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16/06/2022 | FRANCE | N°21/00554

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 16 juin 2022, 21/00554


ARRET

































Compagnie d'assurance AXA BELGIUM









C/







Société CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DU NORD EST

Société B-HYGIENIC BVBA















COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 16 JUIN 2022





N° RG 21/00554 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H7LI



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JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 18 DÉCEMBRE 2020







PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





Compagnie d'assurance AXA BELGIUM, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]





Représentée par Me Carl WALLA...

ARRET

Compagnie d'assurance AXA BELGIUM

C/

Société CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DU NORD EST

Société B-HYGIENIC BVBA

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 16 JUIN 2022

N° RG 21/00554 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H7LI

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 18 DÉCEMBRE 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Compagnie d'assurance AXA BELGIUM, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Carl WALLART de l'AARPI WALLART-RUELLAN, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 03

Plaidant par Me LAJOUANIE, avocat au barreau de PARIS

ET :

INTIMEES

Société CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DU NORD EST, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Plaidant par Me DELEVACQUE, avocat au barreau d'ARRAS

Société B-HYGIENIC BVBA, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Macsbossen 3B

[Localité 3] BELGIQUE

Représentée par Me Audrey BOUDOUX D'HAUTEFEUILLE, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 90

Plaidant par Me PERRIER, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère, qui ont avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Juin 2022.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile.

GREFFIER :

Mme [T] [U]

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Ces magistrats ont rendu compte à la Cour composée de :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 16 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La Scop L' Abbatoir de l'Aisne est un abattoir situé [Adresse 4] .Elle a fait procéder par la société Labo Pharma au mois de juin 2013 à des travaux de rénovation de plafonds dans ses locaux , par la pose de panneaux Renopanel et de plaques , travaux qui se sont achevés en juillet 2013.

Au mois d'août 2013 , il a été constaté que des plaques se décollaient à proximité d'un four, phénomène qui s'est aggravé par la suite .

La société Labo Pharma a effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur , la Caisse Régionale d'assurances mutuelles agricoles du Nord Est (Crama du Nord Est ) . L'assureur a effectué un règlement d'une indemnité de 280 220 € entre les mains de la société l'Abbatoir de l'Aisne .

La Crama du Nord Est, déclarant être subrogée dans les droits et actions tant de la société l'Abbatoir de l'Aisne que de la société Labo Pharma a fait assigner la société B -Hygienic Bvba et la société Axa Belgium devant le Tribunal de Commerce de Saint Quentin afin notamment d'obtenir la condamnation in solidum de ces sociétés à lui régler la somme de 280 220 € en principal .

Le Tribunal de Commerce de Saint Quentin , par jugement du 18 décembre 2020 , a :

-dit les demandes de la Crama du Nord Est recevables et fondées .

-débouté les sociétés B- Hygiénic Bvba et Axa Belgium de leurs moyens , fins et conclusions .

-dit que la société B- Hygiénic Bvba a engagé sa responsabilité à l'encontre de la société Labo Pharma sur le fondement des dispositions des articles 1103 , 1193 , 1104 , 1222 et 1231-1 du code civil .

-dit que la Crama du Nord Est est subrogée dans les droits tant de la société l'Abbatoir de l'Aisne que de la société Labo Pharma .

-dit que la société Axa Belgium doit garantir la société B-Hygiénic Bvba.

-condamné in solidum la société B- Hygiénic Bvba et la société Axa Belgium à payer à la Crama du Nord Est la somme de 280 220 € , ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance .

-condamné in solidum la société B-Hygiénic Bvba et la société Axa Belgium au paiement d'une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

-condamné in solidum la société B- Hygiénic Bvba et la société Axa Belgium en tous les frais et dépens .

La Compagnie d'assurance Axa Belgium , par déclaration enregistrée le 11 janvier 2021 , a interjeté appel du jugement .

La société B-Hygiénic Bbva , par déclaration enregistrée le 3 février 2021 a également interjeté appel du jugement .

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 5 octobre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 1er mars 2022 , la société B- Hygienic Bvba, société de droit belge , demande à la Cour de :

À titre principal ,

-infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Quentin le 18 décembre 2020 en ce qu'il a dit les demandes de la Crama du Nord Est recevables et fondées .

-Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Quentin le 18 décembre 2020 en ce qu'il a dit que la Crama du Nord Est est subrogée dans les droits tant de la société l'Abattoir de l'Aisne que de la société Labo Pharma .

Statuant à nouveau ,

-déclarer irrecevables les demandes de la Crama du Nord Est en raison de la prescription,

-déclarer irrecevables les demandes de la Crama du Nord Est en raison de son défaut d'intérêt à agir en subrogation des droits de la société Labo Pharma et de la société Abattoir de l'Aisne .

À titre subsidiaire ,

-infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société B-Hygiénic Bvba a manqué à son obligation de renseignements et de conseil et a engagé sa responsabilité à l'encontre de la société l'Abbatoir de l'Aisne sur le fondement à titre principal de l'article 1240 du Code civil et à titre subsidiaire sur le fondement des dispositions des articles 1103, 1193, 1104, 1222 et 1231'1 du code civil .

-infirmer le jugement en ce qu'il a dit la société B-Hygiénic Bvba a engagé sa responsabilité à l'encontre de la société Labo Pharma sur le fondement des dispositions des articles 1103 , 1193 , 1104 , 1222 et 1231 -1 du code civil .

Statuant à nouveau ,

-juger infondées les demandes de la Crama du Nord Est .

A titre très subsidiaire ,

-constater l'absence totale de preuves par la Crama du Nord Est du quantum et du lien de causalité du préjudice prétendument subi ,

par conséquent ,

-infirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné in solidum la société B- Hygienic Bvba et la société Axa Belgium à payer à la Crama du Nord Est la somme de 280 220 € , ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance,

statuant à nouveau ,

-débouté la Crama du Nord-est de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.

A titre infiniment subsidiaire ,

-confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Saint-Quentin le 18 décembre 2020 en ce qu'il a dit que la société axa Belgium doit garantir la société B-Hygiénic Bvba .

-condamner la société Axa Belgium à garantir la société B- Hygiénic Bvba des éventuelles condamnations qui pourraient être prononcées à son égard.

En tout état de cause ,

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné in solidum la société B- Hygiénic Bvba et la société Axa Belgium au paiement de la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné in solidum la société B Hygiénic Bvba et la société Axa Belgium en tous les frais et dépens liquidés pour frais de greffe à la somme de 88,93 euros .

Statuant à nouveau ,

-condamner la Crama du Nord Est à verser à la société B- Hygiénic Bvba la somme de 25 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

-condamner la Crama du Nord Est aux entiers dépens .

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 1er décembre 2021 , la société Axa Belgium demande à la Cour de :

-infirmer le jugement en toutes ses dispositions .

Statuant à nouveau ,

à titre principal ,

-déclarer irrecevables les demandes de la société Crama du Nord Est.

À titre subsidiaire ,

-débouter la Crama du Nord Est et la société B-Hygiénic Bvba de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées contre la compagnie Axa Belgium .

En tout état de cause ,

-débouter les parties de leurs demandes plus amples ou contraires .

-condamner la Crama du Nord Est à verser à la compagnie Axia Belgium la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

-condamner la Crama du Nord Est aux entiers dépens qui seront recouvrés par M.[Z] conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

La Crama du Nord Est, aux termes de ses dernières conclusions en date du 11 mars 2022 , demande à la Cour de :

-confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Saint Quentin le 18 décembre 2020 .

-rejeter les moyens d'irrecevabilité invoqués par la société B-Hygiénic Bvba et par la société Axa Belgium .

-juger que la société B Hygiénic Bvba a manqué à son obligation de renseignement et de conseil et a engagé sa responsabilité à l'encontre de la société l'Abbatoir de l'Aisne .

-juger que la société B-Hygiénic Bvba a engagé sa responsabilité à l'encontre de la société Labo Pharma pour manquement à son devoir de renseignement et de conseil .

-juger que la Crama du Nord Est est subrogée dans les droits tant de la société l'Abattoir de l'Aisne que de la société Labo Pharma .

-juger que la société Axa Belgium doit garantir la société B-Hygiénic Bvba .

-condamner in solidum la société B Hygiénic Bvba et la société AXA Belgium à payer à la Crama du Nord Est la somme de 280 220 € , ladite somme assortie des intérêts au taux légal à compter de l'exploit introductif d'instance .

-condamner in solidum la société B- Hygiénic Bvba et la société AXA Belgium au paiement d'une somme de 3000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance .

-condamner in solidum la société B- Hygienic Bvba et la société Axa Belgium au paiement d'une somme de 5 000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel .

-condamner in solidum la société B-Hygienic et la société Axa Belgium en tous les frais et dépens .

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 3 mars 2022 .

Pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties , la Cour renvoie à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile .

SUR CE

A ) Sur la loi applicable et la recevabilité des demandes de la Crama du Nord Est

Le Tribunal a déclaré que les juridictions françaises étaient compétentes cependant que l'application conjuguée de la Convention de Vienne et de la Convention de New York n'avait pas lieu de s'appliquer , que dans ces circonstances l'action n'était pas prescrite, la prescription étant de 5 ans en application soit de l'article 2224 du code civil soit de l'article L 110-4 du code de Commerce , que l'action

était fondée non pas sur un vice de la chose mais sur un défaut de conseil et d'adaptabilité par la société B Hygiénic Bvba si bien que seule la prescription de 5 ans était applicable .

Il a ajouté que plusieurs quittances subrogatives correspondant aux différents règlements opérés entre les mains de la Scop l'Abbatoir de l'Aisne étaient versées aux débats , que la Crama du Nord Est était donc parfaitement subrogée dans les droits et actions de la Scop l'Abbatoir de l'Aisne , que la Crama du Nord versait aux débats les conditions générales et particulières de la police d'assurance souscrite , le tableau des montants de garantie et des franchises , qu'elle était parfaitement recevable et fondée à agir sur le fondement de la subrogation légale .

La société B- Hygienic Bvba fait valoir que le tribunal a opéré une confusion entre la compétence de la juridiction et le droit applicable , que la compétence des juridictions françaises n'a jamais été contestée , que seul le droit applicable est discuté, qu'en l'espèce l'action est fondée sur un prétendu manquement de la société B- Hygiénic Bvba à son obligation d'information précontractuelle , qu'il apparaît que l'obligation de conseil précontractuel est une obligation non contractuelle conformément au règlement Rome II , que l'article 12 dudit règlement qui porte sur la « culpa in contrahendo » indique que la loi applicable à un tel litige est la loi qui aurait été applicable dans l'hypothèse où un contrat aurait été conclu , ce qui renvoie à l'article 4 du règlement Rome I qui prévoit qu'à défaut de choix de la loi applicable , ce qui est le cas en l'espèce , c'est la loi du pays de résidence du vendeur qui s'applique , et donc la loi belge . Elle souligne que l'action de la Crama du Nord Est qui se prétend subrogée dans les droits de l'Abbatoir de l'Aisne ne peut être considérée comme délictuelle au sens de la jurisprudence communautaire mais relève des règlements Rome I et II ou à titre subsidiaire de la matière contractuelle .

Elle déclare que la loi belge a intégré la Convention de Vienne de 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises et la Convention de New York sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises , que ces conventions s'appliquent dés lors que le droit belge est applicable , que selon l'article 8 de la Convention de New York , le délai de prescription est de 4 ans , que l'alinéa 1 de l'article 9 prévoit que sous réserve des articles 10 11, et 12 , le délai de prescription court à partir de la date à laquelle l'action peut être exercée , qu'en l'espèce , il a été indiqué que le dommage avait été constaté en août 2013 , que l'action de la Crama du Nord Est est donc prescrite depuis le mois d'août 2017, ses demandes étant irrecevables .

Elle fait valoir également que l'assureur ne peut se prévaloir d'une subrogation légale que dans la mesure où les indemnités étaient dues en application de la police d'assurance et que l'assureur ne pouvait lui opposer aucune limite de garantie , qu'en l'espèce , la garantie ne pouvait excéder le coût des travaux , limités à 150 000 € , que le coût total de la construction facturé par Labo Pharma a l'Abbatoir de l'Aisne a été de 56 311, 22 € , qu'il y a lieu de soustraire la franchise prévue de 3 666 € que l'action de la Crama Nord Est n'est recevable qu'à hauteur de

52 645, 22 € .Elle ajoute que les conditions d'une subrogation conventionnelle ne sont pas réunies , que les quittances produites ne mentionnent pas explicitement ni la nature ni le détail du dommage et des préjudices visés par les paiements effectués .

La société Axa Belgium précise qu'elle est l'assureur responsabilité de la société B-Hygiénic Bvba , que son assurée a recommandé à la Scop Abattoir de l'Aisne de faire une étude pour son projet et lui a transmis les coordonnées de la société Labo Pharma , que la société B -Hygiénic Bvba n'a plus eu , ensuite , de contact avec la Scop Abattoir de l'Aisne , que la société Labo Pharma a commandé des plaques et des panneaux à la société B- Hygiénic Bvba pour un montant de 17 850 € et que les travaux réalisés par la société Labo Pharma ont été réceptionnés en juillet 2013 , que dés le mois d'août 2013 , des plaques se seraient décollées , qu'une expertise amiable a eu lieu le 16 décembre 2014 et qu'aucun compte rendu ne lui a été fourni malgré sa demande , qu'elle a donc refusé de participer à la suite des opérations amiables .

Elle souligne que pour la première fois en appel , la Crama du Nord Est communique la preuve des indemnités versées , qu'elle s'en rapporte donc à justice sur la preuve de la subrogation .

S'agissant de la prescription , elle fait valoir que l'action de la société Crama du Nord Est est de nature délictuelle , que l'article 4 de la Convention Rome II s'applique , ce dernier prévoyant que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient , que le dommage étant survenu en France , c'est la loi française qui s'applique.

Elle ajoute que la loi française prévoit que l'action de l'acquéreur final à l'encontre du fabricant initial est une action de nature contractuelle , que par conséquent , l'action de la Scop Abbatoir de l'Aisne dans laquelle est subrogée la société Crama du Nord Est à l'encontre des sociétés B-Higiénic Bvba et Axa Belgium est de nature contractuelle , qu'en l'espèce , il est reproché à la société B Hygiénic Bvba d'avoir livré des panneaux totalement inadaptés aux fortes chaleurs , qu'un tel grief constitue un vice caché et que cette action doit être intentée en application de l'article 1648 du code civil dans un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice .Elle souligne que le problème a été connu en août 2013 , que plusieurs réunions d'expertise amiables ont eu lieu , que le 26 novembre 2015 , un procès verbal relatif aux causes et circonstances du sinistre a été signé par les sociétés Scop Abattoir de l'Aisne et Labo Pharma , que les sociétés avaient donc à la fin de l'année 2015 , une parfaite connaissance de l'existence des désordres affectant les panneaux et de leur cause que l'assignation n'a été délivrée que le 4 avril 2018 , à une date où la prescription était acquise et que les demandes de la Crama du Nord Est sont donc irrecevables .

La Crama du Nord Est réplique que la société B Hygiénic Bvba s'est rendue dans les locaux de l'abattoir de l'Aisne et avait connaissance du contexte dans lequel les panneaux seraient posés , que cette société a formulé des préconisations et des conseils à la Scop l'Abattoir de l'Aisne inadaptés et a engagé sa responsabilité en application des articles 1240 et suivants du code civil et à titre subsidiaire sur le fondement des articles 1103 , 193 , 1104 , 1222 et 1231 dudit code , qu'elle a engagé également sa responsabilité l'égard de la société Labo Pharma pour avoir fourni en toute connaissance de cause , des matériaux inadaptés , qu'il ne s'agit donc pas d'un simple contrat de vente de matériaux mais d'un manquement à l'obligation de conseil qui engage sa responsabilité .

Elle ajoute que la subrogation conventionnelle est établie au regard des quittances subrogatives produites et au regard de la justification des règlements opérés , que les conditions de la subrogation légale sont réunies puisqu'elle a payé et le démontre , que les dommages étaient garantis par la police d'assurance puisqu'aucune réserve technique n'avait été notifiée à la société Labo Pharma pendant et au plus tard à la date de réception des travaux ,

Elle déclare que la loi applicable est la loi française , que la question relève d'une obligation non contractuelle non soumise au régime spécial de l'article 12 du règlement Rome II, , mais aux dispositions de l'article 4 -1 , la loi applicable étant celle du lieu du dommage , que s'il était considéré que l'on est en matière contractuelle, la situation devant être examinée au regard du contrat liant l'Abattoir de l'Aisne à la société Labo Pharma , ces deux sociétés étant de droit français , l'application de la loi française s'impose , étant ajouté que l'article 4 de la convention Rome I précise que le débiteur de la prestation caractéristique ( l'entrepreneur ayant posé les panneaux) , a sa résidence e France , et qu'en toute hypothèse , la loi ayant les liens les plus étroits avec la situation est bien la loi française . Elle ajoute que toute mauvaise information donnée ne ressort pas de la culpa in contrahendo , que celle ci suppose soit un contrat formé, soit une volonté de contracter puisqu'il est renvoyé à la loi qui aurait été applicable dans l'hypothèse où un contrat aurait été conclu .

Elle souligne que le droit belge n'étant pas applicable , la Convention de New York ne l'est pas .Elle ajoute que son action n'est pas diligentée sur le fondement des vices cachés puisque ce matériau n'est pas affecté d'un défaut particulier mais est inadapté dés lors qu'il est utilisé dans un environnement présentant des températures supérieures à 60 ° , qu'elle est subrogée dans les droits et actions de la société Labo Pharma et agit sur le fondement du manquement de la société B- -Hygiénic à son obligation d'information et de conseil , que son action n'est donc pas prescrite puisque cette dernière est de 5 ans en application soit de l'article 2224 du code civil soit de l'article L 110-4 du code de Commerce .

'........

La compétence des juridictions françaises n'est pas remise en cause par les parties .Seul le droit applicable au litige fait l'objet d'une discussion .

Il résulte des pièces versées aux débats (lettre du 16 septembre 2013 , devis et factures, , procès verbal de constatations suite à réunion d'expertise du 26 novembre 2015 ) , que la société

B -Hygiénic Bvba , société de droit belge s'est rendue au cours de l'année 2013 dans les locaux de la société l'Abattoir de l'Aisne situés à le Nouvion en Thierarche (02) , à la demande de cette dernière qui envisageait de procéder à des travaux de rénovation .La société l'Abattoir de l'Aisne a ensuite contracté avec la société Labo Pharma pour l'exécution de travaux , laquelle a commandé à la société B-Hygiénic les matériaux nécessaires dont des plaques PRF et les panneaux Rénopanel. Les travaux se sont achevés en juillet 2013 .En août 2013 , il a été constaté que certaines plaques se décollaient et les phénomènes de décollement des plaques ont continué à se produire , de sorte que la société Labo Pharma a déclaré le sinistre à son assureur , la Crama du Nord Est .

La Crama du Nord Est a fait procéder à des opérations d'expertise amiable et de chiffrage du préjudice , desquelles il ressort, que le décollement des revêtements de finition des panneaux et des finitions PVC des profilés clipsés résulte du taux d'humidité élevé du local et de la chaleur importante , que la colle dans cette ambiance , perd sa cohésion et se désagrège sous forme de filaments , les revêtements de finition ne sont donc plus maintenus aux panneaux alvéolaires , les profilés clipsés subissent le même phénomène , les panneaux ne sont pas adaptés pour une utilisation dans ces locaux . Il a été mentionné dans le procès verbal établi à la suite de la réunion d'expertise amiable qui s'est tenue le 26 novembre 2015 , d'une part que la société B Hygiénic avait donné un avis lors d'une réunion précédente , duquel il ressortait qu 'elle ne se sentait pas concernée par le désordre et l'imputait à Labo Pharma puisque la température des locaux ne lui avait pas été précisée et que les panneaux n'étaient pas adaptés à des locaux où la température étant supérieure à 70 °, d'autre part que la société B Hygiénic, dûment convoquée n' était pas présente lors de la réunion du 26 novembre 2015 .

La Crama du Nord Est , assureur de la société Labo Pharma justifie avoir versé à titre d'indemnisation de son préjudice à la société l'Abbatoir de l'Aisne , sur la base d'un rapport émanant d'un économiste de la construction en date du 17 janvier 2017 , la somme totale de

280 220 € .

a) sur la loi applicable

La Crama du Nord Est ,au motif qu'elle est subrogée dans les droits de la société L'abattoir de l'Aisne , exerce une action de nature délictuelle, puisqu'aucun contrat n'a été conclu entre cette société et la société B- Hygienic Bvba .Le règlement CE n° 864 / 2007du Parlement européen et du conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles dit Rome II est dés lors applicable au litige .

Celui ci prévoit notamment dans son article 4 que ;

«  1 sauf dispositions contraires du présent règlement , la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient , quelque soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes surviennent .

2 Toutefois , lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage , la loi de ce pays s'applique .

3 S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2 , la loi de cet autre pays s'applique.Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder notamment sur une relation préexistante entre les parties , telle qu'un contrat , présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question .

Si l'article 12 intitulé Culpa in contrahendo dispose dans son alinéa 1 que la loi applicable à une obligation contractuelle découlant de tractations menées avant la conclusion d'un contrat est , que le contrat soit effectivement conclu ou non , la loi qui s'applique au contrat ou qui aurait été applicable si le contrat avait été conclu et renvoie dés lors au règlement CE n° 593/ 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles dit Rome I lequel prévoit dans son article 4 1 a que le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle , il convient de constater que la notion de culpa in contrahendo ne peut concerner le présent litige puisqu'il n'y pas eu de contrat entre l'Abbatoir de l'Aisne ni de négociations précontractuelles ou pourparlers entre ces deux sociétés.

Par ailleurs , ainsi que le souligne la société Crama du Nord Est , sa demande n'est pas fondée sur une vente défaillante mais sur le fait que la société B- Hygiénic Bvba ait conseillé à la société l'Abbatoir de l'Aisne un matériel inadéquat .Ainsi que cela est soutenu , en matière de conflit de lois , c'est le principe de proximité qui prévaut , tant en matière contractuelle que délictuelle , en l'espèce l'exploitation a lieu en France , la société belge s'est rendue en France afin de prendre connaissance des lieux ,la société Labo Pharma , société de droit français a effectué les travaux et le lieu du dommage est situé en France .

S'agissant des relations qui ont existé entre la société Labo Pharma et la société B-Hygiénic Bvba, qui sont elles régies par un contrat, lorsque les parties n'ont pas choisi de loi applicable , il doit être souligné que l'article 4 .3 de la convention Rome I dispose que lorsqu'il résulte de l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2 , la loi de cet autre pays s'applique , or en l'espèce, la société B- Hygyenic Bvba s'est rendue en France dans les locaux de la société Abbatoir de l'Aisne , la société Labo Pharma , société de droit français a commandé le matériel à la société B- Hygiénic Bvba puis, après avoir acquis les matériaux, a exécuté les travaux en France . Il résulte bien de l'ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec la France qu'avec la Belgique .

Au vu de l'ensemble de ces éléments , il y a lieu de dire que la loi française s'applique au litige en ce qu'il concerne les demandes de la Crama du Nord Est présentées à l'encontre de la Société B- Hygiénic Bvba et Axia Belgium .

b ) Sur les prescriptions

La loi française s'appliquant au litige , c'est cette dernière qui s'applique en matière de prescription et ni la Convention de Vienne de 1980 ayant trait aux contrats de vente internationale de marchandise ni la Convention de New york concernant les prescription en matière de vente internationale de marchandises ne sont applicables, et en toute hypothèse , ces conventions ne s'appliquent pas à l'action de la société l'Abbatoir de l'Aisne ,dans laquelle la Crama du Nord Est est subrogée , à l'encontre de la société B-Hygienic Bvba qui n'est pas son co contractant puisqu'aucun contrat n'a été conclu entre ces deux sociétés , et la Convention de New York n'aurait pu trouver à s'appliquer dans les relations entre Labo Pharma et B- Hygiénic Bvba que s'il était retenu que la loi belge était applicable , ce qui n'est pas le cas .

L'action n'est pas diligentée sur le fondement de la garantie des vices cachés cachés , il n'est pas mis en exergue un défaut du matériau utilisé pour les travaux , mais sur le fondement d'un manquement à l'obligation de conseil de la société B-Hygiénic Bvba à son obligation d'information et de conseil envers la société l'Abattoir de l'Aisne et la société Labo Pharma , de sorte que la prescription de l'article 1648 du code civil n'est pas applicable .

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu au aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et l'article L 110-4 du Code Commerce dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants se prescrivent pas 5 ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes , ce texte vise toutes les obligations qu'elles soient contractuelles ou délictuelles .

En l'espèce les travaux ont été exécutés en juin et juillet 2013 , les dommages constatés en août 2013 , l'action devait être intentée dans un délai de 5 ans à compter du mois d'août 2013 , les assignations ont été délivrées par la Crama du Nord Est le 3 avril 2018 , et donc dans le délai imparti .

Sur la subrogation

Selon l'article L 121-12 du code des assurances , l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé jusqu'à concurrence de cette indemnité dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers , qui par leur fait , ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur .

La Crama du Nord Est justifie que la société Labo Pharma était son assurée en produisant le contrat souscrit .Elle justifie avoir réglé en réparation des désordres constatés , à la Sarl Scop Abbatoir de l'Aisne, les sommes de 31 025 € le 12 juillet 2016 , 11 775 € le 12 juillet 2016 également , 65 450, 46 € le 28 février 2017 , 154 328, 72 € le 12 mai 2017 , et la somme de

17 639 , 96 € le 25 août 2017 .Chaque lettre d'accord sur indemnisation provisionnelle , les 22 juin 2016 pour les montants de 11 775 € et 31 025 € , le 13 février 2017 pour le montant de

65 450, 46 € , le 3 mai 2017 pour la somme de 154 328, 72 € et le 1er aout 2017 pour le montant de

17 639, 96 € ,précise que la Scop l'Abattoir de l'Aisne déclare subroger à concurrence de la somme en cause Groupama Nord Est dans tous ses droits et actions à l'encontre des responsables et de leurs assureurs .Elle produit la lettre d'accord sur l'indemnisation complémentaire et définitive du 1er août 2017 de ladite société qui indique clairement que l'indemnisation globale du sinistre s'élève à 280 220 € (auxquels s'ajoutent d'autres frais ) et que cette indemnité décharge ainsi Groupama Nord Est et son assuré,Labo Pharma, de toute obligation relative à ce sinistre et subroge Groupama Nord Est dans tous ses droits et actions à l'encontre des responsables et de leurs assureurs .

Les conditions de la subrogation conventionnelle de la Crama Nord Est telles que définies par l'ancien article 1250-1 du code civil devenu 1346 -1 du code civil sont donc remplies .

En revanche , en application de l'article L 121-12 alinea 1 du code des assurances , la subrogation n'a lieu que lorsque l'indemnité a été versée en application des garanties souscrites. Si le rapport amiable versé aux débats mentionne que les travaux ont été réalisés suite à une demande des services vétérinaires pour qu'ils autorisent la poursuite d'exploitation , les parements existants présentant des tâches de rouille qualifiés d' inacceptables dans une exploitation liée à l'industrie agro alimentaire, il doit être observé qu' aucun élément n'est produit qui attesterait d'un constat et d' une demande en ce sens des services vétérinaires , et selon le même rapport , les travaux ont consisté en l'installation de panneaux d'habillage intérieur , soit la pose de panneaux hygiéniques Rénopanel , collés sur l'ancien support , constitué de panneaux sandwich avec parements métalliques , des profils de finition ont été clipsés entre les plaques. Le dommage a consisté dans le décollement des revêtements de finition des panneaux et des finitions PVC clipsés La société Crama du Nord Est ne démontre pas que les désordres relèvent de la garantie décennale prévue à l'article 1792 du code civil .Il s'agit , de dommages qualifiés par l'annexe aux conditions générales , de dommages à la construction de nature non décennale survenus après réception , le montant de la garantie s'élevant alors au « coût total de la construction sans pouvoir excéder 150 000 € par année d'assurance avec une franchise de 10 % du montant de l'indemnité d'assurance avec un minimum de 1219 € et un maximum de 3 666 € . Le coût des travaux réalisés par la société Labo Pharma s'est élevé soit 67 348 , 21 € TTC dont il convient de déduire la franchise de 1219 € , la demande fondée sur la subrogation n'est donc recevable qu'à hauteur de 66 129 , 21 € .

B ) Sur le bien fondé des demandes en paiement

La société B -Hygiénic Bvba fait valoir qu'en qualité de simple fabricant de matériaux , elle n'est pas tenue d'une obligation de conseil autre que celle de mettre à disposition les caractéristiques des matériaux qu'elle vend , qu'elle n'a jamais fourni à Labo Pharma ou à la société l'Abattoir de l'Aisne des renseignements erronés sur la nature et la qualité des matériaux et n'a jamais soutenu que ses panneaux pouvaient supporter des températures extrêmes , qu'elle a indiqué à la société l'Abattoir de l'Aisne la nécessité de procéder à une étude avant tous travaux , que cette étude a d'ailleurs été facturée par Labo Pharma , qu'elle n'est tenue d'aucune obligation d'information à l'encontre de l'abattoir de l'Aisne avec laquelle elle n'a pas contracté , que Labo Pharma est un professionnel de la construction qui aurait du avoir la compétence nécessaire pour apprécier le caractère approprié ou non des matériaux qu'il convenait de poser .

Elle ajoute que la Crama du nord Est sollicite une somme très élevée sans démontrer la réalité des sommes engagées et les prestations précises pour lesquelles elles ont été versées , qu'aucune facture n'est versée , que l'Abbatoir de l'Aisne a subi un grave incendie le 24 janvier 2015 , qu'il n'est pas démontré que les dommages dont la réparation est demandée soient uniquement en lien avec le sinistre déclaré en août 2013 , qu'elle ne peut donc être condamnée au paiement d'une quelconque somme .

Axia Belgium souligne que le juge ne peut uniquement se fonder sur un rapport d'expertise non judiciaire pour examiner le bien fondé des demandes , que la Crama du Nord Est fonde ses demandes sur un rapport d'expert qu'elle a elle même mandaté et n'a sollicité aucune expertise judiciaire , qu'elle ne rapporte pas la preuve d'une faute commise par la société B- Hygiénic Bvba Elle déclare que la Crama du Nord Est ne démontre pas que la société B Hygiénic Bvba savait que les panneaux seraient soumis à des températures importantes , qu'elle doit être déboutée de son action en garantie des vices cachés .

S'agissant du comportement de la société Labo Pharma , elle fait valoir qu'il appartenait à cette dernière de se renseigner sur les besoins de la Scop Abbatoir de l'Aisne , que son devis porte mention d'un poste « Etude » que la société Labo Pharma est seule responsable de l'inadaptation de panneaux , que la société B- Hygiénic Bvba n'était tenue à aucun devoir de conseil au bénéfice de la société Labo Pharma qui est un professionnel , que les fiches techniques des panneaux qui ont été fournies à la société Labo Pharma comportaient les renseignements nécessaires sur les températures maximales auxquelles les panneaux pouvaient résister , que la société B- Hygiénic Bvba n'était également tenue à aucun devoir de conseil au bénéfice de la société l'Abattoir de l'Aisne qui est tiers à son contrat .

La Crama du Nord Est réplique que la société B- Hygiénic Bvba a été convoquée aux opérations d'expertise amiable , que le rapport est versé aux débats et soumis à la discussion des parties et peut donc être pris en considération par le juge , que les parties sont d'accord sur les causes du sinistre soit la mise en oeuvre de matériaux fournis par la société B- Hygienic Bvba qui sont totalement inadaptés à raison de la température en partie haute supérieure à 70 ° , que la société B Hygiénic a reconnu avoir effectué une visite des lieux le 5 avril 2013 , que lors de sa visite , elle a pu constater la présence de fours qui par définition dégagent de fortes chaleurs , qu'elle a malgré tout préconisé la mise en place des panneaux , que le simple fait pour un fabriquant de donner à un tiers des renseignements erronés sur la nature et la qualité des matériaux qu'elle est susceptible de commercialiser engage la responsabilité de ce fabriquant .Elle déclare que la société B -Hygiénic a manqué à son obligation de renseignements et de conseil et a engagé sa responsabilité à l'encontre de l'Abbatoir de l'Aisne sur le fondement à titre principal de l'article 1240 du code civil et à titre subsidiaire sur le fondement des dispositions des articles 1103 , 1193 , 1104 , 1222 et 1231 -1 du code civil , et à l'égard de la société Labo Pharma ,Elle souligne que les sommes versées correspondent au montant des travaux de réfection évalués par un économiste de la construction , que l'incendie auquel fait référence la société B Hygienic a affecté un autre bâtiment que celui concerné par les travaux en cause .

'...

La Crama du Nord est , au soutien de sa demande , ne produit aux débats aucun rapport d'expertise judiciaire , mais une lettre du 16 septembre 2013 émanant de Mme [L] [V] responsable qualité de l'Abbatoir de l'Aisne , un procès verbal de constatations relatives aux causes et circonstances du dommage suite à une réunion du 26 novembre 2015, les factures de la société B-Hygiénic adressées à Labo Pharma , et les devis et factures de travaux de la Sarl Labo Pharma adressées à la la société l'Abbatoir de l'Aisne .

Le procès verbal indique que les experts présents , constatent que dans le hall d'abbatage , il a été installé des plaques de Rénopanel en plafond , que ces plaques ont été collées à la colle Hard Fix Glue et des fixations mécaniques ont été installées en partie centrale de chacune d'elles , que dans le hall le revêtement de finition gaufrée se décolle des panneaux alvéolaires , seules les fixations centrales le maintiennent en place , par endroits c'est le complexe complet qui commence à se décoller , les revêtements en PVC blanc des profilés de finition clipsés entre panneaux se décollent , que la moitié du local a fait l'objet d'une dépose des habillages et qu'il a été réalisé une peinture en remplacement . Des tâches de rouille apparaissent ponctuellement...

Il est indiqué dans la rubriques causes du sinistre que le décollement des revêtements de finition de panneaux et des finitions PVC des profilés clipsés résulte du taux d'humidité élevé du local et de la chaleur importante , que la colle dans cette ambiance perd sa cohésion et se désagrège sous forme de filaments , les revêtements de finition ne sont donc plus maintenus aux panneaux alvéolaires , les profilés clipsés subissent le même phénomènes , les panneaux ne sont pas adaptés pour une utilisation dans ces locaux ,

Il est indiqué dans ce procés verbal , que la société B- Hygénic Bvba dument convoquée ne s'est pas présentée à la réunion mais que lors d'un précédente réunion , cette dernière a indiqué que la température en partie haute des halls était supérieure à 70° et aux droit des fours d'environ à 200 à 300 ° ce qui ne lui avait pas été précisé et que l'exploitant n'avait pas établi de cahier des charges , que ses panneaux ne pouvaient pas être installés dans un endroit où la température ambiante est supérieure à 70° comme précisé dans la fiche technique des matériaux .

Ce procès verbal ne mentionne pas un avis de Labo Pharma sur la cause des désordres .

Il est constant que M.[M] , directeur de la société B- Hygiénic Bvba s'est rendu le 5 avril 2013 dans les locaux de la société l'Abattoir de l'Aisne ainsi qu'il le reconnaît lui même dans un courrier qu'il a adressé à Labo Pharma le 30 octobre 2013 , accompagné de M.[S] salarié de la société Polysto, et que les produits fabriqués par la société B- Hygiénic ont été présentés . Si Mme [V] responsable qualité de la société Sarl Scop Abbatoir de l'Aisne déclare dans un courrier qu'elle a adressé à Labo Pharma le 16 septembre 2013 , qu'une visite du site a été réalisée , afin de faire des relevés métriques nécessaires au devis pour mettre en évidence la chaleur dégagée par les fours en cours de production , et que lors de cette visite , MM [M] et [S] ont proposé la pose de panneaux type Rénopanel gaufré classé feu pour la rénovation en stipulant que ces panneaux ne craignaient pas les fortes chaleurs , qu'ils n'installaient pas le matériel et allaient les mettre en relation avec la Sarl Labo Pharma pour la réalisation des travaux , il est constant également que dans un courrier du 30 octobre 2013 adressé à Labo Pharma , M.[M] a déclaré que lors de la visite il avait constaté avec M.[S] que le plafond était très abimé , indiqué qu'une étude plus précise était nécessaire , et qu'ils étaient convenus de les mettre en relation avec un applicateur panneauteur , qu'il n'avait plus eu de contact ensuite avec la l'Abattoir de l'Aisne . Monsieur [M] a précisé dans ce courrier que la société l'Abbatoir de l'Aisne ne leur avait jamais parlé de chaleurs élevées alors que Labo Pharma indiquait après le sinistre qu'il y avait pu y avoir une accumulation de chaleur au niveau du plafond , créée par le flambage des porcs et les outils opérationnels , et constaté une température au plafond entre 270 ° et 300 ° pendant les activités d'abbattage , « qu'il n'aurait jamais proposé nos solutions sachant que la température maximale éditée dans la fiche technique correspondante est 70 ° pour nos panneaux Rénopanel » .

La société Crama du Nord Est ne démontre pas que la société B- Hygiénic Bvba , fabricant des panneaux, ait donné des renseignements erronés tant à la société l'Abbatoir de l'Aisne qu'à la société Labo Pharma sur la nature et la spécificité des matériaux qu'elle vendait .La fiche technique du panneau Rénopanel qu'elle produit mentionne bien une résistance au feu mais précise également que la température ne peut excéder 60 °.Il appartenait à la société Labo Pharma qui est un professionnel de la construction de s'assurer, au vu des travaux qui lui étaient commandés par l'Abbatoir de l'Aisne, que le matériel qui serait posé était celui qui était adapté aux besoins de la société , étant observé que son devis 137 B mentionne avant la réalisation et la pose , la réalisation d'une étude , ces trois postes étant chiffrés à hauteur de 29 800 € ht , et que le devis 137 et 148 mentionnent qu'ils sont réalisés suivant les éléments techniques et administratifs fournis par le client , ces devis ayant été acceptés .Aucun manquement ne peut être reproché à la société B- Hygiénic Bvba , le jugement sera infirmé en ce qu'il a déclaré que la société B- Hygiénic Bvba a engagé sa responsabilité à l'égard de la société l' Abattoir de l'Aisne et envers la société Labo Pharma et a condamné in solidum la société B-Hygiénic Bvba et la société Axa Belgium à payer à la Crama du Nord Est la somme de 280 220 € outre intérêts au taux légal .

Il n'y a pas lieu en conséquence , d'examiner la loi applicable aux relations contractuelles entre la société B-Hygienic Bvba et Axa Belgium et la teneur du contrat existant entre ces deux parties .

C ) Sur les frais irrépétibles et les dépens

La Crama du Nord Est succombant en ses prétentions , sera condamnée à payer la somme de 4 000 € à la société B- Hygiénic Bvba sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que la somme de 3 000 € à la société Axa Belgium sur le même fondement, et sera également condamnée aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au bénéfice de Me [Z] avocat .

PAR CES MOTIFS

La Cour , statuant par arrêt contradictoire , en dernier ressort , par mise à disposition au greffe ,

Dit que la loi française s'applique au litige en ce qu'il concerne les demandes de la Crama du Nord Est présentées à l'encontre de la Société B- Hygiénic Bvba et Axia Belgium .

Infirme le jugement entrepris ,

Statuant à nouveau ,

Dit que la demande de la Crama du Nord Est n'est recevable au titre de la subrogation qu'à hauteur de 66 129 , 21 € .

Au fond ,

Déboute la Crama du Nord Est de toutes ses demandes dirigées contre la société B- Hygiénic Bvba et la société Axa Belgium .

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Nord Est , enseigne Groupama , à payer à la société B- Hygienic Bvba la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Nord Est , enseigne Groupama , à payer à la société Axia Belgium la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Condamne la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles du Nord Est , enseigne Groupama aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de M.Wallart , avocat .

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 21/00554
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;21.00554 ?
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