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30/06/2022 | FRANCE | N°21/04740

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 30 juin 2022, 21/04740


ARRET

























[Z]









C/







[O]

S.C.P. [G] - HERMONT



















COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 30 JUIN 2022





N° RG 21/04740 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IHKJ





JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 06 JANVIER 2021



APRES COMMUNICATION DU D

OSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC



EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





Monsieur [Y] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 6]





Représenté par Me Marion MANGOT de la SELARL MANGOT, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 21

Plaidant par ...

ARRET

[Z]

C/

[O]

S.C.P. [G] - HERMONT

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 30 JUIN 2022

N° RG 21/04740 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IHKJ

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE COMPIEGNE EN DATE DU 06 JANVIER 2021

APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC

EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [Y] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Marion MANGOT de la SELARL MANGOT, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 21

Plaidant par Me Christian DELBE, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMES

Monsieur [U] [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Emilie REBOURCET de la SCP FABIGNON,LARDON-GALEOTE,EVEN,KRAMER,ALLARD,REBOURCE, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160

S.C.P. [G] - HERMONT, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société ATELIER CARROSSERIE INDUSTRIELLE DE PICARDIE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Serge LEQUILLERIER de la SCP LEQUILLERIER - GARNIER, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160

DEBATS :

A l'audience publique du 24 Mars 2022 devant :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2022.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Charlotte RODRIGUES

MINISTERE PUBLIC : M. Alain LEROUX, Avocat Général

PRONONCE :

Le 30 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La SAS Atelier Carrosserie industrielle de Picardie (ci-après la SAS Acip), dont le siège se trouvait à Noyon (60400), laquelle exerçait une activité de réalisation de construction, de réparation, d'aménagement de carrosserie, de bennes, de remorques pour véhicules, d'achat revente et d'aménagement de véhicules neufs et d'occasion, a été placée en redressement judiciaire suivant jugement du 8 novembre 2017 du tribunal de commerce de Compiègne, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 29 novembre 2019, la SCP [G]-Hermont étant désignée respectivement en qualité de mandataire judiciaire puis de liquidateur judiciaire et la date de cessation des paiements arrêtée au 8 mai 2016.

Par acte d'huissier du 13 mai 2020, le liquidateur a fait assigner M [U] [O], en qualité de dirigeant de droit de la SAS Acip au visa des articles L.651-2 et L.653-1 et suivants du code de commerce, puis attrait aux mêmes fins par acte d'huissier du 15 septembre 2020, M. [Y] [Z] en qualité de dirigeant de fait aux fins qu'ils soient condamnés solidairement à supporter l'insuffisance d'actif de cette société dans la proportion de 579.244,02 € et que soit prononcé à leur endroit une mesure de faillite personnelle et subsidiairement une mesure d'interdiction de gérer.

Suivant jugement réputé contradictoire du 6 janvier 2021, le tribunal de commerce de Compiègne a :

- joint les affaires 2020L00281 et 2020L00600 ;

- dit recevable mais partiellement fondée l'action dirigée contre Mrs. [O] et [Z] ;

- condamné M. [O] à supporter l'insuffisance d'actif connue par la SAS Acip en la proportion de 50.000 € ;

- condamné M. [Z] à supporter l'insuffisance d'actif connue par la SAS Acip en la proportion de 500.000 € ;

- dit que ces condamnations porteront intérêts de droit à compter de l'assignation ;

- ordonné la capitalisation des intérêts;

- dit que les sommes recouvrées en application de ces condamnations seront réparties au marc le franc entre tous les créanciers ;

- prononcé une mesure d' interdiction de gérer à l'encontre de M. [O] pour une durée de 15 ans;

- prononcé une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [Z] pour une durée de 15 ans ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que ces sanctions seront inscrites par les soins de M. le greffier au fichier national des interdits de gérer conformément à l'article L.128-2 du code de commerce ;

- employé les dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la SAS Acip ;

- dit que les dépens et frais privilégiés seront payés par priorité sur les sommes versées pour combler le passif.

M. [Z] a interjeté appel partiel (n° RG 21/00347) de cette décision par déclaration du 13 janvier 2021.

Suivant ordonnance réputée contradictoire en date du 22 avril 2021, Mme la Première présidente de la cour d'appel d'Amiens a :

- accueilli la SCP Lehericy Hermont en sa demande de radiation de l'affaire (n° RG 21/00347);

- ordonné la radiation du rôle de l'affaire pour défaut d'exécution à titre provisoire de la décision frappée d'appel ;

- condamné M. [Z] à payer à la SCP Lehericy Hermont la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

L'affaire a été réinscrite au rôle de la cour sous le n° RG 21/04740.

Aux termes de ses conclusions remises le 15 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, M. [Z] demande à la cour :

- de le déclarer recevable et bien fondé en son appel ;

à titre principal,

- d'annuler le jugement querellé pour absence de motivation ;

à titre subsidiaire,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté, le concernant, des fautes de gestion consistant en la poursuite d'une activité déficitaire, en l'absence de reconstitution des capitaux propres et en la vente de l'immeuble de la SAS Acip ;

- de réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

$gt; l' a jugé comme étant le dirigeant de fait de la SAS Acip ;

$gt; l'a condamné à payer au liquidateur, la SCP Lehericy Hermont, la somme de 500.000 €, outre les intérêts de droit à compter de l'assignation, et a ordonné la capitalisation des intérêts ;

$gt; a prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 ans ;

statuant à nouveau,

sur la direction de fait :

- de débouter la SCP [G]-Hermont, ès-qualités de liquidateur de la SAS Acip, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre ;

sur l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif,

à titre principal,

- de débouter la SCP [G]-Hermont, es-qualités de liquidateur de la SAS Acip, de sa demande de condamnation financière à son encontre;

à titre subsidiaire,

- de ramener sa condamnation au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif à de plus justes proportions, et à une somme qui ne saurait excéder les sommes mises à la charge de M. [O], savoir 50.000 € ;

- de débouter la SCP [G]-Hermont, es-qualités de liquidateur de la SAS Acip, de sa demande de condamnation solidaire.

sur l'action aux fins de sanction personnelle,

à titre principal,

- de débouter la SCP [G]-Hermont, ès-qualités de liquidateur de la SAS Acip, de sa demande de sanction ;

à titre subsidiaire,

- de dire et juger que les manquements reprochés ne sauraient justifier une faillite personnelle ou une interdiction de gérer ;

à titre infiniment subsidiaire,

- de ramener la condamnation à de plus justes proportions ;

en tout état de cause,

- de condamner la SCP [G] Hermont, prise en la personne de Me [G], es-qualités de liquidateur de la SAS Acip, à lui payer la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- de débouter la SCP [G] Hermont, prise en la personne de Me [G], ès-qualités de liquidateur de la SAS Acip, de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de débouter M. [O] de ses demandes de condamnation aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner in solidum la SCP [G] Hermont, prise en la personne de Me [G], es-qualités de liquidateur de la SAS Acip, et M. [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 8 mars 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SCP [G] Hermont, ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Acip, demande à la cour :

à titre principal, déboutant les autres parties de toutes leurs demandes plus amples et contraires,

- de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

- de condamner M. [Z] à la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour et de rappeler que ces sommes devront être réglées dans les conditions de l'article L.651-3 alinéa 4 du code de commerce ;

à titre subsidiaire, si le jugement devait être annulé ou réformé en tout ou partie,

- de condamner solidairement MM. [O] et [Z] à supporter l'insuffisance d'actif connue par la SAS Atelier carrosserie industrielle de Picardie en la proportion de 541.696,49 € ;

- de dire et juger que cette condamnation produira intérêt de droit à compter de l'assignation;

- d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

- de dire et juger que les sommes recouvrées en application de cette condamnation seront réparties au marc le franc entre tous les créanciers ;

- de prononcer à l'égard de M. [O] une mesure de faillite personnelle, telle que définie à l'article L.653-2 du code de commerce ;

à titre subsidiaire, si 'le tribunal' estimait ne pas devoir prononcer la faillite personnelle, sur le fondement de l'article L.653-8 du Code de commerce,

- de prononcer à l'égard de M. [O] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, dans les conditions que 'le tribunal' estimera adaptées, notamment pour défaut de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours ;

- de prononcer à l'égard de M. [Z] une mesure de faillite personnelle telle que définie à l'article L.653-2 du code de commerce;

à titre subsidiaire, si 'le tribunal' estimait ne pas devoir prononcer la faillite personnelle, sur le fondement de l'article L.653-8 du code de commerce,

- de prononcer à l'égard de M. [Z] une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci, dans les conditions que 'le tribunal' estimera adaptées, notamment pour défaut de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours ;

- de condamner in solidum MM. [O] et [Z] en tous les dépens, outre une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- et de dire et juger que les dépens et frais irrépétibles seront payés par priorité sur les sommes versées pour combler le passif, en application de l'article L.651-3 alinéa 4 du code de commerce.

Selon avis communiqué aux parties le 9 mars 2022, le ministère public requiert la confirmation de la décision entreprise qui prononce la faillite personnelle avec interdiction de gérer pendant 15 ans à l'encontre de M. [Y] [Z], gérant de fait de la SAS Atelier carrosserie industrielle de Picardie (passif de 627.179 € qui, après la réalisation des actifs, se traduit par une insuffisance d'actif de 579.244 €, à laquelle s'ajoutent des capitaux propres négatifs à hauteur de 379.419 €).

SUR CE :

Sur le périmètre de l'appel

Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile dans sa version en vigueur du 1er janvier 2021 au 1er novembre 2021 issue du décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020 , la déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le troisième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

(...)

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

(...).

M [O] qui est intimé et demande la confirmation du jugement dont appel est recevable à opposer une fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande d'annulation du jugement.

De la déclaration d'appel du 13 janvier 2021 à 15 h 22, non suivi d'une déclaration rectificative dans le délai de l'appel, il ressort que M. [Z] n'a pas fait appel tendant à l'annulation du jugement mais qu'il en a interjeté appel partiellement en ce qu'il a été condamné à supporter l'insuffisance d'actif connue par la SAS Acip en la proportion de 500.000 €, dit que cette condamnation produira intérêts de droit à compter de l'assignation , ordonné la capitalisation des intérêts , dit que les sommes recouvrées en application de ces condamnations seront réparties au marc le franc entre tous les créanciers, prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de 15 ans et débouté de ses demandes.

En conséquence, la demande d'annulation du jugement dont appel présentée uniquement par voie de conclusions est irrecevable de sorte que seules les dispositions du jugement critiqué, visées dans la déclaration seront examinées.

M. [U] [O] n'ayant pas fait appel des dispositions du jugement le concernant, ces dernières sont entièrement confirmées.

Sur la qualité de M. [Z]

M. [Z] soutient que sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif de la SAS Acip ne peut être recherchée et qu'il ne peut être condamné à une mesure d'interdiction de gérer, à défaut d'avoir la qualité de dirigeant de fait de la personne morale en liquidation judiciaire.

Il fait valoir que le liquidateur est défaillant à rapporter la preuve qu'il gérait le personnel, les finances, l'activité commerciale et qu'il réalisait des actes de direction de façon constante et régulière en toute indépendance. Il prétend par ailleurs que la qualité de dirigeant de fait ne peut se déduire des statuts malgré l'existence d'une clause excluant la possibilité pour le dirigeant de droit de réaliser des dépenses d'exploitation supérieures à 5 000 €, tout investissement supérieur à 500 € HT et toute embauche, tout licenciement ou création de poste sans recueillir l'accord préalable des autres associés. Sur ce point il fait remarquer que M. [O] transgressait régulièrement les statuts et qu'en sa qualité de simple directeur général de Sfk et non de représentant légal il ne pouvait imposer des décisions lors des assemblées générales.

Le liquidateur soutient qu'il ne suffit pas à l'appelant de pointer les actes de gestion du dirigeant de droit pour exclure sa qualité de dirigeant de fait, que dans les faits il a excédé le rôle d'associé dans la mesure où les statuts excluaient toute possibilité pour M. [O] de réaliser les principaux actes de gestion et de direction sans l'accord de M. [Z]. Il affirme que M. [O] avait un rôle de cadre d'exploitation.

Il relève que la direction de fait de M. [Z] se déduit :

- de la procédure comptable et bancaire installée par ce dernier qui caractérise qu'il gérait les affaires courantes ;

- des relations de la banque avec M. [Z] caractérisant qu'il a la charge de la gestion financière ;

- des directives données par M. [Z] pour gérer les relations de la SAS Acip avec l'administration fiscale ;

- des ordres de constitution d'un stock de bois non nécessaire à la SAS Acip ;

- des recrutements réalisés, des refus de promotion opposés, et de l'ordre de passer par lui que tout recrutement devait lui être soumis pour validation.

Il est admis que le dirigeant de fait est celui qui se comporte comme un dirigeant de droit en s'immisçant dans la gestion de l'entreprise, que constitue une immixtion dans la gestion de l'entreprise le fait de procéder à des embauches, d'établir des relations avec des clients, de continuer à animer la société en toute indépendance, de se réserver le pouvoir d'embaucher le personnel, d'assurer la direction technique de l'entreprise, de donner des instructions, de participer à la gestion du personnel et d'assurer les suivis des relations avec les tiers, d'être en mesure de décider du sort commercial et financier de l'entreprise.

Historiquement la société Acip dont le siège social était à [Localité 6] a été créée en 1986, elle était présidée par M. [B] qui a cédé en février 2010 les 500 parts de la société dont 450 parts à la SAS Sfk (holding financière détenue par la famille [Z] dont le siège est à [Localité 7]) et 50 parts à M. [U] [O], ce dernier devenant le représentant légal de la société suite à la démission de M. [B] et la société étant transformée en SAS. Les statuts de cette dernière prévoyaient que M. [U] [O] devait recueillir l'accord préalable et écrit de la SAS Sfk avant la conclusion des dépenses et charges d'exploitation supérieures à 5 000 €, tout investissement supérieur à 500 € HT et pour l'embauche et le licenciement de salariés et la création d'emploi.

Par ailleurs la société Acip était propriétaire depuis 2006 du site pour l'avoir acquis au prix de 350 000 €.

Au mois de juin 2015 la SAS Acip a cédé au prix de 500 000 € l'immeuble d'exploitation à la SCI Afhymat 3 (dont le siège est à [Localité 7] et ayant pour associés l'EURL SF Invest et la SAS Afhymat, sociétés détenues directement ou indirectement par les frères [Z]).

Le 12 juillet 2016 la SAS Sfk a cédé à M. [U] [O] les 400 parts détenues dans la SAS Acip au prix de 1 € à charge pour la SAS Acip de rembourser à M.[Y] [Z] en qualité de dirigeant de Sfk son compte courant après un abandon partiel, d'une valeur de 277 200 € en 84 mensualités et la SAS Sfk s'engageant à poursuivre une mission d'assistance administrative et de saisie comptable jusqu'au 31 décembre 2016 contre paiement d'une redevance de 300 € HT par mois. La SAS Acip s'engageait également à continuer à se fournir auprès des sociétés Afhymat et Ciltec dirigées par M. [Z].

De cette chronologie et des actes, il ressort que de 2010 à juillet 2016 la SAS Sfk a été l' actionnaire majoritaire de la SAS Acip, que le représentant de cette dernière à savoir M. [U] [O], devait obtenir l'accord écrit de la SAS Sfk dirigée par M. [Y] [Z] pour réaliser la majorité des investissements, réaliser des dépenses d'exploitation et embaucher, licencier et créer des postes. Ces dispositions statutaires à elles seules caractérisent le fait que M. [Y] [Z] en qualité de dirigeant de la SAS Sfk actionnaire majoritaire, pouvait bloquer le fonctionnement courant de la société Acip dans la mesure où son avis devait être recueilli en permanence compte tenu des seuils, M. [O] n'ayant aucune marge de manoeuvre pour exercer ses prérogatives de représentant légal, et il importe peu que ce dernier ait réalisé trois paiements anecdotiques sur cette période en violation des statuts.

M. [Y] [Z] a mis en place une procédure intitulée 'procédure comptabilité Acip décentralisée à [Localité 7]', cette procédure écrite est rédigée comme suit :

- toute comptabilité sera faite à [Localité 7] (enregistrement de facture fournisseur, déclaration TVA, rapprochement bancaire) ;

- les originaux des factures arrivent à [Localité 6], rapprochement de ces factures avec BC chiffré/validation NJ, copie et réexpédition à [Localité 7] ;

- les factures arrivant par mail (ex/SFR) sont transmises directement par mail à [Localité 7] ;

- les documents de la banque $gt; originaux à [Localité 7] ;

- les règlements clients sont encaissés à [Localité 6] $gt; bordereaux remise de chèque$gt; copie des chèques$gt; envoi à [Localité 7] ;

- les règlements fournisseurs sont validés par NJ et fait par virement dès que possible ;

- la facturation client est faite à [Localité 6] ;

- une réunion une fois par mois avec [T] et le comptable.

Elle démontre que M. [Z] imposait les modalités de traitement comptable des charges de fonctionnement et leur paiement, la facturation client, la fréquence des réunions avec le comptable, son traitement externalisé dans les bureaux situés à [Localité 7] au sein desquels se trouvaient les pièces bancaires originales de la SAS Acip.

Cette note n'est pas un simple conseil mais des instructions données par le représentant de l'actionnaire majoritaire à M. [O] qui ne disposait d'aucune liberté pour discuter cette procédure.

Les courriels échangés entre M. [Y] [Z] et M. [U] [O] démontrent que la procédure comptable était imposée au représentant légal de la SAS Acip et qu'il n'a jamais été associé à sa mise en place. M. [Y] [Z] envoyait à M. [U] [O] des courriels de rappel assimilables à des ordres comme cela ressort du contenu de certains d'entre eux :

-courriel du 15 novembre 2013 dans le cadre d'un contrôle fiscal ' il faut impérativement svp retrouver les documents exportation car le gros de l'amende c'est ça ce n'est pas l'auto liquidation de la TVA. Toutes les ventes exports ou les transitaires les ont ou le client ou si tu te rappelles les fournisseurs de matériel mais faut impérativement les retrouver'

-courriel du 13 février 2014 ' suite à notre conversation de mardi matin, ne pas oublier le tableau excel demandé, indiquant la charge, les achats à faire sur le dossier, les heures, le potentiel personne etc.. Je pense que [C] vous en a parlé' ;

-courriel du 13 février 2015 objet : procédure compta ' pas de virement bancaire à [Localité 6], des chèques de fonctionnement uniquement maxi 500 € avec des copies à [L], pas de facturation à [Localité 6] et à [Localité 7], réduction de tout papier à [Localité 6] afin que tu sois libre de faire du commerce, merci de rectifier'

-courriel du mercredi 24 juin 2015 'je te rappelle de ne plus faire de chèque, de laisser les paiements se faire ici jusqu'à nouvel ordre' ;

-courriel du 23 juillet 2015 ' encore du n'importe quoi..je te demande de mettre ton accord sur les factures pour paiement' ;

-courriel du 3 novembre 2015 ' je pense important de payer Afhymat et les salaires en premier, regarde les effets directs'.

De d'autres courriels et d'actes divers il se déduit que M. [Z] se faisait envoyer le tableau de charges d'Acip par Ciltec (dont il était co-gérant) qu'il était reconnu par la banque de la société Acip comme le seul interlocuteur (cf courriels du 17 juillet 2014 et 26 février 2015 dans lesquels la banque alerte M. [Z] sur le solde débiteur d'Acip entre autres), que la société Sfk consentait des prêts à la société Acip (cf prêt de 60 000 € le 1er avril 2012) de sorte que M. [Z] se chargeait également de la gestion financière de la société Acip en permanence.

Le mode de fonctionnement mis en place (externalisation de la comptabilité de [Localité 6] à [Localité 7]) permettait à M. [Z] de suivre la comptabilité en temps réel de la société Acip et de la gérer financièrement de façon continue. Cette analyse est corroborée par les échanges entre M. [O] et M. [Z] et à titre d'exemple par un courriel du 8 juin 2016 dans lequel M. [O], dans la perspective du rachat des parts, interroge M. [Z], en s'étonnant que le prêt travaux destiné à financer des travaux sur l'immeuble n'ait pas été remboursé lors de la vente de l'immeuble à la SCI Afhymat 3 ce qu'il n'avait pu constater auparavant.

Dans des courriels M. [Y] [Z] a également exigé la mise en place par M. [O] de nouvelles méthodes pour gérer les dossiers clients et les rendre plus rentables dans ces termes : 'tous écarts à ces règles devront avoir un accord de ma part, impératif ou seront considérés comme une faute de gestion'

M. [Z] donnait également des instructions dans les attitudes à adopter avec des partenaires commerciaux, des clients importants (cf courriel du 5 août 2013) et envoyait des courriels très agressifs à M. [O] pour faire respecter ses ordres, notamment en matière de gestion des ressources humaines et de recrutement en imposant une validation systématique par ses soins (cf courriel du 20 juin 2012).

Il est observé que le contrat de travail de M.[W] [F] salarié de l'Acip, recruté par M. [Z] et non simplement orienté vers la société Acip comme il le soutient dans la mesure où les statuts de la société exigeaient qu'il valide par écrit tous les recrutements en sa qualité de représentant de l'associé majoritaire, contenait une clause de mobilité afin qu'il se déplace pour des missions dans tous les établissements et filiales de Sfk, Afhymat, Ciltec et Acip en qualité de responsable d'atelier.

Enfin à compter de juillet 2016 et après avoir fait céder par la SAS Acip en 2015 ses locaux d'exploitation à une SCI Afhymat 3dont les parts sont détenues par les consorts [Z], la SAS Sfk a cédé ses 450 parts dans la société Acip à M. [O], a demandé paiement de son compte courant d'associé de l'ordre de 277 000 € par mise en place d'un virement permanent durant 84 mois entre Acip et Sfk et a, contre une rémunération continué à saisir les écritures comptables de la société Acip.

De ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire de poursuivre les développements et d'examiner d'autres éléments, il est établi que M. [Y] [Z] représentant de la SAS Sfk a dépassé ses simples prérogatives d'associé entre 2010 et juillet 2016, qu'il s'est comporté en dirigeant de fait de la SAS Acip et en a toujours eu l'intention comme cela ressort des statuts, en exigeant de valider les recrutements les licenciements et les créations de poste, en contrôlant et en exigeant que la comptabilité soit tenue selon une procédure imposée et écrite par lui, en pilotant sa gestion financière en relation avec la banque qui le reconnaissait comme son unique interlocuteur en lui faisant part des débits et des mesures à prendre sous peine de rompre les concours, en donnant sans cesse des ordres à M. [O], en ayant à son égard des exigences constantes de rentabilité, d'organisation du travail et de relation avec les partenaires. D'ailleurs en lui demandant de s'occuper exclusivement de l'activité commerciale sur le site de [Localité 6] et en exigeant l'externalisation de la comptabilité et de la gestion financière à [Localité 7] (siège de Sfk) il reconnaît que M. [O] n'occupait en réalité que des fonctions de cadre commercial jusqu'à la cession de la totalité des parts en juillet 2016.

Postérieurement à la cession et jusqu'au 31 décembre 2016 il a continué à s'immiscer dans la comptabilité en saisissant les écritures comptables de la société Acip, comprenant notamment les remboursements mensuels du compte courant d'associé de la SAS Sfk et le paiement des loyers à la SCI Afhymat 3.

En conséquence, c'est à juste tire que les premiers juges ont reconnu la qualité de dirigeant de fait de la SAS Acip à M. [Y] [Z].

Sur la responsabilité pour insuffisance d'actif

Aux termes de l'article L.651-2 du code de commerce dans sa version en vigueur du 11 décembre 2016 au 03 juillet 2021 issue de la Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

(...)

L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.

Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur. Elles sont réparties au marc le franc entre tous les créanciers. Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés.

Il est constant que la faute de gestion est celle commise dans l'administration générale de la société, par action ou omission, elle ne peut être déduite de la seule importance du passif social constaté et il revient au juge du fond d'exercer son pouvoir souverain d'appréciation à défaut de définition précise.

Le liquidateur fonde son action sur différentes fautes commises par M. [Y] [Z] à savoir :

- la poursuite d'une activité déficitaire, à défaut de convocation de l'assemblée dans les termes de l'article L.225-248 du code de commerce afin de conduire l'associé à opter pour la dissolution ou la recapitalisation ;

- la vente de l'immeuble sans qu' aucune autre mesure de gestion et de réorganisation ne soit prise ayant pour conséquence de vider le gage des créanciers ;

- la réalisation de paiement préférentiel au profit de l'actionnaire majoritaire par le remboursement du compte courant.

Il soutient, que ces fautes ont contribué à l'insuffisance d'actif de la SAS Acip qu'il évalue à 541'696,49 € et que cette dernière aurait pu être évitée si la déclaration de cessation des paiements avait été réalisée en 2014 ou que les capitaux propres avaient été reconstitués en 2013 sur convocation de l'assemblée générale extraordinaire par les actionnaires. Il fait observer que la vente de l'immeuble à un prix inférieur à son évaluation bilantielle a privé les créanciers de leur gage et n'a été réalisée qu'au profit d'une autre personne morale dirigée par M. [Z].

Il affirme que la condamnation prononcée est proportionnelle aux moyens connus dont dispose M. [Y] [Z] titulaire de 9 autres mandats sociaux par ailleurs.

M. [Y] [Z] fait valoir que c'est à tort que le liquidateur soutient que le remboursement de son compte courant peut être analysé en un paiement préférentiel alors qu'il y a renoncé pour partie en ne poursuivant pas le recouvrement du prêt consenti en 2012 destiné à financer des travaux. Il fait observer que le commissaire aux comptes n'a mentionné aucun risque d'anomalie lors de la clôture de l'exercice 2015 de sorte qu'il n'y avait pas d'incertitude dans la continuité de l'exploitation. Il ajoute que n'étant plus associée postérieurement à la cession il n'avait pas connaissance que le remboursement de son compte courant se faisait par préférence aux autres créanciers. De son point de vue les difficultés financières sont intervenues en 2017 et suite à l'incendie sur le site dans la mesure où les fournisseurs conditionnaient les livraisons au paiement préalable.

Il s'étonne que M. [O] n'ait pas contesté, en sa qualité de dirigeant de droit, la date retenue par le tribunal au titre de l'état de cessation des paiements alors que la SAS Acip avait un résultat net avant impôt de 39 084,22 € sans aucune inscription de privilège.

A supposer que soit établie sa contribution à l'insuffisance d'actif, il demande à ce que celle retenue par les premiers juges soit ramenée à de plus justes proportions.

A titre liminaire il est observé que lorsque M. [Y] [Z] a cédé les parts de la SAS Sfk dans la SAS Acip en juillet 2016, cette dernière était déjà en état de cessation des paiements dans la mesure où le tribunal dans un jugement définitif a fait remonter sa date au 8 mai 2016 peu importe que le commissaire aux comptes n'ait malheureusement pas attiré l'attention du dirigeant (M. [U] [O]) sur ce point dans la mesure où l'obligation de déclarer l'état de cessation des paiements dans le délai de 45 jours ne pèse que sur le dirigeant de la personne morale et étant observé que seul M. [Z] avait connaissance de la réalité des chiffres.

En l'espèce, il est établi qu'en 2012, au terme du premier exercice comptable les capitaux propres de la société Acip étaient inférieurs à la moitié du capital social en raison d'importantes pertes et qu' après un exercice revenu à l'équilibre en 2013, la société a invariablement enregistré des pertes en 2014 et 2015, que la vente de l'immeuble constituant le lieu d'exploitation a été réalisée à un prix inférieur à sa valeur au bilan, que cet apport de trésorerie (500 000 €) n'a pas permis d'assainir la situation financière dans la mesure où la SAS Sfk a cédé ses parts en juillet 2016 pour 1 € symbolique et qu'elle a ultérieurement déclaré la cessation des paiements. En conséquence l'incendie survenu le 31 août 2016 n'est pas à l'origine de la déclaration de cessation des paiements faite le 3 novembre 2017, M. [O] ayant d'ailleurs reconnu que dès le lendemain l'activité de l'entreprise s'était poursuivie.

Il a été démontré supra, que M. [O] était sous la dépendance de M. [Y] [Z] jusqu'en juillet 2016 au moins malgré son mandat de représentant légal et n'avait pas la comptabilité à sa disposition sur le site de [Localité 6] dans la mesure où elle se trouvait à [Localité 7] au siège de l'actionnaire majoritaire dirigé par M. [Y] [Z]. Dans ces circonstances et alors que les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social, l'assemblée générale extraordinaire de la SAS Acip n'a pas été convoquée comme le prévoit l'article L.225-248 du code de commerce applicable également au SAS, de sorte que les actionnaires n'ont pas abordé collectivement la question de la dissolution de la société ou de sa recapitalisation et cette dernière a poursuivi son exploitation. Bien qu'à l'équilibre en 2013, la SAS Acip a généré des pertes constantes en 2014, 2015 (rejets de chèques en permanence, alertes de la banque sur l'état du débit en compte courant), que la vente de l'immeuble d'exploitation (500 000 € HT) n'a pas permis de combler, étant observé que la SCI Afhymath 3 également dirigée par M. [Y] [Z], a acquis l'immeuble à un prix inférieur à sa valeur inscrite au bilan (611 037 €) évaluée ainsi en raison des travaux d'amélioration réalisés sur le bâtiment. Dans ces circonstances les parts de la SAS Acip d'une valeur en 2010 de 300 000 € n'ont pu être cédées qu' au prix symbolique de 1 € en juillet 2016 dans la mesure où cette dernière ne disposait plus de l'élément d'actif majeur constitué de l'immeuble et a dû en 2017 déclaré sa cessation des paiements puisqu'elle n'arrivait pas à payer les charges incompressibles comme cela résulte de la fiche éditée par le liquidateur comprenant les écritures groupées par compte financier puis par compte analytique.

Cette chronologie démontre que les dirigeants de droit et de fait ont poursuivi l'exploitation de la SAS Acip en situation déficitaire constante sans prendre de mesures concrètes en 2012 - 2013 mais surtout en 2014 ou 2015, susceptibles de permettre le redressement de la société sans se dessaisir de son actif majeur, en demandant le bénéfice d'un mandat ad'hoc ou la protection du tribunal à travers une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

Ce positionnement ne peut être qualifié de simple négligence dans la mesure où cette poursuite d'exploitation a permis à la SCI Afhymat 3 et à la SAS Sfk , pour la première de percevoir des revenus fonciers en étant propriétaire d'un bâtiment industriel d'une valeur conséquente, et à la seconde de récupérer une partie de son compte courant d'associé au préjudice des créanciers de la SAS Acip.

En conséquence en poursuivant une exploitation déficitaire sans mettre en oeuvre la procédure de l'article L.225-248 du code de commerce mais surtout sans prendre de mesures concrètes destinées à redresser l'entreprise dans l'intérêt des créanciers et non dans celui exclusif de sociétés du groupe dirigées par M. [Y] [Z] et sans déclarer la cessation des paiements dans le délai de 45 jours à compter du 8 mai 2016 les dirigeants de droit et de fait et majoritairement M. [Z], ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la SAS Acip.

Il est admis que l'insuffisance d'actif est la différence entre l'actif et le passif à savoir de la part des dettes qui ne pourra pas être couverte par la liquidation des actifs de la société.

En l'espèce le passif définitif s'élève à 627 179,63 € dont à déduire les quelques éléments d'actifs réalisés, soit une insuffisance d'actif qui peut être chiffrée à 541 696,49 €.

Il convient de souligner que le moyen développé par M. [Z] pour limiter sa responsabilité financière, consistant à dire que la SAS Sfk a déclaré une créance de 234 300 € (au titre du compte courant d'associé), est inopérant, dans la mesure où les sommes susceptibles d'être perçues par le liquidateur es qualités dans le cadre de la présente procédure seront réparties au marc le franc entre les créanciers et par conséquent au bénéfice de la SAS Sfk et d'autres société du groupe Afhymat dans lesquelles M. [Y] [Z] détient des parts et qui ont également déclaré des créances.

Si les fautes de gestion des dirigeants de droit et de fait ont contribué à l' insuffisance d'actif de 541 696,49 €, et majoritairement celles commises par M. [Y] [Z], cette contribution n'est pas intervenue dans la proportion retenue par les premiers juges dans la mesure où certaines sommes contenues au passif ne sont pas les conséquences directes de ces fautes comme le redressement URSSAF à hauteur de 4 000 €, le décaissement de 15 000 € au titre d'un départ à la retraite et 17 000 € au titre d'une condamnation prud'homale et la vente de l'immeuble au prix de 500 000 € ayant généré un manque à gagner de l'ordre de 100 000 €.

En conséquence, infirmant le jugement dont appel il y a lieu de dire que les fautes de gestion ont contribué à l'insuffisance d'actif à hauteur de 350 000 € et non 550 000 € dont 300 000 € à la charge de M. [Y] [Z].

Sur la sanction de faillite personnelle

En application de l'article L.653-3 du code de commerce :

I.-Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée au 1° du I de l'article L. 653-1 , sous réserve des exceptions prévues au dernier alinéa du I du même article, contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

-avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;

-avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.

Aux termes de l'article L.653-4 :

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

Selon l'article L.653-5 :

Le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi ;

2° Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds ;

3° Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale ;

4° Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers ;

5° Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement ;

6° Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables ;

7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée.

L'article L.653-8 prévoit que :

Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.

(...)

Elle peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

En cause d'appel le liquidateur, rappelant les fautes visées aux articles L. 653-3 à L. 653-5 du code de commerce, demande la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé à l'endroit de M. [Y] [Z] en sa qualité de dirigeant de fait une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 années pour avoir :

- poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;

-payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers.

Le liquidateur de la SAS Acip fait valoir que M. [Z] a bénéficié de la poursuite d'activité déficitaire de la liquidée en sa qualité d'animateur des sociétés du groupe Afhymat et plus particulièrement par le remboursement du compte courant d'associé de la SAS Sfk et la vente de l'immeuble d'exploitation à la SCI Afhymat 3. Il ajoute qu'alors que les charges incompressibles de la société n'étaient plus payées depuis 22 mois, l'actionnaire majoritaire dirigée par M. [Y] [Z] a perçu 62 368 €.

M. [Z] soutient que c'est à tort qu'il a été condamné à une mesure de faillite personnelle d'une durée de 15 ans dans la mesure où d'une part le défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 45 jours ne peut être sanctionné que par une interdiction de gérer et que d'autre part il n'avait pas la qualité pour la réaliser à défaut d'être le dirigeant de droit.

Il ajoute qu'il n'a pas bénéficié personnellement de la poursuite d'activité et que l'activité de la SAS Acip n'était pas déficitaire.

Il s'inscrit en faux sur le fait que l'état de cessation des paiements était caractérisé avant la cession des parts sociales par la société Sfk à M. [O] au motif que la banque si tel avait été le cas aurait refusé de passer avec la société Acip un contrat d'affacturage entre autres.

Il rappelle que la sanction est une punition soumise au principe de proportionnalité des peines et que à supposer qu'une sanction puisse être prononcée à son endroit il doit bénéficier de ce principe.

Il sera tout d'abord souligné que la demande de sanction dirigée contre M. [Y] [Z] n'est pas fondée sur le fait de ne pas avoir déclaré la cessation des paiements dans le délai de 45 jours.

Il est établi supra que M. [Z] a poursuivi abusivement et dans son intérêt personnel l'exploitation de la SAS Acip qui ne pouvait aboutir qu'à sa cessation des paiements qui existait déjà lorsque en sa qualité de dirigeant de Sfk il a cédé ses 450 parts à M. [U] [O]. Il ressort d'ailleurs de plusieurs courriels que la responsable du service comptabilité de la société Afhymat (pièce 42 de l'appelant) a 'bloqué' (pour reprendre ses termes) la société Acip comme client au motif que cette dernière avait du mal à payer ses factures, sauf à discuter avec [Y] ([Z]) disait-elle, faisant remarquer que le découvert autorisé était très largement dépassé.

Cet élément à lui seul mais d'autres également évoqués supra démontrent que M. [Y] [Z] en sa qualité de dirigeant de fait a poursuivi abusivement et dans son intérêt personnel l'exploitation de la SAS Acip et qu'il n'a jamais suggéré à M. [O] de renoncer à poursuivre l'activité de cette société, se contentant de la dépouiller de son actif majeur stratégiquement.

En poursuivant abusivement l'exploitation de la SAS Acip dont il connaissait parfaitement la situation financière, il a servi son intérêt personnel et celui des sociétés du groupe Afhymat qu'il dirige et dont il perçoit des rémunérations en obtenant remboursement du compte courant de la SAS Sfk, paiement de revenus fonciers au profit de la SCI Afhymat 3 propriétaire d'un bâtiment industriel, en vendant du matériel et des pièces à la SAS Acip en bénéficiant du personnel pour les sociétés du groupe, peu importe que la banque ait accepté de régulariser un contrat d'affacturage avec la société Acip dirigée par M. [O].

De l'organigramme produit par l'appelant il ressort que ce dernier est porteur de parts et / ou représentant légal dans au moins 9 sociétés (SCI [Z], SCI Afhymat 1, 2 et 3, Loraphy, SF invest, Sfk, Afhymat et Ciltec), que son statut au sein de buy 5 en Bulgarie, Afhymat Afrique du sud, Afhymat Algérie, Afhymat Emirats arabes, Afhymat Maroc, Afhymat Pologne, Afhymat Pérou et nimgbo truck Chine est inconnu, bien que ces structures soient reliées à Afhymat dont il est le dirigeant et à Sfk l'ancien actionnaire majoritaire de la société Acip .

Cette structure capitalistique démontre que M. [Y] [Z] est un homme d'affaires averti de longue date, ce qu'il reconnaît dans ses conclusions en soulignant la prospérité des sociétés qu'il dirige et la bonne image dont il bénéfice auprès des banques, faisant observer qu'il n'a jamais eu recours à la protection du tribunal pour aucune d'entre elles.

C'est donc volontairement et au mépris des créanciers qu'il a tenté de se séparer de la SAS Acip sans en assumer le coût malgré les fautes de gestion dont il est l'auteur principalement aux côtés de M. [O], ce dernier ne contestant pas les fautes retenues à son endroit ni la sanction prononcée pour la période à compter de laquelle il était l'unique porteur des parts.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a prononcé une sanction de faillite personnelle à l'encontre de M. [Y] [Z].

Des circonstances sus- rappelées, s' il est établi que M. [Y] [Z] a commis des fautes de gestion en qualité de dirigeant de fait de la SAS Acip et qu'il minimise anormalement sa responsabilité, une importante partie du passif est constituée des créances de sociétés appartenant au groupe qu'il dirige qui pourront pour partie être payées par la somme allouée au titre de l'insuffisance d'actif, qu'âgé de 53 ans il n'est pas établi qu'il soit à l'origine d'autres expériences entrepreneuriales nécessitant de l'écarter du monde du commerce durant 15 ans comme l'ont décidé les premiers juges.

Infirmant le jugement dont appel il y a lieu de ramener la mesure de faillite personnelle à 6 ans.

Sur les demandes accessoires

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective et il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties le montant des frais irrépétibles par elle exposé.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

déclare irrecevable la demande d'annulation du jugement ;

statuant dans les limites de l'appel :

confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné M. [Y] [Z] à supporter l'insuffisance d'actif connue par la SAS Acip en la proportion de 500.000 € et en ce qu'il a fixé à 15 ans la durée de la mesure de faillite personnelle ;

statuant des chefs infirmés :

condamne M. [Y] [Z] à supporter l'insuffisance d'actif connue par la SAS Acip à hauteur de 300.000 € ;

fixe la durée de la mesure de faillite personnelle à 6 ans ;

déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Le Greffier, La Présidente,

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/04740
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;21.04740 ?
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