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05/05/2022 | FRANCE | N°20/05246

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 05 mai 2022, 20/05246


ARRET



















[W]





C/



S.A. CRÉDIT FONCIER COMMUNAL D'ALSACE ET DE LORRAINE

S.A.R.L. CENTRAL FINANCES









FLR





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 05 MAI 2022





N° RG 20/05246 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H4PM



JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE D'AMIENS EN DATE DU 12 OCTOBRE 2020





PARTIES EN CAUSE :



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Monsieur [H] [W], assisté de L' UDAF, désignée en qualité de curateur par une décision rendue par le Tribunal d'Instance d'AMIENS le 18 décembre 2017

[Adresse 2]

[Localité 6]





Représenté par Me Angélique CREPIN de la SCP CREPIN-HERTAULT, avocat au barreau d'AMIENS, vest...

ARRET

[W]

C/

S.A. CRÉDIT FONCIER COMMUNAL D'ALSACE ET DE LORRAINE

S.A.R.L. CENTRAL FINANCES

FLR

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 05 MAI 2022

N° RG 20/05246 - N° Portalis DBV4-V-B7E-H4PM

JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE D'AMIENS EN DATE DU 12 OCTOBRE 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [H] [W], assisté de L' UDAF, désignée en qualité de curateur par une décision rendue par le Tribunal d'Instance d'AMIENS le 18 décembre 2017

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Angélique CREPIN de la SCP CREPIN-HERTAULT, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 33

ET :

INTIMEES

S.A. CRÉDIT FONCIER COMMUNAL D'ALSACE ET DE LORRAINE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Sibylle DUMOULIN de la SCP FRISON ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 02

S.A.R.L. CENTRAL FINANCES, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélien DESMET de la SCP COTTIGNIES-CAHITTE-DESMET, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 05

Ayant pour avocat plaidant, Me TOURE, avocat au barreau de PARIS

DEBATS :

A l'audience publique du 22 Février 2022 devant Mme Françoise LEROY-RICHARD, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Avril 2022.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Françoise LEROY-RICHARD en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le délibéré a été prorogé au 05 Mai 2022.

Le 05 Mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente a signé la minute avec Mme Charlotte RODRIGUES, Greffier.

DECISION

Suivant offre du 19 avril 2016 acceptée le 21 avril 2016 la SA Crédit foncier communal d'Alsace et de Lorraine Banque [Adresse 1], ci-après la CFCAL, a consenti à M. [H] [W] un contrat de regroupement de crédits d'un montant de 152.000 €, au TAEG de 5,15%, remboursable en 420 échéances de 709,97 €.

L'affectation hypothécaire de l'immeuble appartenant à M. [W] a été reçue suivant acte authentique du 20 mai 2016 reçu par maître [X] notaire à [Localité 7].

Pour conclure ce contrat, M. [W] a eu recours aux services de la SARL Central finances, [Adresse 9], spécialisée dans les opérations de regroupement de crédit suivant convention passée le 17 mars 2016 et contre paiement de la somme de 7 000 € d'honoraires.

M. [W] a été placé sous mesure de curatelle renforcée par jugement du 18 décembre 2017.

Par acte d'huissier du 29 janvier 2019, M. [W], assisté de son curateur ( l'UDAF), a fait assigner la SA CFCAL et la SARL Central Finances devant le tribunal d'instance d'Amiens, aux fins, de voir annuler le contrat de prêt et la convention d'honoraires et obtenir leur condamnation solidaire à l'indemniser d'un préjudice évalué à 100 000€ pour manquement de ces sociétés à leur devoir de mise en garde.

Suivant jugement contradictoire du 12 octobre 2020, le tribunal judiciaire d'Amiens a :

- débouté M. [W] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné M. [W] à payer à la SARL Central Finances et à la SA CFCAL la somme de 1 euro chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [W], assisté par son curateur, a interjeté appel de cette décision par déclaration du 21 octobre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions du 26 avril 2021, expurgées des demandes qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 954 du code de procédure civile, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, l'appelant, assisté de l'UDAF demande à la cour :

- de le dire et juger recevable et bien-fondé en son appel ;

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- de prononcer la nullité des offres de contrat de regroupement de crédits du 21 avril 2016, ainsi que de la convention d'honoraires le liant à la SARL Central Finances ;

- de condamner solidairement la SA CFCAL et la SARL Central Finances à lui payer une somme de 100.000 € de dommages et intérêts, au titre de la perte de chance de ne pas souscrire l'offre de regroupement de crédits litigieux ;

- de condamner la SARL Central Finances à lui payer la somme de 7.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier ;

- de condamner la SA CFCAL et la SARL Central Finances à lui payer une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 3 février 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA CFCAL demande à la cour :

- de la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;

- et de condamner M. [W] à lui payer une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 1er juin 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la SARL Central Finances demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [W] de l'intégralité de ses demandes ;

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle ;

- de condamner M. [W] à lui verser une somme de 1 euro au titre du caractère abusif et vexatoire de ses prétentions ;

- de condamner tout succombant à lui verser une somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 janvier 2022, l'affaire ayant été fixée pour plaider à l'audience du 22 février 2022.

SUR CE :

Sur la demande d'annulation du contrat de prêt et de la convention d'honoraires

Se prévalant de l'article 464 du code civil, M. [W] assisté de son curateur demande que soit prononcée la nullité du contrat de regroupement de crédit consenti par la CFCAL et de la convention d'honoraires de la SARL Central finances en raison de sa particulière vulnérabilité l'empêchant de mesurer les conséquences de ses actes.

Il explique que dans le cadre d'un démarchage de la société Huis clos il a souscrit des prêts pour financer différentes opérations de rénovation de son immeuble, que la société Huis clos a été placée en liquidation judiciare, que se servant de son fichier client, ses anciens salariés ont constitué la société Espace rénov, l'ont démarché et lui ont fait souscrire de nouveaux contrats de prestations supposés garantir les travaux commandés auprès de la société en liquidation dont certains ont été annulés par arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 6 septembre 2019.

Il développe que ces circonstances démontrent que la société Espace Rénov avait bien pris la mesure de sa vulnérabilité pour le démarcher et lui faire souscrire des contrats de vente de prestations avec des crédits affectés inadaptés à sa situation, vulnérabilité qu'il démontre selon lui par la production du rapport d'expertise ayant fondé la mesure de curatelle prononcée et par la production de témoignages de son entourage proche. Il affirme que cet acte lui cause préjudice car lorsqu'il a souscrit le prêt sur une durée de remboursement de 35 années il était âgé de 51 ans et que malgré le bénéfice de la procédure de surendettement il lui a été imposé la vente de son immeuble.

Il illustre son développement en expliquant que le contrat de regroupement supposé regrouper trois crédits fait état d'un crédit souscrit auprès d'un organisme Cofinoga destiné à financer des travaux alors qu'il n'a jamais souscrit d'emprunt auprès de ce dernier.

La CFCAL s'oppose à la demande d'annulation du contrat litigieux. Elle soutient qu'elle a consenti des prêts en 2012 et 2016 à la demande de M. [W] sans pouvoir mesurer l'altération de ses facultés, qui lors de l'acceptation de l'offre concernant celui de 2016 n'était pas notoirement connue ni identifiable. Elle fait remarquer que cette opération de restructuration a permis d'améliorer la situation financière de M. [W], que ce dernier qui avait déjà souscrit une opération de regroupement en 2012 connaissait bien le mécanisme. Elle explique que s'il s'est trouvé dans une situation d'endettement c'est en raison de nombreux prêts souscrits ultérieurement à la présente opération malgré son engagement de ne pas souscrire d'autres prêts. Elle affirme que M. [W] disposait des capacités lui permettant de faire face au remboursement du crédit consenti et s'étonne que la responsabilité du notaire ne soit pas recherchée.

La SARL Central finances soutient que M. [W] ne démontre pas son incapacité ni que sa vulnérabilité était visible par un tiers lors de la signature du contrat. Il souligne que le notaire ne l'a pas plus remarquée.

Aux termes de l'article 464 du code civil, les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés.

Ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée.

Par dérogation à l'article 2252, l'action doit être introduite dans les cinq ans de la date du jugement d'ouverture de la mesure.

Il est admis que la nullité ne suppose pas lapreuve de l'insanité d'esprit au moment précis ou l'acte est passé.

Il ressort des pièces contractuelles que la CFCAL a reçu le 23 mars 2016 une demande de financement émanant de la SARL Central finances, destinée à aider M. [H] [W] alors âgé de 51 ans, à restructurer sa situation financière par le refinancement de trois prêts dont :

-un crédit à la consommation amortissable souscrit auprès de la Caisse d'épargne d'un montant de 3 091 € rembousable en mensualités de 167 € ;

-un crédit à la consommation renouvelable souscrit auprès de la société Laser Cofinoga, d'un montant de 20 200 € rembousable par échéane de 280 € ;

-un crédit à la consommation amortissable déjà souscrit 4 ans plus tôt auprès de la CFCAL d'un montant de 112 107 € arrivant à échéance en mai 2047 remboursable par mensualité de 679 €.

Ces pièces renseignent également sur le fait que la CFCAL a consenti pour ce faire un prêt de 152 000 €, pour que le solde prêté permette à M. [W] de faire face à un découvert bancaire de 1 200 €, à se procurer une trésorerie de 3 390 € et pour faire face aux frais liés au dossier.

Du rapport d'expertise du docteur [A] [Z] inscrite sur la liste des experts aux fins de protection des adultes et handicapés majeurs, il ressort qu'elle a examiné M. [H] [W], que l'examen neurologique note un MMS à 24/30, que l'examen confirme une altération modérée des fonctions mnésiques avec une conservation des mémoires à court et long terme, qu'il présente une réduction modérée des fonctions d'attention et de vigilance et que s'y ajoute une altération des fonctions critiques. Elle précise que l'examen met en évidence une altération du jugement, de la compréhension, de l'analyse logique, de la synthèse mentale, des troubles de l'organisation, de la planification et de l'élaboration stratégique.

Elle indique également que M. [W] est une personnalité peu défendue et fragile pouvant être à l'origine d'une suggestibilité l'exposant ainsi à l'influence d'autrui et donc à une situation de prodigabilité.

Elle en conclut qu'il est dépendant d'autrui pour l'ensemble des activités administratives et que cet état justife l'organisation d'une mesure de protection de type curatelle renforcée.

Ce rapport a fondé le jugement plaçant M. [W] sous mesure de protection le 18 décembre 2017 soit 20 mois après la souscription du prêt litigieux.

Ces voisins proches ([V] et [P] [G] et [K] [D], [C] [D]) attestent qu'ils connaissent M. [W] de longue date, qu'ils ont constaté qu'il est vulnérable, qu'il ne mesure pas l'ampleur et le coût des travaux relatifs à son immeuble et qu'il a reconnu avoir fait de nombreux emprunts auprès des personnes lui ayant proposés ces travaux.

S'il ressort de ces éléments que la preuve de l' inaptitude de M. [W] à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles est suffisament démontrée, sa notoriété et sa connaissance par la CFCAL et la SARL Central finances ne l'est pas dans la mesure où ces deux structures dont le siège se trouve à [Localité 8] pour l'une (CFCAL) ayant pour intermédiaire l'autre dont le siège est en Moselle, n'ont jamais rencontré M. [W]. Elles sont d'ailleurs taisantes sur les circonstances de leur mise en relation, la CFCAL soutenant que c'est M. [W] qui l'a contactée (page 4 de ses conclusions) alors que les documents contractuels renseignent sur le fait que c'est la société Central finances qui les a mis en relation.

En conséquence, la demande d'annulation des actes est rejetée.

Sur la demande tirée du manquement au devoir de mise en garde de la CFCAL et de la SARL Central finances

Se prévalant de sa qualité d'emprunteur non averti M. [W] assisté de son curateur fait valoir que la CFCAL a manqué à son devoir de mise en garde en ce que le prêt proposé était totalement inadapté à sa situation personnelle en ce qu'il l'endettait jusque l'âge de 86 ans (soit au delà de l'espérance de vie) à hauteur de 710 € par mois alors qu'il devait prendre sa retraite 14 ans plus tard et avoir dans ces circonstances des revenus moindres, que ce prêt était uniquement consenti dans l'intérêt du prêteur qui bénéficiait d'une garantie hypothécaire.

Il fait remarquer que le prêt proposé par la CFCAL porte sur une somme inadaptée à ses besoins dans la mesure où il concerne principalement la reprise d'un prêt déjà consenti par la CFCAL et deux autres petits prêts mais qu'il permet surtout de financer le montant de cette nouvelle opération de restructuration, de sorte que c'est le prêteur qui est à l'origine de son surendettement.

Il fait grief à la banque de ne pas avoir intégré à l'opération la totalité de son endettement.

Il affirme que cette opération a aggravé sa situation de sorte que le manquement à l'obligation de mise en garde est caractérisé.

Il ajoute que le prêteur aurait dû refuser de financer l'opération avec une garantie hypothécaire dans la mesure où il ressort du rapport portant sur la valeur de l'immeuble que ce dernier sera difficile à vendre en dehors de toute conjoncture.

Il tient le même raisonnement à l'égard de l'intermédiaire qu'il ne connaissait pas et qui a pris contact avec lui via la société Espace rénov qui le démarchait pour faire réaliser des travaux. Il soutient qu'elle ne s'est pas préoccupé de rassembler les éléments susceptibles de réaliser une véritable opération de restructuration.

Il analyse l'opération et explique qu'en réalité ce prêt n'a été souscrit que pour lui permettre d'obtenir un financement complémentaire de 23 506€ le reste servant à restructurer un prêt déjà en cours qui n'avait pas besoin de l'être et à financer le coût de l'opération.

Enfin il fait valoir que la contractualisation avec cet intermédiaire est la conséquence d'un démarchage qui imposait à la SARL Central finances de se soumettre aux dispositions des articles L.341-1, 11, 12 et 16, ( possiblité de se rétracter, obligation d'information spécifique etc...) ce qu'elle n'a pas fait dans la mesure où la convention d'honoraire ne fait état ni du montant du prix mis à la charge de M. [W] ni d'un délai de rétractation, ces informations n'étant communiquées bien plus tard que via une annexe.

Il chiffre son préjudice à 100 000 €.

La CFCAL soutient qu'elle n'a commis aucune faute et que l'action de M. [W] est fondée sur le souhait de faire une 'bonne affaire'. Elle soutient qu'elle s'est informée sur les capacités financières de l'emprunteur, que le prêt a permis de réduire son endettement et qu'elle n'a pas l'obligation de limiter dans le temps les prêts accordés dès lors que l'allongement du prêt comme en l'espèce permet un remboursement plus aisé.

Enfin elle soutient avoir apporté une réelle attention à ce dossier.

L'intermédiaire fait sienne l'argumentation de la CFCAL et ajoute que M. [W] est seul responsable des informations erronées se trouvant dans le dossier, qu'il a volontairement omis de donner ertaines informations, que cette opération a assaini sa situation financière globale par une réduction des taux d'intérêt, un apport de trésorerie et une mise à néant d'un découvert.

Il soutient ne pas avoir concourru à la situation de surendettement et que M. [W] ne rapporte pas la preuve d'une faute commise en lien avec un préjudice subi.

Il est admis que le non respect par le prêteur de son devoir de mise en garde peut être poursuivi dans le cadre d'une action en responsabilité contractuelle fondée en l'espèce sur l'article 1231-1 du code civil.

Il n'est pas contesté que l'obligation de mise en garde qui s'impose au prêteur s'apprécie au regard des trois obligations particulières suivantes:

- l'établissement de crédit ne doit pas accorder à un emprunteur un crédit excessif ou disproportionné compte tenu de son patrimoine et de ses revenus ;

- il est tenu de se renseigner sur les capacités de remboursement de l'emprunteur ;

- il doit alerter l'emprunteur sur les risques encourus en cas de non remboursement du crédit, et doit donc attirer l'attention de son client sur la nature, les risques et la portée de ses engagements.

L'établissement de crédit n'est tenu d'une obligation de mise en garde qu'à l'égard de l'emprunteur non-averti.

Ces règles sont également applicables aux intermédiaires financiers ce que ne conteste par la SARL Central finances.

La SARL Central finances ne conteste pas avoir été mise en contact avec M. [W] via la société Espace rénov qui proposait régulièrement à ce dernier des prestations de travaux pour son domicile.

M. [W] âgé de 51 ans, qui exerce la profession de chauffeur routier, qui vit seul sans étayage familial doit être considéré comme un emprunteur non averti.

Il ressort des pièces contractuelles que la CFCAL a reçu le 23 mars 2016 une demande de financement émanant de la SARL Central finances, destinée à aider M. [H] [W] alors âgé de 51 ans, à restructurer sa situation financière par le refinancement de trois prêts dont :

-un crédit à la consommation amortissable souscrit auprès de la Caisse d'épargne d'un montant de 3 091 € remboursable en mensualités de 167 € ;

-un crédit à la consommation renouvelable souscrit auprès de la société Laser Cofinoga, d'un montant de 20 200 € rembousable par échéane de 280 € ;

-un crédit à la consommation amortissable déjà souscrit 4 ans plus tôt auprès de la CFCAL d'un montant de 112 107 € arrivant à échéance en mai 2047 remboursable par mensualité de 679 €.

Le montant à rembourser mensuellement a été modifié dans la fiche d'information concernant le prêt Cofinoga pour passer de 280 € à 330€

Le relevé du compte courant de M. [W] à la Caisse d'épargne, se trouvant dans le dossier de crédit construit par la CFCAL renseigne sur le fait que la menualité était en réalité de 405,96 €, cette dernière a d'ailleurs pris la peine de l'entourer.

A ce stade il est déjà établi que les encours mensuels à rembourser étaient supérieurs à ceux figurant dans les documents contractuels, soit 1252,34 € au lieu des 1176 € mentionnés, de sorte que l'endettement de M. [W], en dehors de toute considération de prêts oubliés qui n'auraient pas été introduits dans l'opération de restructuration, n'a pas fait l'objet d'une étude sérieuse.

Les pièces renseignent également sur le fait que la CFCAL a consenti pour ce faire un prêt de 152 000 €, au delà des encours (135 398 €) pour que le solde prêté permette à M. [W] de faire face 'à un découvert bancaire de 1 200 €, à se procurer une trésorerie de 3 390 € et pour faire face aux frais liés au dossier'. (Paragraphe 'préambule').

Les frais de dossier renseignés s'élèvent à 7 000 € (Central finances), 3 192 € de frais de dossier, 1 650 € de frais d'hypothèques, 2 630 € d'émoluments pour le notaire soit 14 472 € de frais.

Rappelant que par cette opération la CFCAL refinance un prêt déjà consenti à M. [W] dont l'encours est de 112 107 €, cette opération a majoré l'endettement de ce dernier en exposant des frais lourds et inutiles.

Ainsi par cette opération, la CFACL et son intermédiaire ont exposé à M. [W] au paiement d'une somme de 14 472 € pour obtenir 25 421 € de crédit supplémentaire alors que si la CFCAL avait souhaité réduire l'endettement de ce dernier elle pouvait dans le cadre d'une renégociation simple du prêt en cours, réduire le taux d'intérêt contractuel en maintenant la durée d'amortissement et en facturant de simples frais de dossiers, aucun intermédiaire n'étant essentiel pour concrétiser l'opération dans la mesure où les parties étaient déjà en relation depuis 4 ans.

En réalité, cette opération a permis au prêteur et à son intermédiaire de prélever des honoraires 'conséquents' et à la société Espace rénov, en relations d'affaires non contestées avec la SARL Central Finances, de continuer à bénéficier du règlement de prestations comme cela résulte de la copie des chèques émis par M. [W] (pièce 11) à la société Espace rénov peu de temps après le déblocage du prêt et non à assainir la situation de M. [W].

Par ailleurs, en faisant souscrire un prêt sur 35 années, (soit des remboursements à réaliser jusque l'âge de 86 ans), le prêteur et son intermédiaire n'ont pas tenu compte de la baisse de revenus induite par le départ à la retraite de M. [W].

L' inaptitude de M. [W] à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles ne lui a pas permis d'appréhender cette situation dans le cadre de laquelle, la CFACL et son intermédiaire lui ont fait souscrire un crédit excessif, inadapté et ne restructurant pas sainement sa situation financière, en s'abstenant de réaliser une véritable étude de sa situation, de mesurer les capacités de remboursement durant la durée totale du prêt, et en ne l'alertant pas sur les risques encourus en cas de non remboursement du crédit et d'attirer son attention sur la nature, les risques et la portée de son engagement.

En conséquence, la CFACL et la SARL Central finances ont manqué à leur obligation de mise en garde et ont fait perdre une chance à M. [W] de ne pas simplement renégocier le prêt en cours auprès de la CFACL, ont accru dans ces circonstances son endettement inutilement sans pour autant être totalement responsables de la situation de surendettement de M. [W] comme il le soutient.

De ce qui précède, le préjudice de M. [W] s'élève à 25 000 €, que la CFACL et la SARL Central finances parties au contrat, sont condamnées in soldum à lui payer.

M. [W] étant déjà indemnisé des manquements de la banque et de son intermédiaire, ce dernier est débouté de sa demande complémentaire d'indemnité financière présentée à l'endroit de la SARL Central finances.

Sur les demandes accessoires

La SARL Central finances et la société CFCAL qui succombent supportent in solidum les dépens de première instance et d'appel et sont condamnées in solidum à payer à M. [H] [W] la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

la cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a débouté M.[H] [W] de sa demande d'annulation du contrat de prêt et de la convention d'honoraires ;

statuant des chefs infirmés et y ajoutant ;

condamne in solidum la SARL Central finances et la SA Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine, à payer à M. [H] [W] la somme de 25 000 € de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de mise en garde ;

déboute M. [H] [W] de sa demande d'indemnité financière complémentaire dirigée à l'endroit de la SARL Central finances ;

condamne in solidum la SARL Central finances et la SA Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine, à payer à M. [H] [W] la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamne in solidum la SARL Central finances et la SA Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/05246
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;20.05246 ?
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