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08/09/2022 | FRANCE | N°20/05110

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 08 septembre 2022, 20/05110


ARRET

































S.A.R.L. RABIOT [Z]









C/







S.A.R.L. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE BAREC AUDIT CONSEIL [Localité 2]















COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022





N° RG 20/05110 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H4HD





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D

E COMPIEGNE EN DATE DU 08 SEPTEMBRE 2020





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





S.A.R.L. RABIOT [Z], agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]





Représentée par Me Thibaut ROQUES de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES,...

ARRET

S.A.R.L. RABIOT [Z]

C/

S.A.R.L. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE BAREC AUDIT CONSEIL [Localité 2]

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/05110 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H4HD

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 08 SEPTEMBRE 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.R.L. RABIOT [Z], agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Thibaut ROQUES de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat au barreau de SENLIS

Plaidant par Me LE LAY, avocat au barreau de ROUEN

ET :

INTIMEE

S.A.R.L. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE BAREC AUDIT CONSEIL [Localité 2], agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Emilie DENYS substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 06

DEBATS :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère, qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER :

Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Ces magistrats ont rendu compte à la Cour composée de :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le délibéré a été prorogé au 08 septembre 2022.

Le 08 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La SARL Rabiot [Z], spécialisée dans les travaux de menuiserie bois et PVC, a confié la gestion de sa comptabilité à la SARL Cabinet d'expertise comptable Cebac Audit Conseil [Localité 2] (SARL), ci-après Cebac, au cours de l'année 2006.

Au début de l'année 2016, la SARL Rabiot [Z] a demandé à la SARL Cebac de la conseiller sur l'opportunité de contracter un prêt bancaire d'un montant de 120.000 €, afin de répondre à des besoins conjoncturels de trésorerie et de financer des investissements.

Sur la base des projections et renseignements fournis par la SARL Rabiot [Z], la SARL Cebac lui a transmis, par courriel du 9 mars 2016, un prévisionnel de développement sur cinq ans avec financement bancaire de 120.000 €.

Compte tenu d'un chiffre d'affaires prévisionnel de 978.000 € pour l'exercice 2015-2016 (du 01/10/15 au 31/09/16), ce document fait état:

- d'une capacité d'autofinancement dépassant le besoin de trésorerie pour rembourser le capital de l'emprunt considéré;

- ainsi que d'une marge pour des acquisitions futures de matériels.

Par acte du 28 avril 2016, la banque CIC Nord Ouest a consenti à la SARL Rabiot [Z] un prêt d'un montant de 120.000 €.

La SARL Rabiot [Z] a déposé en janvier 2017 auprès du greffe du tribunal de commerce du Havre un bilan comptable, au titre de son exercice 2015-2016, lequel mentionne un résultat net positif de 18.284,03 euros.

Lors de la clôture du bilan de l'exercice 2016-2017, la SARL Cebac s'est aperçue que des erreurs avaient été commises dans l'établissement du bilan de l'exercice 2015-2016.

Les comptes annuels rectifiés de la SARL Rabiot [Z], au titre de l'exercice 2015-2016, déposés au greffe le 14 février 2018, mentionnent un résultat net négatif de 29.390 €.

Par acte d'huissier du 22 mai 2019, la SARL [Z] Rabiot a fait assigner la SARL Cebac en responsabilité civile devant le tribunal de commerce de Compiègne afin d'obtenir le paiement de plusieurs indemnités.

Par jugement contradictoire du 8 septembre 2020, le tribunal de commerce de Compiègne a :

- dit la SARL Rabiot [Z] recevable et mal fondée en l'ensemble de ses demandes;

- débouté la SARL Rabiot [Z] de l'ensemble de ses demandes;

- condamné la SARL Rabiot [Z] à payer au cabinet d'expertise comptable Cebac la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, liquidés pour frais de greffe à la somme de 73,22 € TTC, dont TVA à 20%.

La SARL Rabiot [Z] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 13 octobre 2020.

Selon message RPVA du 10 février 2022, le conseil de l'appelante a indiqué à la cour qu'il n'avait pas d'objection à ce que l'affaire soit évoquée en bi-rapporteur.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 18 mai 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SARL Rabiot [Z] demande à la cour de:

- infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions;

- constater que la SARL Cebac était liée contractuellement avec elle pour la surveillance de sa comptabilité, l'établissement de ses comptes, de sa déclaration de bénéfices industriels et commerciaux et des bulletins de paie, ainsi que des déclarations fiscales et ce depuis le ler octobre 2012 et qu'elle assurait également une mission générale de conseil auprès d'elle;

- dire que la SARL Cebac a engagé sa responsabilité civile, à titre principal, contractuelle ou, à titre subsidiaire, délictuelle, envers elle, par la commission de manquements ou fautes ;

- condamner la SARL Cebac à lui verser :

* la somme de 3.205,20 €, au titre des sommes facturées pour la réalisation de prestations comptables au titre de l'exercice comptable 2015-2016 non ou mal réalisées ;

* une indemnité de 11.249,45 €, au titre du préjudice financier lié à la souscription du contrat de prêt auprès de la banque CIC Nord Ouest;

* une indemnité de 65.059 €, au titre du préjudice lié à la perte de chance de pouvoir remédier à ses pertes ;

* une indemnité de 36.789 €, au titre du préjudice financier subi par la perte du délai de paiement de 45 jours, dont elle bénéficiait auprès de ses fournisseurs ;

* une indemnité de 5.000 €, en réparation du préjudice d'image subi;

- constater l'abandon de sa demande portant sur l'indemnité liée au redressement des charges sociales;

- condamner la SARL Cebac à lui verser une indemnité de 17.324 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 1er octobre 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SARL Cebac demande à la cour de:

- déclarer la SARL Rabiot [Z] mal fondée en son appel;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

y ajoutant,

- condamner la SARL Rabiot [Z] à lui payer une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2021, l'affaire ayant été fixée pour plaider à l'audience du 17 mars 2022.

SUR CE

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif , et que les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence , la cour ne statuera pas sur celles ci , qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

Sur le périmètre des relations contractuelles entre les parties

La SARL Rabiot [Z] fait valoir :

- que la signature apposée au nom de son gérant, M. [E] [Z], sur la lettre de mission datée du 16 février 2006 produite par la SARL Cebac, est une imitation grossière;

- qu'il s'agit d'un faux ayant donné lieu à un dépôt de plainte auprès du procureur de la République de [Localité 5] le 4 mars 2020;

- qu'à défaut de lettre de mission de l'expert-comptable, la portée de ses relations contractuelles avec l'intimée, telles qu'établies par l'existence de notes d'honoraires à compter d'octobre 2012, doit être interprétée contre la partie qui a stipulé, en l'occurrence la SARL Cebac;

- qu'il ressort des échanges entre les deux sociétés que l'intimée était chargée d'une mission de surveillance de sa comptabilité, d'établissement de ses comptes et de ses déclarations fiscales, et de conseil relativement à la situation économique et financière de la société, par la rédaction de prévisionnels notamment.

La SARL Cebac prétend :

- que ses relations contractuelles avec l'appelante sont encadrées par une lettre de mission du 16 février 2006, sur laquelle figure un exemplaire authentique de la signature du gérant de cette dernière, étant souligné que la plainte susvisée déposée à son encontre, a été classée sans suite par le parquet le 29 novembre 2020;

- que cette lettre fixe la portée contractuelle de la mission de l'expert-comptable;

- qu'elle ne peut être tenue responsable de l'inexécution d'obligations extérieures à sa mission;

- que la SARL Rabiot [Z] échoue à rapporter la preuve d'un manquement à ses obligations de diligence, de conseil et de présentation des comptes.

Selon l'article 1162 du code civil, dans sa version applicable au litige: 'Dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé'.

Il est admis que l'obligation de conseil de l'expert-comptable est limitée à la mission qui lui est confiée [Cass. Com. 26 février 2013, n° 11-28.397].

En l'espèce, pour justifier de la portée et de l'ancienneté de ses relations contractuelles avec l'appelante, l'intimée verse aux débats :

- une lettre de mission du 16 février 2006, sur laquelle figure un exemplaire contesté de la signature de M. [Z], et aux termes de laquelle la SARL Rabiot [Z] aurait confié à l'intimée des tâches de présentation des comptes annuels et d'établissement des déclarations fiscales y afférents, étant entendu que la mission pourra, sur demande du client, être complétée par d'autres interventions en matière fiscale, sociale, juridique, économique, financière ou de gestion;

- l'annexe 'répartition des travaux', sur laquelle figure un exemplaire non contesté de la signature de M. [Z], contenant une liste de tâches confiées à l'expert-comptable réparties en trois domaines d'intervention : comptable, fiscal et social;

- ainsi que plusieurs notes d'honoraires adressées à la SARL Rabiot [Z], dont la plus ancienne est datée du 15 février 2006.

L'appelante produit une attestation de M. [J] [U] du 16 septembre 2018, lequel certifie avoir suivi l'entreprise Rabiot [Z] et validé ses bilans auprès du greffe du tribunal de commerce du Havre depuis l'année 2006, date de la création de cette dernière, jusqu'à sa présence au sein du cabinet Cebac.

Au vu de ces éléments, il est établi que le périmètre des missions contractuelles dévolues à la SARL Cebac par la SARL Rabiot [Z] depuis 2006 comprenait notamment des prestations de présentation des comptes annuels, d'établissement des déclarations fiscales y afférents et de conseil en matière de gestion, de sorte qu'il n'y a pas lieu :

- de trancher le débat sur l'authenticité de la signature apposée au nom de l'appelante sur la lettre de mission du 16 février 2006, étant rappelé :

* d'une part, que le parquet du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Compiègne, a classé sans suite, par avis du 29 novembre 2020, la plainte déposée le 4 mars 2020 pour faux et escroquerie;

* et d'autre part, que la signature de M. [Z], apposée sur l'annexe « répartition des travaux » susmentionnée, n'est pas contestée;

- ni de faire application de l'article 1162 précité du code civil.

Sur la responsabilité contractuelle de la SARL Cebac à l'égard de la SARL Rabiot-[Z]

Selon l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige : 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.

En l'espèce, les obligations contractuelles de la SARL Cebac à l'égard de la SARL Rabiot [Z] consistaient notamment à observer un devoir de fiabilité dans la tenue de la comptabilité et un devoir de conseil en matière de gestion.

1/ Sur les fautes contractuelles

Concernant le prévisionnel de mars 2016

L'appelante fait valoir :

- que la SARL Cebac a manqué à son devoir de fiabilité et à sa mission de conseil en lui communiquant un prévisionnel manifestement surévalué, qui ne reflétait pas la réalité économique de la société, et en lui conseillant de contracter un prêt de 120.000 €, sans émettre de réserve sur l'incapacité de la société à le rembourser, ni sur le risque d'aggravation de son passif;

- que sur la base d'une situation comptable du 1er octobre 2015 au 31 janvier 2016 réalisée par l'intimée, faisant ressortir un chiffre d'affaires lié à la production de 289.492,34 €, le chiffre d'affaires pour la totalité de l'exercice comptable 2015-2016 a été projeté à hauteur d'une valeur erronée de 978.000 €;

- que le prévisionnel litigieux ne contenait pas de commentaires, ni de réserves, mais la conclusion selon laquelle la capacité d'autofinancement de la cliente dépassait nettement son besoin de trésorerie pour rembourser le capital de l'emprunt envisagé, laissant même une marge pour d'éventuelles acquisitions futures de matériel;

- que la SARL Cebac ne lui a pas transmis de plaquette d'avertissement quant au contenu du prévisionnel.

L'intimée soutient :

- qu'elle n'a pas commis de faute dans l'élaboration du prévisionnel, lequel a été établi sur la base de projections de chiffres d'affaires communiquées par l'appelante, lesquelles étaient cohérentes par rapport aux années antérieures, mais n'ont pas été atteintes pour des raisons indépendantes de l'intervention de l'expert-comptable, soit une baisse d'activité imprévisible;

- que la plaquette de transmission dudit prévisionnel comprenait un avertissement sur le caractère hypothétique de la simulation réalisée;

- que l'appelante mélange la réalisation du prévisionnel en mars 2016 avec l'établissement du bilan 2015-2016, lequel était effectivement erroné.

A l'appui de ses déclarations, la SARL Rabiot [Z] verse aux débats :

- un courriel que lui a envoyé M. [J] [U] de la SARL Cebac le 9 mars 2016 (17:26), aux termes duquel: 'la capacité d'autofinancement dépasse nettement le besoin de trésorerie pour rembourser le capital de l'emprunt, laissant même une marge pour d'éventuelles acquisitions futures de matériel';

- ainsi qu'une pièce jointe 'Etudes diverses' contenant un 'prévisionnel de développement avec financement bancaire de 120.000 euros sur cinq ans', lequel projette notamment, un chiffre d'affaires (ventes + production réelle) de 978.000 €, un excédent brut d'exploitation de 54.820 €, une capacité d'autofinancement de 45.520 €, un résultat bénéficiaire de 34.057 € et des besoins en fonds de roulement de 89.360 € au terme de l'exercice 2015-2016.

De son côté, la SARL Cebac produit une page d'avertissement (2/31) extraite d'un document référencé 'Rabiot [Z] Prévisionnel - (Euro)', aux termes de laquelle : « Le présent rapport de simulation constitue un outil dans la gestion qui exploite des données et des réponses fournies par le chef d'entreprise sous sa responsabilité. Notre Cabinet, qui a mis tous les moyens nécessaires à la réalisation de la prestation ne supporte pas d'obligation de résultat. Les projections réalisées n'ayant qu'une valeur indicative, nous ne garantissons pas quelles seront vérifiées sur la période analysée ».

Il n'est pas contesté que le prévisionnel litigieux a été réalisé sur la base de prévisions de chiffre d'affaires communiquées par l'appelante.

Indépendamment de la réception ou non par la SARL Rabiot [Z] du message d'avertissement susvisé, le seul fait que les prévisions de chiffre d'affaires et de résultat annoncées par l'intimée n'aient pas été réalisées au terme de l'exercice 2015-2016 n'emporte pas la preuve d'un manquement de cette dernière à ses obligations contractuelles de fiabilité et de conseil.

En l'espèce, l'appelante ne démontre pas le manque de fiabilité des prévisions en cause au moment de leur détermination, ni que l'expert-comptable lui ait transmis une information erronée en lui indiquant une capacité d'autofinancement compatible avec la souscription du prêt professionnel litigieux, d'autant qu'il n'a pas été rapporté d'incident à l'occasion du remboursement de ce crédit.

Concernant le bilan 2015-2016

La SARL Rabiot [Z] soutient que le bilan de l'exercice comptable 2015-2016 est erroné.

L'intimée ne conteste pas avoir commis des erreurs, précisant qu'il s'agit d'écritures de factures en doublon ayant majoré un encours de travaux et une mauvaise comptabilisation du CICE pour la période de septembre/octobre 2016.

Concernant la teneur des erreurs commises et leurs répercussions immédiates, la SARL Cebac verse aux débats un courriel adressé le 10 janvier 2018 (14:10) à M. [Z], en sa qualité de gérant de l'appelante, par M. [O], en sa qualité de gérant de l'intimée, lequel:

- précise les trois principales erreurs commises au moment de la réalisation du bilan au 30 septembre 2016, soit :

* le fait de passer des factures à établir pour 5.436,36 € HT à 10% et pour 35.833,02 € HT à 20%, alors que de telles factures n'ont pas été établies en octobre 2016;

* le fait d'avoir passé deux fois la somme de 35.833,02 € HT, ce qui a eu pour conséquence de majorer d'autant la version erronée du bilan;

* et le fait d'avoir porté en produit un règlement 'SNPH (Morin Ferec)' de 8.319,60 €, alors que ce dernier devait solder le compte client, ce qui a encore majoré de cette somme la version erronée du bilan;

- relate les circonstances de leur découverte à l'occasion de la réalisation du bilan de l'exercice 2016-2017 clos au 30 septembre 2017;

- et indique leurs conséquences, d'une part, en matière comptable, soit le passage du résultat pour l'exercice 2015-2016 de + 18.284 euros à - 27.000 euros, et d'autre part, en matière fiscale, soit l'absence d'incidence de la rectification conseillée sur la déclaration de l'impôt sur les sociétés et sur les remboursements perçus en crédit d'impôt sur la période considérée, au vu des déficits antérieurs qui restaient à imputer.

De la comparaison des deux versions, l'une erronée, l'autre rectifiée, du bilan et du compte de résultat au 30 septembre 2016 de l'exercice 2015-2016, il ressort notamment :

- à l'actif du bilan, des créances :

* 'Clients et comptes rattachés' d'un montant net erroné de 212.934,10 €, rectifié à hauteur de 166.765,44 €, soit une minoration de - 46.168,66 €;

* 'Autres créances' d'un montant net erroné de 36.019,61 €, rectifié à hauteur de 30.261,78 €, soit une minoration de - 5.757,83 €;

- au passif du bilan un résultat de l'exercice erroné de +18.284,03 €, rectifié à hauteur de - 29.390,37 €, soit une minoration de - 47.674,40€;

- et au compte de résultat, un chiffre d'affaires net erroné de 937.345,84 €, rectifié à hauteur de 896.024,16 €, soit une minoration de - 41.321,68 €.

En l'espèce, il est établi que des erreurs de comptabilité ont été commises lors de la réalisation du bilan au 30 septembre 2016 de l'exercice 2015-2016, ce qui démontre un manquement contractuel de l'intimée à son devoir de fiabilité dans la présentation des comptes annuels de la SARL Rabiot [Z].

Sur le défaut de qualification d'expert-comptable de M. [U]

L'appelante prétend :

- que le prévisionnel et le bilan 2015-2016 litigieux ont été réalisés par M. [J] [U], lequel était salarié de l'intimée, mais ne disposait pas de la qualité d'expert-comptable, étant précisé que la signature de ce dernier figure également sur la lettre de mission contestée du 16 février 2006;

- que la SARL Cebac a commis une faute supplémentaire en confiant à une personne non-qualifiée la responsabilité de valider l'ensemble de ses obligations comptables.

L'intimée ne conteste pas l'absence de qualification d'expert-comptable de M. [J] [U] au moment de la réalisation du prévisionnel et du bilan litigieux.

Au demeurant, la cour ne dispose pas d'élément susceptible d'établir la qualité d'expert-comptable de M. [U] au 30 septembre 2016.

S'il ressort de la lettre adressée le 18 janvier 2018 par M. [O] ( pour Cebac) au service des impôts des entreprises que les erreurs de comptabilité ont été commises par M. [U], il n'est pas rapporté que ce dernier a validé les documents comptables de l'appelante, notamment la version erronée du bilan 2015-2016, étant précisé que le nom et la signature de ce dernier ne figurent sur aucune des attestations d'examen jointes aux comptes annuels de la SARL Rabiot [Z] pour les exercices 2014-2015, 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018.

Dans ces conditions, la cour ne peut attacher aucune conséquence juridique au défaut éventuel de la qualité d'expert-comptable de M. [U].

2/ Sur les demandes d'indemnisation des fautes commises

Sur le préjudice financier lié aux honoraires facturés en 2015

L'appelante fait valoir qu'en raison des fautes commises par M. [U] dans la réalisation du prévisionnel et du bilan erronés, elle doit être remboursée par l'intimée des prestations comptables et de conseil correspondantes, facturées à hauteur de 3.205,20 € TTC, soit [671 x 3 + 658 =] 2.671 € HT + 20%, selon les quatre notes d'honoraires trimestrielles versées aux débats pour l'exercice 2015-2016.

L'intimée souligne que les erreurs d'écriture dans le cadre de l'édition du bilan au 30 septembre 2016 :

- sont postérieures à la réalisation du prévisionnel de mars 2016 et à l'obtention du prêt professionnel de 120.000 €, si bien qu'elles n'ont pu interférer avec ces deux opérations;

- et n'ont pas eu de répercussion sur le calcul de l'impôt sur les sociétés au 30 septembre 2016, ni sur les remboursements effectués au titre du CICE 2015;

- de sorte qu'elles n'ont généré aucun préjudice indemnisable, la rectification opérée en janvier 2018 ayant remis l'appelante dans la situation qui aurait été la sienne en leur absence.

La SARL Cebac justifie des circonstances de la révélation, puis de la rectification des erreurs commises dans la réalisation du bilan au 30 septembre 2016 de l'exercice 2015-2016 en produisant :

- le courriel adressé le 10 janvier 2018 (14:10) à M. [Z] par M. [O], lequel relate les circonstances de leur découverte à l'occasion de la réalisation du bilan de l'exercice 2016-2017 clos le 30 septembre 2017;

- le courriel de réponse adressé le même jour (16:04) à M. [O] par M. [Z], aux termes duquel le second indique au premier : 'En ce qui concerne le bilan tu fais pour le mieux, je te fais confiance';

- le rapport de gestion rectificatif pour l'exercice 2015-2016, daté du 21 décembre 2017, qui mentionne un résultat déficitaire à hauteur de 29.390,37 €;

- et la lettre adressée le 14 février 2018 au greffe du tribunal de commerce du Havre, à laquelle est jointe une assemblée générale rectificative d'approbation des comptes clos le 30 septembre 2016 pour la SARL Rabiot [Z], suite à une rectification du bilan de l'exercice 2015-2016 de cette société, ainsi que le récépissé de dépôt du 16 février 2022 qui lui a été adressé en retour.

En l'espèce, l'appelante échoue à démontrer l'existence d'un préjudice financier correspondant aux honoraires de comptabilité qui lui ont été facturés en 2015 par suite des erreurs de comptabilité commises à l'automne 2016, dans le cadre de la réalisation du bilan au 30 septembre 2016 de l'exercice 2015-2016.

En effet, ces erreurs sont postérieures au prévisionnel du 9 mars 2016, ainsi qu'au prêt professionnel du 28 avril 2016 et ont été rectifiées, dès leur révélation, après information et avec l'assentiment expresse de M. [Z], étant souligné qu'elles n'ont pas généré un surplus de charge fiscale.

Dès lors, il convient de débouter la SARL Rabiot [Z] de ce chef de demande.

* Sur le préjudice financier lié au coût du prêt professionnel du 28 avril 2016

L'appelante prétend :

- qu'elle n'aurait pas contracté le prêt professionnel de 120.000 € du 28 avril 2016, si la SARL Cebac n'avait pas commis des fautes dans la réalisation du prévisionnel, puis du bilan de l'exercice 2015-2016;

- que ce prêt a provoqué une aggravation de son passif au point de menacer sa pérennité financière;

- qu'au vu de sa situation réelle, l'intimée aurait dû lui conseiller de ne pas souscrire un tel crédit, de continuer à utiliser son découvert autorisé, dont le coût était moins onéreux, en termes d'agios par an, et de limiter sa masse salariale, ce qu'elle n'a pas fait;

- et qu'en raison des manquements de la SARL Cebac à ses obligations de conseil et de fiabilité, elle doit être indemnisée d'un préjudice financier à hauteur d'une somme 11.249,45 € correspondant au montant des intérêts, de l'assurance et des frais de dossier/garanties facturés sur le fondement du prêt litigieux.

L'intimée affirme en retour :

- que l'existence d'un préjudice de perte de chance de ne pas contracter le prêt en cause n'est pas rapportée par la SARL Rabiot [Z];

- étant rappelé que l'appelante opère à dessein une confusion entre d'une part, le prévisionnel de mars 2016, lequel est dépourvu d'erreur, et d'autre part, le bilan du 30 septembre 2016, lequel contenait des erreurs qui ont été rectifiées dès leur révélation, sachant que ces deux actes, prévisionnel et bilan, n'entretiennent aucun rapport entre eux;

- que le prêt professionnel en cause a été contracté pour financer des besoins de trésorerie, soit la reprise d'un découvert, à hauteur de 100.000 €, et l'obtention de fonds de roulement, à hauteur de 20.000 € ;

- que l'appelante l'a sollicité, afin d'éviter la survenance d'un état de cessation des paiements et de conserver une cotation favorable, la Banque de France lui ayant indiqué qu'il valait mieux contracter un crédit plutôt que d'entretenir et d'aggraver un découvert courant depuis plusieurs années, soit - 47.443,46 € au 30 septembre 2014, - 62.324,12 € au 30 septembre 2015 et -71.234,67 € au 30 avril 2016;

- que les résultats de la SARL Rabiot [Z] ont été déficitaires de l'exercice 2014-2015 à l'exercice 2017-2018 (-48.469 € en 2014-2015, -29.390 € en 2015-2016, -87.993 € en 2016-2017 et -19.605 € en 2017-2018);

- et que les comptes bancaires de la SARL Rabiot [Z] ont diminué chaque année, malgré l'injection de 120.000 € de mai 2016 (142.037 € en 2015, 115.104 € en 2016, 56.597 € en 2017 et 19.172  € en 2018);

- de sorte qu'il est inexact d'indiquer qu'en l'absence d'erreur dans le prévisionnel, l'appelante n'aurait pas souscrit un tel prêt, étant précisé que le crédit professionnel était nécessaire à la survie de l'entreprise et qu'il n'a pas obéré sa situation financière, les échéances de remboursement ayant été respectées.

La SARL Rabiot [Z] verse aux débats :

- une situation comptable du 1er octobre 2015 au 31 janvier 2016 réalisée par la SARL Cebac, dont il ressort au 31 janvier 2016 :

* des créances 'clients et comptes rattachés' d'un montant net de 240.975,97 € (contre 187.070,34 € lors de l'exercice précédent);

* des 'ventes de marchandises' pour un montant de 305.492,34 € (contre 848.609,44 € lors de l'exercice précédent);

* et un bénéfice de 11.679,29 € (contre un déficit de 48.468,76 € lors de l'exercice précédent);

* étant précisé que ce document a été transmis à la banque CIC le 8 mars 2016 dans le cadre de la souscription du prêt professionnel de 120.000 €;

- le contrat de crédit professionnel souscrit par M. [Z] le 28 avril 2016 auprès du CIC Nord Ouest pour un montant de 120.000 €, au taux débiteur fixe de 2,7% l'an, avec assurance, remboursable en 60 mensualités de 2.140,28 €, dont l'objet est formulé comme suit : 'trésorerie reprise découvert 100ke + 20ke de fdr';

- ainsi qu'un tableau d'amortissement prévisionnel déterminant le coût de l'emprunt à hauteur de 10.979,45 €, dont 8.452,45 € d'intérêts et 2.527 € d'assurance;

- et un courriel du 6 juillet 2016 (14:37) adressé par M. [U], l'informant de la finalisation de la situation comptable de l'entreprise au 30 avril 2016, dont il ressort une excédent brut d'exploitation à l'équilibre de 10.274 € et un résultat net de + 23.406 €.

L'intimée produit un tableau d'amortissement du même emprunt jusqu'à l'échéance de mai 2021, lequel fixe son coût à hauteur d'un montant de 10.937,05 € correspondant aux seuls intérêts, en l'absence d'assurance.

En l'espèce, l'appelante échoue à démontrer l'existence d'un préjudice financier correspondant au coût du prêt susvisé de 120.000 €.

En effet, aucun manquement contractuel de l'intimée à ses devoirs de fiabilité et de conseil n'est rapporté concernant :

* la détermination du prévisionnel du 9 mars 2016;

* les situations comptables arrêtées aux 31 janvier 2015 et 30 avril 2015;

* et la souscription du prêt en cause, dont l'objet était en adéquation avec la situation économique de la SARL Rabiot [Z] au 28 avril 2016, étant observées l'intérêt commercial pour l'emprunteur de substituer au crédit à un découvert, afin de bénéficier d'une meilleure cotation financière, et l'absence de preuve d'incidents de remboursement dudit prêt.

Par ailleurs, les erreurs de comptabilité commises à l'automne 2016, dans le cadre de la réalisation du bilan au 30 septembre 2016 sont postérieures au prévisionnel du 9 mars 2016, ainsi qu'au prêt professionnel du 28 avril 2016, et ont été rectifiées, dès leur révélation, après information et avec l'assentiment expresse de M. [Z], étant souligné qu'elles n'ont pas généré de surplus de charges, notamment fiscales, pour la SARL Rabiot [Z].

Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL Rabiot [Z] de sa demande d'indemnisation sur ce point.

Sur le préjudice de perte de chance de remédier aux pertes de l'entreprise entre la commission des fautes et leur rectification

La SARL Rabiot [Z] soutient :

- que les erreurs commises par l'intimée dans l'établissement du bilan pour l'exercice comptable 2015-2016 (clos le 30 septembre 2016) lui ont été révélées le 10 janvier 2018, ce qui a retardé de plus d'un an la mise en 'uvre de mesures correctives afin d'éviter d'aggraver le passif de l'entreprise au cours de l'exercice comptable 2016-2017 et de rétablir sa situation économique en limitant ses charges, notamment par la réduction de 50% du salaire de son gérant;

- que la gestion d'une entreprise bénéficiaire à hauteur de 18.284 € (version erronée du bilan 2015-2016) n'est pas la même que la gestion d'une entreprise déficitaire à hauteur de 29.390 € (version rectifiée du bilan 2015-2016);

- qu'elle a subi, en conséquence des manquements de l'intimée à ses obligations de conseil et d'information, un préjudice de perte de chance d'un montant de 65.059,50 € correspondant à 75% de la somme totale des pertes de l'entreprise pour l'exercice 2016-2017 (86.746 €).

L'appelante ajoute que les mesures correctives qu'elle a décidé de mettre en place, notamment de réduction de la masse salariale de l'entreprise, à compter de la révélation en janvier 2018 des erreurs commises par la SARL Cebac, lui ont permis d'enregistrer un résultat net comptable bénéficiaire de 50.446 € lors de l'exercice 2018-2019.

La SARL Cebac fait valoir :

- que l'appelante ne rapporte pas la preuve que le prêt professionnel de 120.000 € a eu pour conséquence d'aggraver sa situation financière, laquelle était déficitaire depuis 2015;

- que l'indemnisation de la chance perdue, laquelle ne doit pas être confondue avec le bénéfice que le requérant aurait retiré de la survenance de l'évènement favorable, correspond à une fraction plus ou moins importante de l'avantage espéré selon la probabilité de sa survenance, dont l'appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond;

- que les coûts de maintien du découvert (agios) auraient été supérieurs aux intérêts du prêt professionnel contracté;

- qu'il n'existe pas de lien de causalité entre les erreurs commises dans le cadre du bilan du 30 septembre 2016 et le résultat négatif de l'exercice 2016-2017, dont la SARL Rabiot [Z] sollicite l'indemnisation à 75%, au titre d'une perte de chance de la faculté d'y remédier, d'autant que cette dernière n'indique pas les mesures qui auraient pu être prises pour limiter l'aggravation de son passif.

Il résulte des pièces comptables versées aux débats :

- que le chiffre d'affaires net réalisé lors de l'exercice 2015-2016 (896.024,16 €) est nettement supérieur à celui des exercices 2014-2015 (848.609,44 €), 2016-2017 (719.724,15 €), 2017-2018 (782.497,81 €) et 2018-2019 (792.773 €);

- que les salaires et traitements évoluent à la baisse depuis l'exercice 2015-2016 (331.452 €, dont 121.006 € de « rémunération gérant »), soit 319.636 €, dont 117.650 € de rémunération gérant, pour l'exercice 2016-2017, 269.987 €, dont 95.818 € de rémunération gérant, pour l'exercice 2017-2018 et 273.712 €, dont 46.500 € de rémunération gérant, pour l'exercice 2018-2019, étant précisé que la diminution continue de la rémunération du gérant remonte à l'exercice 2014-2015 (318.420 €, dont 138.444 € de rémunération gérant);

- et que le résultat net était déficitaire lors des exercices 2014-2015 (- 48.468,76 €), 2015-2016 (- 29.390,37 €), 2016-2017 (- 87.993,08 €) et 2017-2018 (- 19.605,05 €), avant de redevenir bénéficiaire lors de l'exercice 2018-2019 (+ 50.446 €).

En l'espèce, l'appelante échoue à démontrer l'existence d'un lien de causalité entre les erreurs commises dans le cadre du bilan du 30 septembre 2016 et les pertes subies par l'entreprise au cours de l'exercice 2016-2017.

En effet, il résulte de l'analyse des pièces comptables ci-dessus énoncées que ces pertes résultent pour l'essentiel d'une baisse de chiffre d'affaires, lequel a chuté de 896.024,16 €, lors de l'exercice précédent, à un plancher de 719.724,15 €, soit une réduction de - 176.300,01 € (- 19,7%), avant un rétablissement progressif au cours des deux exercices postérieurs jusqu'à un montant de 792.773 €, lors de l'exercice 2018-2019; que la réduction des charges de traitements et salaires n'a pas été engagée suite à la découverte, en janvier 2018, des erreurs commises dans le cadre du bilan au 30 septembre 2016, mais à partir de l'exercice 2015-2016, voire dès l'exercice 2014-2015 concernant la rémunération de M. [Z].

Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL Rabiot [Z] de sa demande d'indemnisation sur ce point.

Sur le préjudice de perte du délai de paiement de 45 jours

L'appelante fait valoir :

- que le délai de paiement de 45 jours associé à la garantie 'Sfac', dont elle bénéficiait auprès de ses fournisseurs de matières premières en raison de sa cotation 'H4' auprès de la Banque de France, lui a été retiré le 16 avril 2018, suite à la dégradation de sa note par la compagnie Euler Hermès, jusqu'au 14 mars 2019, date du rétablissement d'une cotation favorable 'H5+';

- que la perte temporaire dudit délai a été provoquée par l'avis de dépôt du bilan 2015-2016 rectifié au greffe du tribunal de commerce (publié au BODACC le 9 mars 2018), que l'intimée a effectué sans information, ni conseil préalable quant à ses conséquences en matière de cotation, étant rappelé que la rectification procédait elle-même des erreurs commises par l'un de ses salariés, M. [U], lesquelles avaient aggravé le passif de la SARL Rabiot [Z] en retardant la mise en place des mesures correctives nécessaires et partant la récupération d'une cotation favorable;

- que la contemporanéité du dépôt du bilan 2015-2016 rectifié et de la dégradation de sa notation suffit à démontrer l'existence d'un lien de causalité entre les deux évènements;

- qu'elle a subi, en conséquence de la dégradation temporaire de sa notation par la compagnie Euler Hermès, un préjudice financier évalué à 36.789 € par l'expert-comptable de la SARL Rabiot [Z].

L'intimée soutient qu'il n'existe pas de lien de causalité entre, d'une part, la perte, le 16 avril 2018, du délai de paiement de 45 jours, et d'autre part, le prévisionnel de mars 2016 ou la rectification, le 18 janvier 2018, des erreurs commises dans le cadre du bilan du 30 septembre 2016, ajoutant :

- que la dégradation de la notation était justifiée par la baisse des capitaux propres de l'entreprise;

- qu'au vu des résultats déficitaires de l'appelante depuis 2015, cette dernière n'aurait pas dû bénéficier des garanties d'Euler Hermès jusqu'au 15 avril 2018, de sorte qu'elle n'a subi aucun préjudice à ce titre;

- et que la SARL Rabiot [Z] ne justifie pas du principe, ni du quantum du préjudice, étant rappelé qu'elle se prévaut d'une perte de chance de bénéficier du délai de paiement de 45 jours, laquelle ne peut être égale à la totalité de l'avantage perdu.

L'appelante produit à l'appui de ses déclarations :

- une lettre de la Banque de France du 4 mars 2015, l'informant de sa cotation 'H4';

- une lettre de la compagnie Euler Hermès l'informant le 16 avril 2018 de la perte des encours de garantie portés sur l'entreprise, sans préciser les motifs de ce retrait ;

- un échange de courriels des 7 juin et 1er août 2018 entre le gérant de la SARL Rabiot [Z] et l'un de ses fournisseurs, la menuiserie Reveau, le second indiquant au premier la nécessité de payer par virement à la commande, suite au retrait de la garantie 'Sfac', soit du délai de paiement qui lui est associé;

- une capture d'écran du site 'https://infosacheteurs.eulerhermes.com' justifiant du bénéfice d'une notation Euler Hermès France "9" au 19 juillet 2018, laquelle correspond à la garantie d'un encours global inférieur à 5.000 € ;

- une attestation réalisée le 9 novembre 2018 par M. [P] [Y] de la société Cofigec, intervenant ès-qualités d'expert-comptable de la SARL Rabiot [Z], aux termes de laquelle la perte du délai de paiement de 45 jours auprès de fournisseurs de matières premières entraîne une dégradation financière moyenne calculée comme suit : achats de matières premières de l'année HT / 360 jours x 45 jours x 1,20; ce qui correspond, dans le cas de l'appelante et d'après ses derniers états financiers connus (exercice clos le 30 septembre 2017), à une perte de [245.260 / 360 x 45 x 1,20 =] 36.789 €;

- un courriel du 8 janvier 2019 de la société Yvon & Fils (fournisseur de bois et dérivés) l'informant que suite à un avis de résiliation totale de toute garantie venant de la Sfac (Compagnie Euler Hermès) du 28 décembre, 'la seule solution est de régler au comptant ou par virement';

- et une lettre de la Banque de France du 14 mars 2019, l'informant de sa cotation 'H5+'.

En l'espèce, l'appelante échoue à démontrer l'existence d'un lien de causalité entre, d'une part, la perte, le 16 avril 2018, du délai de paiement de 45 jours, et d'autre part, l'avis de dépôt du bilan 2015-2016 rectifié au greffe du tribunal de commerce (publié au BODACC) le 9 mars 2018.

En effet, d'une part, les résultats de l'entreprise étaient déficitaires depuis l'exercice 2014-2015, et d'autre part, les fondements économiques et financiers de la dégradation de la cotation attribuée par la Banque de France, ainsi que de la notation attribuée par la compagnie Heuler Hermès, ne sont pas connus, étant rappelé que la SARL Cebac démontre avoir informé la SARL Rabiot [Z] des erreurs commises dès leur révélation, par courriel du 10 janvier 2018 (14:10), suivi d'une lettre du 18 janvier 2018.

Dans ces conditions, la contemporanéité entre le dépôt du bilan rectifié et le retrait temporaire de la garantie « Sfac » ne suffit pas à démontrer que le préjudice revendiqué au titre de la perte du délai de paiement de 45 jours, entre le 16 avril 2018 et le 14 mars 2019, procède des erreurs comptables de l'intimée dans le cadre du bilan 2015-2016.

En l'absence de preuve d'un rapport de cause à effet entre la rectification des erreurs comptables et la dégradation de la notation « Euler Hermès », il ne peut être reproché à la SARL Cebac, dans le cadre de son devoir général de conseil, de ne pas avoir alerté l'appelante sur la perte éventuelle de ses délais de paiement.

Dès lors, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL Rabiot [Z] de sa demande d'indemnisation sur ce point.

Sur le préjudice d'atteinte à l'image

La SARL Rabiot [Z] prétend :

- que les manquements de l'intimée à ses obligations en matière de comptabilité et de conseil ont entraîné la détérioration de son image auprès de ses interlocuteurs (banque, fournisseurs, administration fiscale), étant précisé que plusieurs de ses fournisseurs lui ont refusé le bénéfice de délais de paiement suite au retrait de la garantie 'Sfac';

- que son préjudice d'image doit être indemnisé à hauteur de 5.000 €.

La SARL Cebac fait valoir que l'appelante ne justifie pas du principe, ni du quantum de son préjudice moral d'image, à défaut de rapporter la preuve d'une quelconque atteinte à la réputation de l'entreprise, dont la situation financière n'est pas imputable aux erreurs commises dans le cadre du bilan 2015/2016.

En l'espèce, l'appelante se réclame d'un préjudice d'image consécutif au retrait temporaire de son délai de paiement de 45 jours.

Compte tenu, d'une part, du défaut préétabli d'un lien de causalité entre ce retrait et les erreurs comptables commises dans le cadre du bilan 2015-2016, et d'autre part, de l'absence de preuve d'un manquement correspondant de l'intimée à son devoir de conseil, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SARL Rabiot [Z] de sa demande d'indemnisation sur ce point.

Sur l'abandon de l'indemnité liée au redressement des charges

L'appelante indique abandonner sa demande portant sur une indemnité liée au redressement de charges sociales.

La SARL Cebac donne acte de l'abandon de la prétention de la SARL Rabiot [Z] à ce titre.

Dès lors, la cour constate l'abandon par l'appelante de sa demande d'indemnisation sur ce point.

Sur les demandes accessoires

La SARL Rabiot-[Z], qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens d'appel.

Enfin, il paraît inéquitable de laisser à la charge de la SARL Cebac ses frais irrépétibles d'appel non compris dans les dépens, qu'il convient d'évaluer à la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité de procédure allouée en première instance, justement évaluée en équité à la somme de 1.500 €, qui sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

- CONSTATE l'abandon de la demande de la SARL Rabiot [Z] portant sur l'indemnité liée à un redressement des charges sociales;

- CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Y ajoutant,

- DEBOUTE la SARL Rabiot [Z] du ses demandes en cause d'appe;

- CONDAMNE la SARL Rabiot [Z] à payer à la SARL Cebac Audit Conseil [Localité 2] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- CONDAMNE la SARL Rabiot [Z] aux dépens d'appel;

- et DEBOUTE la SARL Cebac Audit Conseil [Localité 2] du surplus de ses demandes.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/05110
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;20.05110 ?
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