner en sanction Mme [P] [L] devant le tribunal de commerce de Compiègne qui par jugement contradictoire du 10 novembre 2021 a sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- dit recevable l'action dirigée contre Mme [P] [L] ;

- prononcé la faillite personnelle de Mme [P] [L] ;

- fixé la durée de cette mesure à 15 ans ;

- condamné Mme [P] [L] à supporter l'insuffisance d'actif de la Sarl Bbi à hauteur de 283.988,31 €, avec intérêt de droit à compter de l'assignation ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- débouté la Scp Alpha mandataires judiciaires au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les sommes recouvrées en capitalisation de ces condamnations seront réparties au marc le franc entre tous les créanciers ;

- employé les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire de la Sarl Bbi ;

- dit que les dépens et frais irrépétibles seront payés par priorité sur les sommes versées pour combler le passif.

Mme [P] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 29 novembre 2021, puis par une seconde déclaration rectificative du même jour (RG 22/00249).

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 17 mai 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, Mme [P] demande à la cour :

à titre principal,

- d'annuler le jugement entrepris pour violation du contradictoire ;

- de renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Compiègne, autrement composé ;

à titre subsidiaire,

- d'infirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté la Scp Alpha mandataires judiciaires au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

et statuant à nouveau,

- de débouter la Scp Alpha mandataires judiciaires, ès-qualités, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et notamment :

* de ses demandes de condamnation portées à l'encontre de Mme [P] en 'comblement de passif ';

* de sa demande d'intérêts courant à compter de l'assignation ;

* de ses demandes de condamnation de mesure de faillite personnelle;

* de sa demande d'interdiction de gérer ;

- de débouter Mme la Procureure générale près la cour d'appel d'Amiens de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- de condamner la SCP Alpha mandataires judiciaires, ès-qualités, en paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions remises le 15 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la Scp Alpha mandataires judiciaires, ès-qualités de mandataire liquidateur de la Sarl Bbi, demande à la cour :

à titre principal,

- de déclarer irrecevable l'appel dirigé contre le ministère public et en tout état de cause de le mettre hors de cause ;

- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

subsidiairement, si le jugement devait être annulé ou infirmé,

- de condamner Mme [P] à supporter l'insuffisance d'actif connue par la liquidation judiciaire de la société Bbi en la proportion de 283.988,61 € ;

- de dire et juger que cette condamnation produira intérêt de droit à compter de l'assignation

- d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

- de dire et juger que les sommes recouvrées en application de cette condamnation seront réparties au marc le franc entre tous les créanciers ;

- de dire et juger que Mme [P], gérante de droit de la société Bbi, a commis l'ensemble ou l'une quelconque des fautes visées aux présentes écritures et réprimées par les dits textes, à savoir notamment :

a) avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

b) avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

c) et ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation;

- de prononcer à l'égard de Mme [P] une mesure de faillite personnelle, telle que définie à l'article L653-2 du code de commerce ;

à titre subsidiaire, si la cour estimait ne pas devoir prononcer la faillite personnelle, sur le fondement de l'article L653-8 du code de commerce,

- de prononcer à l'égard de Mme [P] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, dans les conditions que la cour estimera adaptées, et également pour défaut de déclaration de cessation des paiements dans les quarante-cinq jours;

quoiqu'il en soit,

- de condamner Mme [P] en tous les dépens, outre une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- de dire et juger que les dépens et frais irrépétibles seront payés par priorité sur les sommes versées pour combler le passif, en application de l'article L651-3 alinéa 4 du code de commerce.

Aux termes de ses conclusions remises le 27 avril 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, Mme la Procureure générale près la cour d'appel d'Amiens requiert qu'il plaise à la cour :

- de dire et juger l'appel de Mme [P] recevable mais mal fondé ;

- de dire et juger le ministère public recevable en ses conclusions d'intimé ;

- de confirmer dans son principe le jugement du 10 novembre 2021 du tribunal de commerce de Compiègne ;

- de condamner Mme [P] à combler les dettes de la Sarl Bbi à hauteur de 100.000 € et de prononcer à son encontre une interdiction de gérer pendant 8 ans ;

- de dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

L'affaire a été fixée à bref délai pour plaider à l'audience du 19 mai 2022.

SUR CE :

Sur la recevabilité de l'intimation du ministère public

Aux termes de l'article 547 du code de procédure civile, l'appel ne peut être dirigé en matière contentieuse que contre ceux qui ont été partie en première instance.

Si le ministère public dispose d'un recours lorsqu'il n'a pas agi comme partie principale comme en l'espèce où il n'est que partie jointe au sens de l'article R.622-10 du code de commerce, à défaut d'avoir été partie au procès en première instance, l'appelante n'est pas recevable à l'intimer.

Sur la demande d'annulation du jugement

L'appelante demande que soit prononcé l'annulation du jugement dont appel pour violation du principe du contradictoire et à défaut d'avoir pu bénéficier d'un procès équitable au sens de l'article 6.1 de la convention européenne des droits de l'homme, au motif qu'en première instance elle n'a pas eu connaissance des conclusions du ministère public avant l'audience , que leur contenu lui a été rapporté après qu'elle ait eu la parole et alors qu'elle n'était pas assistée la privant de toute possibilité de réplique en violation de l'article 440 du code de procédure civile.

L'intimée s'oppose à cette demande à défaut pour l'appelante de rapporter la preuve de ses allégations. Elle fait valoir qu'en matière de procédure orale les échanges sont présumés contradictoires et qu'en application de l'article 446 du code de procédure civile l'exposé des prétentions en dernier n'est pas prévu à peine de nullité du jugement.

Elle rappelle que le ministère public à qui la procédure est uniquement communiquée en application de l'article R.622-10 du code de commerce, n'est pas partie au procès lorsque le tribunal est saisi à la requête du liquidateur et qu'il n'a pas l'obligation de prendre des conclusions au préalable et de les communiquer avant l'audience. Elle indique que c'était le cas d'espèce et que Mme [P] [L] avait la possibilité de répondre aux réquisitions orales du parquet au besoin par une note en délibéré.

En l'espèce il résulte du jugement dont appel et de l'assignation délivrée à l'endroit de Mme [P] Bachat que cette dernière a été assignée à la requête du liquidateur de la société dont elle était la gérante, qu'elle a été informée de la faculté de se faire assister d'un avocat, qu'elle a fait le choix de se présenter seule et que le ministère public a été avisé de l'audience conformément à l'article R.662-10 du code de commerce.

Mme [P] [L] qui s'est présentée à l'audience à laquelle elle était assignée a de fait pris connaissance des demandes et de leurs fondements, s'est présentée seule sans assistance à l'audience dans le cadre d'un libre choix, ne pouvait donc ignorer la demande de condamnation aux fins de supporter l'insuffisance d'actif, celle de prononcé d'une mesure de faillite personnelle et subsidiairement d'interdiction de gérer dans des proportions estimées par le tribunal.

Dans ces circonstances, elle a pris la parole pour se défendre en connaissance de cause et ne peut soutenir qu'elle ignorait l'objet des débats et qu'elle n'a pas pu s'en expliquer alors que le ministère public à qui la procédure a été communiquée a requis l'application d' une des mesures sollicitées par le liquidateur, la parole ne pouvant être donnée au ministère public avant l'assignée à défaut d'être partie à l'instance, de sorte que la violation des dispositions des articles 440 et suivants du code de procédure civile n'est pas établie.

Par ailleurs elle ne s'explique pas sur les circonstances qui l'auraient privée de reprendre la parole si elle souhaitait apporter des explications complémentaires.

En conséquence, la chronologie procédurale et le contenu des actes caractérisent que Mme [P] [L] a eu connaissance avant l'audience des demandes présentées à son endroit, de la possibilité de se faire assister de sorte qu'elle a pu préparer sa défense et n'a pas été privée de s'exprimer.

Elle est donc déboutée de sa demande d'annulation du jugement dont appel.

Sur les sanctions

$gt; sur l'action en responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif

En application de l'article L 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.

La loi n° 2016-1961 du 9 décembre 2016 a tempéré dans un sens plus favorable aux dirigeants de la personne morale mise en liquidation judiciaire, le principe de responsabilité pour insuffisance d'actif en prévoyant qu'en cas de simples négligences du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité ne peut être engagée.

La faute de gestion n'étant pas définie par la loi, elle s'apprécie par rapport au comportement du dirigeant normalement diligent et avisé.

Il est admis que le juge apprécie souverainement dans la limite de l'insuffisance d'actif le montant de la condamnation.

L'appelante soutient qu'elle n'a commis aucune faute, tout au plus des négligences, dans la mesure où bien que dirigeante de droit, M. [I] était le dirigeant de fait de la société Bbi, qu'elle a peu collaboré à l'activité de cette structure car elle devait prendre en charge un enfant malade.

Elle soutient qu'elle n'a pas bénéficié personnellement de la poursuite de l'activité de cette société, qu'elle ne s'est pas enrichie.

Elle fait valoir être salariée et percevoir 1 756 € par mois de salaire, qu'elle n'est propriétaire que pour moitié du domicile de la famille acquis à l'aide de différents prêts encore en cours et pour lesquels sont encore dus à la banque 341 194,39 € au titre d'un premier prêt et 99 462,75 € au titre du second.

Elle fait remarquer sur ce point que le ministère public en première instance a proposé de limiter la demande au titre de l'insuffisance d'actif à la somme de 100 000 €.

L'intimée soutient que la direction de complaisance n'est pas un fait justificatif excluant toute sanction, que Mme [L] lors de la procédure de vérification de comptabilité n'a pas coopéré en révélant les bénéficiaires des revenus distribués et ne démontre aucun des actes positifs qu'aurait réalisés le dirigeant de fait.

Elle fait remarquer que les troubles de l'enfant de Mme [L] diagnostiqués en 2017 ne peuvent expliquer les fautes commises dans la mesure où l'insuffisance d'actif a été principalement constituée antérieurement et qu'au besoin elle pouvait démissionner.

Au titre des fautes, le liquidateur de la Sarl Bbi explique que la dirigeante de la Sarl Bbi n'a pas tenu une comptabilité, n'a par conséquent pas déposé les comptes auprès du greffe du tribunal de commerce depuis sa création et a manqué à ses obligations fiscales en procédant à des déclarations fiscales inexactes. Dans ce contexte il affirme qu'elle n'a pas pu surveiller l'évolution de la société, contrôler sa rentabilité et mesurer les difficultés.

Il résulte du jugement que lors de l'audience et sur interrogation du représentant du ministère public, Mme [L] a déclaré être gérante de paille, être détachée de l'entreprise, ne pas avoir collaboré et ne pas connaître le montant du chiffre d'affaires.

De l'état des créances déclarées il est établi que la passif définitif de la Sarl Bbi s'élève à 238 988, 61 €, qu'il est principalement constitué des déclarations de créances du pôle recouvrement spécialisé à hauteur de 191 102,44 €, que cette créance de l'administration fiscale fait suite à des rectifications d'impositions consécutives à une vérification de comptabilité au titre des exercices clos 2014, 2015, 2016 d'un contrôle de TVA pour la période du 1er février 2015 au 31 juillet 2017, que bien que régulièrement prévenue (elle a signé les accusés de réception à plusieurs reprises) Mme [L] a peu participé aux opérations de vérification. Néanmoins elle n'a pas remis en cause son statut de dirigeante de droit et a mandaté un avocat conseil en droit fiscal pour contester les rehaussements d'impôt.

Si elle a mandaté un avocat conseil en droit fiscal pour contester courant 2018 les propositions de rectification, il ressort de l'envoi de ce mandataire à l'administration fiscale que lui même reconnaît les défaillances de sa cliente dans sa gestion administrative en ne procédant pas au dépôt des déclarations fiscales dans l'attente de l'établissement de sa comptabilité 2015/2016 qu'elle n'a réalisé que tardivement et pour les besoins des opérations de contrôle, qu'elle contenait néanmoins des irrégularités. D'ailleurs dans la lettre de contestation le conseil de la gérante de la Sarl Bbi, indique que cette dernière accepte le rehaussement du résultat fiscal pour l'année 2015 et l'année 2016.

Ces défaillances, ne peuvent s'analyser en de simples négligences consécutives à des problèmes personnels dans la mesure où, si Mme [L] justifie avoir rencontré des difficultés avec son fils fin 2017 en raison d'un trouble du déficit attentionnel avec hyperactivité diagnostiqué chez cet enfant, ce trouble n'explique pas les défaillances courant 2014, 2015 et 2016, le défaut de tenue de comptabilité étant une faute de gestion grave démontrant qu'elle ne surveillait pas l'évolution de la société, ne contrôlait pas sa rentabilité ne mesurait pas les difficultés de sorte que cette défaillance l'a conduite à faire des déclarations fiscales fausses et à poursuivre une activité déficitaire.

Ces fautes ont contribué au passif de la société au moins au titre de la créance du pôle recouvrement.

Partant c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité de Mme [D] [P] épouse [L] dans l'insuffisance d'actif de la Sarl Bbi.

Néanmoins le passif déclaré et retenu n'est pas été causé uniquement par les défaillances sus décrites de sorte qu'il y a lieu de limiter la contribution à l'insuffisance d'actif mise à la charge de Mme [D] [P] épouse [L] à la somme de 100 000 €.

$gt; sur la faillite personnelle

En application de l'article L.653-3 du code de commerce :

I.-Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée au 1° du I de l'article L. 653-1 , sous réserve des exceptions prévues au dernier alinéa du I du même article, contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

-avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;

-avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.

Aux termes de l'article L.653-4 :

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

Selon l'article L.653-5 :

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;

4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée.

L'article L.653-8 prévoit que :

Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

(...)

Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

L'appelante demande la réformation du jugement en ce qu'il a prononcé à son endroit une mesure de faillite personnelle. Elle fait valoir que le jugement est insuffisamment motivé et qu'il a procédé par de simples affirmations. Elle soutient que le seul créancier en dehors de l'administration fiscale et de l'URSSAF qui n'a pas été payée et la société Mscf dont la créance ne remonte qu'au 16 avril 2018 alors que la date de cessation des paiements a été fixée au 18 juin 2018. Elle affirme que les difficultés financières n'ont commencé qu'en 2018 alors qu'elle a laissé M.[M] [I] gérer la société. Elle ajoute qu'il ne résulte d'aucune pièce qu'elle a distribué des dividendes occultes ou qu'elle a poursuivi l'exploitation de la société à des fins personnelles.

En cause d'appel le liquidateur, rappelant les fautes visées aux articles L. 653-3 à L. 653-5 du code de commerce, demande la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé à l'endroit de Mme [L] une mesure de faillite personnelle pour :

a) avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

b) avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

c) ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation ;

Il ressort du rapport du mandataire désigné avant que soit prononcé la liquidation judiciaire de la Sarl Bbi que Mme [L] n'a répondu à aucune convocation. Par ailleurs elle ne conteste pas dans ses conclusions ne pas avoir collaboré avec les organes de la procédure.

S'il est établi que la comptabilité de la Sarl Bbi n'a pas été établie et que l'appelante a tenté de rectifier cette situation à l'occasion de la vérification de comptabilité ayant abouti à un rehaussement d'imposition, il n'est pas établi que Mme [L] a poursuivi une exploitation déficitaire à des fins personnelles dans la mesure où les créanciers courants étant payés à l'exception de l'administration fiscale dans les circonstances sus énoncées et d'un prestataire courant 2018, la créance déclarée par l'URSSAF ne l'ayant été qu'à titre provisionnel à hauteur de 45 000 € sur une créance déclarée au total à hauteur de 48 770 €.

Compte tenu de la nature des fautes commises, il n'y a pas lieu de prononcer une mesure de faillite personnelle mais une mesure d'interdiction de gérer à l'endroit de Mme [D] [P] [L].

Par ailleurs s' il est établi que l'appelante a commis des fautes de gestion en qualité de dirigeante de la Sarl Bbi Acip et qu'elle a tenté de minimiser sa responsabilité, la condamnation au titre de l'insuffisance d'actif va permettre de désintéresser de façon conséquente le créancier principal, qu'âgée de 42 ans il n'est pas établi qu'elle soit à l'origine d'autres expériences entrepreneuriales litigieuses, de sorte que la mesure d'interdiction de gérer sera limitée à 4 ans.

Sur les demandes accessoires

Mme [L] [P] qui succombe supporte les dépens d'appel et il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties le montant des frais irrépétibles par elle exposé.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Ordonne la jonction des affaires RG 21/5495 et RG 22/249 sous le numéro RG 21/5495 ;

déclare irrecevable l'intimation du ministère public ;

statuant des chefs infirmés :

confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné Mme [D] [P] épouse [L] à supporter l'insuffisance d'actif connue par la Sarl Bbi en la proportion de 283 988,31 € et en ce qu'il l'a condamné à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 ans ;

statuant des chefs infirmés :

condamne Mme [D] [P] épouse [L] à supporter l'insuffisance d'actif connue par la Sarl Bbi à hauteur de 100.000 € ;

condamne Mme [D] [P] épouse [L] à une mesure d'interdiction de gérer ;

fixe la durée de la mesure à 4 ans ;

déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

condamne Mme [L] [P] aux dépens d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/05495
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;21.05495 ?
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