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23/06/2022 | FRANCE | N°20/04902

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 23 juin 2022, 20/04902


ARRET







[P]





C/



[A]

S.A.R.L. LES PINS PROMOTION

S.A.R.L. AGENCE DES PINS



S.C.I. SAINT EYNARD





















































































PM/SGS





COUR D'APPEL D'AMIENS


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br>1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU VINGT TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 20/04902 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H34L



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU DOUZE AOUT DEUX MILLE VINGT





PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [V] [P]

né le 30 Juillet 1947 à [Localité 4] ([Localité 4])

de nationalité Fra...

ARRET

[P]

C/

[A]

S.A.R.L. LES PINS PROMOTION

S.A.R.L. AGENCE DES PINS

S.C.I. SAINT EYNARD

PM/SGS

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU VINGT TROIS JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 20/04902 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H34L

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU DOUZE AOUT DEUX MILLE VINGT

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [V] [P]

né le 30 Juillet 1947 à [Localité 4] ([Localité 4])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Hervé SELOSSE-BOUVET, avocat au barreau D'AMIENS

Plaidant par Me DAILLENCOURT, avocat au barreau de REIMS

APPELANT

ET

Monsieur [N] [A]

né le 22 Mars 1962 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

S.A.R.L. LES PINS PROMOTION, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

S.A.R.L. AGENCE DES PINS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Me NOUBLANCHE substituant Me Jérôme CREPIN de la SCP CREPIN-FONTAINE, avocat au barreau D'AMIENS

INTIMES

S.C.I. SAINT EYNARD

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hervé SELOSSE-BOUVET, avocat au barreau D'AMIENS

PARTIE INTERVENANTE

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L'affaire est venue à l'audience publique du 28 avril 2022 devant la cour composée de Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l'audience, la cour était assistée de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

Sur le rapport de M. [G] [K] et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 23 juin 2022, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 23 juin 2022, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

Aux termes d'un compromis de vente en date du 8 septembre 2014 conclu sous l'égide de l'agence immobilière la SARL Agence Des Pins, représentée par M. [N] [A], la SARL Les Pins Promotion représentée par son gérant M. [N] [A] a vendu à M. [V] [P] un immeuble situé à [Adresse 10], pour le prix de 335 000 €.

Cette vente n'a pas été réitérée par acte authentique et l'immeuble a été ensuite vendu par acte authentique en date du 1er juin 2016 à des tiers pour le prix de 365 000 €.

Aux termes d'un compromis de vente en date du 4 octobre 2014 conclu sous l'égide de la SARL Agence Des Pins représentée par M. [N] [A], les époux [D] ont vendu à M. [V] [P] un immeuble situé à [Adresse 11] pour le prix de 255 000 €.

Cette vente n'a pas été réitérée par acte authentique et l'immeuble a été vendu par acte authentique en date du 25 septembre 2015 à des tiers pour le prix de 255 000 €.

Aux termes d'un compromis de vente en date du 4 octobre 2014 conclu sous l'égide de la SARL Agence Des Pins représentée par M. [N] [A], M. [E] [M] a vendu à M. [V] [P] un immeuble situé à [Adresse 9] pour le prix de 105 000 €.

Cette vente n'a pas été réitérée par acte authentique, et l'immeuble a été vendu par acte authentique du 17 septembre 2016 à des tiers pour le prix de 90 000 €.

Aux termes d'un compromis de vente en date du 21 octobre 2014 conclu sous l'égide de la SARL Agence Des Pins représentée par M. [N] [A], M. [O] [R] a vendu à M. [V] [P] un immeuble situé à [Adresse 8] pour le prix de 560 000€.

Cette vente n'a pas été réitérée par acte authentique et l'immeuble a été vendu par acte authentique en date du 15 mars 2016 à la SCI La Tribu pour le prix de 500 000 €.

Le 20 janvier 2015, M. [V] [P] a été hospitalisé dans un établissement psychiatrique. Par une ordonnance en date du 1er avril 2015, il a été placé sous sauvegarde de justice par le juge des tutelles du tribunal d'instance de Reims, puis par un jugement en date du 27 mai 2015, placé sous curatelle simple pendant soixante mois.

Par actes d'huissier en date du 31 octobre 2018, invoquant leur responsabilité civile délictuelle, M.[V] [P] a fait assigner M. [N] [A], la SARL Les Pins Promotion et la SARL Agence Des Pins devant le tribunal de grande instance de Reims afin d'obtenir leur condamnation solidaire au paiement de la somme de 380 000 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice matériel et celle de 60. 000 € à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice moral.

Par ordonnance du 1er juillet 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Reims a déclaré la juridiction territorialement incompétente au profit du tribunal judiciaire d'Amiens.

Par jugement du 12 août 2020, le tribunal judiciaire d'Amiens a :

- Débouté M. [V] [P] de ses demandes de dommages intérêts fondées sur l'article 1240 du code civil ;

- Condamné la SARL Les Pins Promotion à payer à M. [V] [P] la somme de 58 350,14€ au titre de son enrichissement injustifié ;

- Débouté M. [V] [P] de ses demandes au titre de 1'enrichissement injustifié dirigées contre M. [N] [A] et la SARL Agence Des Pins ;

- Condamné la SARL Les Pins Promotion aux dépens ;

- Condamné la SARL Les Pins Promotion à payer M. [V] [P] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné 1'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 5 octobre 2020, M. [V] [P] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 23 août 2021, M. [V] [P] et la SCI Saint Eynard, qui déclare intervenir volontairement en la cause, demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Les Pins Promotion à verser à M. [V] [P] la somme de 58.350,14 € au titre de son enrichissement injustifié,

- Infirmer ledit jugement en ce qu'il a débouté M. [V] [P] de ses demandes pour le surplus,

Statuant à nouveau,

- Condamner la SARL Les Pins Promotion à restituer à la SCI Saint Eynard, intervenante volontaire, la somme de 127.000 € versée le 24 octobre 2014 et encaissée le 31 octobre 2014 à titre d'acompte sur une vente immobilière,

- Condamner la SARL Les Pins Promotion à restituer à la SCI Saint Eynard, intervenante volontaire, la somme de 51.666,11 € au titre de son enrichissement sans cause, eu égard aux travaux financés par cette société ayant bénéficié à la SARL Les Pins Promotion,

- Condamner encore la SARL Les Pins Promotion à verser à M. [V] [P] la somme totale de 170 398,53 € au titre des travaux réalisés dans les immeubles dont la revente a in fine, profité à ladite SARL,

- Condamner également la SARL Les Pins Promotion à restituer à M. [V] [P] la somme de 2.838 € indûment versée à titre de prétendus agios,

- Prononcer l'annulation des acquisitions de chevaux de course réalisées par M. [P] via M. [A],

- Condamner en conséquence M. [A] à restituer à M. [P] la somme de 34.000 €au titre du prix d'achat des dits chevaux, outre la somme de 12.868,60 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi du fait du paiement de la TVA et des différents frais afférents aux dits chevaux,

- Condamner in solidum la SARL Les Pins Promotion, la SARL Agence Des Pins et et M. [N] [A] à verser à M. [V] [P] la somme de 60.000 € en réparation de son préjudice moral, - Débouter la SARL Les Pins Promotion, la SARL Agence Des Pins et M. [N] [A] de leur appel incident,

- Débouter la SARL Les Pins Promotion, la SARL Agence Des Pins et M. [N] [A] de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

- Condamner enfin in solidum la SARL Les Pins Promotion, la SARL Agence Des Pins et M. [N] [A] à verser à M. [V] [P] la somme de 10.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 2 avril 2021, M. [N] [A], la SARL Les Pins Promotion et la SARL Agence Des Pins demandent à la cour de :

- Dire et juger mal fondé M. [V] [P] en son appel et le débouter de l'ensemble de ses prétentions.

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL Les Pins Promotion à payer à [V] [P] une somme de 58 350.14 € au titre de son enrichissement injustifié.

- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARL Les Pins Promotion à payer à M. [V] [P] une indemnité de 1000 €en applications des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] [P] de ses demandes de dommages et intérêts fondées sur l'article 1240 du code civil.

- Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] [P] de ses demandes au titre de l'enrichissement injustifié dirigées contre M. [N] [A] et la Sarl Agence Des Pins.

- Dire et juger bien fondé l'appel incident formé par la SARL Agence Des Pins de la condamnation prononcée à son encontre à hauteur de 58 350.14 €.

- Débouter M. [V] [P] de cette demande fondée sur l'enrichissement sans cause, au regard de l'engagement contractuel en date du 8 août 2014 et au visa de l'article 1103 du code civil.

- Dire et juger bien fondé l'appel incident régularisé par la SARL Les Pins Promotion, la SARL Agence Des Pins et M. [N] [A].

- Condamner M. [V] [P] à leur payer à chacun une somme de 1 500 € de dommages et intérêts pour procédure abusive outre une indemnité de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile aux entiers dépens d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance du 9 février 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l'affaire pour plaidoiries à l'audience du 28 avril 2022, date à laquelle l'affaire a été plaidée après que la cour ait invité M. [V] [P] sous quinze jours à justifier que la mesure de protection ordonnée à son profit a été levée.

En réponse, M. [V] [P] a produit le jugement de main levée de la mesure de protection ordonnée à son profit en date du 12 juin 2020.

CECI EXPOSE, LA COUR,

Sur l'intervention volontaire de la SCI Saint Eynard :

Conformément aux dispositions de l'article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt, les parties qui n'ont été ni partie, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

En l'espèce, les pièces produites en première instance ayant révélé que certaine des sommes réclamées par M. [V] [P] aux défendeurs en première instance étaient susceptibles d'être dues à la SCI Saint Eynard, cette dernière justifie d'un intérêt à intervenir en la cause en appel.

Il convient donc de déclarer recevable l'intervention volontaire de la SCI Saint Eynard.

Sur la responsabilité de la SARL les Pins Promotion :

Aux termes de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage oblige, celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.

Par ailleurs, selon l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence.

En application de ces textes il est considéré que l'agent immobilier en sa qualité de professionnel a une obligation de conseil et de vigilance et de mise en garde envers ses clients.

Par ailleurs l'article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation prévoit que l'acquéreur d'un bien à usage d'habitation dispose d'un délai de rétractation de 10 jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte.

Enfin il existe un principe de non-cumul des responsabilités interdisant d'agir à la fois sur le fondement de la responsabilité délictuelle et sur celui de la responsabilité contractuelle.

En l'espèce, il ressort des éléments de la cause que M. [V] [P] qui vise expressément dans ses conclusions les articles 1240 et 1247 du code civil et invoque accessoirement la responsabilité contractuelle de la SARL les Pins Promotion doit être réputé agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Selon le certificat établi le 12 février 2015 par le médecin psychiatre qui a préconisé la mesure de curatelle, M. [V] [P], qui était alors en phase maniaque, présentait des troubles bipolaires de l'humeur associés à des troubles de la personnalité (narcissisme, impulsivité et traits paranoïaques). Le médecin psychiatre a également relevé que M. [V] [P], personnalité autoritaire, était très fier de sa réussite sociale et de ses moyens financiers.

Cependant, ce certificat qui est le seul document médical produit, ne comporte aucun élément établissant que cette phase maniaque avait déjà débuté lorsque M. [V] [P] a signé par l'intermédiaire des intimés successivement 4 compromis de vente entre le 8 septembre 2014 et le 4 octobre 2014.

Il ne peut donc être reproché à la SARL les Pins Promotion d'avoir manqué de vigilance en ne s'apercevant pas au moment de la signature des 4 compromis que M. [V] [P] présentait des difficultés psychiatriques, lesquelles ne sont au demeurant pas établies.

Par ailleurs, l'accumulation de la signature de 4 compromis successifs sur deux mois non réitérés par des ventes n'était pas de nature à inciter la SARL les Pins Promotion à faire preuve d'une plus grande vigilance puisque la non-réitération des ventes n'est pas intervenue immédiatement après la signature des compromis mais beaucoup plus tard.

Les intimés ignoraient donc à la signature du second compromis que le premier ne ferait pas l'objet d'une réitération par acte authentique et ignoraient tout autant à la signature des compromis suivants que le précédent ne serait pas réitéré.

En outre, s'il n'est pas banal qu'une personne s'engage à acquérir successivement 4 biens immobiliers, il convient de souligner que M. [V] [P] n'était manifestement pas un acheteur ordinaire s'agissant d'un propriétaire viticulteur en champagne qui dispose de moyens financiers très importants ainsi qu'en attestent les relevés bancaires qu'il produit.

De plus lorsque l'on examine la consistance des biens que M. [V] [P] s'est engagé à acquérir, il apparaît qu'il avait l'intention d'acquérir successivement trois biens d'une valeur s'échelonnant entre 105.000 et 335.000 € et un dernier bien plus conséquent d'une valeur de 560.000 €.

Cette situation ne pouvait qu'amener la SARL les Pins Promotion à penser que M. [V] [P] avait décidé de placer les importants capitaux dont il disposait en acquérant trois biens soit à des fins spéculatives ou destinés à la location et un bien plus conséquent destiné à une habitation principale ou secondaire.

Il convient encore de souligner qu'il est établi par une correspondance du 23 octobre 2014 que M. [V] [P] était également conseillé par un notaire Me [Z] qui s'est présenté à Me [H], notaire des intimés comme représentant M. [V] [P]. Dans un tel contexte, l'accumulation de 4 compromis successifs non réitérés par des ventes n'est révélatrice d'aucun manquement de l'agent immobilier à son devoir de conseil et de vigilance et de mise en garde.

À titre surabondant, quant bien même M. [V] [P] aurait été fondé à invoquer également la responsabilité contractuelle, il convient de souligner que s'il est incontestable que la SARL les Pins Promotion, en faisant signer le 8 août 2014 à M. [V] [P] un document présenté par la SARL les Pins Promotion comme un engagement aux termes duquel ce dernier se serait engagé à lui abandonner en cas de renonciation à l'acquisition, les travaux réalisés dans l'immeuble du lotissement les Sycomores et l'acompte de 127.000 € versé alors même que le compromis prévoyant le délai légal de rétractation n'avait pas encore été signé et ne serait effectivement signé que le 8 septembre 2014, a manifestement contrevenu aux dispositions de l' article L 271-1 du code de la construction et de l'habitation précitées.

Cependant le non-respect de ce texte n'est pas sanctionné par l'obligation de l'agent immobilier de restituer les sommes qu'il a reçues au mépris de ces dispositions mais uniquement par une amende civile.

En outre, quant bien même ce non-respect des dispositions légales aurait été susceptible d'entraîner pour l'agent immobilier l'obligation de restituer les sommes versées, ce manquement ne concernant que la dernière opération, il aurait été insusceptible d'entraîner la restitution de l'ensemble des sommes versées au titre des différentes opérations.

Les demandes de restitutions formées par M. [V] [P] ainsi que sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral pour manquement des intimés à leurs obligations ne sauraient donc prospérer et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [V] [P] de ses demandes de dommages et intérêts fondées sur l'article 1240 et 1241du code civil.

Sur les demandes de restitutions formées par M. [V] [P] au titre de l'enrichissement injustifié :

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de lois à ceux qui les ont faits.

L'article 1303 du code civil dispose qu'en dehors des cas de gestion d'affaire et de paiement de l' indu, celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement.

Enfin, l'article 1303-3 du même code dispose que l'appauvri n'a pas d'action sur le fondement de l'enrichissement injustifié lorsqu'une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription.

En application de ces dispositions, il est considéré que le rejet d'une demande principale formée sur un autre fondement ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action subsidiaire fondée sur l'enrichissement injustifié et que les règles gouvernant l'enrichissement injustifié ne peuvent être invoquées dés lors que l'appauvrissement et l'enrichissement allégués trouvent leur cause dans l'exécution d'un contrat.

En l'espèce devant la cour, la SARL les Pins Promotion fait état de ce que le 8 août 2014, M. [V] [P] a signé un document aux termes duquel il se serait s'engagé à abandonner à la SARL les Pins Promotion, en cas de renonciation à l'acquisition, les travaux réalisés dans l'immeuble du lotissement les Sycomores et l'acompte versé.

Ce document, même s'il n'a pas été établi en conformité des dispositions de l'article 271-1 du code de la construction et de l'habitation, comporte une signature similaire à celle que M. [V] [P] a apposé sur l'ensemble des actes produits.

Cependant, ce document du 8 août 2014 ne peut s'analyser comme un engagement de M. [V] [P] à renoncer à une quelconque somme. Il s'agit d'une lettre adressée à M. [V] [P] par laquelle l'Agence des Pins Promotion lui indique les conditions qu'elle entend lui imposer pour accepter qu'il réalise avant la signature de l'acte authentique des travaux dans la maison du lotissement les Sycomores. Cette lettre mentionne qu'elle devait être adressée par recommandé avec accusé de réception à M. [V] [P] ce qui n'a manifestement pas été le cas puisqu'il n'est pas produit d'accusé de réception et qu'il n'est pas fait état de cet envoi par recommandé.

La signature apposée par M. [V] [P] sur ce courrier sans une quelconque mention d'approbation telle que 'bon pour accord 'ou 'lu et approuvé 'ne peut donc s'analyser en une preuve de ce qu'il a accepté de renoncer à une quelconque somme mais uniquement en une preuve de remise de ce courrier à l'intéressé.

Il ne peut donc être considéré que M. [V] [P] s'est engagé par ce courrier à renoncer au coût des travaux et au remboursement de l'acompte.

En conséquence, M. [V] [P] peut réclamer au titre de l'enrichissement injustifié la restitution par la SARL les Pins Promotion de la somme de 58.350,14 € correspondant au coût des travaux qu'il a exposé concernant cet immeuble dont il justifie par des photocopies de chèques tirées sur ses comptes personnels au profit de divers artisans.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la SARL les Pins Promotion à payer à M. [V] [P] la somme de 58.350,14 € au titre de son enrichissement injustifié.

M. [V] [P] réclame par ailleurs au titre des trois autres opérations immobilières le remboursement de la somme de 170.398 €. Pour ces sommes, il n'est fait état d'aucun engagement de M. [V] [P] envers la SARL les Pins Promotion lui interdisant d'agir sur le fondement de l'enrichissement injustifié.

À l'appui de cette demande M. [V] [P] produit des factures et des copies de chèques pour un montant total de 170.398€. Cependant bon nombre de ces chèques ne sont pas établis au nom de la SARL Les Pins Promotion mais au nom de tiers, le lien entre l'ensemble de ces chèques et les opérations immobilières en cause n'est pas démontré et il n'est pas justifié non plus que ces sommes ont été débitées des comptes bancaires de M. [V] [P].

La demande en paiement de la somme de 170.398€ formée par M. [V] [P] n'est donc pas fondée et doit être rejetée.

M. [V] [P] réclame également sur le fondement de l'enrichissement injustifié le remboursement de la somme de 2.838 € au titre d'agios qu'il dit avoir remboursé à la SARL Les Pins Promotion.

Cette dernière ne fournit aucune explication sur ce point et M. [V] [P] justifie que la SARL Les Pins Promotion lui a bien adressé des factures au titre de la 'refacturarion d'agios sur prêts' pour un montant total de 2.838 €.

Cependant, M. [V] [P] n'établit pas que ces factures ont fait l'objet de paiements ayant donné lieu à un débit enregistré sur l'un de ses comptes bancaires.

M. [V] [P] doit donc être débouté tant de ses demandes en paiement des sommes de 170.398€ et 2.838 € au titre de l'enrichissement injustifié.

Sur les demandes de restitutions formées par la SCI Saint Eynard au titre de l'enrichissement injustifié :

En application des articles 1303 précité, le tiers qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement injustifié.

En l'espèce, il ressort des éléments de la cause que la SCI Saint Eynard est une société civile immobilière dans laquelle M. [V] [P] a un intérêt personnel mais qui a juridiquement une personnalité distincte de celle de M. [V] [P] et qui n'est désignée dans aucune des pièces produites comme devant se substituer au moment de la réitération des ventes litigieuses à M. [V] [P].

Cette SCI est donc un tiers aux opérations immobilières en cause et il est établi et non contesté que cette société a versé à la SARL les Pins Promotion concernant l'opération immobilière du lotissement des Sycomores la somme de 127.000€ au titre de l'acompte à valoir sur le prix de la maison située dans le lotissement les Sycomores alors que la SCI Saint Eynard n'était pas concernée par l'opération immobilière en question où l'acquéreur désigné était M. [V] [P].

La SCI Saintl Eynard est donc fondée à réclamer à la SARL Les Pins Promotion au titre de l'enrichissement injustifié la somme de 127.000 € qu'elle a versée.

Par ailleurs, la SCI Saintl Eynard, qui n'a jamais contracté le moindre engagement envers la SARL Les Pins Promotion, produit des factures établies au nom de M. [V] [P] et des copies de chèques établis par elle en règlement des dites factures pour un montant total de 51.666,11€ mais ne justifie pas que ces chèques ont été débités de son compte bancaire.

La SCI Saintl Eynard sera donc déboutée de sa demande en paiement de la somme de 51.666,11 € qu'elle réclame au titre de l'enrichissement injustifié de la SARL Les Pins Promotion.

Il convient donc de condamner la SARL Les Pins Promotion à payer à la SCI Saint Eynard la seule somme de 127.000 € au titre de son enrichissement injustifié et de débouter la SCI Saint Eynard du surplus de ses demandes au titre de l'enrichissement injustifié de SARL Les Pins Promotion.

Sur les demandes formées par M. [V] [P] au titre des chevaux de course :

L'article 464 du code civil dispose que les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts par suite de l'altération de ses facultés personnels, était notoire et connues des cocontractants à l'époque où les actes ont été passés.

Ces actes peuvent dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée.

En l'espèce alors que la vente de chevaux de course est soumise à un formalisme M. [V] [P] ne produit aucun document justifiant qu'il a acquis par moitié avec M. [N] [A] plusieurs chevaux de course pour un montant de 34.000 €. Il ne précise même pas la date de ces acquisitions qui est pourtant un élément important pour déterminer si la demande de nullité de cette vente est formée dans les délais prévus par l'article 464 précité.

Il n'est fourni que la preuve de l'établissement de divers chèques encaissés par M. [N] [A] dont rien ne laisse supposer qu'ils ont été reçus en règlement de l'acquisition de chevaux et du paiement par chèques à des tiers de divers frais en lien avec des chevaux et leur entretien.

Il n'est développé aucune argumentation tendant à établir qu'au moment de cette prétendue acquisition, intervenue à une date qui est inconnue, les facultés mentales de M. [V] [P] étaient effectivement altérés et que cette situation était notoirement connue de M. [N] [A].

Il convient donc de débouter M. [V] [P] de sa demande de nullité et de ses demandes subséquentes formées au titre de l'acquisition et de l'entretien de chevaux de course.

Sur la demande reconventionnelle des intimés pour procédure abusive :

L'exercice du droit d'agir en justice ne dégénère en abus pouvant donner lieu à réparation qu'en cas de mauvaise foi, d'erreur grossière ou, encore de légèreté blâmable.

Les intimés n'établissent pas que ces conditions sont réunies en l'espèce de sorte qu'ils doivent être déboutés de leur demande de dommages et intérêts formée à ce titre en appel.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La SARL Les Pins Promotion étant la seule partie succombante, il convient :

- de la condamner aux dépens d'appel ;

- de la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel ;

- de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance.

L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de M. [V] [P] et de la SCI Saint Eynard, il convient de leur allouer de ce chef la somme globale de 1.800 € pour la procédure d'appel et de confirmer le jugement en ce qu'il a accordé à ce titre à M. [V] [P] la somme de 1.000 € pour la procédure de première instance.

L'équité ne commandant pas de faire application de ces mêmes dispositions en faveur de M. [N] [A] et de la SARL Agence des Pins, il convient de les débouter de leurs demandes respectives à ce titre pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Déclare recevable l'intervention volontaire de la SCI Saint Eynard ;

Condamne la SARL les Pins Promotion à payer à la SCI Saint Eynard la somme de 127.000 € au titre de son enrichissement injustifié ;

Condamne la SARL les Pins Promotion à payer à M. [V] [P] et à la SCI Saint Eynard la somme globale de 1.800 € par application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;

Condamne la SARL les Pins Promotion aux dépens d'appel.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/04902
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;20.04902 ?
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