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14/06/2022 | FRANCE | N°20/04166

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 14 juin 2022, 20/04166


ARRET



















S.A. CARREFOUR BANQUE





C/



[O]









CV





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 14 JUIN 2022





N° RG 20/04166 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H2UC



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LAON EN DATE DU 03 JUILLET 2020





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE





S.A. CARREFOUR BANQUE, agis

sant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée par Me Margot ROBIT substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat postualnt au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65, et ayant pou...

ARRET

S.A. CARREFOUR BANQUE

C/

[O]

CV

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 14 JUIN 2022

N° RG 20/04166 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H2UC

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LAON EN DATE DU 03 JUILLET 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A. CARREFOUR BANQUE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Margot ROBIT substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocat postualnt au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65, et ayant pour avocat plaidant Me Catherine TROGNON-LERNON, avocat au barreau de LILLE

ET :

INTIMEE

Madame [G] [O] épouse [R]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Monique BAUMANN, avocat postulant au barreau de LAON, et ayant pour avocat plaidant Me Sandrine GENIN-LAHMAR, avocat au barreau de REIMS

DEBATS :

A l'audience publique du 05 Avril 2022 devant Mme Dominique BERTOUX, Présidente de Chambre, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Juin 2022.

GREFFIER : Madame Vanessa IKHLEF

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Dominique BERTOUX en a rendu compte à la Cour composée de:

Mme Françoise LEROY-RICAHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 14 Juin 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente a signé la minute avec Madame Vanessa IKHLEF, Greffier.

DECISION

Par acte d'huissier en date du 28 juin 2019 , Mme [G] [R] née [O] a fait assigner la SA Carrefour Banque devant le juge du contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Laon afin que le Tribunal constate que sa signature portée sur trois contrats a été contrefaite par son conjoint et que les contrats lui soient déclarés inopposables .

Par jugement en date du 3 juillet 2020 , le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Laon a :

- déclaré inopposables à Mme [G] [R] les contrats de prêt n° 50426955682100 , n° 50426955689005 , 50426955689010 , du fait de l'imitation de sa signature par son défunt époux M.[C] [R] .

-jugé qu'en conséquence , aucune somme ne pourra être exigée par la SA Carrefour Banque à l'encontre de Mme [G] [R] au titre des contrats litigieux .

-débouté la SA Carrefour Banque de l'intégralité de ses demandes .

-condamné la SA Carrefour Banque à payer à Mme [G] [R] la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles .

-condamné la SA Carrefour Banque aux dépens .

La Sa Carrefour Banque a interjeté appel du jugement par déclaration enregistrée le 24 août 2020 .

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 5 octobre 2021 , la SA Carrefour Banque demande à la Cour de :

-infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Laon en ce qu'il a déclaré inopposable à Mme [G] [R] les contrats de prêts des 7 octobre 2014 , 5 juin 2015 et 6 juin 2016 aux motifs de l'imitation de signature et de l'absence de sa qualité d'héritière .

-débouter Mme [G] [R] de toutes ses demandes , fins et conclusions .

-infirmer la décision rendue en ce qu'elle a condamné la société Carrefour Banque à payer la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens .

Y ajoutant , en cause d'appel ,

-condamner Mme [G] [R] au paiement de la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel dont recouvrement pour ceux d'appel au profit de M.[Y] [E] ,

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 5 octobre 2021 , Mme [G] [R] demande à la Cour de :

-déclarer la SA Carrefour France irrecevable .

-confirmer le jugement rendu le 3 juillet 2020 en toutes ses dispositions.

-débouter la Sa Carrefour Banque de toutes ses demandes plus amples ou contraires .

A défaut ,

-écarter la responsabilité délictuelle de Mme [R].

A défaut ,

-dire et juger que la société Carrefour Banque a manqué à son obligation de vérification de la solvabilité de l'emprunteur .

Par conséquent ,

-prononcer la déchéance des intérêts des contrats litigieux .

En tout état de cause ,

-débouter Carrefour Banque de sa demande tendant à faire reconnaître la qualité d'héritier à Mme [R] et ce , en mépris des dispositions des articles 771 et 772 du code civil

-condamner Carrefour Banque à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

-condamner Carrefour Banque aux entiers dépens de la procédure y compris ceux de première instance .

L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 6 janvier 2022 .

Pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties , la Cour renvoie à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile .

SUR CE

Sur les contrats souscrits

La Sa Carrefour Banque expose que les époux [R] ont souscrit trois contrats de crédit , le 7 octobre 2014 pour un montant de 25 000 € au taux de 4, 30 % remboursable en 48 mensualités , le second le 5 mai 2015 pour un montant de 17 740 € au taux de 5, 75 % remboursable en 60 mensualités , le troisième le 6 juin 2016 , étant un crédit renouvelable de 5 900 € au taux de 18, 2 % qu'ils ont déposé conjointement un dossier de surendettement le 9 septembre 2016 , qu'ils étaient tous deux présents à l'audience concernée , que M.[R] est décédé le [Date décès 3] 2018 , que postérieurement au décès de M.[R] , son épouse a déposé elle même un nouveau dossier de surendettement le 30 octobre 2018 et que les trois crédits souscrits ont à nouveau été déclarés .

Elle fait valoir que l'imitation de sa signature dont se prévaut Mme [R] n'est pas avérée , que si elle l'était , Mme [R] ne serait pas déliée des contrats , qu'elle a ratifié ces derniers au sens de l'article 1338 ancien du Code civil puisque les fonds ont été déposés sur le compte joint des époux , qu'elle a bénéficié des sommes versées , que les mensualités ont été prélevées sur le compte joint , que les époux ont déposé ensemble un dossier de surendettement le 9 septembre 2016. Elle fait valoir que si la Cour considérait qu'il n'y a pas eu ratification , Mme [R] a alors engagé sa responsabilité sur le fondement de l'ancien article1382 du code civil , qu'elle n'a jamais signalé à la banque son absence totale d'implication dans ces contrats , qu'elle a, par sa négligence, participé au dommage subi par la banque .

Elle ajoute que les héritiers sont saisis de plein droit des biens , droits et actions du défunt en application de l'article 724 du code civil , que le créancier n'a pas à prouver que la succession a été ou non acceptée et n'a pas l'obligation de sommer un héritier d'avoir à prendre parti , que c'est à tort que le Tribunal a considéré que seule l'indivision successorale pouvait être considérée comme débitrice de la banque .

Elle demande donc l'infirmation de la décision et le débouté de Mme [R] en sa demande d'inopposabilité des contrats .

Mme [G] [R] née [O] expose qu'elle a découvert lors de l'hospitalisation de son époux en septembre 2018 , l'existence d'un jugement en date du 6 juillet 2018 et les nombreuses dettes contractées , que son époux est décédé le [Date décès 3] 2018 et qu'elle a alors saisi la Banque de France pour obtenir un aménagement du remboursement de la dette totale qui s'élève à la somme de 324 792 € , qu'elle a écrit à la banque en indiquant qu'elle n'avait pas signé les contrats mais n'a pas obtenu de réponse et a donc assigné la société Carrefour Banque afin que les contrats lui soient déclarés inopposables .

Elle fait valoir qu'en application de l'article 228 du code de procédure civile , le juge doit procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose , qu'il doit être constaté en l'espèce , au vu des documents qu'elle produit que la signature apposée sur les contrats n'est pas la sienne ,Elle ajoute que M.[R] a régularisé les contrats seul , qu'elle n'avait pas connaissance de ces derniers , que seule les dettes contractées pour l'entretien du ménage et portant sur des sommes modestes peuvent entrainer la solidarité de l'article 220 du code civil , que la circonstance que les fonds aient été versés sur le compte joint n'est pas de nature à entrainer la solidarité lorsque le consentement d'un des époux fait défaut .Elle souligne qu'elle n'a jamais eu connaissance de la procédure de surendettement initiée par son mari , qu'en raison de son absence de consentement , aucune ratification ne saurait être invoquée .Elle ajoute qu'elle n'a commis aucune faute ou négligence , à titre subsidiaire , que la banque a commis elle même une faute puisqu'elle a accordé en quelque mois trois prêts d'une valeur totale de 57 969 € sans vérifier la solvabilité de l'emprunteur , ni les signatures apposées sur les contrats et ne justifie pas avoir consulté le FICP , qu'il y a donc lieu en raison de ce comportement de la déchoir du droit aux intérêts .

Elle fait valoir en outre qu'elle n'a pas utilisé son droit d'option en qualité d'héritière , dans le délai de 4 mois imparti , que le créancier devait la sommer de prendre position ce qu'il n'a pas fait , que la demande de la banque tendant à lui conférer la qualité d'héritier ne peut prospérer , que la succession est toujours ouverte .

En application des articles 287 et 288 du code de procédure civile , si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée , ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur , le juge vérifie l'écrit contesté , au vu des éléments dont il dispose .

En l'espèce la banque produit chacun des trois contrats dont elle se prévaut et Mme [R] produit des documents portant sa signature , une copie de sa carte d'identité établie en 2010 , une lettre écrite le 31 octobre 2010 pour bénéficier de sa retraite , un extrait d'acte de vente daté de 1999, une copie de fiche de désignation de la personne de confiance en date du 23 août 2018 et une lettre de résiliation d'un contrat en date du 9 avril 2019 .Il convient d'observer qu'au fil des années sa signature n'évolue pas et qu'elle est tout à fait différente de celle portée sur chacun des trois contrats , il convient d'en conclure comme l'a fait le premier juge, que les prêts litigieux n'ont pas été signés par Mme [G] [R] .

L'article 1338 du code civil dans sa rédaction applicable au litige , dispose que l'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation , la mention du motif de l'action en rescision et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée .A défaut d'acte de confirmation ou ratification , il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée .

La confirmation , ratification , ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminée par la loi , emporte renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte sans préjudice néanmoins du droit des tiers .

Il n'est pas établi que les fonds empruntés aient été nécessaires à la vie courante du ménage et, ainsi que l'a indiqué le premier juge , le déblocage des fonds sur un compte joint et le remboursement du crédit par prélèvement sur le compte joint ne suffisent pas à établir une ratification au sens de l'article précité , et en particulier l'intention de Mme [R] de réparer l'irrégularité découlant de l'imitation de sa signature par son époux .

La saisine de la commission de surendettement le 9 septembre 2016 , à supposer que Mme [R] en ait eu connaissance , ce qui n'est pas établi par les pièces versées au débat , n'est pas davantage constitutive d'une telle reconnaissance de l'obligation ou de son exécution volontaire.

La signature de Mme [G] [R] ayant été imitée par son conjoint ,la banque ne peut être admise à faire valoir que Mme [R] a commis une faute ou une négligence fautive à son encontre .

Selon l'article 724 du code civil , les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens , droits et actions du défunt .

Le conjoint survivant saisi de plein droit des biens droits et actions du défunt peut être poursuivi par les créanciers de la succession sauf à lui à renoncer à celle ci ou à démontrer qu'il est primé par des héritiers plus proches ou exclu par un légataire universel .

En l'espèce , Mme [G] [R] ne démontre pas avoir renoncé à la succession de son époux , ou être primée par des héritiers plus proches ou exclue par un légataire universel .

Le créancier n'a pas l'obligation de la sommer de prendre parti , il ne s'agit que d'une faculté .

C'est donc à tort que le Tribunal a considéré que la succession de M.[R] étant toujours ouverte , seule l'indivision successorale pouvait être considérée comme débitrice de la banque , il convient donc d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré inopposables à Mme [R] les contrats de prêts en cause .

Il n'est pas réclamé la condamnation de Mme [R] au paiement d'une quelconque somme au titre des contrats souscrits , de sorte que sa demande de déchéance du droit aux intérêts n'est pas recevable .

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Mme [G] [R] née [O] succombant en ses prétentions , le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Carrefour Banque à lui payer la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens .Il y a lieu de condamner Mme [G] [R] née [O] à payer à la Société Carrefour Banque la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens .

PAR CES MOTIFS

La Cour , par arrêt contradictoire , en dernier ressort , par mise à disposition au greffe

Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré inopposables à Mme [G] [R] née [O] les contrats de prêt n° 5042 6955 682100 en date du 6 juin 2016 , n° 5042 6955 689005 en date du 7 octobre 2014 , 5042 6955 689010 en date du 5 juin 2015 et en toutes ses autres dispositions.

Statuant à nouveau

Déclare irrecevable la demande de déchéance du droit aux intérêts

Déboute Mme [G] [R] née [O] de toutes ses autres demandes.

Condamne Mme [G] [R] née [O] à payer à la SA Carrefour Banque la somme de

1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

Condamne Mme [G] [R] née [O] aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de M.[Y] [E] .

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/04166
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;20.04166 ?
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