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08/09/2022 | FRANCE | N°20/02177

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 08 septembre 2022, 20/02177


ARRET

























S.A. AXA FRANCE IARD

S.A.S. NORMANDE DE DISTRIBUTION (ANCIENNEMENT MUTANT DIST RIBUTION)









C/







Etablissement Public OISE HABITAT OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DES COMMUN ES DE L'OISE

Compagnie d'assurance SMACL













DB





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 8 SEPTEMBRE 2022







N° RG 20/02177 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HW2M





JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SENLIS EN DATE DU 12 MAI 2020







PARTIES EN CAUSE :





APPELANTES







S.A. AXA FRANCE IARD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domicilés en cette qualité audit siège

[...

ARRET

S.A. AXA FRANCE IARD

S.A.S. NORMANDE DE DISTRIBUTION (ANCIENNEMENT MUTANT DIST RIBUTION)

C/

Etablissement Public OISE HABITAT OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DES COMMUN ES DE L'OISE

Compagnie d'assurance SMACL

DB

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 8 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/02177 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HW2M

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SENLIS EN DATE DU 12 MAI 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTES

S.A. AXA FRANCE IARD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domicilés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Isabelle MAIGRET de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat postulant au barreau de SENLIS, vestiaire : 160, et ayant pour avocat plaidant Me Xavier MARCHAND, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. NORMANDE DE DISTRIBUTION (ANCIENNEMENT MUTANT DISTRIBUTION), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domicilés en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle MAIGRET de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat postualant au barreau de SENLIS, vestiaire : 160, et ayant pour avocat plaidant Me Xavier MARCHAND, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEES

ETABLISSEMENT PUBLIC OISE HABITAT OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DES COMMUN ES DE L'OISE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domicilés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Frédéric MALINGUE substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65, et ayant pour avocat plaidant Me Bernard RAPP, avocat au barreau de LILLE

Compagnie d'assurance SMACL, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domicilés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Frédéric MALINGUE substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65, et ayant pour avocat plaidant Me Bernard RAPP, avocat au barreau de LILLE

DEBATS :

A l'audience publique du 03 Février 2022 devant :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

et Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Avril 2022.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Vanessa IKHLEF

PRONONCE :

Le délibéré a été prorogé au 08 septembre 2022.

Le 08 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre a signé la minute avec Madame Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La SAS Mutant Distribution, ci-après Md, devenue la société Normande de distribution, ci-après Sndd, ayant pour activité l'exploitation de magasins supermarchés sous différentes enseignes, a conclu le 23 novembre 2011 un bail commercial avec l'Office public de l'habitat des communes de l'Oise, ci-après Oise Habitat, pour l'exploitation d'un local à usage commercial au sein d'un centre commercial situé à [Localité 7]), sous l'enseigne Leader Price, depuis le mois d'avril 2011.

Ce magasin était assuré auprès de la SA Axa France IARD.

Un incendie s'est déclaré le 24 mai 2014 vers 4 heures du matin dans le local commercial exploité par la SAS Md, lequel a complétement détruit le bâtiment abritant les surfaces de vente et occasionné des dommages importants aux bâtiments abritant la réserve, les locaux techniques et les bureaux.

Le sinistre a été déclaré à la SA Axa le 26 mai 2014.

Une enquête a été diligentée par la police judiciaire.

Dans ce cadre, une mission de recherche des causes de l'incendie a été confiée au centre de formation incendie Fort de [Localité 8].

Compte tenu de l'état de dégradation du bâtiment, la commune de [Localité 7] a saisi le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens, le 28 mai 2014, d'une requête tendant à la désignation d'un expert chargé d'examiner les locaux sinistrés et de donner son avis, le cas échéant, sur les mesures provisoires et immédiates à mettre en oeuvre.

Suivant ordonnance du même jour, le tribunal administratif d'Amiens a désigné Madame [Y] [D] en tant qu'expert, dont le rapport a conclu à la nécessité de procéder à la démolition complète du bâtiment, compte tenu de l'existence d'un péril imminent, l'attention des parties étant attirée par ailleurs sur le pourrissement des denrées alimentaires restées en place et irrécupérables, ainsi que sur le développement d'insectes.

Le maire de la commune de [Localité 7] a pris un arrété de péril imminent le 10 juin 2014 et prescrit la mise en oeuvre de mesures d'interdiction d'accès au site et l'engagement des mesures de destruction par Oise Habitat dans un délai de deux à trois semaines.

La SAS Md et la SA Axa ont saisi le président du tribunal de grande instance de Senlis, afin d'obtenir l'organisation d'une mesure d'expertise en vue, notamment, de faire procéder à toute constatation, mesure conservatoire ou prélèvements utiles en relation avec l'incendie, pour notamment rechercher les éléments d'origine technique permettant de déterminer le ou les causes de l'incendie, décrire les mesures devant être prises, chiffrer l'ensemble des dommages et donner un avis sur les éléments permettant à la juridiction ultérieurement saisie de statuer sur les responsabilités.

Suivant ordonnance du 8 juillet 2014, le président du tribunal de grande instance de Senlis a ordonné une mesure d'expertise et désigné M. [J] [N] pour y procéder.

L'enquête pénale a conclu le 21 novembre 2014 à l'absence d'éléments en faveur d'une origine criminelle de l'incendie.

L'office Oise Habitat a résilié le bail commercial par lettre signifiée le 23 décembre 2014, compte tenu de la destruction du lieu loué.

Par lettre du 22 juillet 2015, la commune de [Localité 7] a informé Oise Habitat et la SAS Md des nuisances provoquées par la putréfaction des denrées alimentaires, encore présentes sur le site, et les a mises en demeure de faire procéder à la désinfection du site sous cinq jours.

L'office Oise Habitat a fait intervenir deux sociétés sur le site.

L'expert judiciaire a rendu son rapport le 10 juin 2016, concluant que la cause de l'incendie était probablement à attribuer à une intervention humaine volontaire.

Suivant ordonnance de taxe du 2 novembre 2016, le président du tribunal de grande instance de Senlis, statuant en qualité de juge du contrôle des expertises, a limité le montant de la rémunération due à l'expert à 39.932,73 €, sur une demande de 42.242,53 €.

Suivant arrêt réputé contradictoire du 4 avril 2017, la cour d'appel d'Amiens a notamment confirmé l'ordonnance de taxe entreprise.

Suivant arrêt du 14 juin 2018 (n° 17-18.718), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé la décision de la cour d'appel Amiens et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Douai, laquelle, suivant arrêt du 10 mai 2019, a fait droit à la demande de rémunération de l'expert.

Par actes d'huissier des 21 et 24 novembre 2017, Oise Habitat et son assureur, la société d'assurance mutuelle Smacl, ont fait assigner la SAS Md et la SA Axa devant le tribunal de grande instance de Senlis, aux fins, notamment de:

- prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. [N];

- déclarer responsables la SAS Md et la SA Axa de l'entier préjudice subi par Oise Habitat, suite à 1'incendie, dont il a été victime le 24 mai 2014;

- les condamner conjointement et solidairement à payer à la Smacl, en sa qualité de subrogée dans les droits de Oise Habitat, la somme de 702.608 €, sauf mémoire avec intérêts à compter de la délivrance de l'assignation;

- les condamner conjointement et solidairement à payer à Oise Habitat la somme de 169.490,56 €, avec intérêts à compter de la délivrance de l'assignation.

Suivant jugement contradictoire du 12 mai 2020, le tribunal judiciaire de Senlis a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Sndd et la SA Axa;

- débouté Oise Habitat et la Smacl de leur demande en nullité du rapport d'expertise judiciaire;

- déclaré la SAS Sndd et la SA Axa entièrement responsables des préjudices subis par Oise Habitat et la Smacl du fait de l'incendie survenu le 24 mai 2014;

- condamné in solidum la SAS Sndd et la SA Axa à payer la somme de 702.608 € à la Smacl, au titre de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter du jugement;

- condamné in solidum la SAS Sndd et la SA Axa à payer la somme de 39.384,74 € à Oise Habitat, au titre de ses préjudices, franchise comprise, avec intérêts au taux légal à compter du jugement;

- dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produisent des intérêts;

- condamné in solidum la SAS Sndd et la SA Axa aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les dépens du référé et le coût de l'expertise judiciaire;

- condamné in solidum la SAS Sndd et la SA Axa à payer la somme globale de 5.000 € à la SAS 'Sndd' et à la Smacl, au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement;

- et débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La SA Axa et la SAS Sndd ont interjeté appel de cette décision par déclaration du 11 juin 2020.

Aux termes de leurs dernières conclusions remises le 22 novembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, les appelants demandent à la cour de :

à titre principal,

- dire et juger que les demandes d'Oise Habitat et de la Smacl formulées à leur encontre sont irrecevables et mal fondées;

à titre subsidiaire,

- dire et juger que l'incendie est d'origine criminelle et constitue un cas fortuit ou un cas de force majeure exonérant le preneur de toute responsabilité;

en tout état de cause,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions;

- débouter Oise Habitat et la Smacl de l'ensemble de leurs demandes;

- condamner Oise Habitat et la Smacl à leur verser la somme de 200.000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et frais, en ce compris ceux exposés dans le cadre de l'expertise judiciaire.

Aux termes de leurs dernières conclusions d'intimés remises le 29 décembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, l'office Oise Habitat et la compagnie Smacl demandent à la cour de:

- réformer le jugement entrepris;

- prononcer la nullité du rapport d'expertise de M. [N];

en tout état de cause,

- rejeter le moyen tardif et irrecevable d'irrecevabilité-incompétence invoqué;

- déclarer responsable la SAS Sndd, anciennement Md, et sa compagnie d'assurances la SA Axa, de l'entier préjudice subi par Oise Habitat, suite à l'incendie dont elle a été victime le 24 mai 2014 et de ses conséquences;

- condamner in solidum la SAS Sndd et la SA Axa à payer à la Smacl, en sa qualité de subrogée dans les droits de Oise Habitat, la somme de 742.972 €, sauf mémoire avec intérêts à compter de la délivrance de l'assignation;

- condamner in solidum la SAS Sndd et la SA Axa à payer à Oise Habitat, la somme de 408.337,74 €, sauf mémoire avec intérêts à compter de la délivrance de l'assignation;

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts en vertu de l'article 1343-2 du code civil;

- débouter la SAS Sndd et la SA Axa de l'ensemble de leurs demandes;

- condamner in solidum la SAS Sndd et la SA Axa à leur payer une indemnité de 50.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les frais et dépens de première instance et d'appel, outre ceux de l'instance de référé et les frais d'expertise judiciaire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 janvier 2022.

SUR CE

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, 'les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.'

En l'espèce, les parties consacrent une partie de leurs conclusions (10 pages recto pour les appelantes et 8 pages recto-verso pour les intimés) à l'exposé des faits s'expliquant notamment sur l'expertise judiciaire. Il est utile de rappeler qu'en application des dispositions ci-dessus rappelées, la cour n'examine les moyens que s'ils sont invoqués dans la discussion.

- sur la recevabilité des demandes formées par Oise Habitat et la Smacl

Les premiers juges ont rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société normande de distribution et la société Axa France Iard, en retenant, après avoir rappelé que la Smacl et Axa assurances Iard ont adhéré en leur qualité de compagnie d'assurance à la convention Coral ; qu'il y a lieu de constater qu'aucune procédure d'escalade n'a été initiée par les parties; que néanmoins, il sera rappelé qu'aux termes de la convention Coral en son article premier, ses dispositions sont inopposables aux victimes, assurés ou tiers ; que par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L.124-3 du code des assurances que le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe contre l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ; que de même, si l'article 56 du code de procédure civile prévoit que l'assignation précise les diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige, ces dispositions ne sont pas prévues à peine d'irrecevabilité de la demande; qu'à titre surabondant, les sociétés défenderesses apparaissent mal fondées à soulever l'irrecevabilité des demandes au motif du non-respect de la convention Coral alors qu'elles sont elles-mêmes à l'origine de la saisine du juge des référés ayant abouti à la mise en 'uvre d'une expertise judiciaire.

En tout premier lieu, les appelantes concluent, à titre principal à l'irrecevabilité des demandes de l'Office public de l'habitat des communes de l'Oise, Oise Habitat, et de la société d'assurances Smacl Assurances, son assureur, pour ne pas avoir été précédées d'une démarche amiable, la procédure d'escalade, premier niveau de règlement amiable des litiges qui s'imposait en application de la convention de règlement amiable des litiges entre assureurs.

L'office Oise Habitat conclut, dans son dispositif de ses conclusions, au rejet de ce moyen, exposant dans la discussion que la demande tendant au constat de l'irrecevabilité de la demande initiale formulée pour la première fois en cause d'appel, est une prétention nouvelle des appelants émise tardivement en cause d'appel car elle n'est pas reprise dans les premières écritures d'appel; qu'elle contredit les dispositions des articles 564 à 566 du code de procédure civile.

Selon l'article 564 du code de procédure civile, 'Les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

L'article 565 de ce code dispose que 'les demandes ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement judiciaire est différent.'

L'article 566 prévoit que ' les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.'

En l'espèce, la demande en cause d'appel des appelants qui tend à voir déclarer les demandes d'Oise Habitat et de la société Smacl à leur encontre n'est pas nouvelle puisque les premiers juges ont statué sur cette même demande en écartant la fin de non recevoir soulevée par la SA Sndd et Axa France Iard au motif du non-respect de la convention Coral qui organise les modes alternatifs des conflits entre assureurs en évitant les procédures judiciaires, en instituant une procédure d'escalade en vue de parvenir à une résolution amiable du litige au sens de l'article 56 du code de procédure civile.

Elle n'est pas davantage irrecevable comme tardive en cause d'appel pour avoir été formulée pour la première fois dans leur troisième jeu de conclusions en date du 29 décembre 2021.

En effet l'irrecevabilité d'une prétention prévue à l'article 910-4 du code de procédure civile pour ne pas avoir été présentée dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, concerne les prétentions au fond, ce qui n'est pas le cas d'une fin de non-recevoir

En application des dispositions des articles 122 et 123 du code de procédure civile, la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent et peut être proposée en tout état de cause, y compris pour la première fois en cause d'appel.

Il est constant que la société Smacl et la société Axa France Iard, sont l'une et l'autre, adhérentes à la convention de règlement amiable des litiges (Coral) dont l'objet et les principes fondamentaux sont définis ainsi à l'article 1 :

' La présente convention a pour but de favoriser le règlement amiable des litiges entre assureurs en évitant les procédures judiciaires.

A cette fin, elle institue et organise une procédure d'escalade, de conciliation et d'arbitrage entre assureurs.

La procédure d'escalade vaut diligences en vue de parvenir à une résolution amiable du litige au sens de l'article 56 du code de procédure civile.

Les litiges entre assureurs auxquels des assurés ou des tiers lésés sont également intéressés doivent être traités selon cette convention.

Ses dispositions s'imposent aux assureurs adhérents mais sont inopposables aux victimes, assurés ou tiers.'

S'agissant de son champ d'application l'article 2 précise qu'elle s'applique aux litiges entre sociétés adhérentes relevant des branches définies par l'article R.321-1 du code des assurances dont 'incendie et éléments naturels'.

L'article 4 intitulé 'procédure d'escalade' stipule que les sociétés adhérentes sont tenues avant de recourir à la conciliation, à l'arbitrage ou à la saisine d'une juridiction d'état, d'épuiser toutes voies de recours dans le cadre de la procédure d'escalade.

En l'espèce, il n'est pas contesté qu'aucune procédure d'escalade n'a été initiée par les parties.

La Smacl a précisé avoir versé à Oise Habitat son assuré, l'indemnité immédiate d'un montant de 557.907 € le 29 mai 2015, une partie de l'indemnité différée d'un montant de 144.701 € le 22 mars 2017, soit une somme totale de 702.608 €, outre celle de 40.364 € par délégation correspondant aux honoraires d'expert d'assuré, de sorte que le règlement pour le compte de l'assuré se chiffre aujourd'hui à la somme de 742.972 €.

Si, comme le rappelle le tribunal, aux termes de la convention Coral, en son article 1er, es dispositions sont inopposables aux victimes, assurés ou tiers, tel n'est pas le cas de la SA Axa France Iard, assureur de la SAS Société Normande de Distribution (anciennement Mutant Distribution).

Dès lors, si les dispositions de la convention Coral ne sont pas opposables à la SAS Sndd, en ce qui concerne la demande de condamnation in solidum de cette société et de son assureur à payer à l'office Oise Habitat, bailleur, la somme de 408.337,74 €, de sorte qu'il ne peut être reproché aux demandeurs de ne pas avoir initié préalablement à la saisine du tribunal la procédure d'escalade, tel n'est pas le cas de la demande de condamnation in solidum de cette société et de son assureur au paiement à la société d'assurances Smacl Assurances, assureur de l'office Oise Habitat, en sa qualité de subrogée dans les droits d'Oise Habitat au paiement de la somme de 742.972 €, la convention Coral et la procédure d'escalade s'imposant aux deux sociétés d'assurances quand bien même la demande de condamnation en paiement serait elle présentée par l'assureur, Smalc, in solidum avec son assuré, qui doit être déclarée irrecevable.

Le jugement sera par conséquent infirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société d'assurances Axa France Iard et la Sndd, son assuré, de la demande de condamnation in solidum en paiement à la Smacl, en qualité de subrogé.

- sur les demandes de condamnation in solidum de la Sndd et de la société d'assurances Axa France Iard au paiement de diverses sommes à l'Office Oise Habitat

L'office Oise Habitat et la Smacl sollicite la condamnation de la Sndd et de son assureur au paiement de la somme de 408.337,74 € à l'office Oise Habitat se décomposant comme suit :

- le montant de l'indemnité différée non encore indemnisée par la Smacl de 235.667 €

- la franchise d'un montant de 5.000 €

- les loyers et indemnité d'occupation non perçus de Mutant Distribution sur la période du 24 mai 2014 au 31 mai 2016, soit 58.854,48 €

- les indemnités d'occupation non perçues de Mutant Distribution du 01er juin 2016 jusqu'au 31 décembre 2017, soit 45.756,75 €

- les indemnités d'occupation non perçues du 01er janvier 2018 jusqu'à la reconstruction de l'ouvrage : mémoire

- la dette locative pour inexploitation de la SARL La Tradition du blé arrêté au 31 décembre 2016, soit la somme de 28.038,59 €

- les dépenses engagées par Oise Habitat et s'élevant à la somme de 35.020,92 € :

* dératisation : 7.305,30 € TTC

* mise en place des protections latérales : 11.639,04 € TTC

* rideaux : 6.998,40 € TTC

* constat d'huissier : 456,18 € TTC

* occupation du domaine public : 2.442 € TTC

* diagnostics amiante supplémentaires : 180 € TTC

* diagnostics fluide frigorigène (chambre froide) : 2.280 € TTC

* enlèvement et mise en déchetterie : 3.180 €.

Au préalable, l'Office Oise Habitat avec son assureur sollicitent la réformation de la décision en ce qu'elle les a déboutées de leur demande en nullité du rapport d'expertise judiciaire.

C'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a débouté l'Office Oise Habitat et la Smacl de leur demande en nullité du rapport d'expertise judiciaire et condamné in solidum la société normande de distribution et la société Axa France Iard à payer la somme de 39.384,74 € à Oise Habitat au titre de ses préjudices, avec intérêts au taux légal à compter de ce jugement. La décision sera par conséquent confirmée de ces chefs, la cour observant qu'il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par les premiers juges.

En effet, le tribunal a rappelé justement, d'une part, les investigations menées dans le cadre de la procédure pénale, plus particulièrement par le Bureau Enquête Incendie, qui n'a pas conclu à une origine criminelle de l'incendie, et d'autre part celles effectuées par l'expert judiciaire lequel a adopté une toute autre position retenant que 'la cause de l'incendie est probablement à attribuer (avec les réserves d'usage découlant de la relative fiabilité des témoignages, mais aussi de la toujours possible interprétation erronée des indices) à une intervention humaine volontaire.'

C'est à juste titre que les premiers juges ont relevé que 'si les orientations de l'enquête pénale et de l'expertise judiciaire divergent, il n'en demeure pas moins que celles-ci prennent la précaution d'indiquer un avis quant à l'origine du sinistre et non une certitude absolue', et que 'les témoignages recueillis et l'exploitation de la vidéo surveillance ne corroborent pas l'hypothèse d'un acte volontaire', ainsi que 'l'abstention volontaire dans le cadre de l'expertise judiciaire' de communication à l'expert par la Sndd et Axa des France Iard de l'ensemble des documents relatifs à la réalisation de travaux dans un contexte de changement d'enseigne et de réaménagement intérieur 'radical' du magasin ayant justifié sa fermeture pendant quinze jours, et ont dit que ' dans un tel contexte, les conclusions de l'expert judiciaire ne peuvent être considérées qu'avec prudence alors que celui-ci n'a disposé d'aucune information actualisée quant à l'état réel du bâtiment avant l'incendie' .

Ils en ont déduit, à bon droit, qu'il ressortait « de l'ensemble des pièces communiquées par les parties que les causes précises de l'incendie restent à ce jour indéterminées, en dépit des multiples investigations réalisées.'

Les développements des parties en cause d'appel, les appelants pour conclure à la nullité de l'expertise judiciaire, les intimés pour conclure à un incendie d'origine criminelle, arguant des conclusions de l'expert, ne sont pas de nature à remettre en cause l'analyse des pièces ainsi effectuée par les premiers juges, aucune pièce nouvelle produite en appel le permettant.

Dès lors, et comme l'a décidé le tribunal, en vertu des dispositions prévues par l'article 1733 du code civil, 'il appartient à la société normande de distribution et à la société Axa France Iard de répondre des conséquences de l'incendie,' sauf à limiter les demandes aux demandes d'indemnisation de l'office Oise Habitat de ses préjudices.

En ce qui concerne les sommes réclamées par l'Office Oise Habitat en cause d'appel au titre des préjudices invoqués par elle et énoncés ci-dessus, le tribunal a rejeté la demande formée au titre de l'indemnité différée non encore indemnisée par la Smacl, celles au titre des loyers et indemnités d'occupation non perçus du 24 mai 2014 jusqu'à la reconstruction de l'ouvrage, motif pris que le bail en cours, a été résilié par Oise habitat par courrier signifié le 23 décembre 2014, sur le fondement de l'article 1722 du code civil, celle formée au titre d'une dette locative motif pris qu'Oise Habitat ne justifiait pas du maintien du bail de la Sarl Tradition du Blé alors que l'ensemble du bâtiment a été totalement détruit, ni de l'exigibilité de ces loyers, étant observé que la Sndd et Axa France Iard s'opposaient à cette demande en faisant valoir l'aveu judiciaire d'Oise Habitat, dans le cadre de l'instance en référé expertise introduite par la SARL Tradition du Blé, la cessation de l'exploitation résultant de l'exécution du jugement du tribunal d'instance de Senlis en date du 18 décembre 2013.

Les premiers juges ont retenu la franchise évaluée à 5.000 € et la somme de 34.384,74 € au titre des autres dépenses, rejetant la somme de 180 € correspondant au diagnostic amiante supplémentaire comme n'étant pas justifiée, et celle de 456,18 € au titre des frais de constat d'huissier.

Force est de constater, contrairement à ce que soutiennent la société Sndd et la Smacl que ces postes de préjudice sont justifiés par les pièces produites en première instance comme en cause d'appel à l'exception de la somme réclamée de 180 € au titre du diagnostic amiante supplémentaire, et c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la somme de 456,18 € au titre des frais de constat d'huissier étaient pris en compte au titre des frais irrépétibles.

Il convient, par conséquent, de condamner in solidum la société Sndd et la Smacl à payer à l'office Oise Habitat la somme de 39.384,74 € avec intérêts au taux légal à compter du jugement, s'agissant d'une demande indemnitaire; le jugement sera confirmé de ce chef de demande ainsi que du chef de la capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

C'est par des motifs exacts et pertinents adoptés par la cour que le tribunal a rejeté la demande en paiement de la somme de 235.667 € au titre de l'indemnité différée non encore indemnisée par la Smacl. La décision sera par conséquent confirmée de ce chef, la cour observant qu'il n'est produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation faite par les premiers juges, aucune pièce n'étant versée en cause d'appel comme en première instance relative à un projet ou à la réalisation d'une reconstruction du bâtiment.

- sur les autres demandes

Les sociétés Sndd et Axa France Iard succombent pour partie en cause d'appel, elles seront condamnées aux dépens de première instance outre ceux de l'ordonnance de référé et les frais de l'expertise judiciaire et d'appel, ainsi qu'au paiement de l'indemnité de procédure allouée en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties leur frais irrépétibles exposés en cause d'appel non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Normande de distribution et la société Axa France Iard et condamné in solidum la société normande de distribution et la société Axa France Iard à payer à la Smacl la somme de 702.608 € du fait de l'incendie survenu le 24 mai 2014;

statuant sur les chefs infirmés,

Déclare irrecevable la demande de condamnation in solidum de la société Normande de Distribution et de la société Axa France Iard à payer la somme de 742.972 € sauf mémoire avec intérêts à compter de la délivrance de l'assignation;

Confirme la décision entreprise pour le surplus;

Déboute les parties de leur demande respective en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne in solidum la société Normande de Distribution et la société Axa France iard aux dépens d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/02177
Date de la décision : 08/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-08;20.02177 ?
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