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15/09/2022 | FRANCE | N°21/01226

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 15 septembre 2022, 21/01226


ARRET

































MUTUELLE GENERALE DES OEUVRES SOCIALES









C/







[J]













COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022





N° RG 21/01226 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IAUN





JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 01 FÉVRIER 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





MUTUELLE GENERALE DES OEUVRES SOCIALES, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]





Représentée par Me Marion COINTE substituant Me Christophe WACQUET de la SELARL WACQUET ET ASSOCIÉS, avocats a...

ARRET

MUTUELLE GENERALE DES OEUVRES SOCIALES

C/

[J]

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/01226 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IAUN

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 01 FÉVRIER 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

MUTUELLE GENERALE DES OEUVRES SOCIALES, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marion COINTE substituant Me Christophe WACQUET de la SELARL WACQUET ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 01

ET :

INTIME

Monsieur [P] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Emilie DENYS substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 06

Plaidant par Me MATHIS, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère, qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER :

Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Ces magistrats ont rendu compte à la Cour composée de :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le délibéré a été prorogé au 15 septembre 2022.

Le 15 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Au cours de l'année 2013, la société Mutuelle Générale des Oeuvres Sociales, ci-après Mgos, mutuelle relevant du titre III du code de la mutualité, a rencontré des difficultés de gouvernance dans le cadre d'une assemblée générale.

Par ordonnance du 20 décembre 2013, le président du tribunal de grande instance de Beauvais a notamment :

- désigné Maître [P] [J], en qualité d'administrateur de la Mgos, avec pour mission :

* de gérer et d'administrer provisoirement la Mgos et plus généralement de prendre toutes mesures propres à assurer le fonctionnement de la personne morale;

* de convoquer l'assemblée générale pour qu'elle statue conformément à ses attributions, dans une composition qui assurera la validité des délibérations en application des statuts et en conformité avec le code de la mutualité;

- dit que les honoraires de l'administrateur provisoire seront à la charge de la Mgos.

Trois contrats ont été conclus par Mme [D] [K], en sa qualité de directrice générale du centre de santé de la Mgos, à savoir :

- un contrat n°21648412/00 (Cegelease I), conclu le 6 avril 2016 auprès de la société Cegelease, ayant pour objet la location de deux imprimantes de marque Kyocera, à compter du 1er juin 2016 et pour une durée de 63 mois, moyennant des échéances de loyer de 674,40 € TTC;

- un contrat n°093011081 (Grenke), conclu le 3 juillet 2017 auprés de la SAS Grenke Location, ayant pour objet un 'Parc Copieur', à compter du 1er août 2017 et pour une durée de 63 mois, soit jusqu'au 31 juillet 2022, moyennant des échéances de loyer de de 1.018,80 € TTC et dont le fournisseur est la société Partnet Expert (SAS);

- un contrat n°21854064/10 (Cegelease II), conclu le 19 avril 2018 auprès de la société Cegelease, lequel annule et remplace le contrat n°21648412/00 (Cegelease I), ayant pour objet la location d'une imprimante de marque Kyocera, à compter du 1er juin 2018 et pour une durée de 63 mois, soit jusqu'au 31 août 2023, moyennant des échéances de loyer de 1.104 euros TTC.

La mission de Me [J] a pris fin le 23 avril 2018, selon procès-verbal d'assemblée générale de la Mgos du même jour.

Par lettre recommandé avec accusé de réception (LRAR) du 29 août 2019, la MGOS a mis en demeure Me [J] de lui régler une somme totale de 117.222,60 €, correspondant aux indemnités de résiliation des contrats Grenke du 3 juillet 2017 et Cegelease II du 13 avril 2018, au visa de l'article 1240 du code civil.

Par acte d'huissier du 21 octobre 2019, la MGOS a fait assigner Me [J] en responsabilité devant le tribunal de grande instance de Saint-Quentin.

Par jugement contradictoire du 1er février 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Quentin a :

- débouté la MGOS de sa demande principale en responsabilité;

- débouté la MGOS de sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive;

- condamné la MGOS à verser la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par declaration au greffe du 4 mars 2021, la société MGOS a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions remises le 19 mai 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, l'appelante demande à la cour de :

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel;

- infirmer le jugement entrepris;

statuant à nouveau,

- dire que Me [J] :

* a commis des fautes dans sa mission de gestion et d'administration provisoire de la Mgos;

* est responsable du dommage subi par la Mgos du fait de la commission de ses fautes de gestion et d'administration;

- condamner Me [J] au paiement des sommes suivantes :

* 117.222,60 €, à titre de dommages et intérêts;

* 5.000 €, à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée;

en tout état de cause,

- condamner Me [J] à lui payer la somme de 6.000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Wacquet & Associés;

- débouter Me [J] de toutes ses demandes, fins et prétentions.

Aux termes de ses conclusions d'intimé remises le 13 juillet 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, Me [J] demande à la cour de:

- débouter la Mgos de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, à défaut de rapporter la preuve d'une faute imputable à Me [J] personnellement en lien causal direct avec un préjudice certain;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

- condamner la Mgos à lui verser personnellement une somme complémentaire au stade d'appel de 5.000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 février 2022, l'affaire ayant été fixée pour plaider à l'audience du 17 mars 2022.

SUR CE

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif , et que les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence , la cour ne statuera pas sur celles ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

Sur la demande principale en responsabilité

Selon l'article L.811-1 du code de commerce : 'Les administrateurs judiciaires sont les mandataires, personnes physiques ou morales, chargés par décision de justice d'administrer les biens d'autrui ou d'exercer des fonctions d'assistance ou de surveillance dans la gestion de ces biens.

Les tâches que comporte l'exécution de leur mandat incombent personnellement aux administrateurs judiciaires désignés par le tribunal. Ils peuvent toutefois déléguer tout ou partie de ces tâches à un administrateur judiciaire salarié, sous leur responsabilité. Ils peuvent, en outre, lorsque le bon déroulement de la procédure le requiert et sur autorisation motivée du président du tribunal, confier sous leur responsabilité à des tiers une partie de ces tâches.

Lorsque les administrateurs judiciaires confient à des tiers des tâches qui relèvent de la mission que leur a confiée le tribunal, ils les rétribuent sur la rémunération qu'ils perçoivent.'.

Selon l'article 1240 du code civil : 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

Il est admis :

- d'une part, qu'en l'absence de précision dans la décision le désignant, l'administrateur provisoire dispose d'une mission d'administration courante de la société, prenant fin par décision judiciaire lorsque les motifs ayant justifié cette désignation ont cessé [3e civ., 12 octobre 2017, n° 16.13-025];

- et d'autre part, que la désignation d'un administrateur provisoire d'une société avec mission générale de la gérer et de l'administrer, entraîne le dessaisissement des organes sociaux, lesquels n'ont plus qualité pour engager la société et exercer une voie de recours [3e civ., 25 octobre 2006, n° 05-15.393].

Il est constant que Me [J] n'a pas délégué à un administrateur judiciaire salarié, ni à un tiers, tout ou partie des tâches comprises dans sa mission générale d'administration et de gestion provisoires de la Mgos, telle que définie par l'ordonnance susmentionnée du 20 décembre 2013.

Selon le régime de droit commun, l'engagement de la responsabilité civile de l'intimé est conditionné par la preuve de la réunion des trois éléments suivants : une faute, un préjudice et le lien de causalité qui les rapporte l'une à l'autre.

En sa qualité de mandataire chargé de l'administration et de la gestion des biens de la société concernée, l'administrateur provisoire est civilement responsable de tout manquement caractérisé à ses obligations de prudence et de diligence ayant causé un préjudice, notamment des actes de mauvaise gestion ou faits de négligence accomplis dans l'exercice de sa mission.

Sur la faute personnelle de Me [J]

L'appelante fait valoir que la responsabilité civile professionnelle de Me [J], en sa qualité d'administrateur judiciaire provisoire, est engagée sur le fondement des articles 1240 du code civil et L.621-22.III du code de commerce, à raison de fautes et négligences commises dans l'exercice de sa mission, en particulier du défaut de constat des irrégularités commises par Mme [K] dans la conclusion des trois contrats de location litigieux.

La Mgos précise que les diligences dont se prévaut l'intimé, soit le fait de s'être rendu à plusieurs reprises sur le site de l'entreprise à [Localité 3] pour opérer des contrôles de trésorerie, ou encore d'avoir été réactif en informant la banque Bcmne de l'administrée, antérieurement à la conclusion des contrats susvisés, de sa désignation en qualité d'administrateur provisoire, ne suffisent pas à démontrer l'absence de faute personnelle dans l'exercice de son mandat.

L'appelante soutient que Me [J], ès-qualités, a manqué à ses devoirs de contrôle et de surveillance relativement à la conclusion et à l'exécution des trois contrats litigieux par Mme [K], en dépit du dessaisissement de cette dernière de l'administration et de la gestion de la Mgos, dont elle était dûment informée, sachant :

- d'une part, que l'administrateur provisoire était destinataire de l'ensemble des relevés bancaires 'Bcmne', validait toutes les opérations financières de la société administrée (chèques, salaires, charges sociales, notes de frais et loyers) et avait accès à toutes les informations qu'il devait contrôler;

- et d'autre part, que les répercussions économiques considérables des trois contrats successifs conclus par Mme [K] n'auraient pas dû manquer d'alerter Me [J] sur leur irrégularité.

La Mgos ajoute que sa situation financière s'est aggravée en conséquence de l'insuffisance du contrôle et de la surveillance par l'administrateur provisoire des agissements fautifs de Mme [K], étant précisé qu'il n'appartenait pas aux sociétés Cegelease et Grenke de vérifier les pouvoirs de leur cocontractante.

Me [J] réplique :

- qu'il a informé la banque Bcmne de sa désignation en qualité d'administrateur provisoire de la Mgos par lettre du 14 janvier 2014, afin que le compte bancaire de cette dernière fonctionne uniquement sous sa signature pendant la durée de sa mission;

- que Mme [K] a conclu les trois contrats d'espèce postérieurement à la désignation de l'administrateur provisoire, à son insu et hors de sa vue, alors qu'elle ne disposait d'aucune délégation de pouvoir à cette fin, par l'intermédiaire de la société Partner Expert, s'agissant du contrat Grenke, dont le dirigeant, M. [S] [F], était une connaissance personnelle;

- que l'assemblée générale de la Mgos lui a donné quitus des missions accomplies le 23 avril 2018, sans relever de difficultés quant aux trois contrats en cause;

- qu'il n'a pris connaissance desdits contrats qu'après la fin sa mission, sur intervention de la nouvelle présidente de la Mgos;

- si bien que l'appelante ne rapporte pas la preuve d'une faute de gestion caractérisée de l'administrateur provisoire en l'espèce.

L'intimé prétend ne pas avoir commis de faute dans l'administration et la gestion provisoires de la Mgos, observant :

- qu'il n'encourt pas, stricto sensu, les mêmes responsabilités que celles d'un dirigeant social, lorsqu'il intervient, comme en l'espèce, dans le cadre de l'administration provisoire d'une société in bonis, suite à des problèmes de gouvernance (non-financiers);

- qu'il n'a pas à répondre des agissements fautifs commis à son insu et hors de sa vue par des tiers, étant précisé que la Mgos n'a pas mis en cause Mme [K] dans la présente affaire, ni la banque Bcmne, ni les sociétés Cegelease, Grenke et Partner Expert, pour des raisons inconnues;

- qu'à défaut d'être présent en permanence sur le site, il :

* passait régulièrement à [Localité 3] pour signer des chèques et suivre la trésorerie de la Mgos, laquelle était gérée par une comptable détachée de la société Mutuelle inter-entreprises Creil & Environs (ci-après Mice);

* et recevait des chèques pour signature avant de les retourner signés;

- que les variations de trésorerie de l'appelante étaient parfois significatives, mais restaient confortablement positives, de sorte qu'elles ne justifiaient pas de mettre en place une surveillance renforcée;

- qu'il n'y avait rien d'anormal à ce que des prélèvements soient effectués au titre de la location de photocopieurs;

- qu'il ne peut lui être reproché de ne pas s'être rendu compte, lors de ses déplacements sur site du changement de photocopieurs, d'autant que certains des matériels litigieux n'ont jamais été livrés à l'appelante (livraison partielle dans le cadre du deuxième contrat et absence de livraison dans le cadre du troisième contrat), étant rappelé que Mme [K] ne l'avait pas informé des opérations contestées;

- et que le résultat comptable déficitaire de la Mgos pour l'exercice 2018, à hauteur de - 19.768,94 €, s'explique par la comptabilisation de l'intégralité des honoraires dus au titre des cinq années d'exercice de sa mission d'administrateur judiciaire provisoire.

Il ressort des pièces versées aux débats : 

- que suivant compte rendu du conseil d'administration de la Mice du 10 janvier 2014, Mme [K], ès-qualités de directrice générale, a informé les administrateurs de cette société de la perte de son pouvoir de signature en tant que directrice générale de la Mgos, suite à la désignation de Me [J] en qualité d'administrateur provisoire de l'appelante, par ordonnance du 20 décembre 2013;

- que Me [J] a adressé le 14 janvier 2014 à la Bcmne, banque de la Mgos, une lettre :

* l'informant de sa désignation en qualité d'administrateur provisoire par ordonnance du 20 décembre 2013;

* et la remerciant de bien vouloir noter que le compte bancaire ouvert en ses livres au nom de l'appelante ne fonctionnera désormais que sous la seule signature de l'administrateur provisoire;

- que durant son mandat d'administration et de gestion provisoires, soit entre le 20 décembre 2013 et le 23 avril 2018, Me [J] était notamment destinataire des relevés du compte bancaire Bcmne de la Mgos, dont celui arrêté au 20 juin 2016, lequel mentionne notamment:

* un prélèvement SEPA 'action documentaire numérique' d'un montant de 20.215,99 €;

* et un prélèvement SEPA 'Cegelease' d'un montant de 674,40 € correspondant aux mensualités du contrat Cegelease I du 6 avril 2016 ;

- que pendant cette période d'administration provisoire, trois contrats de location litigieux - Cegelease I du 6 avril 2016, Grenke du 3 juillet 2017 et Cegelease II du 13 avril 2018, ont été conclu avec l'indication comme co-contractant Mgos, Mme [K] [D], se prévalant de la qualité de directrice ' Centre de santé de [Localité 3] - ainsi qu'il résulte d'un email du 19.06.2028 de « Direction Mgos » à Partner-expert, étant souligné qu'elle était seule destinataire des documents contractuels - conditions particulières et générales, échéanciers, bons de commande, de maintenance, de livraison ou de reprise - et factures de loyer afférentes, ainsi que des lettres, de résiliation notamment, et courriels échangés avec les sociétés Cegelease, Grenke et Partner Expert, relativement à ces trois engagements;

- que Mme [K], intervenant en qualité de directrice générale de la Mice, a rempli le 3 juillet 2017 un mandat de prélèvement SEPA au profit de la SAS Grenke Location concernant le contrat n° 093-11081, souscrit le même jour par la première au nom et pour le compte de la Mgos;

- que suivant procès-verbal d'assemblée générale du 23 avril 2018, lequel ne fait aucune mention des trois contrats de location d'espèce, la Mgos a :

* donné entier quitus à l'intimé pour l'accomplissement de sa mission d'administrateur provisoire;

* rendu un avis favorable sur la proposition de rémunération de l'administrateur provisoire à hauteur de 800 € HT par mois;

* et pris acte de la fin de la mission de l'administrateur provisoire à la date d'élection du nouveau président de l'appelante, soit le 23 avril 2018, étant précisé que Me [J] assurera une période transitoire jusqu'à la réalisation des formalités de transfert, notamment des signatures bancaires;

- que le premier échange de courriels entre Me [J] et la Mgos, représentée par M. [C] [T] (administrateur) et Mme [B] [V] (présidente), au sujet des trois contrats litigieux, date du 22 janvier 2019, faisant suite à un entretien téléphonique non-daté;

- que les lettres adressées par Me [J] aux sociétés Cegelease, Bcmne et Grenke, concernant les trois contrats litigieux, datent respectivement du 6 février 2019, du 15 février 2019 et du 22 mai 2019;

- et que le conseil de l'appelante a mis en demeure Me [J] de lui régler une somme de 117.22,60 € en dédommagement des sommes restant dues par elle au titre des deux contrats de location du 3 juillet 2017 (Grenke) et du 13 avril 2018 (Cegelease II), selon LRAR du 29 août 2019.

Au vu de ces éléments, la Mgos échoue à rapporter la preuve d'un manquement caractérisé de l'intimé à ses obligations de prudence et de diligence, ce dernier ne pouvant être tenu responsable:

- des agissements irréguliers de Mme [K], à savoir la conclusion des trois contrats de location d'espèce, sans en référer à Me [J] et alors qu'elle avait connaissance de son dessaisissement de la gestion et de l'administration courantes de la Mgos, ès-qualités de directrice générale, par application de l'ordonnance du 20 décembre 2013;

- ni du fait :

* premièrement, que la banque de la Mgos, la Bcmne, quoique dûment informée par Me [J] du fait que le compte ne fonctionnera désormais que sous sa seule signature, dès le 14 janvier 2014, a autorisé ultérieurement, sur demande de Mme [K], des prélèvements sur le compte bancaire de la Mgos, en exécution des trois contrats litigieux, sans en référer à l'administrateur provisoire, dont la signature était pourtant exigée pour ce type d'opérations;

* et deuxièmement, que l'administrateur judiciaire n'ait pas détecté l'existence des contrats en cause, lors de l'examen régulier des relevés bancaires et de la comptabilité de la Mgos, d'autant que la situation financière de l'appelante entre le 20 décembre 2013 et le 23 avril 2018, telle qu'elle ressort des documents versés aux débats, pouvait être qualifiée de saine et ne justifiait pas que Me [J] procède à un contrôle approfondi et systématique de chacune des opérations financières de la société.

Sur ce dernier point, il importe :

- de préciser que Me [J] a été désigné en qualité d'administrateur provisoire pour résoudre un problème de gouvernance, né de l'exclusion du président de la Mgos par l'effet indirect d'une délibération du conseil d'administration de la société 'Mgo' du 14 mars 2013 ainsi qu'il résulte de l'exposé des faits, procédure et prétentions des parties dans l'ordonnance du 20 décembre 2013 le désignant;

- de souligner que le résultat déficitaire de la Mgos lors de l'exercice 2018, à hauteur de - 19.768,94 €, ressort en particulier de la comptabilisation de l'intégralité des honoraires et frais de l'administrateur judiciaire, en l'absence de provision, le détail des charges d'exploitation de l'appelante, pour l'année 2018, mentionnant au compte n° 6226200000, des 'honoraires mandataire' d'un montant de 54.637,52 €, contre des 'honoraires avocat' de 1.026 € pour l'exercice 2017 et de 0 € pour l'exercice 2016, sachant que la facture (n° 2018 038) établie par Me [J] le 5 juin 2018 au titre de l'ensemble de sa mission, s'élevait à un montant de 52.288,62 € TTC, suivant ordonnance rendue le 30 mai 2018 par le Président du tribunal de grande instance de Beauvais;

- et de rappeler que l'assemblée générale de la Mgos a donné quitus des missions accomplies par Me [J] selon procès-verbal d'assemblée générale du 23 avril 2018, sans mentionner les contrats en cause.

La Mgos ne rapportant la preuve d'aucune faute personnelle de Me [J] dans l'accomplissement de sa mission d'administrateur provisoire, il n'est pas utile que la Cour se prononce sur les moyens des parties concernant le préjudice et le lien de causalité, lesquels sont dépourvus d'incidence sur la solution du litige.

Dès lors, il convient de débouter l'appelante de sa demande principale de condamnation de Me [J] au paiement d'une somme de 117.222,60 €, à titre de dommages et intérêts.

La décision entreprise sera confirmée sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

La Mgos prétend, sur le fondement de l'article 1240 précité du code civil, au paiement d'une somme de 5.000 € pour résistance abusive, au motif que Me [J] invoque des manquements éventuels de tiers qui ressortent de sa propre négligence.

Me [J] soutient en retour que la prétention de la Mgos à des dommages et intérêts complémentaires est injustifiée, à défaut de preuve contraire.

Selon l'article 1231-1 du code civil : 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.

Selon l'article 32-1 du code de procédure civile : 'Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés'.

L'appelante ne produit aucune pièce susceptible d'établir que l'intimé a résisté abusivement à ses demandes, telles que formulées dans la LRAR de mise en demeure du 29 août 2019, puis réitérées dans le cadre de la présente action.

Il convient par suite de débouter la Mgos de sa demande de dommages et intérêts complémentaire pour résistance abusive.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

La Mgos, qui succombe en cause d'appel, sera condamnée aux dépens d'appel, et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.

Enfin, il paraît inéquitable de laisser à la charge de Me [J] ses frais irrépétibles d'appel non compris dans les dépens, qu'il convient d'évaluer à la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité de procédure allouée en première instance et justement évaluée en équité à la somme de 1.500 € qui sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

- CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

y ajoutant,

- CONDAMNE la société Mutuelle Générale des Oeuvres Sociales à payer à Me [P] [J] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- DEBOUTE la société Mutuelle Générale des Oeuvres Sociales de sa demande d'indemnité de procédure;

- CONDAMNE la société Mutuelle Générale des Oeuvres Sociales aux dépens d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/01226
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;21.01226 ?
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