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01/09/2022 | FRANCE | N°20/04642

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 01 septembre 2022, 20/04642


ARRET



















S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG





C/



[V]

[E]









DB



COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 01 SEPTEMBRE 2022





N° RG 20/04642 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H3O6



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LAON EN DATE DU 11 FÉVRIER 2020





PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE





S.A. INTRUM DEBT FIN

ANCE AG, venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD EST suivant bordereau de cession de créance en date du 28 Février 2017, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4] (Suisse)

...

ARRET

S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG

C/

[V]

[E]

DB

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 01 SEPTEMBRE 2022

N° RG 20/04642 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H3O6

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LAON EN DATE DU 11 FÉVRIER 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. INTRUM DEBT FINANCE AG, venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU NORD EST suivant bordereau de cession de créance en date du 28 Février 2017, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Localité 4] (Suisse)

Représentée par Me Philippe VIGNON de la SCP PHILIPPE VIGNON-MARC STALIN, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

ET :

INTIMES

Monsieur [R] [V]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Madame [C] [E]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Me Clotilde GRAVIER de la SCP DERREUMAUX-GRAVIER, avocat au barreau de LAON

DEBATS :

A l'audience publique du 01 Février 2022 devant Mme Dominique BERTOUX, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Avril 2022.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Dominique BERTOUX en a rendu compte à la Cour composée de:

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le délibéré a été prorogé au 01 septembre 2022.

Le 01 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Par acte authentique reçu par Me [M], notaire, le 19 octobre 2007, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Est, ci-après CRCAM, a consenti à la SCI Vidal, un prêt d'un montant de 108.600 €, au taux de 4,86 % l'an, remboursable en 179 échéances de 850,90 € et une demière de 851,68 €, pour financer l'acquisition d'un local à usage d'habitation et professionnel.

Le prêt a été garanti par le cautionnement solidaire de M. [R] [V], à hauteur de 141.180 €, et par celui de Mme [C] [E], dans les mêmes conditions.

Par acte sous seing privé du 26 juin 2010, la CRCAM a consenti un second prêt à la SCI Vidal, représentée par Mme [E] et M. [V], d'un montant de 150.800 €, au taux de 3,90 % 1'an, remboursable en 240 mensualités de 905,89 € et une dernière de 906,42 €, pour financer l'acquisition de leur résidence principale.

Le second prêt a été garanti par le cautionnement solidaire de M. [V] à hauteur de 196.040 euros, et par celui de Mme [E], dans les mêmes conditions.

Par jugement du 14 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Laon a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SCI Vidal.

Par lettre du 28 décembre 2016, la CRCAM a déclaré sa créance au titre des deux prêts consentis à la SCI au mandataire liquidateur pour un montant de 115.020,76 €.

Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) reçue le 31 décembre 2016 par Mme [E] et le 21 janvier 2017 par M. [V], la CRCAM, se prévalant de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, les a mis en demeure, ès-qualités de cautions des deux engagements de la SCI Vidal, de lui régler la somme de 1.763,79 €.

Par LRAR séparées reçues le 23 février 2017, la CRCAM, faisant état de l'absence de régularisation de la situation de la SCI, a mis en demeure chacune des cautions d'avoir à lui régler, sous quinzaine, la somme de 169.268,40 €, sous peine du prononcé de la déchéance du terme des deux contrats de prêt.

Par acte du 28 juin 2017, la CRCAM a cédé à la SA Intrum Justitia Debt Finance AG sa créance relative aux deux prêts consentis à la SCI Vidal.

Par actes d'huissier du 6 novembre 2017, la SA Intrum Justitia Debt Finance AG a fait assigner M. [V] et Mme [E] en paiement solidaire des sommes de 53.080,80 € et 116.187,60 € en principal, avec intérêts contractuels, devant le tribunal de grande instance de Laon.

Par jugement contradictoire du 11 février 2020, le tribunal judiciaire de Laon a :

- reçu la SA Intrum Justitia Debt Finance AG, venant aux droits de la CRCAM Nord Est;

- déclaré inopposable l'engagement de caution souscrit le 19 octobre 2007 par Mme [E] en raison de la disproportion de son engagement;

- déclaré inopposable l'engagement de caution souscrit le 26 juin 2010 par Mme [E] en raison de la disproportion de son engagement;

- déclaré inopposable l'engagement de caution souscrit le 17 octobre 2007 par M. [V] en raison de la disproportion de son engagement;

- déclaré inopposable l'engagement de caution souscrit le 26 juin 2010 par M. [V] en raison de la disproportion de son engagement;

- dit que la SA Intrum Justitia Debt Finance AG, venant aux droits de la CRCAM Nord Est, a engagé sa responsabilité au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde envers Mme [E], lors de son engagement en sa qualité de caution des prêts souscrits par la SCI Vidal;

- débouté Mme [E] de ses demandes indemnitaires formées à ce titre;

- débouté Mme [E] de sa demande relative à l'information annuelle de la caution;

- débouté la SA Intrum Debt Finance AG de l'ensemble de ses demandes;

- condamné la SA Intrum Debt Finance AG aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Gravier, conformément à l'article 699 du code de procédure civile;

- condamné la SA Intrum Debt Finance AG à verser à M. [V] la somme de 700 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

La SA Intrum Debt Finance AG a interjeté appel de cette décision par déclaration du 21 septembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 14 décembre 2020, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA Intrum Debt Finance AG demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris;

- déclarer Mme [E] et M. [V] irrecevables et en tous cas mal fondés en leurs moyens, fins et prétentions ;

- débouter Mme [E] et M. [V] de leurs demandes;

- la dire recevable et bien fondée en ses demandes ;

- condamner solidairement Mme [E] et M. [V] à lui payer les sommes de :

* 58.031,02 euros, au titre du cautionnement du prêt professionnel n°98337497827, outre intérêts au taux contractuel à compter du 31 janvier 2019;

* 92.438,36 euros, au titre du cautionnement du prêt professionnel n°98386631848, outre intérêts au taux contractuel à compter du 31 janvier 2019 ;

- ordonner la capitalisation des intérêts dus annuellement en application de l'article 1154 du code civil;

- condamner in solidum Mme [E] et M. [V] à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- 'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, laquelle est compatible avec la nature de l'affaire en application de l'article 515 du code de procédure civile';

- condamner in solidum Mme [E] et M. [V] aux entiers dépens.

Par ordonnance du 4 mai 2021, Mme le conseiller de la mise en état de la cour d'appel d'Amiens a déclaré irrecevables les conclusions d'intimés déposées par Me Gravier le 21 mars 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 janvier 2022, l'affaire ayant été fixée pour plaider à l'audience du 1er février 2022.

SUR CE

Pour déclarer inopposables à Mme [C] [E] et M. [R] [V] les engagements de caution souscrits par eux et débouter la SA Intrum de sa demande en paiement dirigée à leur encontre, les premiers juges ont considéré que l'engagement de caution de Mme [C] [E] et M. [R] [V] relatif au prêt contracté par la SCI Vidal du 19 octobre 2007 et l'engagement de caution souscrit en date du 26 avril 2010 étaient manifestement disproportionnés à leurs biens et revenus tant au moment lors de leur souscription que lorsqu'ils ont été appelés en cette qualité par le créancier.

Contrairement à ce que soutient la SA Intrum Debt Finance AG, et comme l'a, à bon droit, retenu le tribunal, s'agissant de concubins, la disproportion des engagements de caution s'apprécie au regard des seuls biens et revenus personnels de chacun d'eux, étant précisé que la SCI Vidal, M. [V] et Mme [E] sont des personnes juridiques distinctes, et que bien qu'étant associés de la SCI, le créancier ne peut pas les poursuivre en cette qualité en paiement des engagements de la SCI. Si l'acquisition d'un bien immobilier par une SCI dont les associés sont concubins et cautions, permet à ces derniers de tirer profit par un accroissement de leur patrimoine à la différence d'un cas où la société cautionnée appartient à un seul des concubins, il n'en demeure pas moins que la situation de chacun des concubins associés, cautions des engagements de la SCI qu'ils ont constituée pour réaliser une opération immobilière, doit être considérée de façon distincte pour apprécier son caractère disproportionné ou pas à leurs engagements en qualité de cautions respectives, quand bien même auraient-ils mutualisé leurs moyens par la constitution de cette SCI et l'occupation ou la jouissance en commun des biens financés, et seraient ils tenus dans les conditions des articles 1857 et suivants du code civil, aux dettes de la société en qualité d'associés. L'immeuble acquis par une SCI, fait partie du patrimoine de cette société et pas de celui de ses associés.

En cause d'appel, la SA Intrum Debt Finance AG fait valoir que M. [V] et Mme [E] sont tenus de régler les sommes dues par la SCI non seulement en leur qualité de cautions, mais également en leur qualité d'associés de celle-ci, sur le fondement de l'article 1857 du code civil qui dispose qu' 'A l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.', de sorte qu'elle est également fondée à solliciter la condamnation de ces derniers sur le fondement de ces dispositions.

Selon l'article 954 alinéas 2 et 3 du code de procédure civile 'Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.'

En l'espèce, si la SA Intrum Debt Finance AG prétend, dans la discussion de ses conclusions être fondée à poursuivre M. [V] et Mme [E] en leur qualités de caution mais également en leur qualité d'associés de la SCI Duval sur le fondement des dispositions de l'article 1857 du code civil, force est de constater que dans leur dispositif, elle sollicite la condamnation solidaire de ces derniers en leur qualité de caution sur le fondement des dispositions des articles 2288 et suivants du code civil relatives à la caution, et pas la condamnation de chacun d'eux au paiement 'des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements', ce qui est distinct d'une condamnation solidaire à l'intégralité de la dette sociale, et qu'elle ne développe aucun moyen en ce sens dans sa discussion autre que l'indication de la qualité d'associés des défendeurs et le fondement juridique de leur poursuite en paiement en cette qualité.

Il n'y a donc pas lieu de statuer sur cette prétention formée sur le fondement des articles 1857 et suivants du code civil dont la cour n'est pas saisie.

Aux termes des dispositions de l'article L.341-4 du Code de la consommation ancien (devenu l'article L.332-1 dudit code) applicable en l'espèce, « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

Pour rappel, cette disposition peut être invoquée par toutes les personnes physiques, y compris par une caution dirigeante d'une société qui garantit les dettes de celle-ci envers un professionnel et l'appréciation de la disproportion d'un engagement de caution relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

Il résulte de ces dispositions que la disproportion doit être manifeste, c'est-à-dire flagrante ou évidente pour un professionnel raisonnablement diligent. Il appartient à la caution de prouver le caractère manifestement disproportionné de son engagement lors de sa souscription.

En revanche, la charge de la preuve de la disproportion lorsque la caution est appelée incombe à l'organisme prêteur.

La disproportion s'apprécie, pour chaque acte de cautionnement successif à la date de l'engagement de la caution, au regard non seulement des revenus, mais de tous les éléments du patrimoine de la caution et de son endettement global au moment où cet engagement est consenti.

Le même raisonnement s'applique lorsqu'il s'agit d'apprécier les capacités de remboursement d'une caution lorsque le créancier se prévaut du retour à meilleur fortune au moment où la caution est appelée.

Les revenus escomptés de l'opération garantie ne peuvent être pris en considération pour apprécier la disproportion du cautionnement au moment où il a été souscrit.

Si l'article L.341du code de la consommation interdit à un créancier professionnel de se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation, ce texte ne lui impose pas de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lorsqu'elle l'invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus (cass.com. 13 septembre 2017), comme l'ont justement rappelé les premiers juges.

* sur les engagements de caution de Mme [C] [E]

En l'espèce, s'agissant de la situation de Mme [C] [E], le tribunal, au titre du cautionnement relatif au prêt du 19 octobre 2007, a relevé, à bon droit, que l'absence de fiche de renseignements souscrite à une date proche du cautionnement n'avait pas pour effet de priver de facto la banque de la possibilité de se prévaloir de cet engagement.

Il a retenu que Mme [E], qui versait ses avis d'imposition sur les revenus de 2004 à 2016, avait déclaré un revenu annuel de 30.357 € au titre de l'année 2007, année de souscription de son premier engagement, qu'au titre de l'année 2006, le revenu déclaré s'élevait à 25.843 €. Il précisait que les avis produits ne faisaient pas mention de revenus fonciers ou agricoles.

Contrairement à ce que soutient, en cause d'appel, la SA Intrum Debt Finance AG, les premiers juges n'ont nullement renversé la charge de la preuve laissant entendre qu'il appartient au créancier de démontrer la consistance du patrimoine de la caution.

En effet, exiger de Mme [E] qu'elle rapporte la preuve qu'elle ne détenait ni patrimoine, ni épargne lors de son engagement, est une preuve négative qui ne peut lui être imposée d'établir.

C'est à bon droit que le tribunal a retenu qu'elle produisait de nombreux éléments sur sa situation financière sur une période importante et qu'il n'existait aucun indice laissant supposer que Mme [E] disposait d'un patrimoine lui permettant de répondre de son engagement.

En effet, la teneur des avis d'imposition qui détaille les revenus susceptibles d'être perçus par un contribuable, à savoir, outre les revenus salariaux, les revenus de capitaux mobiliers imposables, les revenus fonciers nets, suffisent à renseigner sur l'existence d'un patrimoine tant mobilier qu'immobilier, et sa consistance, sans qu'il soit besoin pour la caution qu'elle fournisse ses relevés de compte, voire une attestation de sa banque s'agissant de son épargne, ou des extraits du RCS ou du fichier de la publicité foncière pour démontrer l'absence de mention, et l'absence corrélative de patrimoine, s'agissant des parts sociales ou biens immobiliers détenus, comme le demande la SA Intrum Debt Finance AG.

Les éléments fournis par Mme [E] en première instance retenus par les premiers juges d'où il résulte que son engagement de caution s'élevait à 4,65 fois son revenu annuel, comme justement observé par ces derniers, suffisent à justifier du caractère disproportionné de cet engagement de Mme [E] à ses biens et revenus au moment de sa souscription.

Au titre du cautionnement en date du 26 avril 2010, le tribunal a relevé que la fiche de renseignements du 20 mai 2010 était commune aux deux cautions, signée et approuvée par M. [V] et Mme [E], vivant maritalement et ayant un enfant à charge, que les ressources annuelles de cette dernière s'élevaient à la somme de 40.338 €. C'est, à bon droit, qu'il a pris en compte le premier engagement de caution, à hauteur de 141.180 €.

La SA Intrum Debt Finance AG fait valoir que Mme [E] avait déclaré des revenus locatifs, ainsi qu'une épargne détenue avec M. [V] pour un montant de 78.000 €. Ces éléments ont été pris en compte par les premiers juges ont tenu compte, étant précisé que les revenus déclarés annuels comportaient des revenus fonciers à hauteur de 6.780 €.

Au vu de ces renseignements ainsi fournis, sans faire aucune référence à l'existence d'un endettement excessif de la SCI résultant de l'acquisition de l'immeuble dont elle est propriétaire et des difficultés qu'elle pouvait rencontrer dont se seraient prévalu M. [V] et Mme [E], c'est à bon droit, que le tribunal, retenant que Mme [E] était tenue à hauteur de 141.180 € au titre du premier contrat, et chargée de famille, a considéré que les revenus de celle-ci amputés de ces différentes charges ne lui permettaient manifestement pas de répondre du deuxième engagement de caution solidaire , qu'il convenait d'en déduire que ce dernier à la date de sa souscription était disproportionné par rapport à sa situation financière et patrimoniale.

S'agissant du retour à meilleure fortune lorsque la caution est appelée dont la charge de la preuve incombe au créancier, c'est à bon droit, que le tribunal s'est placé à la date de l'assignation du 06 novembre 2017 et a retenu, d'une part, les revenus annuels déclarés en 2016, à hauteur de 7.360 €, en 2017, à hauteur de 5.951 €, le bénéfice d'allocations chômage en 2014 et 2015 expliquant la chute de ses revenus, ce qui suffit à démontrer une situation financière et professionnelle obérée depuis ses engagements, et d'autre part l'absence de preuve par la société créancière d'une situation patrimoniale de Mme [E] caractérisant un retour à meilleure fortune de nature à lui permettre de faire face à ses engagements depuis la délivrance de l'assignation, le seul fait pour la SA Intrum Debt Finance AG d'indiquer qu'elle dispose d'une épargne de 78.000 € déjà prise en compte lors de la souscription de l'engagement de caution du 26 avril 2010, donc sans évolution depuis, et d'un patrimoine immobilier dont elle reste a priori propriétaire, ce qui n'est pas démontré, ne suffit pas à infirmer la décision entreprise comme le demande l'appelante.

* sur les engagements de caution de M. [V]

Sur la situation de M. [V], au soutien de son appel, la SA Intrum Debt Finance AG fait valoir, sans distinguer entre sa situation lors de la souscription de chacun des actes de cautionnement puis celle lorsqu'il est actionné en qualité de caution, qu'il est propriétaire d'une entreprise, la SARL Ambulances Ternoise, qui n'est absolument pas valorisée dans son patrimoine et sur laquelle il est taisant; que la valeur de cette entreprise doit compenser les engagements professionnels de M. [V]; que s'agissant de son patrimoine, à l'instar de Mme [E], le tribunal n'a pas tenu compte de la valeur de l'immeuble détenu par le biais de la SCI; qu'il paraît difficile de considérer que ses engagements soient disproportionnés alors que dans le cadre de la liquidation judiciaire, il se propose d'acquérir le bien de la SCI.

Au titre du cautionnement relatif au prêt du 19 octobre 2007, le tribunal a relevé, en l'absence d'une fiche de renseignement, que l'avis d'imposition produit révélait l'existence d'un revenu annuel pour l'année 2007 déclaré de 34.598 €; qu'il avait en charge avec Mme [E] un enfant; qu'il justifiait qu'il était propriétaire d'un immeuble acquis suivant acte authentique reçu par Me [M], pour un prix de 90.000 € donné en location à sa mère pour un loyer de 540 € lui servant au paiement du prêt immobilier.

Il a justement noté que le courrier d'information annuelle des cautions arrêté en date du 31 décembre 2008 révélait que M. [V] avait souscrit quatre engagements de caution auprès de la CRCAM Nord Est pour un montant total de 427.257,95 € , avant l'acte du 19 octobre 2007.

En effet, selon cette lettre, M. [V] s'était engagé, l'emprunteur et débiteur principal étant la SARL Ambulance Ternoise :

- à hauteur de 1.357,26 € en qualité de caution au titre d'un concours financier accordé le 19 mars 2007 d'un montant de 10.500 €, le terme du concours cautionné et de l'engagement de caution étant fixé au 15 mars 2009;

- à hauteur de 586,90 € en qualité de caution au titre d'un concours financier accordé le 19 mars 2007 d'un montant de 4.500 €, le terme du concours cautionné et de l'engagement de caution étant fixé au 15 mars 2009;

- à hauteur de 349.574,76 € en qualité de caution au titre d'un concours financier accordé le 18 octobre 2007 d'un montant de 407.000 €, le terme du concours cautionné et de l'engagement de caution étant fixé au 15 octobre 2014;

- à hauteur de 75.739,03 € en qualité de caution au titre d'un concours financier accordé le 18 octobre 2005 d'un montant de 100.000 €, le terme du concours cautionné et de l'engagement de caution étant fixé au 15 octobre 2015.

C'est donc, à bon droit, qu'au vu de ces éléments, le tribunal a considéré que M. [V] justifiait de la disproportion de son engagement de caution du 19 octobre 2007 à ses biens et revenus dans la mesure où à la souscription de ce cinquième cautionnement, il devait répondre d'engagements précédents, étant précisé que M. [V], s'il déclarait avoir pour employeur la SARL Ambulance Ternoise, il n'en est pas propriétaire, il en est tout au plus associé, et la valeur de cette société n'entre pas dans le patrimoine de M. [V] pas plus que la valeur de l'immeuble détenu par la SCI.

S'agissant de l'engagement de caution du 26 avril 2010, s'appuyant sur les éléments déclarés par M. [V] dans la fiche de renseignements du 20 mai 2010, faisant état d'un revenu annuel 2010 de 36.374 €, d'un patrimoine net immobilier pour un montant net de 152.000 € et d'une épargne auprès de la CRCAM Nord Est d'un montant de 78.000 €, d'une situation financière grevée par la souscription des quatre précédents cautionnements, auquel s'ajoute celui du 19 octobre 2007, c'est également, à bon droit, que le tribunal a considéré qu'il était patent que la situation financière et patrimoniale au moment de la souscription de ce sixième engagement de caution à hauteur de 196.040 € ne lui permettait pas de faire face à ses engagements, qu'en acceptant le cautionnement, la banque n'a pas pris la mesure de l'endettement global de M. [V], en l'occurence ses cautionnements antérieurs, au moment où ce dernier engagement lui a été consenti.

Pas plus en cause d'appel qu'en première instance, la SA Intrum Debt Finance AG ne démontre le retour à meilleure fortune de M. [V]. Le fait que celui-ci souhaite se porter acquéreur de l'immeuble appartenant à la SCI dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ne suffit pas à justifier de ses capacités financières lui permettant de faire face à ses obligations de caution.

La disproportion des engagements de caution tant de Mme [E] que de M. [V] souscrits, le 19 octobre 2007 pour le premier, et le 26 juin 2010, pour le second, étant ainsi démontrée, ceux-ci sont donc inopposables à chacun de leurs souscripteurs, de sorte que la SA Intrum Debt Finance AG doit être déboutée de ses demandes en paiement à leur encontre.

Le jugement dont appel doit par conséquent être confirmé.

La décision entreprise sera également confirmée en ce qu'elle a débouté Mme [E] de ses demandes indemnitaires, cette disposition n'étant pas discutée, et de sa demande relative à l'information annuelle de la caution, étant précisé que la sanction consistant dans la déchéance du droit aux intérêts éventuellement encourue pour manquement à l'obligation d'information annuelle est superfétatoire, l'engagement de caution de Mme [E] étant déclaré inopposable.

La SA Intrum Debt Finance AG qui succombe en appel sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La décision entreprise sera confirmée en ses autres dispositions qui ne sont pas critiquées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris;

DEBOUTE la SA Intrum Debt Finance AG de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la SA Intrum Debt Finance AG aux dépens d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/04642
Date de la décision : 01/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-01;20.04642 ?
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