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07/07/2022 | FRANCE | N°20/03445

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 07 juillet 2022, 20/03445


ARRET



















S.C.E.A. [I]





C/



S.A.S. DE LAGE LANDEN LEASING









DB





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 07 JUILLET 2022





N° RG 20/03445 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HZG6



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 08 JUIN 2020





PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE





S.C.E.A. [I], agi

ssant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]





Représentée par Me Pierre LOMBARD de l'ASSOCIATION DONNETTE-LOMBARD, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN





ET :





INTIMEE





S.A.S. DE LAGE LANDEN LEASING, ...

ARRET

S.C.E.A. [I]

C/

S.A.S. DE LAGE LANDEN LEASING

DB

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 07 JUILLET 2022

N° RG 20/03445 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HZG6

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 08 JUIN 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.C.E.A. [I], agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Pierre LOMBARD de l'ASSOCIATION DONNETTE-LOMBARD, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

ET :

INTIMEE

S.A.S. DE LAGE LANDEN LEASING, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Ayant pour avocat plaidant, Me Ambroise de PRADEL de LAMAZE, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 01 Février 2022 devant Mme Dominique BERTOUX, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Avril 2022.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Dominique BERTOUX en a rendu compte à la Cour composée de:

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le délibéré a été prorogé au 07 juillet 2022.

Le 07 juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Suivant contrat de crédit-bail n°85140176487 du 17 mai 2016, la SAS De Lage Landen Leasing a consenti à la SCEA [I], gérée par Mme [P] [I], épouse [V], la jouissance d'un tracteur John Deere 6195 et d'un pulvérisateur John Deere R9521 d'une valeur totale de 233.000 € hors taxes, conclu pour une durée irrévocable de 60 mois, moyennant le versement de cinq loyers annuels de 48.968,69 €, hors taxes, soit 58.762,43 € TTC.

Par procès-verbal du 23 octobre 2016, la SCEA [I] a attesté de la réception définitive du pulvérisateur et du tracteur susvisés.

Le 25 octobre 2017, la SAS De Lage Landen Leasing a déclaré un incident de paiement de la SCEA [I].

Par courriel du 6 novembre 2017, la SAS De Lage Landen Leasing a mis en demeure la SCEA [I] de lui régler la facture impayée du 25 octobre 2017, d'un montant de 58.762,43 euros.

Par lettre du 4 janvier 2018, une nouvelle mise en demeure a été adressée à la SCEA [I].

Par acte d'huissier du 31 janvier 2018, la SAS De Lage Landen Leasing a fait délivrer à la SCEA [I] une sommation interpellative.

Par lettre du 16 février 2018, la SAS De Lage Landen Leasing a mis en demeure la SCEA [I] de lui payer le solde de la dette dans un délai de 72 heures.

Déplorant des incidents de paiement malgré mises en demeure et sommation interpellative, la SAS De Lage Landen Leasing a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 février 2018, prononcé la résiliation unilatérale du crédit-bail et mis en demeure la SCEA [I] de lui régler les loyers échus et restant à échoir ainsi que de lui restituer les deux matériels financés.

Une dernière mise en demeure de payer a été adressée à la SCEA [I] le 26 mars 2018.

Par acte d'huissier du 10 décembre 2018, la SAS De Lage Landen Leasing a fait assigner la SCEA [I] devant le tribunal de grande instance de Saint-Quentin, en restitution des deux matériels sous astreinte et en paiement de diverses sommes au titre des loyers impayés échus avant résiliation, des loyers à échoir et des indemnités forfaitaires contractuellement dues.

Par jugement contradictoire du 8 juin 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Quentin a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de crédit-bail n°85140176487 au profit de la SAS De Lage Landen Leasing, et ce à compter du 22 février 2018;

- condamné la SCEA [I] à payer à la SAS De Lage Landen Leasing les sommes suivantes :

* 58.762,43 euros TTC, en règlement des loyers impayés échus avant résiliation;

* 149.237,07 euros HT, en règlement des loyers à échoir et des indenmités forfaitaires contractuellement dues;

- condamné la SCEA [I] à restituer à la SAS De Lage Landen Leasing, ou à toute personne expressément mandatée à cet effet par ladite société:

* un pulvérisateur John Deere R9521, ainsi que les accessoires de numéro de série 1WZ0952XPG01608;

* un tracteur John Deere 6195R, ainsi que les accessoires de numéro de série 1L06195RTFP8441 17;

- ordonné l'appréhension desdits matériels en quelque lieu et quelque main qu'ils se trouvent, même sur la voie publique, y compris dans les locaux d'habitation ou professionnel d'un tiers, et à le faire transporter aux frais du débiteur en tout lieu que jugera bon la société De Lage Landen Leasing;

- débouté la SA De Lage Landen Leasing de sa demande de condamnation en restitution sous astreinte;

- rejeté toute autre demande plus ample ou contraire;

- condamné la SCEA [I] à la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration en date du 08 juillet 2020, la SCEA [I] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 7 avril 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SCEA [I] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris;

avant dire droit,

- condamner la SAS De Lage Landen Leasing à produire les conditions de vente des matériels concernés;

- débouter la SAS De Lage Landen Leasing de ses moyens, fins et conclusions;

- condamner la SAS De Lage Landen Leasing à lui payer la somme de 2.000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 7 janvier 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SAS De Lage Landen Leasing demande à la cour de:

- débouter la SCEA [I] de toutes ses demandes, fins et prétentions;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* condamné la SCEA [I] à lui payer les sommes de 58.762,43 € TTC, en règlement des loyers impayés avant résiliation, et de 149.236,07 € HT, en règlement des loyers à échoir et de la valeur résiduelle;

* condamné la SCEA [I] à lui restituer les matériels objet du contrat de crédit-bail résilié;

* ordonné l'appréhension desdits biens en quelque lieu et quelque main qu'ils se trouvent, même sur la voie publique y compris dans les locaux d'habitation ou professionnel d'un tiers et à le faire transporter aux frais du débiteur en tout lieu aux frais du débiteur en tout lieu que jugera bon la société De Lage Landen Leasing;

Faisant droit à l'appel incident

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a réduit la clause pénale contractuellement fixée à 14.690,61 € à la somme d'un euro;

- condamner la société SCEA [I] à lui payer, outre les loyers échus avant résiliation, les loyers à échoir et la valeur résiduelle, la somme de 14.690,61 € HT, au titre de la clause pénale stipulée à l'article 10 des conditions générales du contrat de crédit-bail résilié aux torts de la SCEA [I];

en tout état de cause,

- condamner la SCEA [I] à lui payer la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2021, l'affaire ayant été fixée pour plaider à l'audience du 1er février 2022.

SUR CE

Il est utile de rappeler qu'en application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Au soutien de son appel, la SCEA [I], dans sa discussion, prétend que sur le décompte réclamé par le crédit-bailleur, il existe deux contestations sérieuses : la première sur le premier loyer débité dès le départ de l'opération et payé par le fournisseur, par le biais d'un sur-financement, la deuxième sur le second loyer qui a été effectivement réglé; que dans le cadre de ses conclusions de première instance, la SAS de Lage Mandan leasing admet que le premier loyer a bien été payé par compensation, ce qui valide la thèse de l'appelante depuis l'ouverture du procès; que faignant de croire à un détournement d'actifs le crédit-bailleur a menacé la concluant d'une procédure pénale, et pour lui permettre de mieux refuser toute proposition de rachat du matériel financé.

Elle expose, sur la réalité du préjudice, que la société de crédit-bail cherche vraisemblablement à revendre le matériel à vil prix à des réseaux de revendeurs-privilégiés, afin de gonfler son préjudice; qu'il n'a jamais été question pour la SCEA [I] de vendre directement le matériel,, son seul objectif étant de trouver un acquéreur au meilleur prix afin que le préjudice du crédit bailleur et son propre préjudice soient le plus faible possible; que le jugement entrepris l'a injustement condamnée à payer la totalité des loyers restant à courir sans déduire le prix de revente des matériels; que cela ne se peut puisque le préjudice de la SAS De Lage Landen Leasing n'est à ce jour ni certain, ni liquide, ni exigible; qu'il faut additionner ce que facture la SAS De Lage landen Leasing (loyer futur, indemnité de résiliation, option d'achat, frais d'huissier et article 700 du CPC portés pour mémoire, le total dépassant la somme de 16.000 €; que pour le crédit bailleur se serait la juste indemnisation du son préjudice lié au travail de son service contentieux; que l'essentiel des diligences et poursuites est en fait réalisé par l'huissier instrumentaire qui multiplie les actes mais qui inclut à chaque fois sas frais et honoraires à la charge direct du concluant; que ces procédures n'ont d'ailleurs été engagées que parce que le crédit-bailleur a refusé obstinément toutes propositions amiables depuis plusieurs années; qu'au surplus les matériels ont été appréhendés et revendus, mais que le crédit bailleur refuse de donner les éléments sur ce point.

La SASU De Lage Landen Leasing, se prévalant des dispositions de l'article 1134 ancien du code civil et des stipulations contractuelles des articles 10.1 et 10.3, réplique que les sommes qu'elle demande ne sont que l'application du contrat de crédit-bail résilié aux torts de la SCEA [I]; qu'elle a déduit la somme de 58.782,43 € de la facture émise par le fournisseur et a transmis la confirmation de la compensation à la SCEA [I] par l'envoi d'une facture au seuil de laquelle, il était précisé 'facture émise par compensation'; que le défaut de paiement justifiant la résiliation du contrat concerne la deuxième échéance annuelle impayée au titre du mois d'octobre 2017.

Elle fait valoir, sur les indemnités contractuelles consécutives à la résiliation du contrat, que la clause pénale permet aux parties de donner à leur accord une force obligatoire accrue, en stipulant pour le cas d'inexécution, une peine élevée; qu'en l'espèce, les indemnités forfaitaires fixées par la société crédit-bailleur ne sont pas excessives puisqu'elle a financé l'acquisition du véhicule et a pris un risque en acceptant ce financement, risque avéré dans ce dossier puisqu'elle se retrouve avant l'échéance du contrat, privée de sa propriété et du règlement des loyers qui lui sont dus et qu'elle engage des frais tous les jours dans ce dossier puisqu'il est entre les mains du service contentieux de la société; que force est de constater que la SCEA [I] ne fournit aucun élément probant permettant d'affirmer que les indemnités contractuelles sont excessives.

- Sur le principe de la créance

Selon l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige : 'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi'.

Selon l'article 1315 du code civil, dans sa version applicable au litige : 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.

La SAS De Lage Landen Leasing verse aux débats :

- une copie du contrat de crédit-bail litigieux du 17 mai 2016,

- une copie du procès-verbal de réception définitive du pulvérisateur et du tracteur fournis par la société Team 3 services, lequel a été signé le 23 octobre 2016 par Mme [P] [V] pour la SCEA [I];

- une copie de la lettre du 6 novembre 2017, suivie du courriel du 6 novembre 2017, par lesquels l'intimée met en demeure l'appelante de lui régler la somme de 58.762,43 euros, hors intérêts de retard, au titre du loyer échu le 25 octobre 2017;

- une copie de la sommation interpellative délivrée par acte d'huissier du 31 janvier 2018, conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile, d'avoir à régler à l'intimée la somme précitée suivant facture du 25 octobre 2017, aux termes de laquelle la promesse de M. [V] d'obtenir un prêt visant à solder la dette de la SCEA [I] n'a pas été suivie d'effet:

- une copie du dernier courriel de mise en demeure du 16 février 2018;

- une copie de la LRAR de résiliation du contrat litigieux du 22 février 2018, indiquant l'obligation pour l'appelante de lui restituer les matériels financés et de lui régler sans délai une créance de 222.689,11 euros;

- et la copie de courriels échangés par les parties entre le 23 février 2018 et le 13 mars 2018, desquels il ressort que la SCEA [I] n'a pas procédé au réglement de sa dette à l'égard de la SAS De Lage Landen Leasing.

La SAS De Lage Landen Leasing justifie ainsi de l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de crédit-bail litigieux, dans le prolongement d'un premier incident de paiement non-régularisé du 25 octobre 2017 et de l'exigibilité de sa créance à compter de la LRAR de résiliation du 22 février 2018.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de crédit-bail n°85140176487 au profit de la SAS De Lage Landen Leasing, et ce à compter du 22 février 2018, condamné la SCEA [I] à restituer à la SAS De Lage Landen Leasing, ou à toute personne expressément mandatée à cet effet par ladite société:

* un pulvérisateur John Deere R9521, ainsi que les accessoires de numéro de série 1WZ0952XPG01608;

* un tracteur John Deere 6195R, ainsi que les accessoires de numéro de série 1L06195RTFP8441 17, ordonné l'appréhension desdits matériels en quelque lieu et quelque main qu'ils se trouvent, même sur la voie publique, y compris dans les locaux d'habitation ou professionnel d'un tiers, et à le faire transporter aux frais du débiteur en tout lieu que jugera bon la société De Lage Landen Leasing, et débouté la SA De Lage Landen Leasing de sa demande de condamnation en restitution sous astreinte, cette dernière disposition n'étant pas discutée.

- Sur le montant de la créance

* Concernant le premier loyer annuel

L'appelante fait valoir que la SAS De Lage Landen Leasing a été payée d'un premier loyer de 58.782,43 € TTC, par l'effet d'une remise du concessionnaire, la société Team Services 3, sur le prix de vente du tracteur et du pulvérisateur, selon facture du 25 octobre 2016; qu'elle justifie du paiement par chèque d'un deuxième loyer, débité le 31 octobre 2016, à hauteur du même montant.

L'intimée soutient que la déduction du montant de 58.782,43 € TTC sur le prix d'acquisition des deux matériels litigieux a été autorisée par le fournisseur, sous réserve et en compensation du versement direct de cette somme par le crédit-preneur, la SCEA [I], au titre du premier loyer annuel échu, lequel a été effectué par chèque du 26 octobre 2016 à l'ordre de la société Team Services 3.

La SAS De Lage Landen Leasing précise avoir transmis au fournisseur, le 31 octobre 2016, la facture d'achat des matériels loués avec la mention 'réglée par compensation', après déduction de la somme de 58.782,43 €, de sorte que le premier loyer impayé par l'appelante, échu au 25 octobre 2017, correspondait à la deuxième, et non à la troisième échéance annuelle due.

En l'espèce, l'appelante produit un relevé de compte bancaire du 31 octobre 2016 portant la mention manuscrite 'Crédit Mutuel SCEA [I]', sur lequel il apparaît qu'un chèque n°8595712 a été débité le 26 octobre 2016 pour un montant de 58.762,43 €.

L'intimée verse aux débats deux factures du 25 octobre 2016, payées le 31 octobre 2016, établies par la société Team Services 3, adressée à la SAS De Lage Landen Leasing et concernant la SCEA [I], la première (tracteur) d'un montant de 125.000 € HT (150.000 € TTC) et la seconde (pulvérisateur) d'un montant de 108.000 € HT (129.600 € TTC).

Sur la dernière page de la seconde facture, il est écrit : 'Nous autorisons la [SAS De Lage Landen Leasing] à déduire du règlement de cette facture le montant correspondant au 1er loyer des 2 matériels (tracteur JD5195R + pulvérisateur) soit 58782,43 € TTC'.

La contemporanéité de l'encaissement du chèque de 58.762,43 € établi par la SCEA [I] et de la déduction du premier loyer annuel autorisée par le fournisseur sur l'une des deux factures transmises au crédit-bailleur, suffit à établir, en l'absence de preuve contraire, que les deux opérations sont liées, la première correspondant au réglement du premier, et non du deuxième, loyer annuel des matériels en cause.

Il s'ensuit que le premier incident de paiement non régularisé du loyer échu le 25 octobre 2017 portait sur le paiement du deuxième, et non du troisième, loyer annuel desdits matériels, de sorte que le dernier décompte de la créance litigieuse du 22 février 2018 est conforme à la réalité du réglement par la SCEA [I] d'un seul des cinq loyers annuels dûs au titre du contrat litigieux.

Au soutien de sa demande avant-dire-droit de production des conditions générales de vente des matériels dont s'agit, la SCEA [I] ne développe aucun moyen dans sa discussion, hormis la contestation élevée quant au règlement du premier loyer annuel d'octobre 2016 pour un montant de 58.762,43 €.

Or, les pièces ainsi produites par la SASU De Lage Landen Laesing suffisent à étayer ses explications sans qu'il soit besoin pour elle de produire les conditions générales de vente des matériels dont s'agit.

Il convient en conséquence de débouter la SCEA [I] de sa demande avant-dire-droit.

* Concernant l'indemnité en réparation du préjudice subi (article 10 du contrat)

La SCEA [I] prétend que l'indemnité de résiliation stipulée à l'article 10 du contrat litigieux doit être qualifiée de clause pénale, dont l'application forfaitisée, telle que revendiquée par la SAS De Lage Landen Leasing, conduit à déterminer des pénalités exorbitantes, sans rapport avec le préjudice subi par cette dernière.

L'intimée soutient qu'en vertu de l'article 10 du contrat litigieux, la résiliation du contrat de crédit-bail entraîne l'obligation pour l'appelante de lui régler une somme totale de 222.689,11 € TTC, dont :

- les loyers impayés au jour de la déchéance du terme, à hauteur de 58.762,43 € TTC;

- le total des loyers HT restant à échoir à cette date et jusqu'au terme du contrat, soit un montant de 146.906,07 €HT, étant indiqué qu'il ne s'agit pas d'une pénalité, mais d'une conséquence du prononcé de la déchéance du terme;

- la valeur résiduelle des deux matériels, qualifiée de 'dernier loyer' ou de 'prix de l'option' à la date d'expiration normale du contrat, le 25 octobre 2020, laquelle est devenue exigible avec le prononcé de la déchéance du terme, soit un montant de 2.330 € HT;

- outre une indemnité forfaitaire, qualifiée de clause pénale, égale à 10% de la totalité des loyers HT restant à échoir, due en raison de la rupture fautive du contrat, soit un montant de 14.690,61 € HT, laquelle n'est pas excessive au vu:

* du risque pris par le crédit-bailleur en finançant l'acquisition des matériels agricole d'espèce;

* ainsi que des coûts inhérents à leur récupération dans le cadre d'une procédure contentieuse, y compris des frais de personnel et d'avocat, puis à leur revente.

Selon l'article 7 des conditions générales du contrat de crédit-bail : 'A compter de la date de signature du procès-verbal de réception définitive, le Matériel reste la propriété du Bailleur et ce pendant toute la durée du Contrat [...]'.

Selon l'article 10 des conditions générales du contrat de crédit-bail :

'10.1 Résiliation pour inexécution. En cas non-paiement à échéance d'un seul terme de loyer, en cas de non-exécution par le locataire d'une seule des conditions générales ou particulières du présent contrat, ce dernier ainsi que tous autres contrats conclus antérieurement ou postérieurement avec le Bailleur, pourront être résiliés de plein droit par le Bailleur sans qu'il ait besoin de remplir aucune formalité judiciaire, 8 (huit) jours après une simple mise en demeure au Locataire demeurée sans effet d'avoir à exécuter ses obligations contractuelles. Les offres d'exécuter postérieures à la résiliation, le paiement ou l'exécution après le délai imparti n'enlèvent pas au bailleur le droit de déclarer ou maintenir la résiliation encourue location ou en cas de fausse déclaration relative aux renseignements fournis et certifiés par le locataire dans la fiche d'information établie préalablement à sa conclusion, le contrat pourra être résilié de plein droit par le loueur sans qu'il ait besoin de remplir aucune formalité judiciaire huit (8) jours après mise en demeure et sans que des offres de payer ou d'exécuter ultérieures, le paiement ou l'exécution après le délai imparti, puissent retirer au loueur le droit d'exiger la résiliation encourue. [...]

10.3 Réglements exigibles. Outre l'obligation de restituer immédiatement le Matériel au Bailleur dans les conditions définies à l'Article 13 ci-après, la résiliation du Contrat entraîne pour le Locataire l'obligation de payer immédiatement au Bailleur, sans mise en demeure préalable :

- les loyers échus et impayés au jour de la résiliation, ainsi que les intérêts de retard contractuellement stipulés et leurs accessoires,

- une indemnité en réparation du préjudice subi égale :

* à la somme des loyers restant à courir à la date de résiliation jusqu'au terme initialement prévu du Contrat, majorée du montant de l'Option d'Achat mentionnée aux Conditions Particulières,

* augmentée d'une pénalité pour inexécution du Contrat égale à 10% (dix pour cent) du montant hors taxes des loyers restant à courir avec un minimum de 250 Euros HT.

Cette indemnité sera majorée de toutes taxes applicables et de tous frais et honoraires exposés par le Bailleur, et portera intérêt sans mise en demeure préalable au taux défini à l'Article 5.5 ci-dessus'.

Selon l'article 1152 du code civil, dans sa version applicable au litige : 'Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite'.

Selon l'article 1226 du code civil, dans sa version applicable au litige : 'La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution'.

La SAS De Lage Landen Leasing verse aux débats une copie de la LRAR de résiliation du contrat litigieux du 22 février 2018, à laquelle est annexé un dernier décompte de sa créance, à hauteur de 222.689,11 euros, dont :

* 58.762,43 euros, au titre du loyer annuel échu le 25 octobre 2017;

* 146.906,07 euros, au titre de trois loyers annuels restant à échoir (2018, 2019 et 2020);

* 2.330 euros, au titre de l'option d'achat;

* et 14.690,61 euros, au titre de l'indemnité forfaitaire d'inexécution de 10% sur la somme des loyers restant à échoir.

L'indemnité contractuelle d'espèce (article 10.3), comprenant notamment les mensualités à échoir, outre l'option d'achat et un forfait de 10% sur les loyers à échoir, vise à majorer les charges financières pesant sur le débiteur en conséquence de l'exigibilité anticipée des loyers, dès la date de la résiliation.

Or, il est admis qu'une telle indemnité, stipulée à la fois comme un moyen de contraindre le débiteur à l'exécution et comme l'évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le crédit-bailleur du fait de l'accroissement de ses frais ou risques, à cause de l'interruption des paiements prévus, constitue une clause pénale susceptible de modération en cas d'excès [Cass. Com., 30 novembre 2010, n°09-15.980].

L'indemnité de 'réparation du préjudice subi', stipulée à l'article 10.3 précité du contrat litigieux, étant une clause pénale en tous ses éléments, le pouvoir modérateur du juge, au sens de l'article 1152 précité du code civil, porte sur la somme de 163.926,68 euros, dont :

- 146.906,07 euros, au titre de trois loyers annuels restant à échoir (2018, 2019 et 2020);

- 2.330 euros, au titre de l'option d'achat;

- et 14.690,61 euros, au titre de l'indemnité forfaitaire d'inexécution de 10% sur la somme des loyers restant à échoir.

Il est admis [Com., 11 février 1997, n° 95-10.851] que la disproportion manifeste s'apprécie en comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi, sachant que des motifs tirés du comportement du débiteur de la pénalité sont impropres à justifier à eux seuls le caractère manifestement excessif du montant de la clause.

Compte tenu de l'importance du montant des trois loyers annuels restant à échoir, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a réduit à 1 euro le montant de l'indemnité forfaitaire d'inéxécution de 10% sur la somme des loyers à échoir, soit de limiter l'indemnité contractuelle de 'réparation du préjudice subi' à la somme totale de (146.906,07 + 2.330 + 1 =) 149.237,07 €.

La SAS De Lage Landen Leasing sera déboutée de son appel incident.

Il convient, en conséquence, de condamner la SCEA [I] à payer à la SASU De Lage Landen Leasing la somme de 58.762,43 € TTC, au titre du loyer annuel échu le 25 octobre 2017 et celle de 149.237,07 € HT en règlement des loyers à échoir et des indemnités forfaitaires contractuellement dues; le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs de demandes.

- Sur les demandes accessoires

La SCEA [I], qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.

Enfin, il paraît inéquitable de laisser à la charge de la SAS De Lage Landen Leasing ses frais irrépétibles d'appel non compris dans les dépens, qu'il convient d'évaluer à la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

- DEBOUTE la SCEA [I] de sa demande avant dire droit;

- DEBOUTE la SAS De Lage Landen Leasing de son appel incident;

- CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

- CONDAMNE la SCEA [I] à payer à la SAS De Lage Landen Leasing la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- CONDAMNE la SCEA [I] aux dépens d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/03445
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;20.03445 ?
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