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22/09/2022 | FRANCE | N°21/04932

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 22 septembre 2022, 21/04932


ARRET

























[N]









C/







PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

S.E.L.A.R.L. PERIN [W]



















COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022





N° RG 21/04932 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IHW3





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT- QUENTIN EN DATE DU 17 SEPTEMBRE 2021r>


APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC



EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





Madame [E] [N]

[Adresse 3]

[Localité 2]



Représentée par Me Anne-lise RIVIERE de l'AARPI EPILOGUE, avocat au barreau ...

ARRET

[N]

C/

PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

S.E.L.A.R.L. PERIN [W]

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/04932 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IHW3

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT- QUENTIN EN DATE DU 17 SEPTEMBRE 2021

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [E] [N]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Anne-lise RIVIERE de l'AARPI EPILOGUE, avocat au barreau de LAON

ET :

INTIMES

PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

[Adresse 6]

[Localité 1]

S.E.L.A.R.L. PERIN [W], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Pierre LOMBARD de l'ASSOCIATION DONNETTE-LOMBARD, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dominique BERTOUX , Présidente de chambre et Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère, qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 Septembre 2022.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER:

Madame Vanessa IKHLEF

MINISTERE PUBLIC : M. Alain LEROUX, Avocat Général

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Ces magistrats ont rendu compte à la Cour composée de :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 22 Septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre a signé la minute avec Madame Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

L' Eurl Cobe sécurité privée, située à [Localité 5] et gérée par Mme [E] [N] épouse [J], exerçait une activité de surveillance et de sécurité.

Suivant jugement du 9 novembre 2018, le tribunal de commerce de Saint-Quentin, statuant sur requête du ministère public, a :

- ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de l'Eurl Cobe sécurité privée ;

- fixé la date provisoire de cessation des paiements au 31 juillet 2018;

- désigné la SELARL Perin et [W], en la personne de Me [W], en qualité de liquidateur judiciaire.

Se prévalant de fautes commises par la dirigeante, le procureur de la République, par requête en date du 5 janvier 2021 a saisi, aux fins de la voir sanctionnée, le tribunal de commerce Saint-Quentin, dont le président par ordonnance du 8 janvier 2021 a :

- ordonné que cette requête, ainsi que les pièces jointes, soient dénoncées à Mme [N] ;

- ordonné que Mme [N] soit citée à comparaître devant le tribunal à l'audience du 19 mars 2021.

Par acte d'huissier du 25 janvier 2021, la requête de M. le procureur de la République, les pièces jointes, ainsi que l'ordonnance susvisée du 8 janvier 2021 ont été signifiées à Mme [N], laquelle a également été citée à comparaître devant le tribunal de commerce de Saint-Quentin le 19 mars 2021 à l'effet de donner toutes explications utiles, faire valoir ses moyens de défense et voir statuer sur le mérite de ladite requête.

La requête de M. le procureur de la République, les pièces jointes, l'ordonnance susvisée du 8 janvier 2021 et la date de l'audience ont également été signifiées au liquidateur.

Suivant jugement contradictoire du 17 septembre 2021, le tribunal de commerce de Saint-Quentin a :

- dit M. le procureur de la République recevable et fondé en ses demandes, fins et prétentions ;

- prononcé la faillite personnelle pour une durée de 10 ans de Mme [E] [N], épouse [J], ladite mesure emportant l'interdiction de diriger, gérer, administrer et contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale et artisanale, toute exploitation agricole et toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- ordonné les mesures de publicités prévues par la loi et le décret ;

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure.

Mme [N] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 octobre 2021.

Mme [N] a fait signifier sa déclaration d'appel du 17 septembre 2021 à M. le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Saint-Quentin et à la SELARL Perin - [W] par actes d'huissier séparés du 19 janvier 2022, délivrés selon procès-verbaux de remise à personne morale.

Aux termes de ses conclusions remises le 10 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, Mme [N] demande à la cour :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Quentin le 17 septembre 2021;

statuant à nouveau,

- de dire n'y avoir lieu à prononcer une mesure de faillite personnelle à son encontre.

Aux termes de ses conclusions remises le 10 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la Selarl Perin- [W], ès-qualités de liquidateur de l'Eurl Cobe sécurité privée, demande à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Saint-Quentin du 17 septembre 2021;

- de débouter Mme [N] de ses moyens, fins et conclusions ;

- de condamner Mme [N] à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Selon avis du 5 mai 2022, le ministère public s'en rapporte et fait observer qu'étant hors délai, il n'a pas été en mesure de présenter des conclusions.

L'affaire a été fixée à bref délai pour plaider à l'audience du 19 mai 2022.

SUR CE :

Par courriel du 19 mai 2022 le conseil de l'appelante écrit s'en remettre à ses écritures et précise que de nouvelles pièces ont été produites par le biais du RPVA. Elle n'a pas déposé de dossier.

Il est souligné que l'appelante n'a pas respecté les termes de l'article 912 du code de procédure civile qui impose dans tous les cas le dépôt à la cour des dossiers comprenant les copies des pièces visées dans les conclusions et numérotées dans l'ordre du bordereau récapitulatif, quinze jours avant la date fixée pour l'audience de plaidoiries.

Dans ses écritures l'appelante fait valoir que c'est à tort que les premiers juges ont rendu la décision dont appel à l'aune de la décision prononcée par la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Douai le 23 avril 2015 à son endroit, pour des faits de faux, complicité de soustraction, détournement de biens d'un dépôt public par le dépositaire et complicité d'atteinte à la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics.

Elle conteste les fautes qui lui sont reprochées.

Elle affirme avoir coopéré avec le liquidateur en lui communiquant toutes les coordonnées nécessaires à l'exercice de sa mission en ce compris celles de son avocat, avoir transmis par courriels les documents importants à l'exception de ceux retenus abusivement par l'association Cder.

Elle conteste avoir fait disparaître la comptabilité ou l' avoir tenue irrégulièrement. Elle affirme que c'est l'association Cder qui a été défaillante dans sa mission comprenant l'établissement du bilan et les régularisations de TVA.

Elle fait remarquer qu'aidée de son conseil en droit fiscal elle a contesté la créance de l'URSSAF qui a été ramenée de 169 860 € à 93 266,10 € et que cette dernière est encore constituée d'importantes majorations et pénalités.

Elle prétend qu'elle n'a pas pu effectuer la déclaration de cessation des paiements dans le délai de la loi à défaut de détenir le bilan qui aurait dû être établi par l'association Cder.

L'intimé demande la confirmation du jugement dont appel au motif que les griefs imputés à l'appelante sont caractérisés.

Le liquidateur fait valoir que l'administration fiscale a procédé à une vérification de TVA, de comptabilité visant l'IS et la TVA, que Mme [N] n'a assisté à aucun rendez-vous fixés avec le service vérificateur malgré deux mises en garde, de sorte que l'administration a eu recours à la procédure d'évaluation d'office.

Il soutient également qu'il n'a jamais pu rencontrer Mme [N] ni s'entretenir avec elle par téléphone, même pour la procédure de vérification du passif, qu'elle s'est contentée d'envoyer par voie postale l'état des créances avec la mention manuscrite 'non validé' en face de chaque créance contestée sans produire la moindre justification au soutien de la contestation.

Il précise que suite à un second contrôle fiscal qui s'est déroulé du 15 octobre 2018 au 26 avril 2019, la proposition de rectification lui a été adressée le 26 avril 2019, qu'il l'a retransmise à Mme [N] par courrier recommandé pour recueillir ses observations en vain.

Il fait remarquer que c'est à tort que Mme [N] impute les fautes à son expert comptable qui n'avait pas manqué de la mettre en garde le 27 juillet 2017 sur l'accroissement du passif fiscal et social.

Selon les dispositions de l'article L 653-4 du code de commerce , le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale qui a :

(...)

4° poursuivi abusivement dans un intérêt personnel ,une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

(...)

Aux termes de l'article L.653-5 du code de commerce le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

(...)

5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

(...)

L'article L.653-8 du code précité dispose que dans les cas prévus aux articles L.653-3 à L.653-6 le tribunal peut prononcer à la place de la faillite personnelle , l'interdiction de diriger , gérer , administrer ou contrôler directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale , ou artisanale , toute exploitation agricole et toute personne morale , soit une ou plusieurs de celles-ci.

L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 qui , de mauvaise foi , n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L.622-6 , dans le mois suivant le jugement d'ouverture , ou qui aura sciemment manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L.622-22 .

Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L.653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la date de cessation des paiements ,sans avoir par ailleurs , demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation .

L'appelante contrairement à ce qu'elle soutient ne justifie pas avoir remis au mandataire liquidateur, les renseignements qu'elle était tenue de lui communiquer en application de l'article L622-6 du code de commerce dans le mois suivant le jugement d'ouverture alors qu'elle a reçu un courrier le 23 novembre 2018 listant les éléments à lui communiquer.

Si Mme [N] a retourné l'état des créances déclarées que lui a envoyé la SCP Perin [W] en y portant la mention 'non validé' en face de certaines lignes, cette démarche n'a été étayée d'aucune pièce. Le contenu des quelques courriels échangés entre le liquidateur démontre la complexité des échanges, Mme [N] refusant toute rencontre sans motif, devant être systématiquement relancée dans la mesure où ses envois étaient incomplets notemment en matière sociale alors que le liquidateur ne dispose que d'un délai très contraint pour procéder au licenciement des salariés à compter du prononcé de la liquidation judiciaire. Par ailleurs, Mme [N] n'a pas répondu au liquidateur lorsqu'il lui a adressé les propositions de rectification émises par l'adminsitration fiscale.

Dans ces circonstances c'est à juste titre qu'il a été retenu par les premiers juges que Mme [N] en sa qualité de dirigeante a fait obstacle au bon déroulement de la procédure en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure.

Dans l'affaire dont se prévaut l'appelante l'opposant à son expert comptable dans le cadre d'une procédure de référé, il ressort de l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens confirmant la décision du président du tribunal de grande isnstance de Laon, que conformément à la mission qui lui avait été confiée par l'Eurl Cobe Sécurité, le Cder lui a réclamé par courrier du 27 juillet 2017 un ensemble de documents pour finaliser le bilan au 30 octobre 2016, que l'Eurl Cobe Sécurité ne justifie pas avoir répondu à cette demande, que le fait que les 30 janvier et 29 mars 2017 l'Eurl Cobe Sécurité ait adressé au Cder un certain nombre de documents ne justifie pas de la remise des documents réclamés le 27 juillet 2017.

Dans ces circonstances, Mme [N] ne peut imputer à l'association Cder le défaut d'établissement du bilan 2016 la privant de la possiblité d'effectuer la déclaration de cessation des paiements alors qu'elle a été défaillante à lui remettre les pièces utiles à la réalisation de ce document comptable.

Par ailleurs le service vérificateur de la direction générale des finances publiques a constaté que Mme [N] n'a pas été en mesure de produire une comptabilité.

De ce qui précède il est établi que la comptabilité n'a pas été régulièrement tenue mais également que Mme [N] est seule responsible de l'absence de declaration de cessationdes paiements dans le délai legal de 45 jours.

Alors que son expert comptable a attiré son attention sur l'accroissement du passif fiscal et social la société Cobe sécurité privée représentée par Mme [N] a poursuivi l'activité sans prendre les mesures nécessaires pour l' éviter.

En conséquence le jugement est confirmé en ce qu'il prononcé la faillite personnelle pour une durée de 10 ans de Mme [E] [N], épouse [J], emportant l'interdiction de diriger, gérer, administrer et contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale et artisanale, toute exploitation agricole et toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale.

Mme [E] [N] qui succombe supporte les dépens d'appel et est condamnée à payer à la Selarl Perin [W] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour statuant contradictoirement par arrêt rendu par mise à disposition ;

confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

y ajoutant ;

condamne Mme [E] [N] à payer à la Selarl Perin [W] en qualité de liquidateur de l'Eurl Cobe sécurité privée la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

condamne Mme [E] [N] aux dépens d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/04932
Date de la décision : 22/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-22;21.04932 ?
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