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20/05/2022 | FRANCE | N°20/05732

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 20 mai 2022, 20/05732


ARRET



















[J]





C/



S.A. CREDIT DU NORD









DB





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 20 MAI 2022





N° RG 20/05732 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H5M4



Jugement du tribunal de commerce d'Amiens en date du 09 novembre 2020





PARTIES EN CAUSE :



APPELANTE





Madame [M] [J]

[Adresse 2]

[A

dresse 2]





Représentée par Me Nathalie AMOUEL, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 27







ET :





INTIMEE





S.A. CREDIT DU NORD, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]





Représentée par Me Eric POI...

ARRET

[J]

C/

S.A. CREDIT DU NORD

DB

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 20 MAI 2022

N° RG 20/05732 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H5M4

Jugement du tribunal de commerce d'Amiens en date du 09 novembre 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

Madame [M] [J]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Nathalie AMOUEL, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 27

ET :

INTIMEE

S.A. CREDIT DU NORD, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 101

Plaidant par Me DE LA BOISSE, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 01 Mars 2022 devant Mme Dominique BERTOUX, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 12 Mai 2022.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme [X] [B] en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le délibéré a été prorogé au 20 mai 2022.

Le 20 Mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

La SARL Red Story, ayant pour activité la prise de participation au capital de toutes sociétés existantes ou nouvelles et la gestion de ces participations, a souscrit auprès de la SA Crédit du Nord, par acte sous seing privé du 12 septembre 2008, un crédit professionnel d'un montant de 500.000 euros, au taux de 4,95% l'an, remboursable en 84 mensualités de 7.185,02 euros, destiné à financer l'acquisition de parts sociales des SARL Autrement et Jmc Diffusion.

Par acte sous seing privé du même jour, ce prêt a été garanti par le cautionnement solidaire et personnel de Mme [M] [W], épouse [J], pour une durée de 9 ans.

Par jugement du 25 septembre 2014, le tribunal de commerce d'Amiens a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL Red Story.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 10 novembre 2014, la SA Crédit du Nord a déclaré au passif de la procédure collective une créance à titre privilégié d'un montant de 167.344,72 euros.

Par jugement du 26 avril 2016, le tribunal de commerce d'Amiens a converti la procédure d redressement en procédure de liquidation judiciaire.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 23 mai 2016, la SA Crédit du Nord a réitéré les termes de sa déclaration de créance.

Par jugement du 27 avril 2018, le tribunal de commerce d'Amiens a clôturé la procédure de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 28 janvier 2019, la SA Crédit du Nord a mis en demeure Mme [J] de lui régler, en sa qualité de caution de la SARL Red Story, une somme de 222.368,64 euros, sauf mémoire, comprenant :

- 33.530, 54 euros au titre d'échéances impayées;

- 123.867,27 euros au titre du capital restant dû;

- 61.057,20 euros au titre des intérêts de retard au taux de 4,95%, majoré de 3% sur les échéances impayées et le capital restant dû, tels qu'arrêtés au 25 janvier 2019;

- 3.913,63 euros, au titre de l'indemnité d'exigibilité anticipée de 3%.

Arguant du défaut de réglement, la SA Crédit du Nord a fait assigner Mme [J] en paiement devant le tribunal de commerce d'Amiens, par acte d'huissier du 26 mars 2019.

Par jugement contradictoire du 9 novembre 2020, le tribunal de commerce d'Amiens a:

- déboutant les parties de toutes demandes plus amples ou contraires de celles auxquelles le présent dispositif fait droit, condamné pour les causes sus-énoncées Mme [J] à payer à la SA Crédit du Nord :

* la somme de 157.397,81 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2019, date de mise en demeure;

* la somme de 1.500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens;

- ordonné la capitalisation sollicitée des intérêts;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Mme [M] [J] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 25 novembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 02 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, Mme [J] demande à la cour de:

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel;

en conséquence,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à la SA Crédit du Nord :

* la somme de 157.397,81 euros, en principal avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2019, date de mise en demeure;

* la somme de 1.500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens;

statuant à nouveau,

à titre principal,

- débouter la SA Crédit du Nord de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions à l'encontre de Mme [J];

à titre subsidiaire,

et dans l'hypothèse où la cour devait la condamner au titre de son engagement de caution,

au titre de la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la SA Crédit du Nord,

- infirmer le jugement entrepris sur ce point, mais uniquement en ce qu'il a fixé le montant des sommes dues à la somme de 157.397,18 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2019;

- y substituant, dire que la somme due ne saurait dépasser celle de 31.466,50 euros;

et si, par impossible, la SA Crédit du Nord n'était pas déboutée de ses demandes au titre de l'engagement de caution de Mme [J],

- réduire le montant des sommes éventuellement accordées à la SA Crédit du Nord à la somme

de 62.933 euros;

si par extraordinaire enfin, la cour d'appel devait retenir l'engagement de caution comme étant valable et recevoir la banque en ses prétentions financières,

- dire que le montant restant dû ne saurait dépasser la somme de 111.184,32 euros;

dans tous les cas,

- débouter la SA Crédit du Nord de toutes ses autres prétentions contraires ;

- condamner la SA Crédit du Nord, prise en la personne de son représentant légal, à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Amouel, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident remises le 14 février 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA Crédit du Nord demande à la cour de :

sur l'appel principal,

- juger infondé l'appel interjeté par Mme [J] en ce que le jugement entrepris l'a condamnée au titre de son engagement de caution;

en conséquence,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé :

* régulier le cautionnement de Mme [J];

* que le cautionnement de Mme [J] n'était pas manifestement disproportionné à son patrimoine lors de sa souscription;

en conséquence,

- condamner Mme [J] à hauteur de 157.397,81 euros, au titre du capital restant dû et des

échéances impayées;

sur l'appel incident,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déchu la SA Crédit du Nord de son droit aux intérêts contractuels et à l'indemnité d'exigibilité anticipée;

- condamner Mme [J] aux intérêts contractuels à hauteur de 4,95 %, majorés de 3 points, à compter du 28 janvier 2019 et jusqu'à parfait paiement;

- condamner Mme [J] à hauteur de 3.913,63 euros, au titre de l'indemnité d'exigibilité anticipée, outre intérêts au taux contractuel à compter du 29 janvier 2019;

en tout état de cause,

- débouter Mme [J] du surplus de ses demandes;

- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil, et ce à compter du 26 mars 2019, date de l'assignation, et jusqu'à parfait paiement,

- condamner Mme [J] à lui payer la somme de 5.000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 01er mars 2022, l'affaire ayant été fixée pour plaider à l'audience du même jour.

SUR CE

- sur la nullité de l'acte d'engagement de caution de Mme [M] [J]

L'article 954 du code de procédure civile dispose que 'Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.'

En l'espèce, Mme [J] demande à titre principal de débouter la SA Crédit du Nord de l'intégralité de ses prétentions à l'encontre de Mme [M] [J] née [W].

Dans la discussion développée dans ses conclusions, Mme [J] se prévaut de la nullité de l'acte d'engagement de caution qu'elle a souscrit sur le fondement de l'erreur sur la substance et plus particulièrement en raison d'une part de l'erreur qu'elle a commise portant sur l'étendue de son engagement de caution quant à son montant et quant à l'existence de la garantie OSEO, et d'autre part de l'irrégularité qui affecte l'acte de cautionnement manuscrit sur le fondement de l'article 1326 ancien du code civil qui ne peut être complété par des éléments de preuve extrinsèques à l'acte lui-même.

Toutefois, Mme [J] ne formule aucune prétention dans son dispositif tirée de ces moyens, étant précisé que le moyen tiré de la nullité de l'acte d'engagement de caution pour vice du consentement et/ou irrégularité l'affectant conduit au prononcé de la nullité de l'acte de cautionnement, et pas au débouté des demandes en paiement de la SA Crédit du Nord en vertu de cet engagement, que le moyen tiré du manquement à l'obligation d'information de la banque qui devait, selon elle, attiré son attention sur le caractère subsidiaire de la garantie OSEO, développé au paragraphe sur l'erreur sur l'étendue de son engagement, se résout par une demande indemnitaire à l'encontre du prêteur et pas par le débouté de ses demandes au titre de l'acte de cautionnement.

Dès lors, ces développements sont inopérants en application des articles 4 et 954 du code de procédure civile, et ces moyens ne seront pas examinés.

- sur la disproportion manifeste de l'acte d'engagement de caution

En revanche, bien qu'évoqué à titre subsidiaire par Mme [J] dans sa discussion, le moyen tiré de la disproportion manifeste de son engagement doit être analysé comme se rattachant à sa demande principale de débouté de la SA Crédit du Nord de ses prétentions. Il convient donc de l'examiner.

Aux termes des dispositions de l'article L.341-4 du Code de la consommation applicable au présent litige « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

Pour rappel, cette disposition peut être invoquée par toutes les personnes physiques, y compris par une caution dirigeante d'une société qui garantit les dettes de celle-ci envers un professionnel et l'appréciation de la disproportion d'un engagement de caution relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

Il résulte de ces dispositions que la disproportion doit être manifeste, c'est-à-dire flagrante ou évidente pour un professionnel raisonnablement diligent. Il appartient à la caution de prouver le caractère manifestement disproportionné de son engagement lors de sa souscription.

En revanche, la charge de la preuve de la disproportion lorsque la caution est appelée incombe à l'organisme prêteur.

La disproportion s'apprécie au regard non seulement des revenus, mais de tous les éléments du patrimoine de la caution et de son endettement global au moment où cet engagement est consenti.

Le même raisonnement s'applique lorsqu'il s'agit d'apprécier les capacités de remboursement d'une caution lorsque le créancier se prévaut du retour à meilleur fortune au moment où la caution est appelée.

Enfin les revenus escomptés de l'opération garantie ne peuvent être pris en considération pour apprécier la disproportion du cautionnement au moment où il a été souscrit.

En l'espèce, Mme [J] reproche à la banque, qui produit une fiche de renseignements établie le 06 mars 2007 puis une seconde en date du 24 juin 2008, de ne pas lui en avoir fait remplir une autre, le 12 septembre 2008, ce qui n'est pas contesté.

Certes, les deux fiches produites par la banque n'ont pas été remplies à l'occasion de la souscription de l'engagement de caution litigieux, néanmoins, la seconde a été remplie à quelques semaines de sa signature.

Au demeurant, outre le fait que cette dernière fiche ne comporte aucune anomalie apparente, Mme [J] ne conteste pas la réalité des éléments qui y figurent. Alors que la charge de la preuve de la disproportion lui incombe, elle ne produit aucune pièce qui justifierait de l'existence d'une modification en septembre 2008 des renseignements déclarés par elle en juin 2008, hormis celles relatives à l'apport par Mme [J] des parts sociales qu'elle détenait dans la SARL Autrement à la SARL Red Story dont elle devenait associée à 96%.

Par ailleurs, la banque n'est tenu d'aucun devoir de vérification de l'exactitude des déclarations faites par le souscripteur de l'engagement de caution.

Dès lors, la disproportion invoquée par Mme [J] doit s'apprécier au regard des éléments déclarés par Mme [J] dans la fiche de renseignements du 24 juin 2008 et des modifications justifiées ci-dessus rappelées.

Mme [J] a déclaré les éléments suivants :

Revenus en 2007 : 64.450 € soit un revenu mensuel de 5.370 €.

Patrimoine au 31 mai 2008

* SCI Red Stone (murs commerce [Localité 6]): 33.750 €

* SCI Jupicalucha (murs commerciaux - maison Abbevile) : 325.000 €

* SCI Pierre Claire (appartements [Localité 3]): 220.000 €

* SARL JMC Diffusion (magasin [Localité 6]) : 6.225 €

* SARL Autrement

( 6 magasins [Localité 3] [Localité 6] [Localité 5] [Localité 4]): 538.500 €

----------

1.123.475 €

Après déduction des prêts en cours supportés par Mme [J] par moitié sur la SCI Jupicalucha et la SARL Autrement, la valeur déclarée de son patrimoine s'élevait à la somme de 757.535,50 €.

Il est justifié qu'au jour de la souscription de l'engagement de caution, Mme [J] disposait dans son patrimoine de 15% des parts de la SCI Red Stone, soit une valeur de 33.750 €, ce qui n'est pas discuté.

Au vu de la fiche de renseignement, elle disposait de 50 % des parts de la SCI Japicalucha (solde emprunt déduit) soit une valeur de 157.545,50 €.

S'agissant de la SCI Pierre Claire, la production par Mme [J] des comptes annuels 2009 ne permet pas de considérer qu'elle disposait de 99% des parts alors qu'elle avait déclaré en 2008 détenir l'intégralité de la valeur déclarée à 220.000 €. Cette dernière sera retenue.

La SA Crédit du Nord indique que Mme [J] dispose de 1% des parts de la SARL Autrement ce qu'elle ne discute pas et qu'elle évalue à 6.800 € dans ses conclusions.

S'agissant de la valeur des parts sociales détenues par Mme [J] au sein de la SARL Red Story, Mme [J] fixe leur valeur à la somme de 314.560 € et la SA Crédit du Nord à celle de 360.960 €.

Au vu du traité d'apport avec augmentation du capital social en date du 08 septembre 2008 par les époux [J]-[W] à la SARL Red Story, et des statuts de cette société en date du 15 juillet 2008, Mme [J] a apporté 49 parts sociales qu'elle détenait au sein de la SARL Autrement évaluées à la somme de 313.600 € .

Il n'est pas contesté que La SARL Red Story a également acquis les parts que M. [J] détenait dans la société Autrement (à savoir 50%) et dans la société JMC Diffusion (à savoir 95%), acquisition financée par le prêt consenti par le Crédit du Nord pour lequel Mme [J] a souscrit l'engagement de caution dont s'agit.

Au vu des comptes annuels de la SARL Red Story arrêtés au 30 septembre 2008 produits par Mme [J], son actif au titre des immobilisations financières s'élevait à la somme de 876.400 € duquel il convient de déduire l'emprunt souscrit auprès du Crédit du Nord d'un montant de 500.000 €, de sorte que la SARL Red Story pouvait être évaluée à la somme de 376.400 €, soit une valeur en patrimoine au profit de Mme [J] détenant 96% des parts de cette SARL de 361.344 €.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la valeur du patrimoine de Mme [J] lors de son engagement de caution s'élevait à la somme de 779.439,50 €.

Ainsi la valeur des biens et revenus de Mme [J] s'élevait à la date de souscription de l'engagement de caution à la somme de 843.889,50 €.

S'agissant des engagements de caution invoqués par Mme [J] pour garantir le remboursement de deux prêts souscrits par la SARL Autrement, il ressort de la lettre de la SA Crédit du Nord en date du 01er octobre 2012 qu'elle produit, qu'il s'agit de deux prêts immobiliers d'un montant total de 306.000 € souscrits pour l'un le 09 janvier 2006 et pour l'autre le 29 juin 2007, l'engagement de caution s'élevant à la somme de 527.800 €.

Ainsi compte tenu du patrimoine et des revenus ci-dessus retenus et des engagements de caution antérieurs, l'engagement litigieux d'un montant de 325.000 € au regard de la mention manuscrite portant le montant total de son engagement à la somme de 852.800 €, n'était pas manifestement disproportionné par rapport aux biens et revenus de Mme [J] au moment où elle l'a contracté.

L'engagement n'étant pas disproportionné, aucune négligence blâmable ne saurait être reprochée à la banque qui aurait fait perdre à Mme [J] une chance de ne pas être poursuivie, son endettement devant, selon elle, exclure la souscription du nouvel engagement litigieux.

La SA Crédit du Nord est par conséquent fondée à se prévaloir de l'engagement de cautionsouscrit par Mme [J] le 12 septembre 2008.

- sur la déchéance du droit aux intérêts

Mme [J] se prévaut à titre subsidiaire de la déchéance du droit aux intérêts contractuels en raison du manquement de la banque à son obligation d'information annuelle de la caution en application des dispositions de l'article L.313-22 du code monétaire et financier d'une part, et du manquement à l'obligation d'information de la caution du premier incident de paiement non régularisé du prêt en application de l'article 47 II alinéa 3 de la loi n°94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, d'autre part.

* sur le manquement à l'obligation d'information annuelle sur le fondement de l'article L.313-22 du code monétaire et financier

La SA Crédit du Nord soutient que la demande de Mme [J] est irrecevable comme prescrite, le point de départ du délai de prescription de la demande de déchéance du droit aux intérêts fondée sur l'article L.313-22 se situant au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action, soit à la date à laquelle l'information aurait dû être donnée, et au plus tard le 31 mars de chaque année.

Toutefois, il est admis que la prétention de la caution fondée sur son défaut d'information annuelle, laquelle tend seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts, constitue un moyen de défense au fond, sur lequel la prescription est sans incidence (cass.com. 06 juin 2018, pourvoi n° 17-10.103), de sorte que la prétention de Mme [J] fondée sur son défaut d'information annuelle, qui tend seulement au rejet de la demande en paiement des intérêts formée par la SA Crédit du Nord, qui constitue un moyen de défense au fond, n'est pas prescrite.

Par ailleurs, il est admis que les dispositions de l'article L.313-22 du code monétaire et financier s'appliquent au profit de toute caution, fût-elle dirigeante de la société, contrairement à ce que soutient la SA Crédit du Nord (cass.com.16 septembre 2010 n°09-15057).

La demande de Mme [J] de ce chef est par conséquent recevable.

Force est de constater que pas plus en cause d'appel qu'en première instance la banque ne rapporte la preuve qu'elle a satisfait à son obligation d'information annuelle, celle-ci ne pouvant résulter des frais liés à l'émission de la lettre d'information de la caution signalés et prélevés chaque année en mars sur le compte courant de la société Red Story, quand bien même n'auraient-ils jamais été contestés par Mme [J], comme l'a justement retenu le tribunal considérant que les relevés de compte de cette société ne sauraient comme tels pallier l'exigence du législateur d'information annuelle.

C'est donc, à bon droit, que le tribunal a déchu la SA Crédit du Nord de son droit aux intérêts contractuels.

La SA Crédit du Nord verse aux débats un décompte arrêté au 25 janvier 2019 faisant état d'un total dû de 223.368,64 € en capital, mensualités impayées, intérêts au 25 janvier 2019 et indemnité de résiliation.

Toutefois, ce document qui indique une somme de 33.530,54 € au titre des échéances impayées, ne renseigne pas sur le nombre précis d'échéances dues desquels il convient de déduire les intérêts au taux contractuel qu'elles incluent, Mme [J] n'étant plus tenue qu'au paiement du capital emprunté déduction faite des versements qui ont été effectués depuis le début du prêt.

Dès lors, à défaut d'autre pièce comptable justificative de la créance de la SA Crédit du Nord, le tableau récapitulatif retraçant les échéances impayées qui fait état de l'échéance impayée sans distinguer les intérêts de l'amortissement étant insuffisante pour dégager les mensualités restant dues en capital, et comme le considère, à bon droit, Mme [J], il convient, à la lecture du tableau d'amortissement qu'elle produit, de calculer le montant des intérêts perçus indûment par la banque après l'échéance du 16 mars 2010, soit une somme totale de 60.934,27 € et de déduire cette somme du capital restant dû soit la somme de 123.867,27 €, soit un solde de 62.933 €.

Mme [J], étant tenue dans les termes de la mention manuscrite figurant à l'engagement de caution, reste redevable de la somme de 62.933 € au paiement de laquelle il convient de la condamner au paiement avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2019, date de réception de la mise en demeure adressée le 28 janvier 2019.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

La déchéance du droit aux intérêts contractuels de la SA Crédit du Nord étant prononcée sur le fondement du manquement à l'obligation d'information annuelle de la caution, d'une part il n'y a pas lieu d'examiner le moyen tiré du manquement à l'obligation d'information de la caution du premier incident de paiement non régularisé, et d'autre part il ne peut être fait droit à la demande en paiement de l'indemnité d'exigibilité anticipée réclamée par la banque.

En revanche, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts moratoires au taux légal dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, à compter du 26 mars 2019, date de l'assignation.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- sur les autres demandes

Mme [J], qui succombe partiellement en son appel, sera condamnée aux dépens d'appel, en sus des dépens de première instance et de l'indemnité de procédure allouée en première instance justement évaluée en équité à hauteur de la somme de 1.500 € qui sera confirmée.

En revanche, il ne paraît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe:

- DECLARE recevable la demande de déchéance du droit aux intérêts de la SA Crédit du Nord formée par Mme [J];

- CONFIRME le jugement rendu le 9 novembre 2020 par le tribunal de commerce d'Amiens sauf en ce qu'il a condamné Mme [M] [J] née [W] à payer à la SA Crédit du Nord la la somme de 157.397,81 euros, en principal avec intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2019, date de mise en demeure;

statuant à nouveau sur le chef infirmé,

- CONDAMNE Mme [M] [J] née [W] à payer à la SA Crédit du Nord la somme 62.933 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2019;

- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au présent dispositif;

- CONDAMNE Mme [M] [J] née [W] aux dépens d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/05732
Date de la décision : 20/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-20;20.05732 ?
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