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08/09/2022 | FRANCE | N°20/05467

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 08 septembre 2022, 20/05467


ARRET

































S.A.S.U. GEFCO FRANCE

S.A.R.L. XL INSURANCE COMPANY SE VENANT AUX DROITS D'AXA

S.A. GENERALI IARD

S.A.R.L. XL INSURANCE COMPANY SE

Société AIG EUROPE LTD









C/







[E]















COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022





N° RG 20

/05467 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H442





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 22 SEPTEMBRE 2020





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTES





S.A.S.U. GEFCO FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]





S.A.R.L. ...

ARRET

S.A.S.U. GEFCO FRANCE

S.A.R.L. XL INSURANCE COMPANY SE VENANT AUX DROITS D'AXA

S.A. GENERALI IARD

S.A.R.L. XL INSURANCE COMPANY SE

Société AIG EUROPE LTD

C/

[E]

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/05467 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H442

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 22 SEPTEMBRE 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTES

S.A.S.U. GEFCO FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

S.A.R.L. XL INSURANCE COMPANY SE VENANT AUX DROITS D'AXA, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

75017 PARIS

S.A. GENERALI IARD, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

75009 PARIS

S.A.R.L. XL INSURANCE COMPANY SE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

75017 PARIS

Société AIG EUROPE LTD, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 8]

EC3M LONDRES

Représentées par Me Stanislas DE LA ROYERE, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 37

Plaidant par Me Olivier MOLINS, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIME

Monsieur [W] [E]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représenté par Me Frédéric MALINGUE sustituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65

DEBATS :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère, qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER :

Mme [D] [N]

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Ces magistrats ont rendu compte à la Cour composée de :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le délibéré a été prorogé au 08 septembre 2022.

Le 08 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La SASU Gefco France, en sa qualité de commissionnaire de transport, s'est vue confier par la société L'Oréal le transport de produits cosmétiques, savoir 38 palettes et un colis, d'un poids total de 5.908 kg et d'une valeur de 371.220,02 € HT, au départ de la plateforme logistique 'DPL', sise à [Localité 11]), et à destination de la plateforme logistique '[R]', sise à [Localité 9]), pour le compte de la société DFA.

Selon une confirmation d'affrétement du 22 novembre 2016, la Gefco, intervenant en qualité de commissionnaire de transport, a désigné M.[W] [E], exerçant sous l'enseigne Transports [E], pour véhiculer la marchandise avec instructions :

- de prise en charge le 24 novembre 2016 à 16h00;

- et de livraison le jour suivant à 7h00.

Selon une lettre de voiture n°699925 du 24 novembre 2016, la marchandise a été chargée avec un retard de 3h25 sur l'horaire prévu, soit à 19h25.

Suite aux opérations de chargement, M. [E] a décidé de rejoindre son domicile sis à [Localité 10], lieu de stationnement de l'ensemble routier.

Durant la nuit du 24 au 25 novembre 2016, les services de gendarmerie ont informé M. [E] que la bâche de protection de sa remorque avait été lacérée et qu'une partie de la marchandise contenue avait disparu.

Selon la lettre de voiture du 25 novembre 2016, la plateforme logistique '[R]', intervenant pour le compte de la société CFA, a refusé le déchargement du reste de la marchandise, au motif de palettes manquantes, ouvertes et volées.

L'ensemble routier a été rapatrié sur le site de [Localité 12] de la Gefco en vue d'une réunion d'expertise amiable et contradictoire, laquelle s'est tenue le 29 novembre 2016.

A dire d'expert, la perte de marchandises a été évaluée à un montant de 77.890,11 €.

Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 17 novembre 2017, la Gefco et ses assureurs ont mis en demeure M. [E] de leur régler sous huitaine la somme totale de 77.890,11 €, au titre du préjudice subi par la société L'Oréal.

Par acte d'huissier du 24 novembre 2017, la Gefco et ses assureurs, la SARL XL Insurance Company SE, venant aux droits de la SA AXA Corporate Solutions Assurance, la SARL XL Insurance Company SE, la SA Generali IARD et la société AIG Europe Ltd, ont fait assigner M. [E] en paiement devant le tribunal de commerce d'Amiens.

Suivant jugement contradictoire du 22 septembre 2020, le tribunal de commerce d'[Localité 6] a:

- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires;

- condamné M. [E] à payer à la Gefco et à ses assureurs, la SARL XL Insurance Company SE venant aux droits de la SA Axa Corporate Solutions Assurance, la SARL XL Insurance Company SE, la SA Generali IARD et la société AIG Europe Ltd :

* les sommes de 13.340 €, en principal, et de 1.600 € HT, au titre des frais d'expertise, assorties des intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2017;

* la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, liquidés pour frais de greffe à la somme de 155,64 €, dont TVA à 20%;

- ordonné l'anatocisme sollicité;

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à concurrence de la moitié des condamnations, et ce nonobstant appel et sans caution.

La SASU Gefco France, la SARL XL Insurance Company SE venant aux droits de la société Axa, la SARL XL Insurance Company SE, la SA Generali IARD et la société AIG Europe Ltd ont interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 6 novembre 2020.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 30 septembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, les appelantes demandent à la cour de:

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* déclaré recevables les demandes de la Gefco et de ses assureurs;

* déclaré M. [E] sous la dénomination Transports [E] responsable du vol des marchandises confiées et transportées;

* débouté M. [E] sous la dénomination Transports [E] de toutes ses demandes, fins, nullité et conclusions;

* et condamné M. [E] sous la dénomination Transports [E] au paiement de 1.600 € HT, au titre des frais d'expertise encourus, avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2017, et 2.000 € au titre des frais irrépétibles.

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas retenu la faute inexcusable de M. [E] et a limité l'indemnisation à 13.340 € en principal;

- condamner M. [E] à leur payer les sommes de:

* 40.000 € HT, en principal, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2017, avec anatocisme dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil;

* 4.000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me de la Royère, en ce compris le droit proportionnel alloué aux huissiers de justice, conformément à l'article 10 du décret n°2001-212 du 8 mars 2001.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimé et d'appel incident remises le 30 avril 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, M. [E] demande à la cour de:

- le dire et juger recevable et bien fondé en ses moyens de défense et en son appel incident;

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

En conséquence, et statuant à nouveau,

à titre principal,

- dire et juger la Gefco et ses assureurs irrecevables en leur action, faute de preuve de leur qualité de subrogés dans les droits de la victime, la société L'Oréal Produits de luxe, et ce faisant;

- les débouter de l'intégralité de leurs demandes à son encontre;

- les condamner in solidum :

* à lui rembourser l'intégralité des sommes versées par lui au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris, soit la somme totale de 8.341,44 €;

* à lui payer la somme de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel;

à titre subsidiaire,

- constater qu'en lui dissimulant le caractère sensible des marchandises objet du contrat de transport régularisé le 22 novembre 2016 avec la Gefco, le consentement de M. [E] a été vicié par la réticence dolosive de la Gefco, et ce faisant;

- prononcer la nullité dudit contrat et débouter la Gefco et assureurs de l'ensemble des leurs demandes, fins et conclusions;

- les condamner in solidum :

* à lui rembourser l'intégralité des sommes versées par lui au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris, soit la somme totale de 8.341,44 €;

* à lui payer la somme de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel;

à titre plus subsidiaire,

- constater qu'en dissimulant volontairement à M. [E] le caractère sensible des marchandises objet du contrat de transport régularisé le 22 novembre 2016, la Gefco a commis une faute à l'origine de l'intégralité du préjudice subi par la société L'Oréal Produits de luxe, et ce faisant;

- exonérer M. [E] de toute responsabilité au titre du sinistre intervenu;

- et subsidiairement, déterminer les parts respectives de responsabilité des parties dans le sinistre intervenu;

- fixer les créances respectives des parties à ce titre;

- ordonner leur compensation;

- les condamner in solidum :

* à lui rembourser l'intégralité des sommes versées par lui au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris, soit la somme totale de 8.341,44 €;

* à lui payer la somme de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel;

et à titre infiniment subsidiaire,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mars 2022, l'affaire ayant été fixée pour plaider à l'audience du 17 mars 2022.

SUR CE

Sur la recevabilité de l'action de la Gefco et de ses assureurs

Les appelantes font valoir :

- que M. [E] entretient une confusion entre, d'une part les intérêts-cargaison, soit la société L'Oréal, et les assureurs de cette dernière, et d'autre part, le commissionnaire Gefco et ses assureurs;

- que la société Chubb, ès-qualités d'assureur de la société L'Oréal, a, selon quittance du 16 novembre 2017, accusé réception du versement par la Gefco et ses assureurs d'un règlement transactionnel de 40.000 €, lequel emporte subrogation de ces derniers dans les droits de la première à hauteur de cette somme, dont le paiement est rapporté par la production d'un relevé bancaire du compte Crédit agricole de la SAS Sciaci Saint Honoré, laquelle est intervenue en qualité de courtier d'assurance du commissionnaire de transport;

- que la SARL XL Insurance Company SE venant aux droits de la société Axa, la SARL XL Insurance Company SE, la SA Generali IARD et la société AIG Europe Ltd interviennent en qualité d'assureurs de la Gefco en application d'une police d'assurance garantissant les opérations de commission de transport 'forwarding agent' de cette dernière;

- que la société L'Oréal, selon quittance du 24 janvier 2017, datée par erreur du 24 janvier 2016, a reconnu avoir reçu de son assureur, la société ACE European Group Ltd., désormais Chubb, la somme de 75.679,12 €.

M. [E] réplique que les demandes des appelantes sont irrecevables en l'absence de preuve de leur qualité à agir, étant précisé :

- que le commissionnaire de transport n'est admis à exercer l'action principale en garantie contre le voiturier que s'il a désintéressé le créancier, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, faute pour la Gefco, comme pour ses assureurs, de démontrer le paiement effectif des sommes correspondant au dommage subi par la société L'Oréal;

- que la quittance subrogative du 24 janvier 2016 à entête de la société Chubb, venant aux droits de la société Ace European Group Limited, ès-qualités d'assureur de la société L'Oréal :

* est antérieure à la survenance du dommage;

* et subroge la société Ace European Group Limited, désormais 'Chubb European Group SE', laquelle n'est pas partie au litige, dans les droits de la société L'Oréal à hauteur d'une somme de 75.679,12 €, déduction faite d'une franchise de 10.000 euros;

- que le document intitulé 'Claim Receipt and Release Form' du 16 novembre 2017, dont se prévalent les appelantes :

* n'est pas une quittance subrogative, mais l'acceptation officielle par la société Chubb du versement d'une indemnité transactionnelle de 40.000 €, afin de mettre fin à un litige en cours, dont la nature n'est pas précisée, à l'égard de la Gefco;

* et ne précise pas l'identité du payeur de cette indemnité transactionnelle;

- et que les pièces versées aux débats, soit un relevé de compte bancaire « manipulé » de la SAS 'Siaci Saint Honoré' et un document intitulé 'Dispache Paiement Sinistre 17015773' établi le 17 novembre 2017 par cette même société, laquelle n'est pas partie au litige, ne démontrent pas le paiement effectif de la somme de 40.000 € par la Gefco ou ses assureurs.

Selon l'article L.121-12 du code des assurances : 'L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

L'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur.

Par dérogation aux dispositions précédentes, l'assureur n'a aucun recours contre les enfants, descendants, ascendants, alliés en ligne directe, préposés, employés, ouvriers ou domestiques, et généralement toute personne vivant habituellement au foyer de l'assuré, sauf le cas de malveillance commise par une de ces personnes'.

Il est admis que la subrogation légale de l'assureur contre le tiers responsable, instituée par les dispositions précitées, qui ne sont pas impératives, n'exclut pas l'éventualité d'une subrogation conventionnelle [Civ. 1ère, 9 décembre 1997, n° 95-19.003].

Les appelantes justifient de leur qualité à agir en produisant :

- une note de couverture du 22 décembre 2015 relative à la police d'assurance contractuelle et professionnelle n° 141821 souscrite par la Gefco auprès d'un groupe d'assureurs ayant la société Axa Corporate Solutions pour apériteur, librement traduite de l'anglais, dont il ressort notamment:

* que le contrat est soumis à la loi française et à la compétence des juridictions françaises en cas de survenance d'un litige;

* et que la garantie couvre le titulaire du contrat, ainsi que ses filiales et agences déclarées entre le 1er janvier et le 31 décembre 2016, dans le cadre d'activités de commissionnaire de transport, de transitaire/affréteur et d'émetteur de documents de transport, pour une série de risques inhérents à des activités de transport, de logistique et d'entreposage, dont les conséquences financières de la responsabilité contractuelle et professionnelle de l'assurée découlant de la perte ou de l'avarie causée à ses clients dans le cadre de l'exercice des activités susvisées, à hauteur d'un plafond de 20.000.000 € et avec une franchise de 3.050 euros par sinistre;

* étant précisé à la dernière page de ce document, que la Gefco est co-assurée par les sociétés Axa Corporate Solutions (35%), XL Insurance Company Limited (30%), AIG Europe (20%) et Generali (15%);

- une quittance datée du 24 janvier 2016, aux termes laquelle la société L'Oréal Produits de luxe reconnaît avoir reçu de son assureur (police n° FRCGIA11694), la société ACE European Group Limited, dénommée Chubb, suite à une opération de fusion-acquisition, la somme de 75.679,12 € TTC, déduction faite d'une franchise de 10.000 €, concernant :

* un dommage d'un montant HT de 77.890,11 €, soit 85.679,12 € TTC;

* résultant d'un transport terrestre effectué le 24 novembre 2016;

- un document intitulé 'Claim Receipt And Release Form' du 16 novembre 2016, librement traduit de l'anglais, dont il ressort que la société Chubb accepte le versement d'un montant de 40.000 € en règlement complet et définitif de sa créance, ledit règlement valant abandon de toute réclamation présente et future à l'égard de la Gefco et de ses assureurs, concernant :

* un vol de cargaison dans la nuit du 24 au 25 novembre 2016;

* dans le cadre d'un transport entre les plateformes logistiques 'L'Oréal' (80 [Localité 11]) et 'DFA C/O [R]' (77 [Localité 9]);

* effectué par M. [W] [E], selon lettre de voiture n° 699925 du 24 novembre 2016, lequel est intervenu en vertu d'une commande de transport (Gefco) du 22 novembre 2016;

- une LRAR de réclamation du 30 octobre 2017 adressée aux Transports [W] [E] par la SAS Siaci Saint Honoré, en sa qualité de courtier en assurance de la Gefco, suite à la réception d'une réclamation de la société Chubb, en qualité d'assureur des intérêts marchandises;

-un document intitulé 'Dispache Paiement Sinistre 17015773' du 17 novembre 2017, aux termes duquel la SAS Siaci Saint Honoré informe la société Chubb du règlement à son profit d'une somme transactionnelle acceptée de 40.000 €, en vertu d'une police d'assurance n° 141821 souscrite par la société Gefco Valenciennes (agence n° 032) auprès d'un groupe d'assureurs ayant pour apériteur la société Axa Corporate Solutions, concernant un 'évènement' survenu le 25 novembre 2016 avec un 'début des risques' la veille, dans le cadre du transport de produits L'Oréal par M. [W] [E], entre '[Localité 11]' et 'DFA [Localité 9]', l'affaire étant référencée : 'Gefco / [W] [E] / L'Oréal - Vol du 24th/25th november 2016';

- un extrait mensuel du compte Crédit Agricole Corporate & Investment Bank de la Siasi Saint Honoré, édité le 1er décembre 2017, dont la liste des opérations est caviardée à l'exception d'un virement émis le 21 novembre 2017 à hauteur de 40.000 € et référencé : '20171121Chubb';

- et une capture d'écran de la page 'Notre histoire' du site internet de la société Chubb, laquelle fait état de la fusion légale de cette société avec la société ACE Limited en 2017, suite à une acquisition de la première par la seconde en 2016.

Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats :

- premièrement, que la société ACE European Group Limited, désormais connue sous la dénomination Chubb, par l'effet d'une opération de fusion-acquisition, intervenant ès-qualités d'assureur de la société L'Oréal, a été subrogée dans les droits de cette dernière, suite au paiement de la somme de 75.679,12 € TTC, déduction faite d'une franchise de 10.000 €, en règlement du sinistre litigieux, suivant quittance subrogative, étant souligné:

* d'une part, que la date manuscrite apposée sur ce document, soit le 24 janvier 2016, est manifestement erronée, ladite quittance visant un paiement effectué en règlement d'un dommage survenu à l'occasion d'un transport terrestre du 24 novembre 2016, soit le jour de la prise en charge des marchandises en cause par M. [E];

* et d'autre part, que le montant du dommage indemnisé, soit 85.679,12 € TTC, correspond exactement au quantum des dommages subis par la société L'Oréal à raison du sinistre litigieux, aux termes du rapport d'expertise amiable et contradictoire établi le 12 décembre 2016 par la société BCIL, sur requête de la Siaci Saint Honoré (page 21/24);

- deuxièmement, que suivant acte du 16 novembre 2016, la Gefco et ses assureurs ont désintéressé la société Chubb de ses droits au titre de l'indemnisation des dommages subis par son assurée, la société L'Oréal, dans le cadre du sinistre litigieux, à hauteur d'une indemnité transactionnelle de 40.000 €, étant précisé que ce document emporte quittance subrogative (subrogation conventionnelle) au profit des co-assureurs de la Gefco, suite à la preuve du paiement de 40.000 € effectué par la SAS Siaci Saint Honoré, ès-qualités de courtier d'assurance de la Gefco, intervenant pour le compte de cette dernière (assurée) et du groupement de ses assureurs (police n°141821), selon virement bancaire du 21 novembre 2017 au profit de la société Chubb;

* et d'autre part, que la société Chubb, désintéressée, et la SAS Siaci Saint Honoré, intervenue en qualité d'intermédiaire, n'avaient pas à être parties au litige en première instance.

La Gefco et ses co-assureurs ont qualité pour agir à l'encontre de M. [E], par l'effet de la subrogation conventionnelle attachée à l'acte du 16 novembre 2016, lequel a désintéressé la société Chubb, ès-qualités d'assureur de la société L'Oréal, cette dernière ayant été elle-même désintéressée par la société Chubb, suivant quittance à hauteur de 40.000 euros, dont il y a lieu, au vu des circonstances, de fixer la date véritable au 24 janvier 2017.

Le fait que la société Chubb, désintéressée, et la société Siaci Saint Honoré, intervenue en qualité d'intermédiaire de la Gefco et de ses assureurs, ne participent pas au litige, reste sans incidence sur la recevabilité de l'action des appelantes, de sorte qu'il convient de débouter M. [E] et de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Sur la validité du contrat de transport entre la Gefco et M. [E]

Les relations contractuelles entre M. [E] et la Gefco sont formalisées au moyen d'une 'confirmation de commande de transport' du 22 novembre 2016 entre la Gefco France et M. [E], pour un prix HT convenu et arrêté de 300 €, stipulant que l'enlèvement des marchandises, soit 24 tonnes d'articles de droguerie parfumerie, interviendra le 24 novembre 2016, de 16:00 à 18:00 sur la plateforme logistique 'DPL' de [Localité 11], et que leur livraison interviendra le 25 novembre 2016 à 7:00 sur la plateforme logistique 'DFA c/o [R]' de [Localité 9] (77290).

Les parties versent également aux débats une copie de la lettre de voiture n° 699925 délivrée le 24 novembre 2016 et signée par M. [E] le 25 novembre 2016, laquelle atteste :

- de l'enlèvement sans réserve, le 24 novembre 2016, sur la plateforme 'L'Oréal Logistique' de [Localité 11], de : '38 palettes de cosmétiques et 1 colis 5 T 800';

- et du refus de la totalité des marchandises livrées le 25 novembre 2016 sur la plateforme '[R] Logistique' de [Localité 9], à la demande du client, 'pour faute de braquage (palette manquante, ouverte, volée)'.

M. [E] soulève la nullité du contrat de transport d'espèce au titre d'une réticence dolosive ayant vicié son consentement, étant précisé :

- que la Gefco n'a pas respecté ses obligations d'information sur la nature et la valeur des marchandises transportées, telles qu'elles résultent des articles 3.1 et 3.2 du contrat type de transport applicable (annexé du décret n° 99-269);

- qu'il conteste fermement avoir reçu de son cocontractant, préalablement au chargement des marchandises en cause, le formulaire de choix du site de stationnement sécurisé, sur lequel figure une croix au niveau de l'emplacement 'Gefco [Localité 6]', et le 'plan de sécurisation trafic L'Oréal', dont se prévalent les appelantes, tout en refusant de produire des originaux, et auxquels se réfère le rapport d'expertise amiable du « 30 octobre 2017 »;

- qu'il résulte d'une version non-tronquée du formulaire de choix du site de stationnement produit par les appelantes que la Gefco lui a transmis ce document dans le cadre d'une confirmation d'affrètement n° 03220883716 pour un transport datant du 30 juin 2016, alors que la confirmation d'affrètement litigieuse, datant du 22 novembre 2016, est numérotée 03220905811;

- que la Gefco, par courriel du 12 septembre 2019, a tenté de régulariser la version tronquée du formulaire de choix du site de stationnement sécurisé, en lui demandant de la lui retourner signée et tamponnée;

- que la confirmation de transport litigieuse du 22 novembre 2016 mentionne uniquement des 'Articles Droguerie Parfumerie', au titre de la nature de la marchandise;

- que la lettre de voiture du 25 novembre 2016 fait état d'une marchandise constituée de '38 palettes de cosmétiques et 1 colis';

- que la commande de la société L'Oréal à la Gefco n'a pas été remise au transporteur;

- de sorte que la Gefco :

* n'a pas fourni au transporteur, préalablement à la présentation du véhicule au chargement d'indications complémentaires sur la nature et la spécificité de la marchandise, laquelle exigeait pourtant des dispositions particulières, (produits de luxe à forte valeur marchande), en violation l'article 3.1 du contrat type susmentionné;

* ni informé le transporteur des particularités non apparentes de la marchandise et de toutes données susceptibles d'avoir une incidence sur la bonne exécution du contrat de transport, en violation l'article 3.2 du contrat type susmentionné;

- si bien qu'il n'a pas été en mesure de faire une exacte appréciation de l'objet du contrat du fait de la réticence dolosive du commissionnaire de transport, et que son consentement a été vicié par les mentions absentes ou insuffisantes des documents de transport;

- sachant que le donneur d'ordre supporte vis-à-vis du transporteur les conséquences d'une déclaration fausse ou incomplète sur les caractéristiques de l'envoi ainsi que d'une absence ou d'une insuffisance de déclaration ayant eu pour effet de dissimuler la nature véritable des marchandises transportées, aux termes de l'article 3.5 du contrat type susmentionné.

L'intimé ajoute :

- que les produits cosmétiques, de droguerie et de parfumerie ne sont pas luxueux par nature, puisqu'il en existe des versions bon marché;

- que la Gefco ne s'explique pas sur le fait de ne pas lui avoir fourni, préalablement au transport, une déclaration de valeur des marchandises;

- que la confirmation de transport du 30 juin 2016 (n°03220883716) n'est pas comparable à celle du 24 novembre 2016 (n°03220905811), précisément en raison des instructions complémentaires fournis au transporteur, dans le cadre de la première uniquement, sur le choix du lieu de stationnement, outre les consignes du plan de sécurisation du trafic de produits L'Oréal;

- et que l'antériorité des relations contractuelles avec la Gefco ne peut laisser présumer que le transporteur savait nécessairement qu'il transportait de la marchandise sensible.

Les appelantes prétendent :

- que l'intimé, en sa qualité de professionnel expérimenté ayant déjà transporté à plusieurs reprises des produits L'Oréal par l'entremise de la Gefco, ne peut se prévaloir d'un vice du consentement, en l'occurrence d'une réticence dolosive, en présence d'un ordre d'affrètement stipulant le transport de 24 tonnes d'articles de 'droguerie parfumerie', réputés 'sensibles' par nature;

- que l'identité du commanditaire de transport, la société L'Oréal, ne pouvait échapper à M. [E], celui-ci ayant régularisé un cahier des charges propre au transport des produits de cette société le 1er juin 2015;

- qu'en cas de doute sur l'origine, la nature et la valeur des marchandises, il suffisait à l'intimé de demander des informations complémentaires au service affrètement du commissionnaire entre le 22 et le 24 novembre 2016, ce qu'il n'a pas fait en connaissance de cause, malgré la vérification qui lui incombait, sur le site d'enlèvement, du chargement, du calage et de l'arrimage des marchandises, afin de pourvoir au mieux à leur conservation;

- et que la Gefco n'était pas en mesure de renseigner M. [E] sur la valeur de la marchandise, à défaut de déclaration de valeur préalable de la société L'Oréal.

Selon l'article 1130 du code civil : 'L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné'.

Selon l'article 1131 du code civil : 'Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat'.

Selon l'article 1137 du code civil : 'Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation'.

Il est admis :

- que le dol à raison de l'absence ou de l'insuffisance d'information est conditionné par la preuve d'une intention dolosive, soit la volonté de tromper le cocontractant afin de le déterminer à donner son consentement [Civ., 1ère, 13 février 1996, n° 94-10.908; Soc., 16 février 1999, n° 96-45.565];

- que la réticence dolosive est constituée par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter [Civ. 3e, 15 janvier 1971];

- et que le manquement à une obligation précontractuelle d'information ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d'une erreur déterminante provoquée par celui-ci [Civ., 1ère, 20 avril 2022, n° 19-11.599].

Les appelantes justifient de l'information de M. [E] quant à la nature sensible des marchandises transportées en versant aux débats :

- l'extrait d'un cahier des charges - article 9 sur la sécurité et la sûreté, référencé 'CT-PO-11. Version B', siglé 'CPD Europe Supply Chain', daté du 1er juin 2015, paraphé et signé par M. [E], lequel stipule notamment à l'article 9.1.6 intitulé 'Arrêts obligatoires' :

* sous le paragraphe 'Coupures de plus de 2 heures', que le 'conducteur devra rester à bord de son véhicule s'il n'est pas stationné dans un endroit gardé. Il est interdit de désaccoupler le tracteur et la remorque sauf [dans] le cas où il serait autorisé à stationner pour la nuit dans l'enceinte d'une entité L'Oréal';

* sous le paragraphe 'Stationnement pour repos hebdomadaire', que les 'véhicules devront impérativement stationner aux endroits agréés par l'agence transport de départ, sauf cas de force majeure. Ces lieux sont obligatoirement clos et surveillés en permanence. Un endroit clos est un lieu avec une enceinte clôturée de grillages ou de murs d'une hauteur minimum de 1,80m et dont les portes ou portails d'accès sont verrouillés et fermés à clés ou condamnés au moyen d'un cadenas. Ces lieux de stationnement devront figurer sur des fiches techniques. Aucune dérogation à ces règles n'est permise. Le non-respect constaté et non justifié de ces règles entrainera le non-paiement de la facture du transport';

* l'article 9.1.7 dudit cahier des charges ajoutant que la sous-traitance ou l'affrètement 'ne peut se réaliser qu'avec des transporteurs ayant signé le chapitre 9 de ce cahier des charges. La société de transport s'engage à communiquer à l'expéditeur une version scannée du présent chapitre, signé et tamponné par l'affrété, et cela pour chaque affrété';

- la copie d'un formulaire non-daté de choix d'un site de sécurisation du chargement établi à l'attention de M. [E] pour un transport à destination de [Localité 9] (77290), une croix ayant été inscrite à la main au niveau de l'emplacement 'Gefco [Localité 6]';

- et la copie d'un 'Plan de sécurisation trafic L'Oréal' établi le 30 janvier 2015 'conformément au Cahier des Charges Transport', lequel énonce des consignes impératives, notamment :

* en cas de coupure supérieure à 2 heures : 'Le véhicule doit stationner à l'endroit défini et validé par Gefco Valenciennes lors de la confirmation du transport. Le lieu de stationnement doit être clos, gardienné 24h/24h et/ou placé sous surveillance vidéo. Il est interdit de dételer la remorque (excepté en cas de relais ou de stationnement au sein d'une entité L'Oréal). Les portes de la remorque doivent rester inaccessibles';

* en cas de 'retard chargement / livraison ou changement de lieu de sécurisation' : 'Après 18h30, vous devez aviser Gefco en temps réel' au numéro indiqué.

M. [E], de son côté, produit :

- une version complète du formulaire de choix d'un site de stationnement sécurisé produit par les appelantes, lequel se réfère à un numéro de dossier '03220883716' correspondant à une confirmation de commande de transport Gefco du 30 juin 2016;

- une copie de cette commande, laquelle stipule le transport pour un montant de 300 € d'une marchandise constituée de 24 tonnes d''Articles Droguerie Parfum' entre la plateforme logistique DPL de [Localité 11], le 30 juin 2016 à 17:00 et la plateforme logistique [R] de [Localité 9], le 1er juillet 2016 à 07:00, ainsi que des instructions particulières sur la sécurisation de la marchandise : 'coupures en lieux sécurisés/respect Cdc Tautliner bâche armée/fourgon: cordon Tir + sangles + 2 barres de maintien + 24 planches latérales', 'Merci de faxer les documents émargés sous huitaine';

- et le courriel de la Gefco du 12 septembre 2019 lui demandant de retourner signée et tamponnée la version tronquée du formulaire de choix d'un site de stationnement sécurisé produite par les appelantes.

M. [E] rapporte la preuve :

- d'une part, que le formulaire de choix d'un site de stationnement sécurisé, en l'occurrence le site 'Gefco [Localité 6]' sis à [Localité 7], dont les appelantes se prévalent en l'espèce, n'a pas été rempli par l'intimé dans le cadre de la confirmation de commande de transport litigieuse (n° 03220905811), mais dans celui d'une confirmation de commande de transport antérieure (n° 03220883716);

- et d'autre part, que la Gefco a adressé à l'intimé un courriel du 12 septembre 2019, lui demandant de signer et tamponner une copie tronquée de ce formulaire avant de la lui renvoyer afin de régulariser la situation de la première, vis-à-vis de ses assureurs.

Pour preuve de l'envoi du formulaire de choix d'un site sécurisé, antérieurement au chargement des marchandises, les appelantes versent aux débats un échange de courriels du 25 novembre 2016 entre la Gefco (Mme [L]) et l'intimé.

Il résulte de l'examen de cette pièce:

- que la première a adressé au second un courriel à 08:56, dont l'objet 'TR:' est indéterminé, accompagné d'une pièce jointe intitulée '20160630-220147.jpg', dont le contenu est également indéterminé;

- et que le second a adressé à la première un courriel de réponse à 14:16, dont l'objet et le contenu sont indéterminés.

- étant précisé que le rapport d'expertise amiable contradictoire d'espèce indique en page 7 :

* que la Gefco a adressé à M. [E], par courriel du 22 novembre 2016, à 11h05, un exemplaire de la confirmation d'affrètement, auquel était jointe la 'documentation à savoir : plan de sécurisation du trafic L'Oréal et la liste des lieux de stationnement Trafic L'Oréal National';

* et que 'le jeudi 24 novembre 2016 à 14h16, M. [E] a répercuté le lieu de stationnement de l'ensemble routier à Gefco SA (Madame [L] [C]), afin de réaliser la coupure nocturne, soit 'Gefco Amiens, Pôle jules Verne, rue Capitaine Némo 80440 [Localité 7]'.

S'il y a tout lieu de penser que la pièce jointe intitulée '20160630-220147.jpg' est une copie du formulaire de choix du site de stationnement effectué par M. [E] dans le cadre de la confirmation de commande de transport n° 03220883716 du 30 juin 2016, les appelantes ne justifient pas de l'envoi d'un courriel à M. [E] le 22 novembre 2016, à 11h05, qui contiendrait en pièce jointe la documentation visée par le rapport d'expertise amiable.

Dans ces conditions, la cour ne peut tenir pour acquise la transmission par la Gefco à M. [E], puis le renvoi par ce dernier :

- d'un formulaire de choix d'un site sécurisé de stationnement dans le cadre de la confirmation de commande de transport litigieuse (n° 03220905811);

- et du plan de sécurisation du trafic L'Oréal, lequel reprend les termes du chapitre 9 du cahier des charges susvisé.

L'intimé démontre également qu'à l'inverse de la confirmation de commande litigieuse (n° 03220905811), la confirmation de commande de transport n° 03220883716 du 30 juin 2016 contenait effectivement des instructions supplémentaires sur la sécurisation de la marchandise.

Néanmoins, l'ensemble des éléments de preuve disponibles suffisent à établir qu'au jour de la confirmation de commande de transport Gefco n° 03220905811, soit dès le 22 novembre 2016, M. [E] était informé par la Gefco de la spécificité des articles de droguerie et de parfumerie à transporter, ainsi que des dispositions particulières de sécurisation qui leur étaient associées, soit de l'impératif de stationner la remorque chargée sur un site sécurisé Gefco pendant la nuit du 24 au 25 novembre 2016.

Plus précisément, il ressort :

- du rapport d'expertise amiable et contradictoire d'espèce, expurgés des références, contestées a posteriori par l'intimé, relatives à la communication préalable du formulaire de choix du site de stationnement sécurisé et du 'plan de sécurisation trafic L'Oréal' :

* que le cahier des charges susmentionné a été conclu entre la Gefco et la société L'Oréal afin d'encadrer les modalités de sécurisation du transport des produits cosmétiques de droguerie et de parfumerie de la seconde, étant souligné que l'extrait du chapitre 9 versé aux débats par les appelantes a été paraphé et signé par M. [E] le 1er juin 2015 (article 9.1.7 précité), si bien que ce dernier avait connaissance, en cas de commande par la Gefco d'un transport de produits 'L'Oréal', de la nécessité de respecter des consignes spécifiques de sécurité et de sûreté (article 9.1.6 précité), concernant le stationnement en cas de coupure supérieure à 2 heures ou de repos hebdomadaire en particulier;

* que l'intimé avait déjà réalisé plusieurs transports de marchandises au départ de la plateforme logistique L'Oréal à [Localité 11] (F-80) vers le destinataire DFA c/o [R] à [Localité 9] (F-77), au cours des deux années écoulées (2015 et 2016), M. [E] ayant indiqué à l'expert son mode opératoire en pareils cas, soit : 1°) il décroche la remorque chargée dans la cour de l'agence Gefco à [Localité 7] (F-80), avant de rejoindre son domicile familial en tracteur; et 2°) lorsque le chargement a lieu l'après-midi pour livraison le lendemain, il dirige la remorque chargée dans la cour de l'agence Gefco SA à [Localité 7] (F-80), avant de la dételer, puis de retourner à son domicile au [Localité 10] (F-80) pour y dormir, avant de reprendre la remorque le lendemain matin pour rejoindre le lieu de livraison (page 7);

* et qu'il était prévu que M. [E] observe ce mode opératoire dans le cadre de la confirmation de commande litigieuse, puisqu'interrogé sur ce point par l'expert, il reconnaît avoir décidé de changer de lieu de stationnement pour la nuit du 24 au 25 novembre 2016, soit de ne pas se rendre sur le site 'Gefco [Localité 6]' de [Localité 7], mais de rentrer à son domicile du [Localité 10], suite au retard de chargement des marchandises en cause et pour des raisons de convenance personnelle détaillées ci-après;

- de la confirmation de commande de transport Gefco n° 03220883716 du 30 juin 2016, que M. [E] avait déjà effectué entre les 30 juin et 1er juillet 2016 un transport de marchandises d'une nature ('Articles Droguerie Parfum'), d'un poids brut (24.000 kg) et d'un métrage de plancher (13 m) similaires, entre les mêmes plateformes logistiques 'DPL' de [Localité 11] et '[R]' de [Localité 9]', sur deux jours également, soit un chargement prévu en fin d'après-midi et une livraison prévue en début de matinée le lendemain, pour un prix identique de 300 €, la seule différence notable étant que la confirmation de commande d'espèce (n° 03220905811) ne précise aucune instruction particulière de sécurisation du chargement;

- de l'extrait du cahier des charges susmentionné et du formulaire de choix d'un site sécurisé de stationnement rempli par l'intimé dans le cadre de la confirmation de commande de transport Gefco n° 03220883716 du 30 juin 2016, que les articles de droguerie et de parfumerie transportés à cette occasion, entre le 30 juin et le 1er juillet 2016, étaient des produits 'L'Oréal', puisque leur transport était soumis aux impératifs de sécurisation définis par le chapitre 9 dudit cahier des charges, dont les termes sont rappelés dans le document 'plan de sécurisation trafic L'Oréal' versé aux débats;

- et de la lettre de voiture n° 699925 du 25 novembre 2016, que la plateforme logistique 'DPL' de [Localité 11] est désignée par M. [E] comme étant une plateforme logistique 'L'Oréal'.

Ces éléments cumulés suffisent à démontrer qu'en dépit de l'absence d'indications spécifiques relatives à la marque, à la valeur marchande et aux modalités de sécurisation des articles de droguerie et de parfumerie litigieux dans la confirmation de commande de transport Gefco n° 03220905811 du 22 novembre 2016, M. [E] devait avoir connaissance à cette date du fait qu'il s'agissait de produits 'L'Oréal' soumis aux impératifs de sécurité et de sûreté du chapitre 9 du cahier des charges précité, qu'il a paraphé et signé le 1er juin 2015, étant précisé que l'intimé ne démontre pas :

- avoir sollicité du commissionnaire de transport des renseignements complémentaires sur la marchandise en cause;

- ni que la Gefco était en possession d'une déclaration de valeur des articles à transporter.

Au vu de son expérience d'au moins un transport similaire les 30 juin et 1er juillet 2016, des indications fournies à l'expert sur son mode opératoire et sur sa décision de changer au dernier moment de site de stationnement du chargement, pendant la nuit du 24 au 25 novembre 2016, ainsi que de la lettre de voiture n° 699925 du 25 novembre 2016 et de l'extrait du cahier des charges susmentionné, que le commissionnaire de transport lui avait transmis antérieurement, M. [E] doit être considéré comme informé des caractéristiques particulières du chargement, soit de la marque, de la haute valeur marchande et des consignes de sécurisation des produits litigieux.

Il s'ensuit qu'il échoue à rapporter la preuve d'une réticence dolosive constituée par l'intention du commissionnaire de transport de lui dissimuler le caractère sensible des marchandises dans le cadre de la conclusion du contrat de transport du 22 novembre 2016.

Dès lors, il convient de débouter l'intimé de sa demande d'annulation dudit contrat pour vice du consentement et de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Sur la demande relative à un manquement du commissionnaire de transport à son obligation d'information

Sur l'applicabilité du contrat-type applicable aux transports publics de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique (annexé au décret n° 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation dudit contrat)

Selon l'article L.1432-2 du code des transports : 'Tout contrat de transport public de marchandises précise :

1° La nature et l'objet du transport ;

2° Les modalités d'exécution du service tant en ce qui concerne le transport proprement dit que les conditions d'enlèvement et de livraison des objets transportés ;

3° Les obligations respectives de l'expéditeur, du commissionnaire, du transporteur et du destinataire ;

4° Le prix du transport ainsi que celui des prestations accessoires prévues'.

Selon l'article L.1432-3 du code des transports : 'Les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées à l'article L. 1432-2 sont définis par une convention écrite conforme aux dispositions législatives régissant les contrats et, le cas échéant, aux dispositions impératives issues des conventions internationales'.

Selon l'article L1432-4 du code des transports : 'A défaut de convention écrite et sans préjudice de dispositions législatives régissant les contrats, les rapports entre les parties sont, de plein droit, ceux fixés par les contrats-types prévus à la section 3'.

Selon l'article L1432-13 du code des transports : 'Les clauses des contrats types de transport de marchandises et des contrats types de commission de transport sont établies par voie réglementaire'.

La cour observe que l'intimé produit des 'stipulations contractuelles de la lettre de voiture' correspondant à une lettre de voiture distincte, numérotée 699968, lesquelles ne sont pas contestées par les appelantes.

Il ressort de la 'confirmation de commande de transport' du 22 novembre 2016, que la Gefco et M. [E] ont formalisé par écrit :

- la nature et l'objet du transport;

- les modalités d'exécution du service tant en ce qui concerne le transport proprement dit que les conditions d'enlèvement et de livraison des objets transportés;

- et le prix du transport.

En l'absence de précisions sur les obligations respectives du commissionnaire et du transporteur, notamment en ce qui concerne les informations devant être transmises par le premier au second sur les caractéristiques de la marchandises, il convient de se rapporter, en application des dispositions précitées des articles L1432-2, L1432-3, L1432-4 et L1432-13 du code des transports, au contrat-type applicable aux transports publics de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique (annexé au décret n° 99-269 du 6 avril 1999 portant approbation dudit contrat).

Selon les articles 3.1, 3.2 et 3.5 du contrat type susmentionné, dans sa version applicable au litige:

'3.1. Le donneur d'ordre fournit au transporteur, dans le cadre des dispositions des articles 24 et 25 de la loi no 95-96 du 1er février 1995, préalablement à la présentation du véhicule au chargement, par écrit ou par tout autre procédé en permettant la mémorisation, les indications suivantes [...] :

- la nature de la marchandise, le poids brut de l'envoi, les marques, le nombre de colis, d'objets ou de supports de charge (palettes, rolls, etc.) qui constituent l'envoi [...];

- la spécificité de la marchandise quand cette dernière requiert des dispositions particulières (marchandises dangereuses, denrées périssables, etc.) [...];

- toute autre modalité d'exécution du contrat de transport (livraison contre remboursement, déboursé, déclaration de valeur, déclaration d'intérêt spécial à la livraison, etc.) ;

- le numéro de la commande et les références de l'envoi, quand ces informations sont nécessaires à la bonne exécution du contrat [...].

3.2. En outre, le donneur d'ordre informe le transporteur des particularités non apparentes de la marchandise et de toutes données susceptibles d'avoir une incidence sur la bonne exécution du contrat de transport [...].

3.5. Le donneur d'ordre supporte vis-à-vis du transporteur les conséquences d'une déclaration fausse ou incomplète sur les caractéristiques de l'envoi ainsi que d'une absence ou d'une insuffisance de déclaration ayant eu pour effet, entre autres, de dissimuler le caractère dangereux ou frauduleux des marchandises transportées'.

Sur l'absence de preuve d'un manquement de la Gefco à ses obligations d'information

M. [E] soutient au visa des articles 3.1, 3.2 et 3.5 précités du contrat type :

- que le commissionnaire de transport a violé ses obligations d'information en procédant à une déclaration incomplète des caractéristiques de la marchandise, à défaut de précision sur l'importance de sa valeur marchande;

- et que ce manquement est la cause exclusive du préjudice subi par la société L'Oréal, au motif que l'absence d'information a provoqué la mise en place de conditions de transport inappropriées (utilisation d'une remorque à bâches simples, non armées, ni renforcées, et stationnement dans un lieu non-sécurisé);

- de sorte que la Gefco doit assumer l'intégralité des conséquences du sinistre litigieux.

Il précise en outre :

- que la suspicion d'avoir été suivi par plusieurs véhicules lors du trajet entre la plateforme de chargement et son domicile ne pouvait l'alerter sur la valeur de la marchandise transportée, ignorant lui-même qu'il s'agissait de produits de luxe;

- et que le rapport d'expertise amiable et contradictoire résulte d'une enquête à charge reposant sur des informations mensongères communiquées par la Gefco.

Les appelantes font valoir que M. [E] échoue à démontrer l'existence d'une faute personnelle du commissionnaire de transport, étant précisé :

- que la Gefco :

* n'est pas à l'origine du vol et des avaries de marchandises d'espèce;

* et a communiqué au transporteur substitué des instructions et mesures de sécurité à entreprendre qu'il a choisi d'ignorer par convenance personnelle.

Les appelantes prétendent :

- que le cahier des charges liant la Gefco à L'Oréal est inopposable à M. [E];

- que l'article 3.5 du contrat type susvisé est inopérant, en l'absence d'une fausse déclaration ou d'une déclaration incomplète sur les caractéristiques de l'envoi, s'agissant de cosmétiques ou parfums;

- et que le contrat type n'impose pas au commissionnaire de transport de communiquer au transporteur la valeur de l'envoi, le caractère sensible par nature des marchandises litigieuses (parfums et cosmétiques) suffisant à caractériser les obligations de ce dernier en matière de sécurisation.

Selon l'article 1231-1 du code civil : 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.

Il est admis que le commissionnaire de transport, responsable de son propre fait mais aussi de ceux des transporteurs qu'il s'est substitués, n'engage sa responsabilité pour son fait personnel que lorsque celui-ci est à l'origine des avaries ou des pertes de marchandises [Cass. Com., 22 novembre 2011, 10-20.599].

Au vu des pièces versées aux débats, telles que précisées dans les développements précédents sur la validité du contrat de transport d'espèce, y compris des termes incontestés du rapport d'expertise amiable et contradictoire du 12 décembre 2016 et de la lettre de voiture n° 699925 délivrée le 24 novembre 2016 (référence à la plateforme logistique 'L'Oréal' comme site de chargement), l'intimé est réputé avoir été informé par la Gefco, au moyen d'un écrit (voir l'extrait du chapitre 9 du cahier des charges susmentionné, signé et paraphé le 1er juin 2015 par M. [E]) et préalablement à la présentation du véhicule au chargement le 24 novembre 2016, du caractère sensible des marchandises transportées, dans la mesure où la référence générique de la confirmation de commande de transport n° 03220905811 du 22 novembre 2016, identique à celle de la confirmation de commande précédente du 30 juin 2016, à des articles de droguerie et de parfumerie, correspondait forcément, dans l'esprit de M. [E], à des produits 'L'Oréal' dotés d'une forte valeur marchande et soumis à des impératifs particuliers de sécurisation en matière de transport.

Par suite, l'intimé échoue à rapporter la preuve d'un manquement de la Gefco à ses obligations d'information concernant la nature, la spécificité et les particularités non-apparentes des marchandises en cause, ainsi que les modalités particulières d'exécution et les données nécessaires ou susceptibles d'avoir une incidence sur la bonne exécution du contrat de transport d'espèce, au sens des articles 3.1 et 3.2 précités du contrat type applicable.

A défaut d'élément permettant d'établir que la confirmation de commande de transport litigieuse constitue une déclaration fausse ou incomplète sur les caractéristiques de l'envoi ayant eu pour effet de dissimuler le caractère sensible des marchandises transportées, au sens de l'article 3.5 précité du contrat type applicable, M. [E] ne justifie pas du fait que le commissionnaire de transport serait à l'origine des avaries et pertes de marchandise d'espèce dans la nuit du 24 au 25 novembre 2016.

Dès lors, il convient de débouter M. [E] de sa demande de condamnation de la Gefco au titre d'un manquement contractuel à ses obligations d'information, en application de l'article 1231-1 précité du code civil.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la faute inexcusable du transporteur et ses conséquences

Sur la caractérisation de la faute inexcusable

Les appelantes soutiennent :

- au visa de l'article L133-1 du code de commerce, que la responsabilité de M. [E], en sa qualité de transporteur, est engagée à raison de la perte et de la dégradation de marchandises, à défaut d'un cas de force majeure ou de vices propres à cette marchandise;

- que l'obligation légale du transporteur de sécurisation des marchandises est inhérente à tout transport, indépendamment du prix de l'opération;

- et qu'il appartenait à M. [E], en tout état de cause, de prendre les précautions d'usage pour assurer la sécurité des marchandises, ce qu'il n'a pas fait.

Les appelantes ajoutent que le choix de M. [E] d'immobiliser les marchandises devant son domicile ne résultait pas de la nécessité d'observer une coupure de 10 heures, à défaut de preuve contraire, mais de considérations de pure convenance personnelle, étant observé :

- que l'intimé ne démontre pas avoir essayé le 24 novembre 2016, de contacter par téléphone la Gefco pour recueillir des instructions, suite au retard de chargement des marchandises;

- que le site de chargement ([Localité 11]) était situé à équidistance du domicile ([Localité 10]) de l'intimé et du site 'Gefco [Localité 6]' ([Localité 7]), quoique dans des directions opposées;

- qu'aux termes du rapport d'expertise amiable contradictoire, l'intimé a préféré stationner son ensemble routier près de chez lui, plutôt que sur le site 'Gefco [Localité 6]', afin d'éviter de décrocher sa remorque et de contacter une personne chargée de le reconduire à son domicile;

- que l'article 12 du règlement communautaire CE n°561/2006 permet de déroger au temps de conduite maximal, afin de rejoindre un emplacement approprié à la sécurisation du chargement.

- qu'en l'espèce, l'intimé ne peut se prévaloir d'aucune cause d'exonération ou de limitation de sa responsabilité, étant seul à l'origine de la décision, de pure convenance personnelle, d'immobiliser la cargaison litigieuse, pendant la nuit du 24 au 25 novembre 2016, devant son domicile, soit dans un espace non-sécurisé, en violation des impératifs de sécurisation (cahier des charges) qui le liaient pour le transport de produits L'Oréal et alors qu'il suspectait d'avoir été suivi par plusieurs véhicules;

- que l'intimé a violé ses obligations contractuelles de sécurisation du fret en vertu de l'article 9.1.6 du cahier des charges de transport susmentionné, par le fait de décider de stationner son ensemble routier devant chez lui, sur un site isolé, non éclairé et sans surveillance, pour des raisons de confort personnel, soit d'éviter de procéder à un décrochage sur le site 'Gefco [Localité 6]' et de charger un taxi de le reconduire chez lui;

- et que ces manquements constituent une faute inexcusable, au sens de l'article L133-8 du code de commerce, puisque M. [E] a :

* choisi de façon délibérée de ne pas sécuriser les marchandises d'espèce pendant la nuit du 24 au 25 novembre 2016, en violation de ses engagements au titre du cahier des charges de transport de produits L'Oréal, alors qu'il avait conscience de la probabilité du dommage, soit d'un vol de marchandises, après avoir suspecté plusieurs véhicules de le suivre au cours du trajet de retour à son domicile et réalisé plusieurs tours du village de son domicile avant de garer l'ensemble routier, pour vérifier que lesdits véhicules ne s'y trouvaient pas;

* et ainsi accepté de façon téméraire le risque de survenance du dommage sans raison valable.

Selon l'article L.133-1 du code de commerce : 'Le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure.

Il est garant des avaries autres que celles qui proviennent du vice propre de la chose ou de la force majeure.

Toute clause contraire insérée dans toute lettre de voiture, tarif ou autre pièce quelconque, est nulle'.

Selon l'article L.133-8 du code de commerce : 'Seule est équipollente au dol la faute inexcusable du voiturier ou du commissionnaire de transport. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. Toute clause contraire est réputée non écrite'.

Il ressort des termes du rapport d'expertise amiable et contradictoire du 12 décembre 2016, expurgés des références, contestées a posteriori par l'intimé, à la communication du formulaire de choix du site de stationnement sécurisé et du 'plan de sécurisation trafic L'Oréal' :

- que le chargement des produits litigieux, soit 38 unités de manutention et un carton d'un poids brut de 5 tonnes 800, a été réalisé le jeudi 24 novembre 2016 entre 16h00 et 19h10, soit avec 1h10 de retard sur l'horaire de fin initialement prévu;

- qu'un plomb n° 017.679 a été apposé à l'issue du chargement sur le système de fermeture des portes de la remorque ;

- que M. [E] a quitté la plateforme logistique L'Oréal de [Localité 11] (F-80) à 19h20;

- qu'à 50 mètres du point d'accès à la plateforme, l'intimé a remarqué la présence d'un véhicule de marque 'Seat' de couleur noire se trouvant à droite, qu'il a laissé passer devant lui, avant de s'engager sur l'axe routier permettant de rejoindre la route nationale;

- que ce véhicule 'Seat' roulait à faible vitesse et effectuait des man'uvres de freinage répétées;

- que M. [E] a constaté, alors que l'ensemble routier se trouvait arrêté à une intersection 'Stop', la présence sur sa gauche d'un camion de 3,5 tonnes, dont la cabine était de couleur blanche et la bâche de couleur grise, immatriculé en Roumanie;

- que ce camion de 3,5 tonnes s'est placé derrière l'ensemble routier de l'intimé, avant qu'il ne reparte sur la gauche;

- qu'au niveau d'une intersection, le véhicule 'Seat' a mis en fonctionnement son clignotant, laissant penser qu'il tournait à gauche;

- qu'ayant de forts soupçons sur les deux véhicules qui le suivaient, l'intimé a laissé le véhicule 'Seat' s'insérer dans la circulation, puis a attendu le passage d'autres véhicules pour s'engager;

- qu'arrivé à un rond-point conduisant à l'autoroute A1, M. [E] a effectué deux tours du rond-point, afin de vérifier que les deux véhicules suspects n'étaient pas encore derrière lui;

- que n'ayant rien remarqué d'anormal, il a pris la décision de rejoindre son domicile au [Localité 10] (F-80) et non l'agence 'Gefco [Localité 6]', aux motifs :

* que l'amplitude journalière de conduite était alors quasi atteinte;

* et que le fait de rejoindre l'agence 'Gefco [Localité 6]' l'obligeait à décrocher la remorque, puis de contacter une personne chargée de le ramener à son domicile, puis de le reconduire le lendemain matin de son domicile à [Localité 7] (F-80) pour reprendre la remorque et honorer le rendez-vous prévu à [Localité 9] (F-77);

- qu'interrogé par l'expert sur l'absence d'information de la Gefco sur ce choix de stationner l'ensemble routier à son domicile, l'intimé lui a répondu qu'il a décidé de changer de lieu de stationnement sans en rendre compte au commissionnaire de transport, après deux tentatives infructueuses d'appel au numéro de téléphone indiqué en cas de problème survenant après 18h30 dans le plan de sécurisation du trafic de produits L'Oréal versé aux débats;

- que l'intimé a rejoint le [Localité 10] (F-80) vers 19h50 le 24 novembre 2016;

- qu'avant de stationner l'ensemble routier en face de son domicile à 19h55, il a effectué plusieurs tours du village, afin de vérifier que les deux véhicules remarqués à [Localité 11] (F-80) ne l'avaient pas suivi;

- que la copie du disque chronotachygraphe du jeudi 24 novembre 2016 de M. [E] fait état d'une durée totale de conduite inférieure à 6 heures;

- que le vendredi 25 novembre 2016 à 02h00, M. [E] a été réveillé par les forces de l'ordre, lesquelles l'ont informé que la bâche de la remorque était lacérée et que des marchandises venaient d'être dérobées;

- que les investigations effectuées par les enquêteurs ont permis de démontrer qu'ils ont contrôlé l'occupant d'un véhicule de marque 'Seat' de couleur noire, conduite par un individu de nationalité roumaine;

- que durant ce contrôle, un camion identique à celui remarqué lors du départ de M. [E] de la centrale logistique de [Localité 11] (F-B0) circulait à leurs côtés;

- que manifestement, ces deux véhicules correspondaient à ceux remarqués par M. [E], le jeudi 24 novembre 2016 vers 19h20 au départ de [Localité 11] (F-80);

- que M. [E] a présenté le chargement chez DFA c/o [R] à [Localité 9] (F-77) le vendredi 25 novembre 2016, lequel a été refusé et redirigé en agence Gefco, permettant une expertise amiable et contradictoire;

- et que le quantum des dommages est arrêté à la somme de 77.890,11 €, pour un poids brut total de 1.115,08 kg.

Les pièces versées aux débats suffisent à établir que M. [E] a commis une faute inexcusable, au sens de l'article L133-8 précité du code de commerce.

En effet, il a décidé, sans en référer à son donneur d'ordre, la Gefco, de modifier le lieu de stationnement de sa remorque pendant la nuit du 24 au 25 novembre 2016, suite à un retard de chargement d'1 heure 10 minutes, soit de renoncer à l'immobiliser sur le site initialement prévu de 'Gefco [Localité 6]', sis à [Localité 7], pour lui préférer une place non-sécurisée sur la voie publique en face de son domicile sis à [Localité 10], à des fins de pure convenance personnelle explicitées par le rapport d'expertise amiable susvisé, sachant que les prescriptions en matière d'amplitude horaire de conduite ne l'obligeaient pas à prendre une telle décision, et ce, alors :

* qu'il savait forcément que les articles cosmétiques, de droguerie et de parfumerie transportés étaient des produits de la marque 'L'Oréal', réputés sensibles au vol en raison de leur valeur marchande élevée et de leur conditionnement sous la forme de nombreux colis facilement enlevables;

* qu'il était tenu de respecter des consignes strictes de sécurisation du transport de produits 'L'Oréal' en cas de coupures hebdomadaires ou supérieures à 2 heures, conformément aux stipulations précitées du chapitre 9 (article 9.1.6) d'un cahier des charges paraphé et signé par lui le 1er juin 2015;

* et qu'il suspectait deux véhicules, soit une voiture 'Seat' de couleur noire et un camion de 3,5 tonnes, dont la cabine était de couleur blanche et la bâche de couleur grise, de l'avoir suivi avec des intentions malhonnêtes, entre son départ de la plateforme logistique 'DPL', dite 'L'Oréal', de [Localité 11], le 24 novembre 2016 à 19h20, et l'arrivée, trente minutes plus tard, à [Localité 10], où se trouve son domicile.

M. [E], en sa qualité de transporteur professionnel expérimenté, ne pouvait ignorer la forte probabilité d'un vol dans de telles conditions, de sorte qu'en décidant malgré tout de laisser sans surveillance les produits litigieux pendant la nuit du sinistre, il a pris, en toute connaissance de cause, le risque sérieux de voir ces marchandises dérobées, l'acceptant ainsi de façon téméraire et sans raison valable, selon les termes de la définition légale de la faute inexcusable.

La faute inexcusable de l'intimé étant caractérisée en l'espèce, il convient d'infirmer le jugement entrepris sur ce point.

Sur le déplafonnement de l'indemnité due par M. [E]

Les appelantes font valoir que la faute inexcusable du transporteur l'exclut du bénéfice de la limitation d'indemnisation et l'oblige à réparer l'entier préjudice subi par les intérêts-cargaison, conformément à l'article 22.1 du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique, soit de leur payer une somme de 77.890,11 € HT, ramenée après négociation, à un montant transactionnel de 40.000 €, assorti des intérêts légaux à compter de la LRAR de mise en demeure du 17 novembre 2017, avec capitalisation des intérêts.

A titre subsidiaire, en cas de limitation de l'indemnisation due par M. [E], elles demandent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à leur payer un montant de 13.340 €, conformément à l'article 21 du contrat type applicable, le plafond devant être calculé sur le poids brut de l'envoi et non sur le poids volé, comme le prétend à tort l'intimé.

Selon l'article 21 du contrat type susmentionné, dans sa version applicable au litige : 'Le transporteur est tenu de verser une indemnité pour la réparation de tous les dommages justifiés dont il est légalement tenu pour responsable, résultant de la perte totale ou partielle ou de l'avarie de la marchandise [...].

Pour les envois égaux ou supérieurs à trois tonnes, elle ne peut excéder 14 euros par kilogramme de poids brut de marchandises manquantes ou avariées pour chacun des objets compris dans l'envoi, sans pouvoir dépasser, par envoi perdu, incomplet ou avarié, quels qu'en soient le poids, le volume, les dimensions, la nature ou la valeur, une somme supérieure au produit du poids brut de l'envoi exprimé en tonnes multiplié par 2.300 euros .

Le donneur d'ordre a toujours la faculté de faire une déclaration de valeur qui a pour effet de substituer le montant de cette déclaration au plafond de l'indemnité fixée à l'un ou à l'autre des deux alinéas ci-dessus'.

Il est admis que la faute inexcusable du transporteur doit, comme de droit commun, être assimilée au dol, de sorte que la limitation de responsabilité prévue par des dispositions tarifaires ne peut produire effet [Cass. Com., 7 mai 1980, n° 77-14.009].

Selon l'article 1343-2 du code civil : 'Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise'.

Les appelantes versent aux débats :

- le document intitulé 'Claim Receipt And Release Form' du 16 novembre 2016, dont il ressort que la société Chubb accepte le versement d'un montant de 40.000 € en règlement complet et définitif de sa créance, ledit règlement valant abandon de toute réclamation présente et future à l'égard de la Gefco et de ses assureurs, concernant :

* un vol de cargaison dans la nuit du 24 au 25 novembre 2016;

* dans le cadre d'un transport entre les plateformes logistiques 'L'Oréal' (80 [Localité 11]) et 'DFA C/O [R]' (77 [Localité 9]);

* effectué par M. [W] [E], selon lettre de voiture n° 699925 du 24 (sic) novembre 2016, lequel est intervenu en vertu d'une commande de transport (Gefco) du 22 novembre 2016;

- et une LRAR adressée le 17 novembre 2017 à M. [E], aux termes de laquelle ce dernier est mis en demeure par le conseil de la Gefco et de ses assureurs de leur régler sous huitaine une somme de 77.890,11 € correspondant à la valeur des marchandises dérobées en cours de transport, telle qu'évaluée par le rapport d'expertise amiable et contradictoire du 12 décembre 2016.

Compte tenu de la subrogation conventionnelle de la Gefco et de ses co-assureurs dans les droits de l'assureur de la société L'Oréal, la société Chubb, à l'égard de M. [E], pour un montant transactionnel de 40.000 €, l'indemnité due aux appelantes par l'intimé au titre de sa faute inexcusable ne peut excéder cette somme.

Dès lors, il convient :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a plafonné l'indemnité due par M. [E] à une somme de 13.340 € en principal;

- et de condamner M. [E] à payer à la Gefco et à ses assureurs une somme de 40.000 € HT en principal, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2017, date de mise en demeure, lesquels seront capitalisés, à la demande de ces dernières, en application de l'article 1343-2 précité du code civil.

Par conséquent, l'intimé sera débouté de ses demandes tendant notamment :

- à l'exonérer de toute responsabilité au titre du sinistre;

- subsidiairement, à déterminer les parts respectives de responsabilité des parties;

- à fixer les créances respectives des parties à ce titre;

- à ordonner leur compensation;

- et à condamner in solidum les appelantes à lui rembourser la somme de 8.341,44 € au titre de l'exécution provisoire du jugement entrepris.

Sur les demandes accessoires

Sur les frais d'expertise amiable et contradictoire des appelantes

Les appelantes sollicitent la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [E] à leur rembourser leurs frais d'expertise amiable à hauteur de 1.600 € HT, précisant qu'aucune expertise n'aurait été diligentée en l'absence du vol et des avaries de marchandises d'espèce.

Le montant de ces frais d'expertise amiable n'étant pas justifié, il convient :

- d'infirmer le jugement entrepris sur ce point;

- et de débouter les appelantes de leur demande de remboursement à ce titre.

Sur les dépens et frais irrépétibles d'appel

M. [E], qui succombe, sera condamné aux entiers dépens d'appel.

Enfin, il paraît inéquitable de laisser à la charge des appelantes leurs frais irrépétibles d'appel non compris dans les dépens, qu'il convient d'évaluer à la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité de procédure allouée en première instance et justement évaluée en équité à la somme de 2.000 € qui sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

- INFIRME le jugement rendu le 22 septembre 2020 par le tribunal de commerce d'[Localité 6] en ce qu'il a condamné M. [E] à payer à la Gefco et à ses assureurs, la SARL XL Insurance Company SE venant aux droits de la SA Axa, la SARL XL Insurance Company SE, la SA Generali IARD et la société AIG Europe Ltd, les sommes de 13.340 €, en principal, et de 1.600 € HT, au titre des frais d'expertise, assorties des intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2017;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

- CONDAMNE M. [E], exerçant sous l'enseigne Transports [E], à payer à la Gefco et à ses assureurs, la SARL XL Insurance Company SE venant aux droits de la SA Axa, la SARL XL Insurance Company SE, la SA Generali IARD et la société AIG Europe Ltd, la somme de 40.000 € HT, assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2017, avec capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière, dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil;

- DEBOUTE la Gefco et ses assureurs, la SARL XL Insurance Company SE venant aux droits de la SA Axa, la SARL XL Insurance Company SE, la SA Generali IARD et la société AIG Europe Ltd, de leur demande de condamnation de M. [E], exerçant sous l'enseigne Transports [E], à leur payer une somme de 1.600 € HT au titre de leurs frais d'expertise amiable et contradictoire;

y ajoutant,

- CONDAMNE M. [E], exerçant sous l'enseigne Transports [E], à payer à la Gefco et à ses assureurs, la SARL XL Insurance Company SE venant aux droits de la SA Axa, la SARL XL Insurance Company SE, la SA Generali IARD et la société AIG Europe Ltd, la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- CONDAMNE M. [E], exerçant sous l'enseigne Transports [E], aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me de la Royère, en ce compris le droit proportionnel alloué aux huissiers de justice, conformément à l'article 10 du décret n°2001-212 du 8 mars 2001;

- DEBOUTE M. [E], exerçant sous l'enseigne Transports [E], de ses demandes contraires.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/05467
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;20.05467 ?
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