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16/06/2022 | FRANCE | N°20/03847

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 16 juin 2022, 20/03847


ARRET



















[M]





C/



S.A.S. LE FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA









DB



COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 16 JUIN 2022





N° RG 20/03847 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HZ7Z



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 11 JUIN 2020





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





Monsieur [U] [M]>
[Adresse 1]

[Localité 4]





Représenté par Me Sandrine MILHAUD, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 32





ET :



INTIMEE





S.A.S. LE FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA, ayant pour société de gestion EQUITIS GESTION, et représenté par la Société MCS et ASSOCIES, venant aux droi...

ARRET

[M]

C/

S.A.S. LE FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA

DB

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 16 JUIN 2022

N° RG 20/03847 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HZ7Z

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE AMIENS EN DATE DU 11 JUIN 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [U] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Sandrine MILHAUD, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 32

ET :

INTIMEE

S.A.S. LE FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA, ayant pour société de gestion EQUITIS GESTION, et représenté par la Société MCS et ASSOCIES, venant aux droits de la Société Générale en vertu d'un bordereau de cession de créances en date du 3 aout 2020 soumis aux dispositions du code monétaire et financier, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric CATILLION de la SCP LUSSON ET CATILLION, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 21

DEBATS :

A l'audience publique du 01 Février 2022 devant Mme Dominique BERTOUX, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 07 Avril 2022.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Dominique BERTOUX en a rendu compte à la Cour composée de:

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le délibéré a été prororgé au 16 juin 2022.

Le 16 juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Par acte du 20 mai 2011, la SARL Jard'Easy-Rythm'Auto, ayant pour activité le commerce de véhicules automobiles, a ouvert un compte professionnel dans les livres de la Société générale.

Par acte sous seing privé du 18 juillet 2013, la Société générale a consenti à la SARL Jard'Easy-Rythm-Auto un prêt d'investissement d'un montant de 8.590 €, au taux annuel de 3,65%, devant être remboursé au plus tard le 18 juillet 2017.

Par acte sous seing privé du 13 octobre 2014, la Société générale a consenti à la SARL Jard'Easy-Rythm-Auto un prêt d'investissement d'un montant de 13.500 €, au taux annuel de 1,75%, devant être remboursé au plus tard le 13 novembre 2018.

Par acte sous seing privé du 10 décembre 2015, M. [U] [M] s'est porté caution personnelle et solidaire de l'ensemble des engagements de la SARL Jard'Easy-Rythm-Auto à l'égard de la Société générale, à concurrence de 32.500 €, en principal, intérêts, frais, accessoires et pénalités, pendant une durée de 10 ans.

Courant 2016, la SARL Jard'Easy-Rythm-Auto a modifié sa dénomination sociale pour Alternative Auto Jard'Easy.

Par jugement en date du 26 janvier 2017, le tribunal de commerce d'Amiens a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Alternative Auto Jard'Easy, fixant la date de cessation des paiements au 23 janvier 2017 et désignant la SELAS [O] et [L] [H] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre du 16 février 2017, la Société générale a déclaré entre les mains du mandataire liquidateur une créance à titre chirographaire pour un montant de 51.646,83 €, comprenant le principal, les intérêts et pénalités de retard ainsi que de résiliation anticipé.

Par lettre du même jour, la Société générale a mis en demeure M. [M], en sa qualité de caution personnelle de la SARL Alternative Auto Jard'Easy, d'avoir à lui régler la somme de 32.500 €.

Par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) du 6 mars 17, le conseil de M. [M] a demandé à la Société générale qu'elle lui adresse copie de l'engagement de caution litigieux, ainsi que le détail de la somme réclamée de 32.500 €.

Suivant ordonnance du 30 mars 2017, le Président du tribunal de commerce d'Amiens, statuant sur requête de la Société générale, l' a autorisée à pratiquer une saisie conservatoire de créance sur les produits et avoirs bancaires de M. [M], plus particulièrement sur les fonds détenus au titre d'un plan épargne logement ouvert auprès de l'agence bancaire Société générale de Dury (80), pour un montant provisoirement évalué de 32.500 € maximum.

Par actes d'huissier du 11 avril 2017, la Société générale a fait :

- procéder à une saisie conservatoire sur les comptes personnels de M. [M];

- et assigner M. [M] devant le tribunal de commerce d'Amiens.

Par jugement contradictoire du 11 juin 2020, le tribunal de commerce d'Amiens a :

- débouté M. [M] de ses fins et conclusions, autres que celles auxquelles le dispositif fait droit;

- condamné M. [M] à payer à la Société générale :

* la somme de 32.500 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du jugement;

* la somme de 900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens;

- dit que M. [M] pourra s'acquitter des condamnations ci-dessus en 24 mensualités consécutives, dont 23 de 500 € et une 24ème pour solde, la première devant être effectuée à compter de la signification du jugement, et que faute par lui de satisfaire à l'un des termes susvisés, le tout deviendra immédiatement exigible de plein droit;

- ordonné, vu les circonstances de la cause et les délais accordés, l'exécution provisoire du jugement, et ce nonobstant appel et sans caution.

M. [M] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 24 juillet 2020.

Le fonds commun de titrisation (FCT) Castanea, géré par la société Equitis Gestion et représenté par la société MCS et Associés, est venu aux droits de la Société générale suivant bordereau de cession de créances du 3 août 2020, laquelle a été notifiée à M. [M] par LRAR du 28 août 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 2 mars 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, M. [M] demande à la cour de:

- le recevoir et déclarer bien fondé en ses conclusions responsives et récapitulatives;

à titre principal, sur l'annulation du jugement entrepris,

- annuler le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau sur l'intégralité du litige en raison de l'effet dévolutif sur le tout de l'appel

en annulation,

à titre principal,

- juger que :

* la Société générale n'a pas vérifié le caractère proportionné de l'engagement de caution au patrimoine personnel de M. [M], ni lors de la signature de l'engagement, ni lors de sa mise en jeu;

* l'engagement de caution souscrit est manifestement disproportionné à sa situation financière et patrimoniale au jour de l'engagement;

En conséquence,

- juger que le FCT Castanéa, ayant pour société de gestion, la société Equitis Gestion, et représenté par la société MCS et Associés, venant aux droits de la Société générale, est déchu du droit d'actionner M. [M] en qualité de caution;

En conséquence,

- débouter le FCT Castanéa de l'intégralité de ses demandes;

subsidiairement,

- juger que l'engagement de M. [M] doit étre limité à la somme de 25.000 €;

- octroyer à M. [M] les plus larges délais de paiement;

en tout état de cause,

- débouter le FCT Castanéa de sa demande de capitalisation annuelle des intérêts à échoir;

- juger que le montant des condamnations à son encontre au titre de l'engagement de caution ne saurait excéder 32.500 €;

subsidiairement, sur l'infirmation du jugement entrepris

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* débouté M. [M] de ses fins et conclusions autres que celles auxquelles le dispositif fait droit;

* condamné M. [M] à payer à la Société générale la somme de 32.500 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du jugement et la somme de 900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civil, ainsi qu'aux entiers dépens, liquidés pour frais de greffe à la somme de 66,70 €, dont TVA à 20%;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus;

statuant à nouveau,

à titre principal,

- juger que :

* la Société générale n'a pas vérifié le caractère proportionné de l'engagement de caution au patrimoine personnel de M. [M], ni lors de la signature de l'engagement, ni lors de la mise en jeu;

* l'engagement de caution souscrit par M. [M] est manifestement disproportionné à sa situation financière et patrimoniale au jour de l'engagement;

En conséquence,

- juger que

* le FCT Castanéa est déchu du droit d'actionner M. [M] en qualité de caution;

En conséquence,

- débouter le FCT Castanéa de l'intégralité de ses demandes;

subsidiairement,

- juger que l'engagement de M. [M] doit étre limité à la somme de 25.000 €;

- octroyer à M. [M] les plus larges délais de paiement;

en tout état de cause,

- débouter le FCT Castanéa de sa demande de capitalisation annuelle des intérêts à échoir;

- juger que le montant des condamnations prononcées à l'encontre de M. [M] au titre de l'engagement de caution ne saurait excéder 32.500 €;

en tout état de cause,

- débouter le FCT Castanéa de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions;

- condamner le FCT Castanéa à lui payer la somme de 3.000 €, au titre des frais irrépétibles de première instance;

- condamner le FCT Castanéa à lui payer la somme de 3.000 €, au titre des frais irrépétibles d'appel;

- condamner le FCT Castanéa aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 15 janvier 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, le Fonds Commun de Titrisation Castanéa ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion, représenté par la SAS Mcs et Associés, venant aux droits de la Société Générale demande à la cour de:

- le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

- débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes;

- de constater la régularité de la procédure;

- condamner M. [M] à lui payer :

* la somme de 32.500 euros, en principal et avec intérêts à compter du 16 février 2017;

* la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts à échoir conformément à l'article 1343-2 du code civil;

- débouter M. [M] de l'intégralité de ses demandes;

- condamner M. [M] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 janvier 2022, l'affaire ayant été fixée pour plaider à l'audience du 1er février 2022.

SUR CE

A titre liminaire , la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif , et que les « dire et juger » et les « constater » ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi ; en conséquence , la cour ne statuera pas sur celles ci , qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués .

- Sur l'annulation du jugement entrepris

M. [M] prétend à l'annulation du jugement dont appel pour violation du droit à un procès équitable, et des articles 16 et 7 du code de procédure civile, expliquant que les premiers juges ont fait usage de faits qui n'étaient pas dans le débat, en se fondant sur des éléments factuels qui n'étaient pas dans le débat, notamment sur des éléments d'informations publiques(chiffres d'affaires et plus globalement les éléments comptables (bilans) de la société, la participation de l'appelant dans la SCI L'avenir, dont la juridiction a pu prendre connaissance au greffe, et sa rémunération supposée en qualité de gérant, selon un procès-verbal d'assemblée générale du 20 juillet 2016); que ces éléments ont été soulevés par le tribunal parmi des faits qui n'étaient pas dans le débat, pour n'avoir pas même été allégués par l'une des parties au procès; que ces éléments n'ont pas été soumis au contradictoire des parties, ce qui n'a pas permis aux parties de formuler leurs observations sur ces éléments de fait, en violation du principe du contradictoire posé par l'article 16 du code de procédure civile et du droit au procès équitable garanti par l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le FCT Castanéa fait valoir le respect du principe du contradictoire, ainsi que des droits de la défense par le tribunal de commerce d'Amiens, dès lors que l'ensemble des éléments visés par le jugement entrepris ont été versés aux débats par les parties ou tirés d'extraits régulièrement communiqués par elles, étant précisé que l'effet dévolutif de l'appel empêche M. [M] de se prévaloir d'un grief éventuel.

Selon l'article 7 du code de procédure civile : 'Le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat. Parmi les éléments du débat, le juge peut prendre en considération même les faits que les parties n'auraient pas spécialement invoqués au soutien de leurs prétentions'.

Selon l'article 16 du code de procédure civile : 'Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations'.

Il est admis que le juge ne peut fonder sa décision sur le résultat d'investigations personnelles [Civ. 2e, 6 juill. 1978; Com. 4 oct. 1994, no 92-15.102].

En l'espèce, aux termes du jugement entrepris (page 3), le tribunal de commerce d'Amiens a motivé le rejet de la demande principale de M. [M], tendant à voir prononcer la déchéance du droit de la Société générale de se prévaloir du cautionnement litigieux, sur la base, notamment, d'éléments publics d'information, 'qui devaient être connus aussi bien de la banque que de la Juridiction', relatives à la SARL Alternative Auto Jard Easy, anciennement Jard'Easy-Rythm-Auto, dont le débiteur était associé minoritaire (49%) et gérant lors de la conclusion de son engagement, en particulier de documents comptables publiés par le greffe et qui faisaient ressortir :

- concernant l'exercice clos au 31 décembre 2014, un chiffre d'affaires de 950.000 €, pour un résultat négatif de 31.000 €, avec des capitaux propres à hauteur de 90.000 €;

- et concernant l'exercice clos au 31 décembre 2015, un chiffre d'affaires de 863.000 €, pour un résultat positif de près de 12.000 €, avec des capitaux propres à hauteur de 102.488 €.

Il ressort des pièces produites en cause d'appel [pièces n° 39 à 41 de l'appelant], soit des conclusions et des bordereaux de communication de pièces déposés en première instance par la Société générale, que les données relatives à la SARL Alternative Auto Jard Easy, sur lesquelles repose partiellement la motivation du jugement dont appel, n'ont pas été mises dans le débat par le tribunal de commerce d'Amiens, ni discutées par les parties.

La circonstance que les informations en cause étaient accessibles auprès du greffe de la juridiction concernée ne justifie pas que cette dernière puisse passer outre le respect de la contradiction.

En conséquence de la violation des articles précités du code de procédure civile, il convient d'annuler le jugement dont appel.

Selon l'article 542 du code de procédure civile : 'L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel'.

Selon l'article 562 du code de procédure civile : 'L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible'.

Par suite de l'annulation du jugement pour violation du contradictoire, la cour est tenue de statuer sur l'entier litige en vertu de l'effet dévolutif de l'appel.

- Sur le droit de la Société générale de se prévaloir du cautionnement litigieux

M. [M] soutient, au visa des articles 1315 du code civil et L.341-4 du code de la consommation, que la banque échoue à démontrer qu'elle a vérifié la proportionnalité du cautionnement litigieux lors de sa signature, ainsi que la suffisance du patrimoine de la caution lors de sa mise en jeu, alors qu'il lui appartenait de le faire, étant rappelé que la qualité de caution avertie de l'appelant est indifférente s'agissant des obligations du créancier professionnel sur ce point; qu'il a rempli une fiche de renseignements confidentiels le 15 janvier 2016, soit postérieurement à l'acte en cause, dans la perspective d'un cautionnement distinct, à hauteur de 25.000 €, en garantie d'une convention de trésorerie courante sollicitée par la SARL Jard'Easy-Rythm-Auto.

Il prétend que l'intimé doit être déchu du droit de se prévaloir du cautionnement litigieux en raison du caractère manifestement disproportionné de l'engagement au jour de sa conclusion, soit le 10 décembre 2015, étant précisé qu'au 15 janvier 2016, l'appelant ne percevait plus l'intégralité de son salaire de gérant, ce que ne pouvait ignorer la banque où ses comptes personnels étaient domiciliés, devait supporter le remboursement d'un crédit à la consommation souscrit auprès de la banque BNP Paribas d'un montant de 9.500 €, remboursable par des échéances mensuelles de 333 euros jusqu'en 2019; qu'il était propriétaire de 80%, et non de 100%, des parts de la SCI L'avenir, dont dépend un immeuble évalué à 150.000 €, financé par un emprunt sur lequel une somme de 110.000 € restait alors dûe; qu'il disposait d'un plan épargne logement de 10.527 €; que si les éléments comptables de la SARL Jard'Easy-Rythm-Auto pour l'année 2015, non produits et non débattus en première instance, font état d'une rémunération annuelle du gérant à hauteur de 21.809 €, soit 1.817,41 € mensuels, ils ne démontrent pas le versement effectif de cette somme, d'autant que le procès-verbal d'assemblée générale ordinaire du 20 juillet 2016 comporte une résolution suivant laquelle M. [M] a abandonné son compte courant d'associé à hauteur de 28.062 €; qu'ainsi son taux d'endettement était de 75%, hors salaires, voire de 65,72% avec un salaire de 1.817,41 € par mois, évidemment supérieur au taux de 33% communément admis par les tribunaux.

Il ajoute que l'intimé doit être déchu du droit de se prévaloir du cautionnement litigieux en raison également du caractère insuffisant du patrimoine de l'appelant au jour de son appel en qualité de caution, soit de l'assignation devant le tribunal de commerce d'Amiens, délivrée le 11 avril 2017, étant indiqué qu'à cette date, l'appelant venait de signer un contrat de travail pour un poste de vendeur débutant, pour lequel il percevait une rémunération mensuelle nette d'environ de 1.190 €; qu'il touchait un montant de 165 € par mois d'aide personnalisée au logement, étant ajouté qu'il a cessé de les percevoir à compter de mars 2018; qu'il avait des charges mensuelles de 1.232,34 €, dont 450 € de loyer, 330 € de remboursement du crédit à la consommation susvisé et 323 € au titre de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux, outre sa contribution à l'entretien et à l'éducation d'un enfant dont il n'a pas la résidence; que son reste à vivre s'élevait donc à 122,66 € par mois.

Le FCT Castenea venant aux droits de la Société Générale réplique que la banque n'est pas tenue de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement; qu'il appartient à la caution de prouver que son engagement était manifestement disproportionné au jour de sa conclusion en établissant notamment la valeur et la consistance de son patrimoine; que la déclaration patrimoniale régularisée par M. [M] le 15 janvier 2016, soit quelques jours consécutivement à la régularisation de l'acte de cautionnement solidaire, laquelle faisait ressortir un patrimoine évalué à plus de 160.000 €, avec un passif évalué à 120.000 €, soit un disponible de 40.000 €, outre ses salaires; qu'ainsi M. [M] disposait d'un patrimoine immobilier et mobilier lui permettant de faire face à son obligation à l'égard de la Société Générale au jour de sa conclusion, soit le 10 décembre 2015; que l'appelant était alors le gérant de la SARL Jard'Easy-Rythm-Auto, laquelle a généré en 2015 un chiffre d'affaires de 863.000 € pour un bénéfice de 12.000 €, faisant remonter les capitaux propres de celle-ci à 102.488 €, pour un endettement faible de 19.000 € au titre de plusieurs emprunts bancaires et une autorisation de découvert de 56.000 €, de sorte que la Société Générale n'a pas eu de doute sur une demande de M. [M] sur le maintien de concours à court terme; que la proximité de la communication de l'état patrimonial de sa situation un mois après la souscription de son engagement initial permet manifestement de considérer que l'engagement est proportionné au vu de la situation patrimoniale strictement identique un mois après l'engagement; que si tel n'était pas le cas, il reviendrait à M. [M] de justifier de ce que le 10 décembre 2015 sa situation patrimoniale était différente de celle du 15 janvier 2016.

Selon l'article 1315 du code civil : 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation'.

Selon l'article L341-4 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige : 'Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation'.

La charge de la preuve de la disproportion manifeste de l'engagement lors de sa souscription repose sur la caution et celle relative à la disparition de cette disproportion sur le créancier.

Lors de la souscription la disproportion de l'engagement de caution s'apprécie au regard des éléments fournis par la caution justifiant de sa situation financière et patrimoniale. L'établissement d'une fiche de renseignements sur les revenus et le patrimoine de la caution au moment de l'engagement de caution n'est pas obligatoire.

En l'espèce, M. [M] s'est porté caution le 10 décembre 2015 auprès de la Société générale en garantie de l'ensemble des engagements de la SARL Jard'Easy-Rythm-Auto, désormais dénommée Alternative Auto Jard'Easy, pour un montant global de 32.500 euros, incluant principal, intérêts, frais, accessoires et pénalités, pendant une durée de 10 ans.

Dans le prolongement de l'ouverture, suivant jugement du 26 janvier 2017, d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL Alternative Auto Jard'Easy, la Société générale a procédé, par lettre du 16 février 2017, à une déclaration de créances à titre chirographaire pour un montant total de 51.646,83 euros, comprenant le principal, les intérêts et pénalités de retard, ainsi que de résiliation anticipée.

Par lettre du même jour, la Société générale a mis en demeure M. [M], en sa qualité de caution de la SARL AAJE, d'avoir à lui régler la somme de 32.500 euros.

La charge de la preuve d'un engagement de caution disproportionné aux biens et revenus incombant à la caution, il appartient à M. [M] de démontrer qu'au jour de la souscription de son engagement le 10 décembre 2015, sa situation financière et patrimoniale était différente de celle qu'il a déclarée, le 15 janvier 2016, soit un peu plus d'un mois plus tard, dans le cadre de la souscription d'un prêt ' convention de trésorerie courante' d'un montant de 25.000 €, ainsi qu'il résulte de la fiche de renseignements produite aux débats.

La 'fiche de renseignements confidentiels sur une personne physique acceptant de se porter caution', relative à une convention de trésorerie courante d'un montant de 25.000 € sollicitée par la SARL Jard'Easy-Rythm-Auto, remplie et signée par l'appelant le 15 janvier 2016, indique que M. [M] est gérant de la société Jard'Easy Rythm'Auto sans mentionner aucun revenu, précise, à la rubrique 'patrimoine immobilier', l'existence d'un bâtiment commercial propriété d'une SCI, d'une valeur estimée de 150.000 € et financé par un prêt, dont le capital restant dû à cette date était d'un montant de 110.000 €, mentionne l'existence d'un plan épargne logement 'SG' d'une valeur estimée à cette date de 10.527 € et fait état du remboursement d'un crédit à la consommation 'BNP Paribas' par mensualités de 333 €, dont le capital restant dû à cette date était de 9.500 €.

Il est également versé aux débats un tableau d'amortissement édité le 3 janvier 2018 concernant un 'crédit classique' d'un montant de 15.000 €, lequel mentionne, pour le mois de décembre 2015, une échéance n° 10 de remboursement de 333,31 € et un capital restant dû de 12.141,42 € ainsi que le procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale ordinaire annuelle de la SARL Jard'Easy-Rythm-Auto du 20 juillet 2016, lequel précise qu'en sa qualité d'associé-gérant, l'appelant a perçu un salaire net imposable de 21.809 € pour l'année 2015, soit un salaire moyen de 1.817,41 € par mois, et décidé de procéder à l'abandon de son compte courant à hauteur de 28.062 €, assorti d'une clause de retour à meilleure fortune d'une durée de 5 ans, pour soutenir le développement de la société.

Rien ne permet d'établir que M. [M] n'aurait pas perçu la rémunération de ses fonctions de gérant, telle qu'approuvée au titre de l'année 2015 selon le procès-verbal susmentionné, comme il le prétend.

En revanche, les statuts de la SCI L'Avenir, tels que produits par la Société Générale dans leur version actualisée au 25 juin 2019, à la suite d'un transfert de siège social, tendent à confirmer que M. [M] disposait de 80 des 100 parts sociales de cette société, dont il n'est pas contesté qu'elle est propriétaire du bâtiment commercial ci-dessus évoqué, d'une valeur nominale de 10 € chacune.

Par conséquent, il est établi que M. [M] disposait, au 15 janvier 2016, soit à une date proche du cautionnement litigieux, sans qu'aucune pièce vienne démontrer le contraire, d'un actif compris entre 30.677 et 33.027 €, soit [(150.000 - 110.000) x 80%] + 10.527 - (9.500 [capital restant dû déclaré] ou 11.850,10 [capital restant dû en janvier 2016 selon le tableau d'amortissement produit]);

- et au 10 décembre 2015, d'un salaire net imposable de 21.809 € annuels.

Dès lors, les biens et revenus de l'appelant au 10 décembre 2015 lui permettaient de supporter, les engagements de la SARL Jard'Easy-Rythm-Auto, en cas de défaillance de celle-ci, pris dans la limite de 32.500 €.

Le cautionnement litigieux n'étant pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. [M] au jour de sa conclusion, il n'y a pas lieu d'examiner sa situation financière et patrimoniale au moment de son appel par la banque.

A défaut de violation de l'article L.341-4 précité du code de la consommation, l'intimé est bien fondé à se prévaloir du cautionnement litigieux.

- Sur le montant du cautionnement

M. [M] prétend subsidiairement à la réduction de la portée du cautionnement litigieux de 32.500 à 25.000 €, dès lors que sa déclaration patrimoniale du 15 janvier 2016 portait sur un engagement correspondant à ce montant, rappelant que le créancier professionnel a le devoir de s'enquérir de la situation patrimoniale de la caution au moment où il recueille son engagement.

Le FCT Castenea soutient que la fiche de renseignement du 15 janvier 2016, bien que postérieure à la signature du cautionnement litigieux, lui est contemporaine et reste pertinente, à défaut de preuve contraire, pour apprécier a posteriori la proportionnalité de son engagement à ses biens et revenus au 10 décembre 2015.

En l'absence d'élément permettant d'établir que la situation financière et patrimoniale de M. [M], lors de la signature du cautionnement litigieux, soit le 10 décembre 2015, serait sensiblement inférieure à celle déclarée par lui le 15 janvier 2016, soit 36 jours plus tard, dans la perspective de la conclusion d'un cautionnement distinct, la circonstance que les informations transmises par M. [M], le 15 janvier 2016, l'ont été dans la perspective d'un cautionnement distinct et limité à 25.000 euros, reste sans incidence sur la portée du cautionnement litigieux du 10 décembre 2015, comme sur la possibilité, pour la cour, en l'absence de preuve contraire, d'intégrer ces informations dans l'appréciation de la proportionnalité de l'engagement en cause.

En effet, les pièces versées aux débats suffisent, d'une part, à déterminer la valeur des biens et revenus de M. [M] au moment du cautionnement litigieux, d'autre part à considérer la proportion de ce dernier à cette date, le 10 décembre 2015, étant rappelé que la banque n'était pas tenue de lui faire remplir une fiche de renseignement préalable.

Par suite, il convient de débouter M. [M] de sa demande de réduction de la portée du cautionnement litigieux de 32.500 à 25.000 € et de le condamner, en sa qualité de caution de la SARL Alternative Auto Jard'Easy, anciennement Jard'Easy-Rythm-Auto, à payer au FCT Castanéa la somme de 32.500 €, augmentée des intérêts au taux légal.

Sur la capitalisation des intérêts à échoir

M. [M] affirme que l'intimé est mal fondé à se prévaloir de la capitalisation des intérêts, compte tenu du plafonnement du cautionnement d'espèce à la somme de 32.500 €, en ce compris le capital, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard.

Selon l'article 1343-2 du code civil : 'Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise'.

Le cautionnement litigieux ne stipule pas de clause de capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière par l'appelant, de sorte que la prétention du FCT Castanéa relève du champ de l'anatocisme judiciaire, dont l'octroi, en l'espèce, a pour but d'indemniser le retard de paiement de la caution, et non du débiteur principal de l'obligation.

La capitalisation demandée ne porte pas sur des intérêts de retard juridiquement imputables à la SARL AAJE et déjà compris dans la portée du cautionnement litigieux, mais tend à octroyer au FCT Castanéa des intérêts supplémentaires aux intérêts légaux dus en compensation de l'inexécution prolongée par M. [M] de son obligation de garantie.

Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande d'anatocisme judiciaire de l'intimé dans les conditions prévues aux dispositions d'ordre public de l'article 1343-2 précité du code civil.

- Sur la demande de délais de paiement

M. [M] prétend au bénéfice des plus larges délais de paiement, eu égard à la situation financière déficitaire dans laquelle il se trouve actuellement (1.098 € de revenus au titre de l'allocation d'aide au retour à l'emploi pendant 24 mois, 1.274,45 € de charges, soit un reste à vivre négatif de - 176,45 € par mois).

Le FCT fait valoir son opposition à l'octroi de délais de paiement au débiteur, ce dernier n'ayant procédé à aucun remboursement depuis la première demande de paiement du 16 février 2017 et ne justifiant pas de sa capacité à rembourser la somme de 32.500 € en cas de réechelonnement sur 24 mois, en considération de l'état actuel de sa situation financière.

Selon l'article 1343-5 du code civil : 'Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment L.341-5 du code civil'.

Au vu des pièces versées aux débats par M. [M] qui établissent que ses revenus, rapportés à ses charges, ne lui permettent pas, actuellement, de rembourser l'intégralité de sa dette, et au vu des besoins du créancier, il y a lieu de lui accorder un report de paiement de 24 mois à compter de la signification du présent arrêt, conformément à l'article 1343-5 du code civil.

Les pénalités prévues en cas de retard n'étant pas encourues pendant le délai fixé par la cour, les 24 mois de report octroyés à M. [M] suspendent le cours des intérêts légaux, ainsi que leur capitalisation annuelle.

- Sur les demandes accessoires

M. [M], qui succombe majoritairement supporte les dépens d'appel et il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles par elle exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

- ANNULE le jugement entrepris;

et statuant sur l'entier litige, par l'effet dévolutif de l'appel,

- CONDAMNE M. [U] [M] à payer au Fonds Commun de Titrisation Castanéa, ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion, représenté par la SAS Mcs et Associés, venant aux droits de la Société Générale, la somme de 32.500 €, augmentée des intérêts au taux légal;

- ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dans les conditions prévues aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil;

- ORDONNE le report du paiement des sommes dues par M. [M] au Fonds Commun de Titrisation Castanéa, ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion, représenté par la SAS Mcs et Associés, venant aux droits de la Société Générale, pendant un délai de 24 mois à compter de la signification du présent arrêt;

- DEBOUTE M. [Z] du surplus de ses demandes;

- DEBOUTE le Fonds Commun de Titrisation Castanéa, ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion, représenté par la SAS Mcs et Associés, venant aux droits de la Société Générale, de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- CONDAMNE M. [Z] aux dépens d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/03847
Date de la décision : 16/06/2022
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;20.03847 ?
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