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07/07/2022 | FRANCE | N°21/02581

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 07 juillet 2022, 21/02581


ARRET

























[O]









C/







S.E.L.A.R.L. [D]

S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES















COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 07 JUILLET 2022





N° RG 21/02581 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDGM





Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS 09, décision attaquée en date du 24 Mars 20

21, enregistrée sous le n° 19-23.254



Arrêt Au fond, origine Cour d'Appel de DOUAI, décision attaquée en date du 13 Juin 2019, enregistrée sous le n° 18/05373



Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS 09, décision attaquée en date du 05 Septembre 2018, enregistrée sous le n° 17-15.395

...

ARRET

[O]

C/

S.E.L.A.R.L. [D]

S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 07 JUILLET 2022

N° RG 21/02581 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDGM

Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS 09, décision attaquée en date du 24 Mars 2021, enregistrée sous le n° 19-23.254

Arrêt Au fond, origine Cour d'Appel de DOUAI, décision attaquée en date du 13 Juin 2019, enregistrée sous le n° 18/05373

Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de PARIS 09, décision attaquée en date du 05 Septembre 2018, enregistrée sous le n° 17-15.395

Arrêt Au fond, origine Cour d'Appel d'AMIENS, décision attaquée en date du 26 Janvier 2017, enregistrée sous le n° 16/01585

Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce de Compiègne, décision attaquée en date du 16 Mars 2016, enregistrée sous le n° 2015P00323

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [B] [O]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Plaidant par Me Amaury SONET, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEES

S.E.L.A.R.L. [D] représentée par Maître [D], ès-qualités de mandataire ad hoc de la société NOVAMONDE IMMOBILIER

[Adresse 4]

[Localité 1]

Assignée dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile, le 19 juillet 2021

S.C.P. ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES anciennement dénommée « LEBLANC [E] HERMONT » représentée par Maître [Y] [E], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS NOVAMONDE IMMOBILIER, ayant son siège social [Adresse 3], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Compiègne sous le n° B 390 044 766 désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de Compiègne en date du 24 septembre 2014.

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Serge LEQUILLERIER de la SCP LEQUILLERIER - GARNIER, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160

DEBATS :

A l'audience publique du 17 Mars 2022 devant :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

et M. Samuel GREVIN, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES

PRONONCE :

Le délibéré a été prorogé au 07 Juillet 2022.

Le 07 Juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Par jugement en date du 23 juillet 2014, le tribunal de commerce de Compiègne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS Novamonde Immobilier, convertie en liquidation judiciaire par jugement en date du 24 septembre 2014, la société Leblanc-[E]-Hermont étant désignée mandataire liquidateur.

La date de cessation des paiements initialement fixée au 15 février 2014 a été reportée au 23 janvier 2013 par jugement du 7 octobre 2015 du tribunal de commerce de Compiègne.

M. [O], qui avait démissionné de ses fonctions de président de la SAS Novamonde Immobilier, le 12 novembre 2013, a formé tierce opposition à ce jugement par lettre du 4 novembre 2015.

Par jugement en date du 16 mars 2016, le tribunal de commerce de Compiègne a :

- dit M. [O] irrecevable en sa demande;

- confirmé le jugement du 7 octobre 2015 reportant la date de cessation des paiements de la SAS Novamonde Immobilier au 23 janvier 2013;

- et condamné M. [O] à payer la somme de 800 € à la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Novamonde Immobilier en application de l'article700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, liquidés pour frais de greffe à la somme de 78,74 euros TTC, dont TVA à 20%.

M. [O] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 25 mars 2016.

Par arrêt en date du 26 janvier 2017, la cour d'appel d'Amiens a :

- confirmé le jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 16 mars 2016 ;

- condamné M. [O] à verser aux intimés une indemnité de 1.200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

M. [O] a formé un pourvoi (n°17-15.395) en cassation à l'encontre de cette décision.

Par arrêt en date du 5 septembre 2018, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

- remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

- condamné la société Leblanc-[E]-Hermont, en qualité de liquidateur de la société Novamonde Immobilier, aux dépens ;

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

Par arrêt contradictoire rendu sur renvoi après cassation du 13 juin 2019, la cour d'appel de Douai a:

- déclaré recevable l'opposition de M. [O] au jugement rendu le 7 octobre 2015 par le tribunal de commerce de Compiègne;

- dit sans objet la demande d'expertise formée sur le fondement de l'article 1324 du code civil;

- débouté la SCP Leblanc-[E], représentée par maître [E], es qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Novamonde Immobilier, de sa demande de report de la date de cessation des paiements de cette société au 23 janvier 2013;

en conséquence,

- infirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Compiègne le 16 mars 2016 en toutes ses dispositions;

- rétracté le jugement rendu le 7 octobre 2015 par le tribunal de commerce de Compiègne en ce qu'il a reporté la date de cessation des paiements de la SAS Novamonde Immobilier au 23 janvier 2013;

- condamné la SCP Leblanc-[E], représentée par maître [E], ès qualités de liquidateur judiciaire, à payer à M. [B] [O] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- rejeté toute autre demande;

- condamné la SCP Leblanc -[E], représentée par Maître [E], ès qualités de liquidateur judiciaire aux entiers dépens.

La SELARL [E]-Hermont, ès-qualités de liquidateur judiciaire, et la SELARL [D], ès-qualités de mandataire ad hoc de la SAS Novamonde Immobilier, ont formé un pourvoi (n°19-23.254) en cassation à l'encontre de cette décision.

Par arrêt du 24 mars 2021, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé, sauf en ce qu'il déclare recevable la tierce opposition de M. [O] au jugement rendu par le tribunal de commerce de Compiègne le 7 octobre 2015 et dit sans objet la demande d'expertise formée sur le fondement de l'article 1324 du code civil, l'arrêt rendu le 13 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Douai;

- remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel d'Amiens;

- condamné M. [O] aux dépens;

- rejeté, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la demande formée par M. [O] et condamné ce dernier à payer à la société [E]-Hermont, en sa qualité de liquidateur de la SAS Novamonde Immobilier la somme de 3.000 € ;

- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

M. [O] a saisi la cour d'appel d'Amiens sur renvoi après cassation par déclaration au greffe du 12 mai 2021.

Par ordonnance en date du 12 juillet 2021, l'affaire a été fixée à bref délai pour être plaidée à l'audience du 20 janvier 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 14 décembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, M. [O] demande à la cour de:

- juger qu'il y a violation de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et de la loyauté des débats, la SCP Alpha MJ (anciennement Leblanc - [E]) ayant seule l'intégralité des pièces du dossier, ne les produisant pas toutes et posant des questions sur des opérations sur lesquelles ces pièces apportent les réponses permettant d'éclairer la cour et de ne pas faire droit à la demande de report de la date de cessation des paiements;

- juger qu'aucun élément ne permet de reporter la date de cessation des paiements;

- infirmer en intégralité le jugement rendu par le tribunal de commerce de Compiègne le 16 mars 2016 en ce qu'il a :

* confirmé le jugement du 7 octobre 2015 reportant la date de cessation des paiements de la SAS Novamonde Immobilier au 23 janvier 2013;

* condamné M. [O] à payer la somme de 800 € à la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Novamonde Immobilier en application de l'article700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens;

- rétracter le jugement du 7 octobre 2015 en ce qu'il a reporté la date de cessation des paiements au 23 janvier 2013;

- juger que le passif et notamment le passif fiscal n'est pas opposable à M. [O] du fait du manquement de la SCP Alpha MJ, anciennement Leblanc-[E];

- dire que, conformément à l'article 591, alinéa 2, du code de procédure civile, la chose jugée par la décision à intervenir le sera non seulement à l'égard de M. [O], mais, en outre, à l'égard de toutes les parties appelées à l'instance;

- débouter la SCP Alpha MJ de toutes ses demandes, fins et conclusions;

- condamner la SCP Alpha MJ, ès qualités de liquidateur, aux entiers dépens;

- condamner la SCP Alpha MJ au paiement de la somme 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [O] soutient qu'il lui est impossible d'accéder aux éléments (archives juridiques et comptables notamment) de la procédure de liquidation de la SAS Novamonde Immobilier, ayant démissionné de son mandat de dirigeant et étant en contentieux avec le repreneur de la société; que dans ces conditions, il ne peut assurer correctement sa défense face à l'organe de la procédure collective qui le poursuit et qui détient seul tous les éléments; qu'il y a ainsi violation de l'article 6 de la CEDH et du droit au procès équitable, la loyauté des débats étant rendue impossible par le mandataire liquidateur; qu'en conséquence, l'état des créances lui est inopposable ; que le report de la date de cessation des paiements doit être infirmé, en l'absence d'éléments justifiant d'avancer cette date au 23 janvier 2013; que la lettre de démission de son mandat de dirigeant de la SAS Novamonde Immobilier du 12 novembre 2013 permet à elle seule d'écarter le report sollicité.

Il explique que les mouvements financiers de janvier 2013 entre la SAS Novamonde Immobilier et ses filiales, des sociétés civiles de construction-vente (SCCV), tels que retenus par le tribunal de commerce pour justifier sa décision de report, étaient réguliers et n'avaient donné lieu à aucune réserve du commissaire aux comptes; que le mandataire liquidateur n'a fait procéder à aucune expertise financière des mouvements financiers en cause, alors qu'il est le seul à pouvoir accéder aux documents comptables de la SAS Novamonde Immobilier; que les documents relatifs à plusieurs contrôles fiscaux de la SAS Novamonde Immobilier dont Me [E] a la trace permettraient de démontrer la régularité des mouvements financiers litigieux.

Il souligne que le protocole signé le 10 septembre 2013 prévoit la signature d'un acte notarié à intervenir; que soit il y a eu un acte notarié et un professionnel du droit qui a validié le schéma envisagé soit il n'y a pas eu cet acte et le protocole est resté à l'état de projet; que quelle que soit la situation, cet élément ne démontre pas l'état de cessation des paiements de la SAS Novamonde Immobilier; qu'il ne réalise aucune opération.

Il remarque que l'état des créances déclarées produit par le mandataire liquidateur en pièce n°35 n'a pas été signé par le juge-commissaire; qu'il appartenait au mandataire liquidateur de contester la créance fiscale de TVA en matière de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) qui a motivé le report de la date de cessation des paiements; que la créance de TVA litigieuse n'était pas exigible avant novembre 2013, selon l'article 269.2.a.bis du code général des impôts; que la date d'exigibilité de la TVA sur des VEFA payées par compensation peut être reportée à la fin des travaux; que le mandataire liquidateur :

* ne lui a pas permis de s'expliquer sur la créance de TVA en cause;

* s'est abstenu de la contester;

* et a commis une faute délictuelle dans la détermination du passif de la SAS Novamonde Immobilier.

Aux termes de ses conclusions remises le 10 septembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SCP Alpha Mandataires Judiciaires (anciennement SCP [E] Hermont), ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Novamonde Immobilier, demande à la cour de:

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 16 mars 2016 en ce qu'il a ordonné le report de la date de cessation des paiements au 23 janvier 2013 ;

- débouter M. [O] de sa demande de rétractation de ce jugement;

- condamner M. [O] à lui payer une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.

Me [E], ès-qualités de mandataire liquidateur de la SAS Novamonde Immobilier, prétend que M. [O] a violé les règles comptables applicables aux sociétés civiles de construction-vente en réalisant des prélèvements anticipés sur les filiales de la SAS Novamonde Immobilier, pour les porter au crédit des comptes de cette dernière, ce qui lui a permis de dissimuler des activités déficitaires pendant plusieurs années; qu'un arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la cour d'appel d'Amiens, lequel n'a pas été remis en cause par la Cour de cassation, a confirmé l'existence d'une faute de gestion et la condamnation de M. [O], au titre de sa contribution à l'insuffisance d'actif de la SAS Novamonde Immobilier, à payer une somme de 1.500.000 €, étant donné le recours à des opérations de cavalerie par la captation de la trésorerie des filiales qu'étaient les SCCVpour dissimuler la situation obérée de la société Novamonde Immobilier par la présentation de bilans non sincères, constituant une faute de gestion; que le report de la date de cessation des paiements à une date antérieure à celle initialement fixée est justifié par les faits de cavalerie imputés à M. [O];

Elle explique qu'il a été établi un protocole d'accord du 10 septembre 2013 qui a eu pour effet de faire régler par la SCI Parc de Thésée, SCCV détenue par Novamonde Immobilier, des travaux de construction réalisés par une société Iegc, pour le compte de la SCI Les Hauts de Dreuil et la SCI Les Néréides; qu'il procède de l'impossibilité pour la SAS Novamonde Immobilier, chroniquement déficitaire depuis plusieurs années à cette date, de reconstituer la trésorerie de plusieurs de ses filiales; qu'il intervient à la suite de la cession d'une dette afin de la faire supporter par une SCI, puis payer dans le cadre d'une dation en paiement; que le système [O] consistait en l'appréhension de la trésorerie des SCCV pour les porter au crédit des comptes de Novamonde Immobilier pour ensuite lui céder des droits fonciers imaginaires au Maroc ou des participations à des opérations immobilières au Maroc soi-disant réalisées par des sociétés de droit marocain contrôlées par M. [O], mais qui n'ont jamais eu de contrepartie et ainsi de récupérer les fonds sans se soucier ni des charges à payer et encore moins de la fiscalité; que M. [O] dissimulait, au moins depuis 2009 et jusqu'en 2013, les prélèvements ainsi effectués sur les filiales de la SAS Novamonde Immobilier dans le cadre d'un système d'enrichissement personnel.

Il souligne que l'administration des impôts a déclaré au passif de la SAS Novamonde Immobilier, au titre d'un redressement fiscal, l'impôt sur les sociétés et une imposition forfaitaire annuelle de 103.934 € en principal, pour la période du 1er juillet 2008 au 30 juin 2009, de sorte que la société était dans l'incapacité de régler son passif exigible antérieurement à janvier 2013; que la décision du juge-commissaire ayant arrêté l'état des créances est versée aux débats, qui confirme l'état du passif; qu'elle établit qu'avant même janvier 2013, la société n'a pas été en mesure de régler le passif fiscal que le commissaire aux comptes de la SAS Novamonde Immobilier, M. [M], a déclenché une procédure d'alerte phase 2, en considération de l'importance du déficit de 916.921 € des comptes annuels 2012-2013, alors que toutes les provisions n'étaient pas encore comptabilisées, et qu'il n'a pas finalisé son rapport de clôture 2013 pour cette raison; que M. [O] ne produit pas le rapport de clôture des comptes 2012, dont le résultat in bonis ne reflète pas la réalité du caractère déficitaire des activités de la SAS Novamonde Immobilier; qu'il a choisi de partir s'installer au Maroc et de céder ses titres pour l'euro symbolique en juillet 2013, de manière à éviter les questions du commissaire aux comptes; que les sanctions judiciaires prononcées à l'encontre de M. [O] suffisent à démontrer que les mouvements financiers entre les filiales (SSCV) et la SAS Novamonde Immobilier ('holding') décrivaient un système de cavalerie lui ayant permis de s'enrichir aux dépens des créanciers de cette dernière entre 2009 et 2013; qu'il appartient à M. [O], lequel n'a pas participé aux opérations de vérification du passif, d'engager une action en responsabilité contre le mandataire liquidateur, s'il croit effectivement que la créance de TVA litigieuse n'aurait pas dû être fixée au passif de la SAS Novamonde Immobilier; qu'en toute hypothèse, l'état de cessation des paiements de la SAS Novamonde Immobilier est caractérisé par de multiples composantes.

M. [O] a fait signifier la déclaration de saisine et son premier jeu de conclusions à la SELARL [D], ès-qualités, par acte d'huissier du 19 juillet 2021 en les formes de l'article 659 du code de procédure civile.

Selon avis communiqué aux parties le10 mars 2022, le Ministère public requiert la confirmation de la décision entreprise, en ce qu'elle a ordonné le report de la date de cessation des paiements au 23 janvier 2013, ce qui parait justifié en droit et en fait au regard des arguments développés par Maître [Y] [E], ès-qualités de mandataire liquidateur de la SAS Novamonde Immobilier.

La SELARL [D], ès-qualités de mandataire ad hoc de la SAS Novamonde Immobilier, n'a pas constitué avocat. L'arrêt sera rendu par défaut.

SUR CE

A titre liminaire , la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif , et que les « dire et juger » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence , la cour ne statuera pas sur celles ci , qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

Le tribunal de commerce de COMPIEGNE, dans son jugement en date du 07 octobre 2015, après avoir retenu qu'il résultait du rapport oral du liquidateur que l'entreprise ne respectait pas ses obligations comptables et fiscales, que dès lors la SAS Novamonde Immobilier Immobilier était redevable envers l'administration fiscale de la somme de l'impôt sur les sociétés depuis l'année 2019, a considéré qu'il convenait de faire droit à la demande de report de la date de cessation des paiements au 23 janvier 2013.

Par jugement en date du 16 mars 2016, le tribunal de commerce de COMPIEGNE a dit M. [O] irrecevable en sa demande et confirmé le jugement ci-dessus.

La recevabilité de la tierce opposition de M. [O] à l'encontre du jugement en date du 07 octobre 2015 a été définitivement tranchée.

La cour, dans le cadre de la présente instance, n'est donc plus saisie que de la question du report de la date de la cessation des paiements.

Acet égard, les juges du fond apprécient l'état de cessation des paiements au jour où ils statuent, et doivent fixer la date de cessation des paiements au jour où le débiteur s'est trouvé dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

Il appartient au liquidateur judiciaire, demandeur au report de la date de cessation des paiements, de caractériser l'état de cessation des paiements à la date laquelle il sollicite son report.

Au soutien de son appel, M. [O] se prévaut de la violation de l'article 6 de la CEDH et de la loyauté des débats, par la SCP Alpha Mj ayant seule l'intégralité des pièces du dossier, ne les produisant pas toutes et posant des questions sur des opérations sur lesquelles ces pièces apportent les réponses permettant d'éclairer la cour et de ne pas faire droit à la demande de report.

Le fait que le commissaire aux comptes ait informé le procureur de la République le 14 mai 2014 de la situation de la SAS Novamonde Immobilier et qu'il aurait lancé une procédure d'alerte si elle avait été en cessation des paiements au 23 janvier 2013, selon M. [O] importe peu.

Soit les pièces vantées par le liquidateur judiciaire, à l'appui de sa demande de report, sont versées aux débats, et donc soumises à la contradiction, dans le respect de l'article 6 de la CEDH, sont probantes et permettent de remonter au 23 janvier 2013, les moyens en réplique de M. [O] étant écartés, sa demande de report est accueillie, soit elles ne le sont pas, car combattues par les moyens de M. [O], et sa demande est rejetée.

La SCP Alpha Mj verse aux débats la liste des créances déclarées pour un montant de 2.565.464,13 € déposée le 28 novembre 2019 ainsi que l'état des créances des sociétés 'Novamonde-Adonis'Immo- Le Parc de Thésée - Le Carré Saint Rémi' signé par le juge-commissaire le 08 janvier 2021 (pièce n°38 du dossier du liquidateur judiciaire), dont il n'est pas contesté qu'il a fait l'objet d'une publication au BODACC, et qui fait état du passif définitif admis s'élèvant à la somme de 2.177.325,55 €, de l'existence de deux instances en cours (Images et caractères et cabinet [W]) pour un montant de 228.494,71 €, et de créances contestées à hauteur de 111.193,87 €.

Il n'est justifié d'aucune contestation de la part de M. [O] de cet état de créances signé par le juge-commissaire dans le délai ouvert par sa publication, de sorte qu'il suffit à justifier du passif de la SAS Novamonde Immobilier, à tout le moins du passif définitivement admis parmi lequel la créance fiscale évoquée ci-après.

La SCP Alpha Mj fait en effet état d'une créance fiscale au titre d'un redressement fiscal sur l'impôt société et l'imposition forfaitaire annuel d'un montant de 103.934 €, en principal, pour la période courant du 01er juillet 2008 au 30 juin 2009, et de l'impôt sur les sociétés pour les périodes postérieures du 01er juillet 2009 au 30 juin 2010 fixé pour un montant de 49.810 €, outre la créance du cabinet Vauban pour un montant de 6.069,14 €.

Certes, au vu de l'état des créances, la créance fiscale de la SAS Novamonde Immobilier a été admise à hauteur de la somme de 195.318 € au titre de l'impôt sur les sociétés, et à hauteur de 2.031 €au titre de la contribution foncière entreprise.

Toutefois, l'existence de cette créance fiscale, quand bien même correspondrait-elle à des redressements fiscaux relatifs à des exercices comptables 2008-2009 et 2009-2010, comme l'indique la SCP Alpha Mj, si elle atteste du défaut de paiement par la SAS Novamonde Immobilier de l'imposition fiscale dont elle était redevable, elle n'établit pas que cette société était en état de cessation des paiements au 23 janvier 2013.

Il en est de même de la créance déclarée du cabinet Vauban correspondant à deux factures du 29 mai 2012 et 23 juillet 2012.

La SCP Alpha Mj se prévaut également d'un protocole d'accord signé entre trois SCI dont M. [O] était le représentant légal, la SCI Les Hauts de Dreuil, la SCI Les Néréïdes et la SCI Le Parc de Thésée, d'une part, et la société Iegc, d'autre part, qui indique que cette société a signé un marché de travaux en 2010 avec la SCI Les Hauts de Dreuil concernant la construction de 109 logements -résidence Les Hauts de Dreuil, un solde restant à lui payer pour 89.148.52 € TTC, un autre marché de travaux avec la SCI les Néréides pour un prix de 233.302,28 € pour la construction de 2 bâtiments collectifs de 12 logements chacun, et qu'un devis a été signé par la SCI Le Parc de Thésée pour un montant de 10.851,48 € TTC.

Il y est fait état de ce que la SCI Les Hauts de Dreuil rencontre de graves soucis de trésorerie liés à la conjoncture écnomique, et que les cocontractants conviennent, 'afin de faciliter et d'accélérer la clôture du programme de la SCI Les Hauts de Dreuil', et 'mettre fin au litige qui les oppose par voie de concessions réciproques' que la société Iegc '.../...s'engage auprès de la SCI Le Parc de Thésée à acquérir .../...' divers biens pour la somme de '245.000 € TTC.../...payable le jour de la régularisation de l'acte notarié, par compensation et par imputation à due concurrence sur les sommes dues' par les trois SCI.

Aucune stipulation dans ce protocole, à supposer que la situation financière de ces trois sociétés civiles immobilières dont il n'est pas contesté qu'elles étaient des filiales de la SAS Novamonde Immobilier, était difficile, ne démontre pas qu' 'au début de l'année 2013, le groupe était dans une situation obérée et la société holding en cessation des paiements étant donné qu'elle était chroniquement déficitaire depuis plusieurs années, étant donné les prélèvements de M. [O], qu'il dissimulait sous la forme de cessions fictives de droits fonciers au Maroc qui se sont révélés inexistants, ou encore de participation à des opérations immobibilières au Maroc, soi-disant réalisées par des sociétés de droit marocain contrôlées par M. [O], qui n'ont jamais eu la moindre contrepartie', comme le soutient la SCP Alpha Mj.

Rien ne permet de considérer qu'aux termes de ce protocole, M. [O] a fait supporter les passifs des deux SCI dont il aurait précédemment assséché la trésorerie comme indiqué ci-avant, en disposant de l'actif immobilier d'une troisième SCI, qui se trouvera en état de cessation des paiements, comme le prétend la SCP Alpha Mj.

En tout état de cause, ce protocole ne démontre pas que la SAS Novamonde Immobilier se trouvait en cessation des paiements, tant à la date de sa signature qu'au début de l'année 2013.

Il est également produit un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 07 octobre 2020 qui a rejeté le pourvoi de M. [O] à l'encontre d'un arrêt de la présente cour en date du 29 novembre 2018 statuant sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif de ce dernier qui a retenu que M. [O] pillait la trésorerie des filiales, la SCI Le Parc de Thésée, la SCI Adonis immobilier et la SCI Le Carré Saint Rémi, de la SAS Novamonde Immobilier par des prélèvements anticipés lui permettant de maintenir l'activité déficitaire de ladite société et de présenter des comptes ne reflétant pas l'image sincère et fidèle de celle-ci, la Cour de cassation ayant considéré que ce faisant la cour d'appel avait caractérisé les fautes de gestion qui lui était imputables dans la gestion tant de la SAS Novamonde Immobilier que de ses filiales auxquelles la liquidation judiciaire a été étendue.

Comme le remarque, à bon droit, le liquidateur judiciaire, la faute de gestion est caractérisée et il y a lieu, dans le cadre de la présente instance, de s'assurer que la SCP Alpha Mj établit que les agissements de M. [O] l'ont été pour dissimuler les situations obérées de la société Novamonde Immobilier pour la période justifiant du report de la date de cessation des paiements en janvier 2013, soit 18 mois avant le jugement d'ouverture de la procédure collective.

Pour la SCP Alpha Mj, M. [O] a eu recours à des opérations de cavalerie par la captation de la trésorerie des filiales, sociétés civiles de construction-vente qui réalisaient des opérations immobilières et contrôlées à 99% par la SAS Novamonde Immobilier; que pour ce faire il a sciemment violé les règles comptables en appréhendant systématiquement leur trésorerie étant donné les difficultés de Novamonde Immobilier qu'il s'employait à dissimuler pour éviter de se priver des concours bancaires indispensables à la poursuite des opérations de promotion et à son enrichissement personnel; que ces opérations de cavalerie se sont produites de 2009 à 2013 et justifient que le bilan bénéficiaire de 2012 était dépourvue de sincérité, Novamonde Immobilier étant déjà en cessation des paiements.

S'agissant des pièces versées aux débats par la SCP Alpha Mj en illustration du 'système [O]' dénoncé ci-dessus par elle, à savoir des actes sous seings privés : reconnaissance de dettes du 31 juillet 2009, actes de cession de contrat de réservation du 26 août 2009 et 15 avril 2011, des échanges de courriers entre Me [E] et le cabinet Acogex le 06 juillet 2015, et des pièces comptables de la SARL Sari (société marocaine) et de la SAS Novamonde Immobilier, à savoir le compte Sarl Neux Age property pour les périodes du 01.07.2007 au 30.06.2008, du 01.07.2008 au 30.06.2009, du 01.07.2009 au 30.06.2010, du 01.07.2010 au 30.06.2011, du 01.07.2011 au 30.06.2012 et du 01.07.2012 au 30.06.2013, elles sont insuffisantes à justifier d'un report de la date de cessation des paiements à la date du 23 janvier 2013.

En effet, si au vu du bilan publié de l'exercice clos le 30 juin 2012 de la SAS Novamonde Immobilier, (pièce 10) et de celui de l'exercice clos le 30 juin 2013 (pièce n°21), son chiffre d'affaires net a baissé, passant de 725.219 € en 2011 à 469.866 € en 2012 puis à 120.069 € en 2013, pour un total de charges d'exploitation diminuant dans une bien moindre proportion passant de 931.865 € en 2011 à 813.405 € en 2012 puis à 629.397 € en 2013, elle a présenté néanmoins, au titre de l'exercice 2012, un bénéfice de 650.917 € (650.916,61 €) qui a été reporté à nouveau en apurement des pertes antérieures à hauteur de 581.067,30 € soit un solde de 69.849,31 € affecté au poste 'Autres réserves', au titre de l'exercice 2013.

Il ne peut donc être sérieusement soutenu que la SAS Novamonde Immobilier se trouvait en état de cessation des paiements en janvier 2013.

Ainsi les éléments versés par la SCP Alpha Mj, pris isolément ou dans leur ensemble, ne permettent pas de reporter la date de cessation des paiements au 23 janvier 2013.

En revanche, il ressort de la lettre recommandée avec avis de réception du commissaire aux comptes adressée, le 14 mai 2014, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Compiègne qu'une procédure d'alerte phase 2 avait été déclenchée le 22 novembre 2013, les comptes annuels 2012/2013 faisant apparaître un déficit de 916.221 €, .

ce document permet de faire remonter à cette date l'état de cessation des paiement de la SAS Novamonde Immobilier, étant précisé que par lettre du commissaire aux comptes du 22 novembre 2013 adressée à la SAS Novamonde Immobilier à l'attention de M. [O] que celui-ci a été avisé de cette démarche,

Il convient, dans ces conditions, de reporter la date de cessation des paiements de la SAS Novamonde Immobilier au 22 novembre 2013.

Le jugement rendu par le tribunal de commerce de COMPIEGNE en date du 16 mars 2016 sera, par conséquent, infirmé en ce qu'il a confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de COMPIEGNE en date du 7 octobre 2015 qui a reporté la date de cessation des paiements de la SAS Novamonde Immobilier au 23 janvier 2013.

Il y a lieu, dans ces conditions, de rétracter le jugement rendu par le Tribunal de commerce de COMPIEGNE en date du 07 octobre 2015 et de reporter la date de cessation des paiements dela SAS Novamonde Immobilier au 22 novembre 2013.

Chacune des parties qui succombe pour partie gardera la charge des ses propres dépens de première instance et d'appel.

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties, leurs frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés en première instance comme appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt par défaut, rendu par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce de COMPIEGNE en date du 16 mars 2016 en ce qu'il a confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de COMPIEGNE en date du 7 octobre 2015 qui a reporté la date de cessation des paiements de la SAS Novamonde Immobilier au 23 janvier 2013;

Statunt à nouveau sur le chef infirmé, et y ajoutant,

RETRACTE le jugement rendu par le Tribunal de commerce de COMPIEGNE en date du 07 octobre 2015 qui a reporté la date de cessation des paiements de la SAS Novamonde Immobilier au 23 janvier 2013;

REPORTE la date de cessation des paiements dela SAS Novamonde Immobilier au 22 novembre 2013.

DEBOUTE les parties de leur demande respective sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance comme en cause d'appel;

LAISSE à chacune des parties la charge des ses propres dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/02581
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;21.02581 ?
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