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07/07/2022 | FRANCE | N°21/01763

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 07 juillet 2022, 21/01763


ARRET

























S.A. INTERSPORT FRANCE

S.A.S. FORUM SPORTS









C/







S.A.S. DECATHLON FRANCE

















COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 07 JUILLET 2022





N° RG 21/01763 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IBVF





ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 18

MARS 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTES





S.A. INTERSPORT FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]





S.A.S. FORUM SPORTS, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié e...

ARRET

S.A. INTERSPORT FRANCE

S.A.S. FORUM SPORTS

C/

S.A.S. DECATHLON FRANCE

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 07 JUILLET 2022

N° RG 21/01763 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IBVF

ORDONNANCE DU PRESIDENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 18 MARS 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTES

S.A. INTERSPORT FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

S.A.S. FORUM SPORTS, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Plaidant par Me Nadège POLLAk, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEE

S.A.S. DECATHLON FRANCE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Antoine CANAL, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 10

Plaidant par Me Bruno HOUSSIER, avocat au barreau de LILLE

DEBATS :

A l'audience publique du 24 Mars 2022 devant :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES

PRONONCE :

Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 07 Juillet 2022.

Le 07 Juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La société Forum Sports exploite un magasin sous l'enseigne Intersport situé au centre commercial Auchan sur le commune de [Localité 8] .Forum Sports a organisé une opération de vente en liquidation devant se tenir du 17 décembre 2019 au 15 février 2020 et a déposé un dossier de déclaration à cette fin à la mairie de [Localité 8] .

La société Décathlon France , au motif qu'elle avait constaté plusieurs irrégularités concernant cette opération , a présenté le 6 mars 2020 une requête aux fins de désignation d' huissiers de justice afin qu'il soit procédé à différents constats et investigations .

Par ordonnance en date du 12 mars 2020 , le président du Tribunal de Commerce de Saint Quentin a mandaté deux huissiers de justice , le premier pour se rendre au magasin Intersport situé à [Localité 8] , le second pour se rendre au siège social de la SAS Forum Sports à [N] afin d'interroger toutes personnes , directeurs ou salariés , et se faire remettre par ceux-ci , afin de les consigner ou en établir une copie des informations et éléments suivants :

-toutes informations et éléments relatifs à la déclaration préalable qui a du être effectuée en mairie par la SAS Forum Sports relative à l'opération de liquidation totale avant transfert à partir du mercredi 18 décembre 2019 en ce compris les annexes à cette déclaration .

-toutes informations et éléments de nature à établir sur quels produits exactement ont porté en magasin l'opération de liquidation, afin de permettre de comparer la liste desdits produits avec celle figurant sur l'inventaire qui a du être remis en annexe à la déclaration préalable en mairie .

-toutes informations et éléments de nature à établir si des produits en provenance des stocks d'autres magasins appartenant à Intersport ont été ou sont vendus par le magasin Intersport [Localité 8] au titre de l'opération de liquidation .

-toute informations et éléments susceptibles d'établir la nature , les dates et les modalités de la relocalisation entreprise du magasin Intersport [Localité 8] qui devaient être déclarées en mairie comme étant de nature à justifier la mise en place de l'opération de liquidation totale avant transfert annoncé par le magasin concerné .

-tous éléments de nature à établir la réalité , les dates et les modalités du transfert de local qui a été allégué .

-toutes informations et éléments de nature à établir à quelles dates et selon quels horaires exactement le magasin Intersport de [Localité 8] a été ouvert au public durant les dimanches de l'année 2019 en établissant le nombre de salariés ayant travaillé dans ce magasin lors des dimanches concernés .

-toutes informations et éléments de nature à établir le chiffre d'affaires qui a été réalisé par la magasin Intersport de [Localité 8] lors des dimanches de l'année 2019 où il a été ouvert au public en dehors des dimanches autorisés par la réglementation , à savoir le 13e dimanche d'ouverture du 28 décembre 2019 , mais aussi les dimanches d'ouvertures constatées en dehors des dates autorisées par l'arrêté du maire de la commune de [Localité 8] , soit les dimanches 18 août 2019 et 7 septembre 2019.

-dresser procès verbal de l'ensemble de leurs constatations .

Les huissiers sont intervenus simultanément le 15 mai 2020 à l'issue de la période de confinement imposée dans le cadre de la crise sanitaire .

Par acte d'huissier en date du 3 août 2020 , les sociétés Intersport et Forum Sports ont fait assigner la société Décathlon en référé rétractation devant le Président du Tribunal de Commerce de Saint Quentin .

Par ordonnance de référé en date du 18 mars 2021 , le Président du Tribunal de Commerce de Saint Quentin a :

-dit la société Intersport France irrecevable en ses prétentions formulées à l'encontre de la société Décathlon France pour défaut de qualité et d'intérêt à agir

-dit que la requête qui a été présentée le 6 mars 2020 comportait bien en page 11 un bordereau listant les 16 pièces justificatives présentées à l'appui de la requête,

-dit en conséquence la requête du 6 mars 2020 recevable,

-qu'à compter de la date à laquelle l'ordonnance a été rendue soit le 12 mars 2020 Décathlon disposait alors pour la réalisation de la mesure d'instruction qui avait été ordonnée d'un délai prorogé de plein droit jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la fin de cette période juridiquement protégée allant du 12 mars 2020 au 23 juin 2020 inclus.

-constaté que les constats ont été dressés simultanément à [N] et [Localité 8] dès le 15 mai 2020 , soit plus d'un mois avant la fin de la période juridiquement protégée , jusqu'au 23 juin 2020 inclus,

-dit que la requête aux fins de constat ayant conduit au prononcé de l'ordonnance du 12 mars 2020 s'appuyait sur des faits et griefs précisément imputables à la SA S Forum Sports et qui se trouvaient caractérisés par des pièces justificatives constituant un commencement de preuve suffisant pour qu'il y soit fait droit,

-dit que la requête s'est inscrite dans une démarche légitime de la société Décathlon France visant à lui permettre, eu égard à la gravité des faits qui y étaient exposés, de recueillir la preuve, avant tout procès, de l'entière implication de la SAS Forum Sports dans les faits qui lui sont reprochés

-dit que la mission sollicitée dans la requête et confiée aux huissiers de justice par ordonnance du 12 mars 2020 est pleinement justifiée et clairement définie et circonscrite,

-dit que les circonstances de l'espèce justifiaient qu'il soit dérogé au principe du contradictoire et qu'il soit fait droit aux demandes présentées par la voie d'une ordonnance sur requête,

-dit que la requête présentée par la société Décathlon France le 6 mars 2020 reposait sur un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile

-dit que les mesures de constat ainsi ordonnées l'ont été de façon proportionnée et strictement encadrée, dans des conditions ne pouvant pas porter atteint au secret des affaires ou encore aux droits de la liberté du commerce et de l'industrie,

-dit n'y avoir lieu de rétracter l'ordonnance rendue sur requête le 12 mars 2020 et confirmé l'ordonnance en toutes ses dispositions,

-débouté les sociétés Forum Sports et Intersport France de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

-ordonné la levée de la mesure de séquestre prise par décision sur requête du 27 mars 2020, en toutes ses dispositions, sauf à ce que la présente ordonnance soit frappée d'appel dans les délais, et ordonné en l'absence de recours la remise entre les mains de la société Décathlon France des procès-verbaux de constat établi et des pièces saisies par les huissiers instrumentaires à l'issue de leur intervention du 15 mai 2020 .

-dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Forum Sports aux entiers dépens.

Par déclaration enregistrée le 2 avril 2021 , la SA Intersport France et la SAS Forum Sports ont interjeté appel de la décision .

Le dossier a fait l'objet d'une fixation à bref délai par ordonnance du 4 mai 2021 .

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 20 septembre 2021 expurgées des demandes de « dire et juger » ,la société Intersport France et la société Forum Sports demandent à la Cour de :

-les déclarer recevables et bien fondées en leur appel,

-infirmer l'ordonnance rendue le 18 mars 2021 toutes ses dispositions.

statuant à nouveau ,

-déclarer la société Intersport France recevable à agir en rétractation de l'ordonnance du 12 mars 2020.

-dire que la requête présentée le 6 mars 2020 était irrecevable .

-rejeter des débats les pièces communiquées par la société décathlon France sous les numéros 3-1 à 3-6 et 8 à 14 en ce qu'elles ont été obtenues en violation de l'article premier de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 .

-rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance sur requête du 12 mars 2020

-déclarer nulles et de nul effet toutes les conséquences attachées à l'exécution de l'ordonnance rétractée et prononcer la nullité des procès-verbaux de constat établi en exécution de l'ordonnance entreprise

-ordonner la restitution à la société Forum Sports de l'ensemble des éléments issus des mesures d'instruction .

En tout état de cause ,

-déclarer les demandes de la société Décathlon France irrecevables en tout cas mal fondées , y compris s'agissant d'un éventuel appel incident.

-déclarer irrecevables et mal fondée toutes autres demandes plus amples ou contraires et les rejeter intégralement ,

-condamner la société Décathlon France à payer aux sociétés Intersport France et Forum Sports la somme de 3000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

-condamner la société Décathlon France aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Me Jérome Le Roy avocat .

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 2 juillet 2021 , la société Décathlon France demande à la Cour de :

-confirmer l'ordonnance de référé du 18 mars 2021 en toutes ses dispositions.

- débouter les sociétés Forum Sports et Intersport France de toutes leurs demandes , fins et conclusions .

-condamner les société Forum Sports et Intersport France à lui payer chacune la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

-condamner les sociétés Forum Sports et Intersport France aux entiers dépens .

Pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties , la Cour renvoie à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile .

SUR CE

A titre liminaire , la Cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif , et que les « dire et juger » et les constater ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert , hormis les cas prévus par la loi , en conséquence , la Cour ne statuera pas sur celles-ci qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

'...

Il est exposé par les appelantes que le groupe Intersport est organisé sous forme de coopérative de commerçants indépendants ayant une activité de centrale d'achat et de référencement d'articles matériels et accessoires de sport , pour ses adhérents , les magasins sous l'enseigne Intersport , que chaque adhérent gère en toute autonomie l'exploitation de son magasin et met en place des opérations promotionnelles ou de liquidation , organisées sous sa propre responsabilité .Elles ajoutent que Décathlon est le principal concurrent du groupe Intersport , et que depuis 2018 , Décathlon multiplie les mesures d'instruction non contradictoires à l'encontre des magasins Intersport ayant organisé des opérations de liquidation , dans le but selon elles , de désorganiser les magasins concernés , et plus largement le réseau Intersport dans son ensemble , voire d'obtenir communication de documents, auxquels Décathlon ne pourrait pas avoir accès, autrement que par une procédure sur requête .

Elles soulignent qu'en perspective du transfert de son magasin dans un local mieux placé , au sein du centre commercial Auchan de [Localité 8] , et bénéficiant d'une plus vaste surface , la société Forum Sports a organisé une opération de vente en liquidation devant se tenir du 17 décembre 2019 au 15 février 2020 , que le 23 septembre 2019 , la société Forum Sport a déposé à la mairie du [Localité 8] un dossier complet de déclaration , qu'après étude , la mairie du [Localité 8] lui a délivré un récépissé de déclaration l'autorisant à procéder à la vente , que l'opération s'est terminée le 15 février 2020 et que le 6 mars 2020 , Décathlon a déposé une requête qui a donné lieu à l'ordonnance du 12 mars 2020 .

La société Décathlon France expose qu'elle est un concepteur , un fabricant et un distributeur renommé d'articles de sport sous marque propre en sus d'être un distributeur de marques de quelques fournisseurs sélectionnés pour la qualité de leurs produits , qu'elle exploite à [Localité 8] un magasin de vente d'articles dédiés à toutes sortes d'activités sportives , que le directeur de ce magasin a constaté que la SAS Forum Sports,exploitant un magasin sous l'enseigne Intersport organisait une vente en liquidation totale avant transfert de stocks d'articles de sport mais que plusieurs irrégularités avaient été commises , de nature à lui causer un préjudice économique, et qu'elle avait donc souhaité déposer une requête aux fins de constats sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile .

a) Sur l'intérêt et la qualité à agir de la société Intersport France

Le juge des référés a dit la société Intersport France irrecevable en ses prétentions formulées à l'encontre de la société Décathlon France pour défaut de qualité et d'intérêt à agir , la procédure de référé rétractation ne concernant que la société Forum Sport et le magasin qu'elle exploite au [Localité 8] , que de surcroit la société Forum Sport déclarait avoir organisé seule en toute autonomie en tant que commerçant indépendant les opérations incriminées .

Les appelantes demandent l'infirmation de la décision faisant valoir que l'article 496 du code de procédure civile autorise tout intéressé à agir en rétractation d'une ordonnance , qu'en l'espèce la société Intersport France dispose d'un intérêt personnel et direct à agir en rétractation de l'ordonnance qui lui fait grief , qu'elle est un défendeur potentiel à l'action au fond qui se profile, que Décathlon dans ses écritures , lui impute à tort une responsabilité en tant que tête de réseau dans les opérations de liquidation de ses magasins , que par ailleurs , elle défend les intérêts de l'ensemble de ses adhérents alors que Décathlon diligente de manière systématique des mesures d'instruction à l'encontre de ses magasins ,ce qui tend à affaiblir le réseau dans son ensemble et à ternir l'image de l'enseigne Intersport , propriété d'Intersport France , que les informations collectées par les mesures ordonnées sont susceptibles d'appartenir en premier lieu à l'adhérent mais aussi à Intersport France .

La société Décathlon France réplique que la société Intersport France n'établit pas sa qualité et son intérêt à agir , qu'il a été indiqué dans les conclusions que chaque magasin Intersport était indépendant , gérait en toute autonomie son magasin et décidait des opérations promotionnelles ou de liquidation sous sa propre responsabilité , que si la société Intersport France produit un mandat d'ester en justice qui figure dans son règlement intérieur que donnerait chaque associé , il convient de constater en l'espèce que la société Forum Sports a décidé elle même d'exercer son action en justice , que seule la société Forum Sports est visée par l'ordonnance sur requête du 12 mars 2020 , que ce mandat ne permet pas à la société Intersport d'agir en justice lorsque l'un de ses associés commet les actes de concurrence déloyale , que la société Intersport France a admis explicitement dans une autre procédure , qu' elle ne dispose d'aucun mandat pour défendre ses adhérents lorsqu'ils sont attraits devant une juridiction .

Selon l'article 496 alinéa 2 du code de procédure civile , s'il est fait droit à la requête , tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance .

Lorsqu'une mesure d'instruction est ordonnée sur requête , le défendeur potentiel à l'action au fond envisagée est nécessairement une personne intéressée au sens de l'article 496 du code de procédure civile , même si l'ordonnance ne lui est pas opposée au sens de l'article 495 du même code .

Si la requête présentée par la société Décathlon France avait pour objet de faire procéder à des constats concernant une opération de liquidation effectuée par la société Forum Sports exploitant le magasin Intersport de [Localité 8] , et qu 'il n'est pas contesté que chaque commerçant à l'enseigne Intersport exploite son magasin de façon autonome et décide lui même de ses opérations promotionnelles ou de liquidation , il n'en demeure pas moins que la requête mentionnait que le magasin Intersport de [Localité 8] procédait «  à un déstockage de produits provenant de plusieurs établissements sous la même enseigne durant l'opération de liquidation totale , en flagrante violation de la loi » , et « il semblerait que cette pratique soit partagée au sein du réseau des magasins Intersport » ...  « magasin Intersport [Localité 10] '.. Intersport [Localité 9] '.Intersport [Localité 7] » , qu'il était mentionné dans la requête l'éventualité d'une procédure en concurrence déloyale , que dés lors la société Intersport France , tout comme la société Forum Sports est un défendeur potentiel à l'action au fond qui pourrait être engagée .Par ailleurs ainsi que le soutient la société Intersport France, les informations collectées lors des mesures d'instruction sont susceptibles d 'appartenir à l'adhérent concerné mais aussi à Intersport France qui négocie les prix des produits vendus auprès des fournisseurs .

En conséquence , la société Intersport France dispose à la fois de la qualité et de l'intérêt à agir en rétractation de l'ordonnance du 12 mars 2020 , la décision sera infirmée sur ce point .

b) Sur l'irrecevabilité de la requête aux fins de désignation d'huissier

Les sociétés Intersport France et Forum Sports font valoir que la requête était irrecevable comme ne comportant pas de bordereau de pièces , qu'en application de l'article 494 alinéa 1a requête doit comporter l'indication précise des pièces invoquées , que selon une jurisprudence constante , la sanction du défaut d'indication des pièces est l'irrecevabilité de la requête , qu'en l'absence de bordereau , il est impossible de savoir quelles sont les pièces qui ont été communiquées au premier juge ni s' il s'agit des mêmes que communiquées lors de l'instance en rétractation , qu'en l'espèce , si le premier juge a indiqué que la requête comportait bien en page 11 , un bordereau listant 16 pièces justificatives , la liste de pièces communiquées à postériori ne mentionne pas 16 pièces mais 23 , qu'en réalité la requête ne comportait pas de page 11 et ne comportait aucun bordereau de pièces , ce qui a été confirmé par la greffe , que la requête de Décathlon signifiée à Forum Sports à deux reprises , ne comportait pas davantage de bordereau de pièces , que le défaut de bordereau rend la requête irrecevable .

La société Décathlon France réplique que la requête qui a été présentée le 6 mars 2020 comportait bien en page 11 un bordereau listant 16 pièces justificatives à l'appui de la requête , que dans les motifs de son ordonnance de référé en date du 18 mars 2020 , le président du Tribunal de Commerce a expressément reconnu que la requête qui lui avait été présentée comportait bien un page 11 un bordereau de pièces , que l'ordonnance est recevable .Elle ajoute que le respect du contradictoire a été assuré puisque les appelantes ont sollicité par la voie de leur conseil dés le 2 juin 2020 communication du bordereau et des pièces avant la procédure de rétractation de l'ordonnance , et que ces pièces leur ont été adressées le 3 juin 2020.

L'article 494 dispose que la requête est présentée en double exemplaire .Elle doit être motivée .Elle doit comporter l'indication précise des pièces invoquées .

Si les actes de signification de l'ordonnance rendue le 18 mars 2020 ne comportaient pas de page de bordereau de pièces selon les actes de signification produits par les société Intersport France et Forum Sports , la société Décathlon France produit la requête qu'elle a présentée au Président du Tribunal de Commerce en date du 6 mars 2020 portant le cachet du greffe du Tribunal signée par son conseil page 10, comportant une page 11 intitulée liste des pièces justificatives présentées à l'appui de la présente requête , énumérant 16 pièces , et la requête comprend un certain nombre de faits et de motifs faisant référence pour chacun aux pièces produites et numérotées .

Les appelantes ne démontrent donc pas que la requête ne comportait pas l'indication précise des pièces invoquées , étant ajouté que l'ordonnance rendue par le président de la juridiction le 12 mars 2020 précise que les pièces dont la liste était jointe étaient produites à l'appui de la requête .

La requête était donc recevable , il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise sur ce point .

c) Sur le rejet des pièces communiquées par la société Décathlon sous les numéros 3-1à 3-6 et 8 à 14

Les sociétés Intersport France et Forum Sports demandent le rejet de ces pièces faisant valoir qu'elles auraient été obtenues en violation de l'article 1 de l'ordonnance n° 45 -2592 du 2 novembre 1945 , que des photographies de cartons ont été prises par un salarié de Décathlon de façon illicite (sans autorisation judiciaire ) à l'intérieur du magasin Intersport , que le procès verbal d'huissier comprend ces éléments et se trouve donc nul et doit être écarté des débats .

La société Décathlon France conclut au débouté de cette demande , faisant valoir que le directeur du magasin Décathlon avait parfaitement le droit de prendre des photographies de l'intérieur de magasin Intersport , qu'il a voulu capter la réalité sur l'instant de l'illicéité des transferts de marchandises en cours de liquidation , que le constat d'huissier est valable ,l'huissier de justice pouvant dresser constat du contenu d'un téléphone portable .

La pièce n°8 indiquée dans le dispositif des conclusions mais non dans le corps des écritures est un constat d'huissier dressé le 6 février 2020 à la demande de la société Décathlon et fait état après recherches informatiques du contenu du compte facebook libre et ouvert au public du magasin Intersport de [Localité 12] mentionnant divers informations relatives à l'opération de liquidation ou à des opérations de soldes , promotions et ouvertures dominicales , aucune irrégularité n'affecte ce constat qui sera retenu aux débats .

Les pièces n° 9 à 14 sont des photographies de colis et d'étiquettes de colis prises à l'intérieur du magasin Intersport , lieu privé ouvert au public , par un salarié du magasin Décathlon sans autorisation judiciaire , elles seront écartées des débats .

S'agissant des pièces 3-1 à 3-6 , il s'agit du contenu d'un constat dressé par M.[X] [U] huissier de justice à [Localité 12] ,les 11 et 12 février 2020 .Ce constat est valable en ce qu'il comporte des constatations effectuées par l'huissier de justice , lui même sur la vitrine du magasin Intersport présence d'affiches sur la vitrine , sur des poteaux , et des consultations de messages par l'huissier de justice dans le téléphone d'un employé relatives aux dates d'ouvertures dominicales .Il est irrégulier en revanche en ce qu'il comporte des photographies prises par un employé de la société Décathlon au sein du magasin Intersport sans autorisation , la pièce 3-6 qui comporte ces photographies sera écartée des débats .

d)Sur la demande de rétractation

Les société Intersport France et Forum Sports demandent l'infirmation de l'ordonnance objet de l'appel et la rétractation de l'ordonnance en toutes ses dispositions .

Elles ont valoir que ni la requête ni l'ordonnance n'ont caractérisé de motifs concrets permettant de justifier qu'il soit dérogé au principe du contradictoire , qu'il n'y a eu dans la requête aucune démonstration concrète d'un risque de dépérissement des preuves au vu des faits de l'espèce ni une nécessité de provoquer un effet de surprise , que le premier juge s'est borné à dire que les circonstances de l'espèce justifiaient qu'il soit dérogé au principe du contradictoire , que la requête a été déposée le 6 mars 2020 alors que depuis le 15 février , l'opération de liquidation en magasin était terminée et que toute trace de la liquidation avait déjà été retirée , qu'aucune preuve ne pouvait donc disparaître puisque l'opération avait pris fin , qu'il n'existe aucun dépérissement des preuves lorsque les éléments objets de la mesure d'instruction sont des documents comptables ou administratifs lesquels sont soumis à des obligations de conservation et d'archivage .

Elles ajoutent que le juge ne peut ordonner une mesure d'instruction que si le requérant justifie d'un motif légitime , que le juge qui se prononce sur une demande de rétractation doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale , qu'en l'espèce Décathlon s'est contentée de procéder par affirmations gratuites ne reposant que sur des suppositions , ne disposait d'aucun commencement de preuves ou faisceau d'indices lui permettant de douter de la licéité de l'opération de liquidation .Elles soulignent que Forum Sports avait bien déclaré l'opération , que la vente étant affichée avec la mention du récépissé obtenu en mairie , que le fait qu'il y ait une quantité importante de produits concernés démontre que la réserve a été vidée et présentée à la vente en perspective du déménagement , que par ailleurs , la loi n' interdit pas de vendre des marchandises ayant transité par d'autres magasins si ces dernières figuraient sur l'inventaire de liquidation déposé en mairie , que l'opération était bien une opération de liquidation totale , l'ensemble des produits faisant l'objet de réductions .

Elles précisent qu'il avait été déclaré que l'opération pourrait débuter le 17 décembre tout en respectant la durée maximale de 2 mois fixée par la loi , que la soirée du 17 décembre était réservée aux clients les plus fidèles , l'opération ne débutant que le 18 décembre pour le grand public , que le constat ne démontre pas qu'elle n'ait pas respecté la loi sur les ouvertures dominicales limitées à 12 par année civile .

Elles font valoir également que la requête présentée par Décathlon traduit une volonté manifeste de leur nuire , que la société Décathlon France multiplie les constats et requêtes similaires à l'encontre de différents magasins depuis 2018 , et souhaite ainsi affaiblir le réseau , fait preuve de déloyauté et a trompé le juge des requêtes sur ses véritables intentions . Elles soulignent qu' aucune limite temporelle n' était indiquée dans la requête , et que les mesures d 'instruction renvoyaient à une liste imprécise et non exhaustive , de sorte qu'il revenait à l'huissier d'effectuer un choix parmi les documents et éléments qui pouvaient lui être présentés , qu'il s'agissait de mesures invasives , disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi .

La société Décathlon France réplique qu'au jour du dépôt de la requête soit le 6 mars 2020 aucun procès n'était engagé entre elle et la société Forum Sports , qu 'elle s'est trouvée contrainte d'agir depuis 2018 contre d'autres magasins Intersport compte tenu de leur non respect de la réglementation en matière de vente et de concurrence , qu'elle n'a eu aucune volonté de tromper le juge , et qu'elle disposait bien de motifs légitimes pour déposer sa requête et les a clairement indiqués .

Elle précise que le premier motif était constitué par le fait que le récépissé de la déclaration en mairie n'était pas affiché contrairement à une obligation légale , que le deuxième motif consiste dans le fait que qu'une opération de liquidation ne peut porter que sur les marchandises que le magasin détient ,mais qu'en l'espèce la probabilité très haute que la marchandise destinée à la vente provienne d'autres magasins était corroborée par des photographies et par un constat concernant un autre magasin, démontrant une pratique partagée au sein du réseau Intersport , que le troisième motif était une tromperie du consommateur par la société Forum Sport puisqu'elle annonçait une liquidation totale alors que l'opération ne portait que sur certains articles , tout ceci permettant de se procurer de façon déloyale un avantage concurrentiel anormal au détriment du magasin voisin exploité par Décathlon .

Elle ajoute qu'elle disposait de deux autres motifs légitimes à présenter cette requête , soit un non respect des dates de l'opération annoncée , la société Forum Sports ayant affiché et annoncé une liquidation à compter du 18 décembre 2019 alors que cette dernière avait commencé le 17 décembre ainsi qu'un non respect ni des dates ni du nombre d'ouvertures dominicales autorisées par le maire pour l'année 2019 .

Elle souligne que l'ensemble des irrégularités constatées par des commencements de preuve , de nature à nuire gravement à la société Décathlon , concurrent direct , nécessitait qu'il soit procédé à des constats autorisés par l'autorité judiciaire pour collecter des éléments de preuve .

La société Décathlon ajoute que les demandes présentées étaient limitées et circonscrites et visaient à établir la preuve des infractions suspectées au vu des commencements de preuve apportés qu'elles étaient proportionnées et justifiées ,qu'il était indiqué que la mission devait être effectuée dans un délai de 3 mois au plus tard , qu'aucune condition de temporalité n'est exigée par l'article 145 du code de procédure civile , que les mesures restaient pertinentes à la date du dépôt de la requête , que si les constats d'huissier n'ont pu être réalisés avant le 15 mai 2020 , c'est en raison de la crise sanitaire .

Elle ajoute qu'il était nécessaire de déroger au principe du contradictoire , que les irrégularités commises étaient flagrantes et que l'effet de surprise était nécessaire pour éviter que la société Forum Sport fasse disparaître les preuves de la violation de la réglementation applicable , qu'elle n'a jamais cherché à nuire à la société Forum France ni à violer le secret des affaires , sa requête ne portant pas sur le prix d'achat des marchandises , ni leur prix de vente.

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige , les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé .

L'article 493 dispose que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse .

Selon l'article 497 , le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance , même si le juge du fond est saisi de l'affaire .

Le juge saisi d'une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile , doit apprécier au jour où il statue les mérites de la requête .Il doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale et à la lumière des éléments produits à l'appui de la requête et des circonstances qui justifient de ne pas y procéder contradictoirement .

Il appartient au requérant de justifier de ce que sa requête était fondée et non au demandeur à la rétractation de rapporter la preuve qu'elle ne l'est pas .

Il est constant que la requête présentée par la société Décathlon France au président du Tribunal de Commerce de Saint Quentin le 6 mars 2020 , faisait état de l'organisation d'une opération de liquidation totale pour cause de transfert organisée par la société Forum Sports exploitant un magasin Intersport , son concurrent situé à proximité , et de plusieurs irrégularités selon elle concernant cette opération , défaut d'affichage du récépissé de la déclaration en mairie , présence constatée par ses collaborateurs de nombreux cartons provenant d'autres magasins Intersport et d'une grande quantité de marchandises faisant présumer la vente de marchandises provenant de l'extérieur , affichage et publicité portant sur une liquidation totale alors qu'en réalité certains articles étaient exclus de l'opération , dates de l'opération non respectées soit une annonce officielle de liquidation au 18 décembre alors qu'une prévente avait été organisée le 17 décembre , un non respect à la fois du nombre d' ouvertures dominicales mais aussi des dates fixées par arrêté municipal .

La société Décathlon indiquait dans sa requête qu'il existait un motif légitime à solliciter des mesures, qu'en effet le non respect des règles en vigueur tant sur les opérations de liquidation que sur les ouvertures le dimanche était d'une particulière gravité , susceptible de constituer des actes de concurrence déloyale , que ces faits créaient selon elle un déséquilibre entre commerçants et constituant une pratique déloyale , étaient de nature à désorganiser et appauvrir le magasin Décathlon situé à proximité .

A l'appui de ces faits étaient produites des photographies prises par des employés de Décathlon dans le magasin Intersport en cause , des constats d'huissier en date du 6 février 2020 et 7 février 2020 portant sur des constatations opérées sur l'affichage réalisé en magasin , sur le compte facebook du magasin Intersport de [Localité 12] , et les messages publicitaires reçus pour les ouvertures dominicales , des constats d'huissier opérées dans les magasins de [Localité 7] , et de [Localité 11] .

Il était indiqué que la gravité des faits commis et l'impératif de conservation des preuves nécessitait que des mesures soient ordonnées de façon non contradictoire , qu'il convenait d'éviter que la société Forum Sport ne fasse disparaître les preuves de la violation des règles applicables et que la société prenne des dispositions pour régulariser les manquements reprochés , que la nécessité de surprise était fondamentale au regard de la nature particulière de l'affaire pour permettre d'obtenir efficacement les documents et pièces sollicitées .

Il était sollicité la désignation de deux huissiers de justice pour intervenir de façon concomitante sur deux sites , au magasin Intersport situé à [Localité 8] , et au siège social de la société Forum Sport exploitant ce magasin , situé à [N] , avec des mesures identiques pour chacun des sites : recueillir toutes informations et éléments relatifs à la déclaration préalable en mairie et sur le récépissé, ainsi que sur les produits sur lesquels portait l'opération de liquidation , la provenance de ces produits , les dates et modalités de la relocalisation du magasin , les horaires et dates d'ouverture du magasin les dimanches de l'année 2019 , et sur le chiffre d'affaires réalisé lors de ces dimanches , et de dresser procès verbaux des constatations opérées , l'ordonnance devant être exécutée dans les 3 mois de son prononcé .

Dans son ordonnance rendue le 12 mars 2020 , le président du Tribunal de Commerce de Saint Quentin a fait droit à l'intégralité des mesures sollicitées après avoir mentionné qu 'il constatait que la société Décathlon France justifiait d 'un motif légitime autorisant l'établissement de la preuve , avant tout procès , de faits dont peut dépendre la solution des litiges .

Il convient de constater que dans la requête qu'elle a présentée au juge , la société Décathlon a exposé de façon claire et précise les faits à l'origine de sa demande , soit une opération de liquidation concernant un concurrent situé à proximité immédiate de son magasin le magasin Intersport du [Localité 8] , annoncée comme étant une « liquidation totale » « à partir du 18 décembre » par certaines affiches apposées sur des vitrines du magasin et sur des poteaux , « liquidation avant transfert » selon récépissé , mais avec la précision sur un encart d'une affiche

«  liquidation totale à partir du 18 décembre 2019 sur les articles signalés en magasin , hors prix en baisse , hors nouvelles collections et autres promotions , dans la limite des stocks disponibles '.. » ces éléments figurant sur un constat d'huissier effectué les 11 et 12 février 2020 .

La requête indiquait distinctement plusieurs irrégularités suspectées , soit un défaut d'affichage du récépissé de déclaration en mairie , une liquidation non pas totale mais limitée à certains articles , une vente ne portant pas uniquement sur les stocks du magasin situé sur la commune du [Localité 8] , des dates annoncées ou déclarées de liquidation ne correspondant pas aux messages adressés par SMS à la clientèle le 17 décembre, faisant état d'une « liquidation totale jusqu'à 60 % en avant première ce jour , ouverture du magasin de 14 h à 21 h » et des messages adressés à la clientèle , constatés également par un huissier de justice , faisant suspecter des ouvertures dominicales de ce magasin plus importantes que celles autorisées , en considération de l'arrêté municipal du 29 octobre 2018 qui était produit .

Les éléments relevés par la société Décathlon pouvaient laisser penser que des infractions à la réglementation relative aux ouvertures dominicales , ainsi qu'aux règles sur la vente en liquidation étaient commises , de nature à lui porter préjudice par une perte de clientèle et de chiffre d'affaires , puisque concurrent direct de la société Forum Sports sur la même zone , l'opération de liquidation commençant en fin d'année 2019 pour se terminer le 15 février 2020 , soit à une période particulière de ventes (fêtes de fin d'année, sports d'hiver et soldes), elle justifiait donc d' un motif légitime , ainsi que précisé dans sa requête, à solliciter des mesures destinées à recueillir des preuves de l'existence d'infractions avant saisine du juge du fond.

S'agissant du contradictoire, l'éviction du contradictoire , principe directeur du procès , nécessite que le requérant justifie de manière concrète les motifs pour lesquels dans le cas d'espèce , il est impossible de procéder autrement que par surprise .Faute de motivation contenue dans la requête et l'ordonnance de circonstances particulières de nature à autoriser une dérogation au principe du contradictoire , l'ordonnance sur requête doit être écartée .

Il incombe au juge de la rétractation au besoin d'office de rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire .Les circonstances susceptibles de justifier une telle dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l'ordonnance.

En l'espèce , dans son ordonnance en date du 12 mars 2020, le juge a indiqué constater que la société Décathlon France justifiait aux termes de la requête présentées de circonstances nécessitant de déroger au principe du contradictoire ,sans autres précisions .

La requête mentionnait que la gravité des faits exposés et l'impératif de conservation des preuves nécessitaient de déroger au principe du contradictoire afin que la société Forum Sports , informée , ne fasse disparaître notamment les preuves de la violation, dans ses livres comme dans les magasins , de la réglementation applicable aux ventes en liquidation et ouvertures dominicales et de l'avantage concurrentiel qu'elle a pu en retirer , qu'il fallait éviter que les constatations se trouvent privées d'effet après que la société ait pris ses dispositions pour régulariser tout ou partie des manquements reprochés en termes d'affichage ou de mentions et étiquettes présentes en magasins ou encore en matière de traçabilité comptable , administrative et commerciale susceptibles de se trouver sur ses différents sites (siège social et établissement secondaire) , et que l'effet de surprise était fondamental au regard de la nature particulière de l'affaire pour permettre d'obtenir efficacement les documents et pièces sollicitées .

Il convient d'observer cependant que l'opération de liquidation était achevée depuis plusieurs semaines lorsque la société Décathlon a déposé sa requête le 6 mars 2020 , que le risque de régularisation d'infractions en matière d'affichage , de mentions et étiquettes en magasins n'existait donc plus puisque l'opération était terminée , que par ailleurs l'opération de liquidation n'avait aucun caractère secret mais était réalisée au vu et au su de tous , déclarée , affichée , se déroulant pendant plusieurs semaines , publicité en étant faite aux clients , tout comme l'étaient les ouvertures dominicales , et que ainsi que le soutiennent les appelantes , la loi prévoit que les éléments comptables et pièces justificatives soient conservés pendant plusieurs années , de même pour les documents administratifs , par ailleurs ,s'agissant de la déclaration en mairie de l'opération et des annexes devant y figurer telle l'inventaire de liquidation , cette formalité étant préalable à l'opération, il ne pouvait en aucun cas y être apportée de modifications matérielles si cette dernière n'avait pas été régulière , dès lors , aucun effet de surprise n' était nécessaire , aucun risque de dépérissement des preuves n'existait tant au magasin qu'au siège de la société Forum Sports , susceptible de justifier qu'il soit dérogé au contradictoire , par conséquent sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués relatifs aux mesures ordonnées , il convient de rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance sur requête du 12 mars 2020, de prononcer l'annulation des procès verbaux de constat établis en exécution de l'ordonnance entreprise et d'ordonner la restitution à la société Forum Sport des éléments issus des mesures d'instruction .

e)Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société Décathlon France qui succombe est condamnée à payer aux sociétés Intersport France et Forum Sport la somme de 2 500 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel .

PAR CES MOTIFS

La Cour , statuant par arrêt contradictoire , en dernier ressort , par mise à disposition au greffe

Infirme l'ordonnance de référé du 18 mars 2021 en ce qu'elle a dit irrecevable à agir la société Intersport France .

Ecarte des débats les pièces 3-6 et 9 à 14 de la société Décathlon France .

Infirme l'ordonnance de référé du 18 mars 2021 en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à rétractation de l'ordonnance sur requête en date du 12 mars 2020 .

Statuant à nouveau et y ajoutant

Déclare la société Intersport France recevable à agir en rétractation de l'ordonnance du 12 mars 2020 .

Rétracte l'ordonnance sur requête rendue le 12 mars 2020 par le Président du Tribunal de Commerce de Saint Quentin en toutes ses dispositions .

Prononce l'annulation des procès verbaux de constat établis en exécution de l'ordonnance du 12 mars 2020 .

Ordonne la restitution à la société Forum Sports de l'ensemble des éléments issus des mesures d'instruction .

Condamne la société Décathlon France à payer tant à la société Intersport France qu'à la société Forum Sports , la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Condamne la société Décathlon France aux dépens avec droit de recouvrement direct au bénéfice de M.[J] [I] .

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/01763
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;21.01763 ?
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