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09/06/2022 | FRANCE | N°21/00454

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 09 juin 2022, 21/00454


ARRET







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VBJ/SGS





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/00454 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H7EY



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SOISSONS DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGTr>




PARTIES EN CAUSE :



Monsieur [J] [A]

né le 29 Janvier 1955 à [Localité 25]

[Adresse 3]

[Localité 7]



Représenté par Me POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D'AMIENS

Plaidant par Me ...

ARRET

[A]

C/

[R]

[R]

[R]

[S]

VBJ/SGS

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/00454 - N° Portalis DBV4-V-B7F-H7EY

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SOISSONS DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [J] [A]

né le 29 Janvier 1955 à [Localité 25]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D'AMIENS

Plaidant par Me CARNOYE, avocat au barreau de REIMS

APPELANT

ET

Monsieur [V] [O]

né le 11 Mai 1948 à [Localité 19]

[Adresse 2]

[Localité 9]

Assigné à étude le 02/03/2021

Monsieur [N] [O]

né le 21 Mars 1945 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 14]

[Localité 5]

Représenté par Me Antoine CANAL, avocat au barreau D'AMIENS

Plaidant Me DAZIN avocat au barreau de PARIS

Madame [T] [O] épouse [P]

née le 18 Mai 1950 à [Localité 20]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Assignée à personne le 02/03/2021

Madame [E] [S] veuve [O]

née le 01 Décembre 1933 à [Localité 17]

[Adresse 6]

[Localité 10]

Assignée selon les conditions de l'article 659 du code de procédure civile le 02/03/2021

INTIMES

DEBATS :

A l'audience publique du 07 avril 2022, l'affaire est venue devant M. Pascal BRILLET, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 09 juin 2022.

La Cour était assistée lors des débats de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Madame Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRET :

Le 09 juin 2022, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

[U] [O] est décédé le 1er mai 2016 laissant pour lui succéder :

-ses trois enfants: M.[N] [O], M.[V] [O] et Mme [T] [O] épouse [P], issus de sa première union dissoute par divorce avec [W] [M], le couple exploitant des terres agricoles dont il était pour partie propriétaire,

-son épouse Mme [E] [S]

À cette date la liquidation de la communauté ayant existé avec sa première épouse et la liquidation de la succession de celle-ci, décédée le 21 avril 2002 n'étaient pas encore réglées.

Par acte du 8 janvier 2004, [U] [O] avait consenti à M.[A] une promesse unilatérale de vente portant sur les droits dont il était titulaire sur des parcelles de terre sisie à [Localité 18], à [Localité 23] herbisse et à [Localité 15], parcelles détenues en indivision avec ses trois enfants, héritiers des droits indivis de leur mère.

Par lettre du 4 novembre 2016, Me [H], notaire de M.[A], a informé son confrère en charge de règlement de la succession de [U] [O] que son client avait déposé le 3 novembre 2016 une demande d'exécution de la promesse de vente.

Suivant acte des 9 et 12 décembre 2016, M. [N] [O] a signifié aux héritiers de [U] [O] sa déclaration de préemption en application des dispositions de l'article 815'14 du Code civil.

Le 3 janvier 2017, Me [H] a convoqué les héritiers de [U] [O] pour le 13 janvier 2017 en vue de la régularisation de la vente. Aucun des héritiers ne s'étant présenté elle a dressé un procès-verbal de carence.

Suivant actes des 13,14 et 15 février 2017, M.[A] a fait assigner M. [N] [O], Mme [T] [O] épouse [P], M.[V] [O] et Mme [E] [S] veuve [O] aux fins notamment de voir constater la levée de l'option, de dire qu'il est propriétaire des droits indivis portant sur les parcelles visées dans la promesse et qu'il soit enjoint aux défendeurs de régulariser la vente par acte notarié.

Par jugement en date du 26 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Soissons a débouté M. [J] [A] de toutes les prétentions qu'il a respectivement émises contre [N] [O], [T] [P] née [O], [V] [O] et [E] [S] veuve [O] et l'a condamné aux entiers dépens et à verser, au titre de l'article 700 du code de procédure civile à M.[N] [O] la somme de 5000 euros et à Mme [T] [P] née [O] une indemnité de 500 euros.

M. [J] [A] a interjeté appel de cette décision le 15 janvier 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 30 mars 2022, M.[A] demande à la cour d'infirmer le jugement, de débouter M.[N] [O] de l'ensemble de ses demandes et Mme [P] de sa demande de mise hors de cause ainsi que de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de:

-constater que M.[A] a levé l'option le 3 novembre 2016 conférée par la promesse de vente conclue le 8 janvier 2004 pour les droits indivis portant sur les parcelles sises à [Adresse 16] listées dans ses conclusions, et les parcelles à [Localité 24] cadastrées Section YB numéro [Cadastre 8] (chemin de salon ' 18ha 96a 70ca) et YC numéro [Cadastre 11] (la côte de salon ' 77ha 66a 20ca) ,

-dire que M.[A] est propriétaire de la moitié des droits indivis portant sur les parcelles en nature de terre sises à [Adresse 16], moyennant le paiement du prix indexé en application de l'acte conclu le 8 janvier 2004 et ce, depuis le 3 novembre 2016 ,

-dire que M.[A] est propriétaire de la moitié des droits indivis portant sur la parcelle sise à [Adresse 22] cadastrées section YB numéro 6 ([Adresse 12]) moyennant le paiement du prix indexé en application de de l'acte conclu le 8 janvier 2004, et ce, depuis le 3 novembre 2016,

-dire que M.[A] est propriétaire du quart des droits indivis portant sur la parcelle YC numéro [Cadastre 11] (La Cote de Salon) sise à [Adresse 21] moyennant le paiement du prix indexé en application de l'acte conclu le 8 janvier 2004 depuis le 3 novembre 2016 ;

-enjoindre aux défendeurs de régulariser la vente par devant Notaire sous 15 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir;

-dire et juger qu'à défaut de régularisation devant Notaire dans le délai imparti, l'arrêt vaudra vente ;

-ordonner la publication de l'arrêt à intervenir aux frais des consorts [O] ;

A titre infiniment subsidiaire, et si par extraordinaire la Cour devait considérer que M.[N] [O] pouvait préempter les droits indivis de son frère [V] et de sa s'ur [T], provenant de la succession de [U] [O],

-dire et juger que M. [N] [O] sera contraint de vendre sa quote-part de droits indivis provenant de la succession de [U] [O] à M.[A] conformément à l'acte du 8 janvier 2004, à savoir : Un huitième des droits indivis portant sur les parcelles situées à [Adresse 16].

Par conclusions du 30 mars 2022, M.[N] [O] conclut à la confirmation du jugement.

Il demande à la cour de:

A titre subsidiaire

-juger que M.[N] [O] a valablement exercé le droit de préemption qui lui était réservé en vertu de l'article 815-14 du Code civil,

-juger que la promesse de vente du 8 janvier 2004 est devenue caduque en raison de la réalisation de

la condition résolutoire (exercice du droit de préemption),

En tout état de cause,

-débouter M.[A] de toutes ses demandes contraires au présent dispositif ;

-condamner M.[A] à reverser la somme de 10 000 euros à M.[N] [O] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

-condamner M.[A] aux entiers dépens.

Mme [T] [P] n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée le 2 mars 2021 suivant acte remis à sa personne. Les conclusions d'appelant lui ont été signifiées le 21 avril 2021 en personne

M.[V] [O] n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée le 2 mars 2021 suivant acte remis à l'étude. Les conclusions d'appelant lui ont été signifiées le 22 avril 2021 suivant acte remis à l'étude.

Mme [E] [S] n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel lui a été signifiée le 9 mars 2021 suivant acte délivré dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile. Les conclusions d'appelant et la déclaration d'appel lui ont été signifiées le 20 avril 2021 suivant acte remis à l'étude.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 mars 2022 et l'affaire fixée à l'audience des débats du 7 avril 2022.

CECI EXPOSE, LA COUR:

Sur la validité de la levée d'option:

*les fonds nécessaires:

Pour débouter M.[A] de ses demandes, le tribunal a considéré qu'aux termes de la promesse de vente du 8 janvier 2004, l'offre formulée par M.[A] devait être précédée ou accompagnée du versement des fonds nécessaires à l'acquisition entre les mains du notaire, ce qui n'est pas démontré par l'attestation notariale versée aux débats.

M.[A] soutient que la levée d'option a été réalisée conformément à la promesse et que le tribunal a omis l'alinéa de la promesse relatif aux deniers d'emprunt. Or, il ressort de la clause que pour être valable, l'offre doit être précédée ou accompagnée de la remise entre les mains du Notaire, soit des fonds par chèque de banque, soit de la justification de la disponibilité des fonds par une attestation de l'organisme prêteur. Il verse aux débats un courrier du notaire du 3 novembre 2016 qui indique « Cette levée de promesse intervient conformément aux dispositions stipulées dans l'acte reçu par Me [Z]. J'atteste également que M.[A] dispose de la totalité des fonds nécessaires à la réalisation de cette opération conformément aux attestations produites par le Crédit Agricole ». Il produit à hauteur d'appel l'attestation du Crédit agricole en date du 28 octobre 2013 qu'il avait remise au notaire, attestant que le prêt souscrit par M.[A] pour l'acquisition des biens avait reçu un accord favorable.

M.[N] [O] fait valoir que le tribunal judiciaire de Soissons a valablement jugé que la promesse de vente était devenue nulle et non avenue dès lors qu' 'il a été démontré que la levée de l'option n'avait pas été réalisée conformément aux conditions financières définies dans la promesse de vente du 8 janvier 2004.

Sur quoi:

Par acte notarié du 8 janvier 2004 reçu par Me [Z], [U] [O] a consenti une promesse unilatérale de vente à M.[A] portant sur les droits indivis dont il était titulaire sur certaines parcelles de terres situées sur les communes de [Localité 18], [Localité 24] et [Localité 15]; ces parcelles étaient en indivision entre [U] [O] et ses trois enfants qui avaient hérités des droits indivis de leur mère prédécédée.

Cette promesse prévoit:

« de convention expresse et déterminante de la présente promesse, pour être valable, cette offre devra être précédée ou accompagnée du versement d'un chèque de banque entre les mains du Notaire chargé de la réalisation de la vente et de la somme correspondant au :

-au prix stipulé payable comptant après imputation éventuelle de la somme versée à titre d'indemnité d'immobilisation de la présente promesse, et des deniers empruntés pour financer le prix et les frais d'acquisition ;

-aux frais de réalisation ;

-et, le cas échéant, pour les deniers d'emprunt, de la justification de la disponibilité effective de ces fonds, cette justification résultant soit d'un dossier de prêt transmis par l'établissement prêteur, soit d'une attestation de l'organisme prêteur. »

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, cette clause n'impose pas que l'offre formulée par M.[A] devait être précédée ou accompagnée du versement des fonds nécessaires à l'acquisition entre les mains du notaire. Elle prévoit également le recours à l'emprunt et dans cette hypothèse l'offre doit être accompagnée: « de la justification de la disponibilité effective de ces fonds, cette justification résultant soit d'un dossier de prêt transmis par l'établissement prêteur, soit d'une attestation de l'organisme prêteur. »

M.[A] verse aux débats l'attestation du notaire qui avait été produit en première instance, laquelle est complétée par un document émanant du Crédit agricole dont il résulte, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur sa date certaine, l'article 1377 du code civil n'ayant pas vocation à s'appliquer pour un document adressé au notaire sans avoir à être enregistré que la demande de prêt de 650 000 euros avait reçu un accord favorable de la banque.

Il en résulte que M.[A] disposait de 650.000 euros, somme suffisante pour procéder à l'acquisition des parcelles restant à acquérir listées par le notaire dans son courrier du 4 novembre 2016.

Ainsi contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la levée de l'option était accompagnée des documents contractuellement prévus établissant que M.[A] bénéficiait des fonds nécessaires à la réalisation de la vente.

*le partage du 14 décembre 2016:

Le tribunal a déclaré la promesse de vente nulle et non avenue: il a retenu que [U] [O] étant décédé le 1er mai 2016 et un partage étant intervenu entre ses héritiers le 14 décembre 2016, la promesse qui prévoyait« si un partage entre M.[O] et ses enfants intervenait avant que l'option n'ait été levée par le bénéficiaire de la promesse, celle-ci deviendrait automatiquement nulle et non avenue » est devenue caduque.

M.[A] fait valoir que le tribunal s'est trompé dans sa lecture de la clause qui vise expressément l'existence d'un partage entre M.[O] et ses enfants et non un partage postérieurement au décès de [U] [O].

M.[N] [O] soutient qu'un partage des biens indivis est intervenu entre les héritiers le 14 décembre 2016 entrainant l'application de la condition résolutoire.

Sur quoi:

La promesse de vente prévoit: « La promesse sera en outre stipulée pour une durée de 20 ans, sauf prorogation d'accord entre les parties et sous la condition suspensive qu'à la date de la levée d'option par le bénéficiaire, un partage entre M. [U] [O] et ses enfants relatif aux biens faisant l'objet de la présente promesse, ne soit pas intervenu.

Si, en revanche, un partage intervenait avant que l'option n'ait été levée par le bénéficiaire de la promesse, celle-ci deviendrait automatiquement nulle et non avenue.

En cas de décès du promettant, pendant la durée de validité de la promesse, le bénéficiaire disposera d'un délai d'un an pour notifier aux héritiers de [U] [O] son intention de lever l'option et d'acquérir.»

Cette clause vise expressément un partage entre [U] [O] et ses enfants relatif aux biens faisant l'objet de la promesse et envisage de manière totalement distincte le décès du promettant qui ouvre au bénéficiaire un délai d'un an pour notifier aux héritiers de [U] [O] son intention de lever l'option et d'acquérir.

Dès lors, l'acte de partage successoral intervenu entre les héritiers le 14 décembre 2016 suite au décès de [U] [O] ne saurait s'analyser, comme l'a fait à tort le tribunal, comme un partage intervenu entre M.[O], de son vivant, et ses enfants, seul partage contractuellement prévu.

Ainsi contrairement à ce qu'a retenu le tribunal la condition résolutoire relative au partage n'était pas réalisée.

Sur le droit de préemption de M.[N] [O]:

Au visa de l'article 815-4 du code civil, M.[N] [O] conclut au débouté de M.[A] de sa demande en réitération forcée de la promesse de vente dès lors qu'il a exercé le droit de préemption qui lui est réservé en sa qualité de coindivisaire des parcelles concernées. La clause de la promesse précise que l'exercice pur et simple du droit de préemption entrainera la non réalisation de la condition suspensive.

L'article 815-4 du code civil qui prévoit toute cession à titre onéreux d'une personne étrangère à l'indivision d'une quote-part indivise doit être notifiée aux coindivisaires qui bénéficient d'un droit de préemption institue une protection des indivisaires, sorte de clause d'agrément, leur permettant ainsi de s'opposer à l'arrivée dans la sphère indivise d'un « étranger » à l'indivision. Dès lors que par acte des 9 et12 décembre 2016 , dans le mois de la notification reçue le 1er décembre 2016, en sa qualité de coindivisaire et non d'héritier, il a usé de son droit de préemption la promesse de vente est devenue caduque

L'absence d'exercice du droit de préemption étant une condition suspensive, l'obligation de vendre ne peut exister avant que le droit de préemption ne soit purgé. Contrairement à ce que prétend M.[A], la levée d'option n'a nullement pour effet de purger l'exercice des droits de préemption.

L'article 815-16 du code civil dispose que toute cession intervenue au mépris des dispositions de l'article 815-14 du code civil est nulle: il en résulte qu'aucune vente définitive ne saurait valablement intervenir tant que la vente n'a pas été notifiée aux bénéficiaires du droit de préemption de l'article 815-14 du code civil qui constitue donc une disposition impérative.

M.[A] s'y oppose soutenant que cette promesse de vente doit être analysée dans le cadre d'un accord plus global du 30 novembre 2003 aux termes duquel [U] [O] s'engageait à céder à M.[A] des terres qu'il détenait en propre ainsi qu'à conclure une promesse de vente sur ses droits indivis sur les terres détenues en indivision avec ses enfants, que ce protocole ne faisait référence qu'au seul droit de préemption de la SAFER et qu'ainsi la condition suspensive figurant dans la promesse fait nécessairement référence au seul droit de préemption de la SAFER

Il fait valoir que M.[N] [O] ne pouvait préempter car les héritiers de [U] [O] étaient bien coindivisaires entre eux des droits provenant de leur auteur mais ils n'étaient plus, contrairement à ce qui est écrit dans leurs écritures, coindivisaires du promettant décédé.

En outre le droit de préemption a été exercé de manière tardive, formé pour des valeurs moins importantes, dans le cadre d'un mécanisme frauduleux (dénonciation puis préemption) qui a été mis en place.

Sur quoi:

La promesse de vente est assortie de la condition suivante: « sous réserve qu'aucun droit de préemption, quel qu'il soit, résultant de dispositions légales ne soit exercé sur l'immeuble concerné ».

Au rang des droits de préemption résultant de la loi figurent le droit de préemption de la SAFER mais également le droit de préemption des indivisaires prévu à l'article 815-14 du code civil. Il ne saurait donc être soutenu que la seule condition suspensive prévue dans la promesse serait le droit de préemption de la SAFER.

L'article 815-14 du code civil prévoit que l'indivisaire qui entend céder, à titre onéreux, à une personne étrangère à l'indivision, tout ou partie de ses droits dans les biens indivis ou dans un ou plusieurs de ces biens est tenu de notifier par acte extrajudiciaire aux autres indivisaires le prix et les conditions de la cession projetée ainsi que les nom, domicile et profession de la personne qui se propose d'acquérir.

Tout indivisaire peut, dans le délai d'un mois qui suit cette notification, faire connaître au cédant, par acte extrajudiciaire, qu'il exerce un droit de préemption aux prix et conditions qui lui ont été notifiés.

L'article 815-16 du code civil dispose qu'est nulle toute cession opérée au mépris des dispositions des articles 815-14 et 815-15. L'action en nullité ne peut être exercée que par ceux à qui les notifications devaient être faites.

En l'espèce, à la date de la levée de l'option, les parcelles objets de la promesse étaient indivises entre les héritiers de [U] [O]. Dès lors s'agissant de biens indivis, leur cession relève des dispositions de l'article 815-14 du code civil.

Le 1er décembre 2016, conformément aux dispositions du code civil, les quatre héritiers de [U] [O] (ses trois enfants, M.[N] [O], M.[V] [O] et Mme [T] [O] épouse [P] et son épouse survivante Mme [E] [S]) ont signifié aux coindivisaires des terres objets de la promesse (M.[N] [O], M.[V] [O] et Mme [T] [O] épouse [P]) qu'il avaient été informés par Me [H] de la levée de l'option et qu'ils entendaient procéder à la purge du droit de préemption au prix fixé dans la promesse avec indexation, les coindivisaires disposant d'un délai de 1 mois pour leur faire connaître qu'ils entendaient exercer leur droit de préemption aux prix et conditions notifiés.

Les 9 et 12 décembre 2016, M.[N] [O], en qualité de co indivisaire, a signifié aux héritiers de [U] [O] sa déclaration de préemption au prix mentionné dans la signification.

En application de l'article 815-16 du code civil, M.[A], qui n'est pas cédant, n'est pas recevable à invoquer la nullité de la déclaration de préemption.

Dès lors M.[N] [O] a régulièrement exercé son droit de préemption dans les conditions de l'article 815-14 du code civil et que la condition suspensive contenue dans la promesse s'est réalisée.

La promesse doit donc être déclarée caduque.

La promesse de vente est devenue caduque par l'exercice du droit de préemption, il convient de confirmer, par substitution de motifs, le jugement entrepris qui a déboutéM.[A] de l'ensemble de ses demandes.

Sur la quote part indivise de M.[N] [O]:

M.[A] demande à la cour, si par extraordinaire « elle devait considérer que M.[N] [O] pouvait préempter sur les droits cédés par son père de considérer, qu'en toute hypothèse, il reste tenu de vendre sa propre quote-part indivise héritée de son père »

Sur quoi:

En l'absence de distinction et de précision dans la promesse de vente sur la portée et les effets de la condition suspensive, la réalisation de celle-ci par l'exercice de son droit de préemption par M.[N] [O] entraine la caducité de la promesse en son entier sans qu'il y ait lieu de distinguer les parcelles indivises sur lesquelles s'est exercé ce droit.

En outre, dès lors que les dispositions de l'article 815-14 du code civil, instituant un droit de préemption des co indivisaires tendent à éviter l'intrusion d'un tiers étranger à l'indivision, au sens de cet article, l'indivisaire, autorisé à préempter les parts des autres coindivisaires, ne saurait être contraint de vendre ses propres parts indivises.

Il convient donc de débouter M.[A] de sa demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M.[A] succombant, il convient :

-de le condamner aux dépens d'appel

-de le débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel ;

-de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné aux dépens de première instance;

-de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, il convient de condamner M.[A] à verser à M.[L] [O] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles et de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à ce titre la somme de 5000 euros à M.[L] [O].

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt par défaut et en dernier ressort:

Confirme le jugement rendu le 26 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Soissons,

Y ajoutant:

Déboute M.[A] de l'ensemble de des demandes,

Condamne M.[A] à verser à M.[L] [O] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M.[A] aux entiers dépens.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00454
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;21.00454 ?
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