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05/05/2022 | FRANCE | N°19/07489

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 05 mai 2022, 19/07489


ARRET

























S.A.S.U. SOCIÉTE A&A









C/







S.A.R.L. LE CONDE













DB





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 05 MAI 2022





N° RG 19/07489 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HQWN





Jugement du tribunal de commerce d'Amiens en date du 17 septembre 2019





PARTIES EN CA

USE :



APPELANTE





S.A.S.U. SOCIÉTE A&A, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Hamadou SABALY substituant Me Pascal BIBARD, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 94





ET :



INTIMEE



S.A.R.L. LE ...

ARRET

S.A.S.U. SOCIÉTE A&A

C/

S.A.R.L. LE CONDE

DB

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 05 MAI 2022

N° RG 19/07489 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HQWN

Jugement du tribunal de commerce d'Amiens en date du 17 septembre 2019

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

S.A.S.U. SOCIÉTE A&A, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Hamadou SABALY substituant Me Pascal BIBARD, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 94

ET :

INTIMEE

S.A.R.L. LE CONDE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Safia ABDELKRIM substituant Me Imad TANY de la SELARL DORE-TANY-BENITAH, avocat au barreau d'AMIENS, vestiaire : 26

DEBATS :

A l'audience publique du 20 Janvier 2022 devant :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2022.

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Vanessa IKHLEF

PRONONCE :

Le délibéré est prorogé au 05 mai 2022.

Le 05 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre a signé la minute avec Madame Vanessa IKHLEF, Greffière.

DECISION

Se prévalant de l'existence d'un contrat de location-gérance d'un fonds de commerce de bar, hôtel, restaurant situé [Adresse 1], en date du 16 juin 2015, consenti à la SAS A&a, la SARL Le Condé l'a faite assigner en paiement de diverses sommes devant le tribunal de commerce d'Amiens qui, par jugement en date du 17 septembre 2019, a :

Déboutant les parties de toutes demandes plus amples ou contraires de celles auxquelles le présent dispositif fait droit,

- condamné la SAS A&a à payer à la SARL Le Condé :

* la somme de 7.108 € en principal correspondant aux redevances et charges impayées

au 01/12/2017;

* la somme de 1.057,60 € correspondant au coût de l'entretien de l'adoucisseur d'eau;

* la somme de 1.784,20 € pour le coût du remplacement du rideau métallique;

* la somme de 650 € pour le coût du remplacement d'un volet roulant endommagé;

* la somme de 95,07 € pour le coût du remplacement de l'électrovanne gaz;

* la somme de 412,70 € correspondant au coût des matériaux de reprise des désordres;

* la somme de 500 € pour le coût de remplacement de la chambre froide;

* la somme de 1.100 € correspondant au coût du remplacement du matériel de cuisine;

* la somme de 13,90 € correspondant au coût de remplacement du support TV de la chambre 1;

* la somme de 175 € correspondant au coût de remplacement de la TV de la chambre 1;

* la somme de 1.353,60 € correspondant au coût de remplacement d'une friteuse et d'un lave-vaisselle;

* la somme de 485,84 € correspondant au coût du procès-verbal d'état des lieux;

lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 01/12/2017;

* la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamné la SAS A&a aux dépens

- ordonné la capitalisation des intérêts.

Par déclaration au greffe en date du 17 octobre 2019, la SASU A&a a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises en date du 09 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés,la SASU A&a demande à la cour de :

- infirmer la décision entreprise;

en conséquence,

- voir constater l'exception d'inexécution à partir du mois de juillet 2017, du fait que la société Le Condé n'a pas satisfait à ses obligations, celle-ci n'ayant pas délivré des locaux conformes à leur destination;

- condamner la société Le Condé à des dommages et intérêts à hauteur de 18.240,00 €, du fait du trouble de jouissance subi par la société A & a, outre intérêts légaux à compter de la signification du 'jugement' à intervenir et capitalisation des intérêts;

- condamner la société Le Condé à des dommages et intérêts pour un montant de 8.229,65 €, suite à la réticence dolosive subi par la société A & a, ainsi que pour la résiliation anticipée et fautive du contrat de location gérance litigieux, outre intérêts légaux à compter de la signification du 'jugement' à intervenir et capitalisation des intérêts;

- débouter la société Le Condé de l'ensemble de ses demandes;

En tout état de cause,

- condamner la SARL Le Condé au paiement de la somme de 4.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions remises le 26 mars 2020, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SARL Le Condé demande à la cour de :

- confirmer la décision sauf en ce qu'elle a débouté la SARL Le Condé de ses demandes plus amples;

Statuant à nouveau,

- condamner la SAS A & a à verser à la SARL Le Condé :

* la somme de 522 € correspondant au coût de vérification et d'entretien des organes de sécurité incendie des locaux;

* la somme de 100 € en indemnisation des frais de remise en service du téléphone;

* la somme de 2.000 € en indemnisation de la perte de l'usage du numéro de téléphone qui constituait un élément d'identification du fonds de commerce;

* la somme de 5.000 € en réparation du préjudice subi, sur le fondement des dispositions de l'article 1231 alinéa 3 du code civil;

- juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 01er décembre 2017;

- ordonner la capitalisation des intérêts;

Y ajoutant,

- condamner la SAS A & a à verser à la SARL Le Condé la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner la SAS A & aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 05 octobre 2021.

SUR CE :

- sur la créance au titre de la redevance de la location-gérance et l'exception d'inexécution

Au soutien de son appel, la SASU A & a explique qu'elle est rentrée en possession de locaux et matériels décrits dans le rapport de l'Agence Régionale de la Santé Picardie, comme vétustes et présentant des non-conformités graves auxquelles elle devait impérativement remédier, si elle voulait continuer son activité de restauration; qu'elle s'est acquittée des redevances jusqu'en juillet 2017; que n'y tenant plus, la SARL Le Condé ne respectant sa promesse de réaliser les grosses réparations, elle a refusé de régler la redevance; que le bailleur ne lui ayant pas permis d'utiliser convenablement les locaux donnés en location, car finalement non conformes à leur destination, elle a suspendu le paiement des redevances; qu'aucun état des lieux n'a été réalisé à l'entrée en jouissance des locaux; que si tel avait été le cas, il aurait reconduit sans aucun doute les mêmes constatations que celles qui ont été consignées dans le rapport de l'ARS de Picardie; que la commission de sécurité de l'arrondissement de [Localité 5], qui a donné un avis favorable concernant l'accueil du public quant aux locaux litigieux, n'est pas compétente pour satisfaire aux missions de contrôle et d'inspection de l'application de la réglementation sanitaire; que les locaux n'ont jamais été remis en état du temps où la SASU A & a exploitait son fonds de commerce; qu'elle a dû exercer son activité de restauration dans un local inadapté ne répondant pas à des conditions d'hygiène et de salubrité suffisantes à l'origine d'un préjudice de jouissance qu'elle évalue à la somme de 18.240 € (1/2 redevance, soit 760 € x 24 mois de juillet 2015 à juillet 2017).

Elle fait valoir, par ailleurs, que la résiliation du contrat lui a été notifiée le 29 septembre 2017, sans sommation préalable telle que contractuellement prévue; qu'à ce moment là , elle était uniquement débitrice de la redevance du mois de juillet 2017; que les rapports contractuels ont été initiés sous la fausse qualification juridique de location-gérance afin d'échapper aux contraintes inhérentes à la législation relative au bail commercial; que la convention qui a été régularisée permet tout simplement l'occupation d'un local commercial; qu'en juin 2015, le fonds de commerce n'était plus exploité depuis de nombreux mois; qu'en l'absence de clientèle, élément essentiel d'un fonds de commerce, il n'y a pas de fonds; que sans fonds, il n'y a pas de location gérance en juin 2015; qu'elle n'a pas été mise en situation de connaître le montant du chiffre d'affaires de ses prédécesseurs; que cette absence d'informations sur ce point a eu pour but pour la SARL Le Condé de dissimuler le fait qu'aucune clientèle n'était attachée au fonds de commerce; que cette manoeuvre ressort de la réticence, voire de la manoeuvre dolosive; que la seule information à disposition est la mise en liquidation judiciaire du précédent locataire; que la SAS A & a n'a jamais été en possession d'une étude réalisée antérieurement à son entrée dans les lieux; que la SARL Le Condé a ainsi engagé sa responsabilité contractuelle sur le fondement des articles 1116 et 1147 anciens du code civil; que le préjucide qu'elle subit est évalué à la somme de 8.229,65 €.

La SARL Le Condé réplique qu'elle justifie d'une créance certaine, liquide et exigible à hauteur de la somme de 7.108 € correspondant aux redevances et charges prévues par le contrat de location gérance qui s'est poursuivi tacitement jusqu'au 31 décembre 2017; que la seule inexécution contractuelle qui peut être relevée doit être imputée à la SAS A & a; que le rapport de l'ARS daté du 15 décembre 2014 dont se prévaut cette société a été établi au nom de M. [Z], le précédent locaraire-gérant du fonds de commerce litigieux; que c'est de mauvaise foi, que la société locataire prétend que le fonds de commerce n'existait plus dans la mesure où il n'avait jamais été exploité durant l'exercice 2014, alors que M. [Z] a connu un début d'activité honorable en réalisant un chiffre d'affaires HT de 66.429 € et en dégageant une marge de 42.585 €, et que le grand livre de la SAS A & a fait état pour la période du 01er mai 2015 au 30 juin 2016 de vente de marchandises pour un montant de 120.313,53 €.

Elle souligne par ailleurs qu'en tout état de cause, la SAS A & a était mal fondée à invoquer l'absence des chiffres d'affaires 2014 et 2015 car elle a été informée de son impossibilité de communiquer ces chiffres et a expressément renoncé à élever la moindre contestation sur ce point à l'égard de la SARL Le Condé dans le contrat de location-gérance; que cette renonciation et le fait que la SAS A & a soit en possession d'une étude réalisée antérieurement à son entrée dans les lieux permet de démontrer qu'elle était parfaitement informée de la situation du fonds de commerce quand elle a accepté le contrat litigieux.

Elle indique qu'elle a réalisé de nombreux travaux entre la date du rapport de l'ARS et la prise de jouissance du fonds de commerce par la SAS A & a; qu'elle a obtenu l'avis favorable de la commission de sécurité le 17 décembre 2015, à la suite duquel le maire de [Localité 5] a pu autoriser l'accueil du public dans les locaux litigieux par arrêté en date du 25 septembre 2015; que manifestement les travaux de remise en état avaient été effectués par la SARL Le Condé avant la prise de jouissance des locaux par la SAS A & a; que cet acte de police administrative n'est pris que lorsque l'autorité de police administrative, en l'occurrence le Maire de Montidier constate qu'un établissement remplit toutes les conditions, notamment d'hygiène, pour garantir l'accueil du public en toute sécurité; qu'en prenant un tel arrêté, le Maire a nécessairement constaté que l'établissement était dans un bon état d'entretien; que la SAS A & a a elle-même reconnu que ces travaux avaient été faits, le contrat indiquant expressément que les locaux répondaient aux normes d'hygiène, de salubrité et de sécurité en vigueur; que par ailleurs, la SAS A & a n'a jamais fait la moindre critique s'agissant de l'état des locaux durant toute la durée de la location-gérance; qu'au contraire, elle entendait prolonger le contrat litigieux.

Elle remarque que la SAS A & a ne parvient pas à démontrer l'existence de l'obligation que la SARL Le Condé aurait violée; qu'après avoir invoqué, en première instance, l'obligation du bailleur de délivrer un logement décent à son locatire ou encore de délivrer un logement en bon état de réparations locatives, prévues par la législation sur les baux d'habitation, elle fait valoir en appel que le bailleur serait contraint de réaliser les grosses réparations sans justifier du fondement légal d'une telle obligation, alors que le contrat de location-gérance n'est pas soumis à un régime d'ordre public mais à un régime supplétif de volonté; qu'en vertu du contrat, la SAS A & a a fait son affaire personnelle de l'état des locaux au moment de la prise de jouissance; que les stipulations du contrat mettent à la charge de la SAS A & a les travaux d'entretien; qu'elle ne peut invoquer la perte de clientèle dont elle a souffert à la suite du défaut d'entretien qui lui incombait pour faire échec à la demande en paiement; que la SARL Le Condé a dépensé pas moins de 100.161,94 € pour entretenir ses locaux et son fonds de commerce lorsqu'elle exploitait le fonds personnellement; que la SAS A & a ne peut pas justifier d'un tel comportement; qu'il découle de ce qui précède qu'aucune violation contractuelle ne peut être imputée à la SARL Le Condé; que par suite, la SAS A & a ne peut invoquer aucune exception d'inexécution pour justifier l'absence de paiement des redevances dont le paiement est sollicité.

Il est constant que par acte authentique reçu en date du 16 juin 2015 par Me [G], notaire à [Localité 3], la SARL Le Condé a donné en location-gérance à la SASU A & a un fonds de commerce de bar, hôtel, restaurant, vente à emporter sis et exploité à [Adresse 1], pour une durée de 18 mois, à compter du 16 juin 2015 jusqu'au 15 décembre 2016, moyennant le paiement d'une redevance annuelle forfaitaire d'un montant de 6.240 € HT, TVA ajoutée en sus, majorée des loyers et charges dus par la bailleur au propriétaire des locaux dans lesquels le fonds est exploité.

Il ressort du rapport de l'ARS de Picardie versé aux débats par la SASU A & a, au soutien de son appel, qu'il est daté du 19 décembre 2014, soit avant même la conclusion du contrat de location-gérance, et adressé à M. [Z], désigné audit contrat comme étant le précédent locataire-gérant jusqu'au 19 mai 2015.

S'il fait état d'un contrôle de l'établissement, le 12 novembre 2014, au cours duquel a été relevée sur le plan de l'hygiène alimentaire, la non-conformité des locaux et du matériel, à savoir notamment la vétusté des locaux '(les matériaux dégradés et endommagés ne peuvent plus être nettoyés de manière efficace)', présence de rongeurs constatée, étagères non réglementaires, meuble et plan de travail en bois dans le local légumerie, ce rapport fait également état de 'mesures correctives à réaliser' , telle la mise en conformité du plafond, des murs et boiseries de la cuisine, du local réserve dans un délai de 3 mois, des murs et plafonds du local légumerie, de la lingerie dans un délai de 6 mois, le remplacement du matériel non adapté par du matériel réglementaire (plan de travail, meuble en bois, meuble sous évier vétuste...) dans un délai de 3 mois, d'autres mesures sont prescrites dans un délai contraint n'excédant pas 3 mois, et d'autres, dans un délai immédiat, telle la mise en oeuvre des moyens nécessaires pour ne plus avoir de rongeurs au sein de l'établissement.

Les délais contraints imposés par l'ARS de Picardie dans son rapport du 19 décembre 2014, pour la mise en oeuvre des mesures destinées à remédier aux désordres constatés par elle, les stipulations de l'article 6 - 'Charges et conditions' 1.1 'Non garantie' du contrat selon lesquelles 'Le locataire-gérant a pris le fonds de commerce présentement loué et ses accessoires, ainsi que les locaux d'exploitation, dans l'état où le tout se trouvait le jour de l'entrée en jouissance, sans pouvoir, à cet égard, exercer aucun recours et indemnité ou diminution de la redevance contre le bailleur pour quelque cause que ce soit, à la condition que les déclarations du bailleur soient exactes', et l'absence de réclamations de la part de la SASU A & a avant la présente procédure suffisent à démontrer que les travaux de remise en état ont été effectués avant l'entrée en jouissance des locaux par la SASU A & a lui permettant ainsi d'exercer son activité de restauration dans un local adapté.

Le procès-verbal de constat en date du 07 février 2018 versé par la SARL Le Condé, établi non contradictoirement, à la demande de la SARL Le Condé, ne permet pas de comprendre que les locaux litigieux n'ont jamais été remis en état, comme le soutient la SASU A & a, puisqu'il ne contient aucune description de locaux dont l'état de vétusté imposerait une vraie réfection.

Les quelques photographies produites par la SASU A & a, qui selon elle, sont 'pour le moins univoques' quant à l'état des locaux, sont insuffisantes à démontrer que le local loué n'était pas conforme aux exigences légales, que les plafonds délabrés, notamment dans la cuisine où des traces d'infiltrations d'eau sont à constater, et que l'installation électrique est non conforme, comme le prétend la SASU A & a, alors que l'état des lieux de sortie ne fait aucune remarque sur l'état général des pièces, notamment l'état des plafonds de la cuisine, hormis quelques désordres électriques sans toutefois évoquer la non-conformité de l'installation électrique.

Enfin, la SASU A & a qui indique que la SARL Le Condé avait promis 'de réaliser les grosses réparations dont la Loi la rend redevable à l'endroit de son locataire gérant', ne verse aux débats aucune pièce démontrant d'une part que cette obligation est à la charge du preneur dans le cadre du bail commercial portant sur les locaux où est exploité le fonds de commerce objet du contrat de location-gérance, en l'absence de production de ce contrat, et d'autre part, que des grosses réparations, telles que visées par l'article 606 du code civil, seraient nécessaires.

L'exception d'inexécution tenant à l'obligation de délivrance d'un local conforme à sa destination invoquée par la SASU A & a doit par conséquent être écartée

La SASU A & a doit, par conséquent, être déboutée de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 18.240 € du fait du trouble de jouissance qu'elle aurait subi.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

La SASU A & a soutient que la SARL Le Condé qui se prévaut des stipulations contractuelles selon lesquelles 'le contrat de location-gérance sera résilié de plein droit et sans formalité, si bon semble au bailleur : - En cas de non-paiement à son échéance d'une seule mensualité de la redevance...et un mois parès une sommation de payer...:...' s'est dispensée de toute sommation de payer.

Or, contrairement à ce que prétend la SASU A & a, le contrat n'a pas été résilié au moment où elle n'était débitrice que de la redevance du mois de juillet 2017.

En effet, le décompte de l'huissier de justice contenu dans le procès-verbal de saisie-attribution dressé à la requête de la SARL Le Condé, en date du 25 janvier 2018, qui fait état des redevances dues de juillet, d'octobre, novembre et décembre, n'en rapporte pas la preuve contrairement à ce que soutient l'appelante.

En revanche, la SARL Le Condé a, par lettre recommandée avec avis de réception du 30 septembre 2017, informé la SASU A & a qu'elle entendait résilier le contrat de location-gérance au 31 décembre 2017, ce que corrobore une annonce légale, que la SAS A & a ne conteste pas avoir diffusée, indiquant que le contrat de location-gérance est purement et simplement résilié à compter du 31 décembre 2017, ce qui démontre que la SARL Le Condé n'était pas à l'initiative d'une résiliation pour défaut de paiement d'une seule échéance de la redevance, celle de juillet 2017, sans mise en demeure préalable.

La SASU A & a prétend ensuite que l'absence d'éléments d'information sur le montant du chiffre d'affaires sur 2014 et 2015 a eu pour but pour la SARL le Condé de dissimuler le fait qu'aucune clientèle n'était attachée au fonds de commerce; que sans clientèle nul fonds ; que sans fonds nulle location-gérance.

Toutefois, il résulte du contrat de location-gérance que le bailleur a déclaré les chiffres d'affaires et résultats commerciaux réalisés durant les trois exercices comptables 2011, 2012, 2013, qui révèlent une baisse du chiffre d'affaires qui est passé, de 151.343,18 € en 2011 à 21.583,11 € en 2013, du résultat d'exploitation qui est passé de +21.951,59 € en 2011 à - 2.795,80 € en 2013, du résultat de l'exercice qui est passé de + 10.384,54 € en 2011 à - 2.800,86 € en 2013; que le bailleur a indiqué 'ne pouvoir fournir les chiffres d'affaires pour la période s'étendant du 01er janvier 2014 jusqu'au mois de mai 2014, ni ceux de son successeur; que 'le locataire-gérant, informé de ces éléments persiste néanmoins à prendre ledit fonds en location-gérance malgré le défaut d'énonciation des chiffres d'affaires mensuels, renonçant par ailleurs à élever quelque contestation que ce soit à cet égard tant à l'encontre du bailleur qu'à l'encontre du rédacteur des présentes.'

Il est par ailleurs stipulé que M. [V] [Z], locataire-gérant à compter du 20 mai 2014 jusqu'au 19 mai 2015, a été placé, par jugement en date du 09 avril 2015, en liquidation judiciaire.

Il s'en déduit que la SASU A & a s'est engagée en toute connaissance de cause de la situation du fonds de commerce, et plus spécialement des difficultés rencontrées dans son exploitation, aucune manoeuvre dolosive consistant pour la SARL Le Condé à lui dissimuler qu'aucune clientèle n'était attachée au fonds de commerce n'étant démontrée.

La SASU A & a doit, par conséquent, être déboutée de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de la somme de 8.229,65 € au titre du préjudice subi en raison de la réticence dolosive du bailleur et la résiliation anticipée et fautive par ce dernier du contrat de location gérance.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

En revanche, la SASU A & a, qui a pour obligation le paiement de la redevance de location-gérance, ne justifie pas du règlement des redevances et charges de juillet, octobre, novembre et décembre 2017, soit la somme de 7.108 € au 01er décembre 2017, montant qui n'est pas sérieusement discuté.

Il convient, dans ces conditions, de condamner la SAS A & a à payer à la SARL Le Condé la somme de 7.108 € en principal, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2017, date de la mise en demeure, aucune mise en demeure en date du 01er décembre 2017 par lettre recommandée avec accusé de réception n'étant produite aux débats.

La décision entreprise sera réformée en ce sens.

- sur les sommes dues au titre de la remise en état des lieux

Aux termes de l'article 6.1.1 du contrat de location-gérance , 'Le locataire-gérant a pris le fonds de commerce présentement loué et ses accessoires, ainsi que les locaux d'exploitation, dans l'état où le tout se trouvait le jour de l'entrée en jouissance, sans pouvoir, à cet égard, exercer aucun recours et indemnité ou diminution de la redevance contre le bailleur pour quelque cause que ce soit, à la condition que les déclarations du bailleur soient exactes.'

Selon l'article 6.1.4 du contrat de location-gérance, 'Le locataire-gérant entretiendra en bon état de réparations locatives, les locaux d'exploitation, le mobilier commercial et le matériel servant à l'exploitation du fonds.

Toutes les réparations d'entretien y relatives seront à la charge, même celles qui seraient rendues nécessaires par l'usure normale desdits mobilier et matériel. Le locataire-gérant devra notamment effectuer toutes les réparations menues et même les réfections et remplacements qui deviendraient nécessaires au cours du bail, aux devantures, vitrines, glaces et vitres, volets et fermetures, et les maintenir en parfait état de propreté, d'entretien et de fonctionnement.

Il sera tenu, en outre, de remplacer à ses frais tous les objets qui viendraient, en cours du présent bail, à être perdus, volés, détruits pour quelque cause que ce soit, fût-ce par vétusté.'

L'article 6.1.15 stipule que ' Si les présentes se réalisent, le locataire-gérant sera tenu, en fin de bail, à restituer en nature, le matériel, le mobilier commercial et tous objets présentement loués dans l'état où le bailleur sera en droit de les exiger conformément aux dispositions de la rubrique 'ENTRETIEN'.

Tout objet manquant devra être remplacé par un autre de même nature et qualité.

Le matériel et les objets mobiliers incorporés au fonds par le locataire-gérant resteront, en toute hypothèse, sa propriété intellectuelle et il pourra les retirer en quittant les lieux.'

Au vu des stipulations contractuelles énoncées ci-dessus, de la liste du matériel annexée au contrat de location-gérance, du procès-verbal d'état des lieux de sortie en date du 07 février 2018 auquel la SASU A&a a ét convoquée par lettre recommandée du 29 janvier 2018 avec avis de réception du 30 janvier 2017, et des factures versées aux débats, la SARL Le Condé est fondée à solliciter le paiement des sommes suivantes :

* la somme de 95,07 € correspondant au coût du remplacement de l'électrovanne gaz,

* la somme de 412,70 € correspondant au coût des matériaux de reprise des désordres,

* la somme de 500 € correspondant au coût du remplacement de la chambre froide,

* la somme de 13,90 € correspondant au coût du remplacement du support TV de la chambre 1,

* la somme de 175 € correspondant au coût du remplacement de la TV de la chambre 1,

* la somme de 172,80 € TTC correspondant au coût du remplacement d'une friteuse,

* la somme de 522 € correspondant au coût de vérification et d'entretien des organes de sécurité incendie.

* la somme de 222,04 € correspondant à la moitié du coût du procès-verbal d'état des lieux de sortie dressé par Me [T], huissier de justice.

Il convient, dans ces conditions, de condamner la SASU A & a à payer à la SARL Le Condé la somme de 2.113,51 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2019, date de l'assignation.

Le jugement entrepris sera réformé en ce sens.

La SARL Le Condé sera déboutée du surplus de sa demande à ce titre, les pièces produites ne présentant pas de valeur suffisamment probante de l'existence d'un adoucisseur d'eau (non mentionné dans la liste annexée au contrat, et dans le procès-verbal d'état des lieux de sortie), la nécessité de procéder au remplacement d'un rideau métallique et d'un volet roulant endommagés, de matériel de cuisine, à l'indemnisation des frais de remise en service du téléphone et de la perte du numéro de téléphone, et le jugement confirmé de ces chefs de demandes.

La SARL Le Condé sollicite en outre la somme de 5.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la mauvaise foi de la société A & a sur le fondement de l'article 1231-6 alinéa 3 du code civil selon lequel 'le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.'

Il est démontré ci-dessus que la SASU A & a a manqué à ses obligations de locataire-gérant. Pour autant, la preuve d'artifices jusqu'à faire du chantage à la procédure collective pour échapper à ses obligations, de pseudos griefs et interprétations formulées par la voie de son conseil afin de tenter d'intimider la société Le Condé et la convaindre de renoncer à son action en recouvrement

caractérisant la mauvaise foi de la SASU A & a selon la SARL Le Condé, n'est pas suffisamment rapportée.

Il n'est pas davantage démontré l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts de retard.

Il convient, en conséquence, de débouter la SARL Le Condé de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1231-6 alinéa 3 du code civil.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

- sur les autres demandes

La SASU A & a, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la SARL Le Condé ses frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés en cause d'appel qu'il convient d'évaluer à la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en sus de l'indemnité allouée en première instance et justement évaluée en équité à la somme de 1.500 € qui sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la SASU A & a à payer à la SARL Le Condé les intérêts au taux légal sur la somme de 7.108 € à compter du 01er décembre 2017, ainsi que la somme de 7.627,91 € au titre de la remise en état des lieux augmentée des intérêts au taux légal à compter du 01 décembre 2017;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la SASU A & a à payer à la SARL Le Condé la somme de 7.108 € en principal augmentée des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2017;

CONDAMNE la SASU A & a à payer à la SARL le Condé la somme de 2.113,51 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 janvier 2019;

CONDAMNE la SASU A & a à payer à la SARL Le Condé la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE la SASU A & a aux dépens d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 19/07489
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;19.07489 ?
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