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05/05/2022 | FRANCE | N°19/07082

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 05 mai 2022, 19/07082


ARRET







[H] EPOUSE [V]





C/



[H]

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[H]

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[H] EPOUSE [X]























































































VBJ/SGS





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE
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ARRET DU CINQ MAI DEUX MILLE VINGT DEUX





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 19/07082 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HP5Y



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AMIENS DU VINGT TROIS AOUT DEUX MILLE DIX NEUF





PARTIES EN CAUSE :



Madame [D] [H] épouse [V]

née le 18 Avril 1965 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité...

ARRET

[H] EPOUSE [V]

C/

[H]

[H]

[H]

[H]

[H] EPOUSE [X]

VBJ/SGS

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU CINQ MAI DEUX MILLE VINGT DEUX

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 19/07082 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HP5Y

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AMIENS DU VINGT TROIS AOUT DEUX MILLE DIX NEUF

PARTIES EN CAUSE :

Madame [D] [H] épouse [V]

née le 18 Avril 1965 à [Localité 15]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentée par Me Angélique CREPIN de la SCP CREPIN-HERTAULT, avocat au barreau D'AMIENS

APPELANTE

ET

Monsieur [O] [H]

né le 05 Octobre 1950 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 1]

Monsieur [R] [H]

né le 05 Octobre 1950 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 10]

Monsieur [Z] [H]

né le 25 Janvier 1959 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 7]

Monsieur [F] [H]

né le 22 Décembre 1960 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentés par Me Christian LUSSON de la SCP LUSSON ET CATILLION, avocat au barreau D'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Véronique BILLON, avocat au barreau de BREST

Madame [Y] [H] EPOUSE [X]

née le 11 Septembre 1952 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 11]

Assignée à étude le 02/11/2020

INTIMES

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L'affaire est venue à l'audience publique du 10 mars 2022 devant la cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Mme Christina DIAS DA SILVA Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE Conseiller, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l'audience, la cour était assistée de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

Sur le rapport de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 05 mai 2022, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 05 mai 2022, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

[M] [A] est décédée le 29 avril 2013 laissant pour lui succéder ses six enfants: Messieurs [O] [H], [R] [H], [Z] [H] et [F] [H], Mme [D] [V] et Mme [Y] [X]. Avant son décès, elle vivait à son domicile avec l'assistance de sa fille [D].

Mme [D] [V] et ses enfants ont renoncé à la succession de [M] [A] le 14 octobre 2013 et le 14 avril 2015.

Suivant acte des 5 et 8 mars 2018, Messieurs [O] [H], [R] [H], [Z] [H] et [F] [H] ont fait assigner Mme [D] [V] et Mme [Y] [X] en partage devant le tribunal de grande instance d'Amiens. Ils sollicitaient en outre la condamnation de Madame [D] [V] en restitution de sommes prélevées en liquide sur les comptes de leur mère avec procuration et sans procuration, des sommes obtenues de leur mère, sous les sanctions du recel successoral. Mme [D] [V] sollicitait le paiement d'une créance d'assistance.

Par jugement en date du 23 août 2019, le tribunal de grande instance d'Amiens a ainsi statué:

-Ordonne l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [M] [A], décédée le 29 avril 2013 à [Localité 15]

-Désigne pour y procéder Maître [B] [T], notaire au sein de la SCP [T] et Brisse à [Localité 15]

-Dit qu'en cas d'empêchement du notaire désigné, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance du magistrat commis

-Commet le Président de la première chambre du tribunal de grande instance d'Amiens avec faculté de délégation, pour surveiller les opérations de compte liquidation et partage

-Dit qu'en cas d'empêchement du magistrat commis, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance sur requête

-Dit que le notaire liquidateur devra dresser un état liquidatif dans un délai d'un an suivant sa désignation

-Dit que si un acte de partage amiable est établi le notaire en informera le juge commis

-Dit qu'en cas de désaccord des parties sur le projet d'état liquidatif établi par le notaire, celui-ci devra transmettre au Juge commis un procès-verbal reprenant les dires des parties et le projet d'état liquidatif

-Condamne Mme [H] épouse [V] à restituer à la succession :

-la somme de 39.900 euros, avec intérêts au taux légal courant à compter du présent jugement

-la somme de 6.700 euros, avec intérêts au taux légal courant à compter du présent jugement

-Condamne Mme [H] épouse [V] à verser à Messieurs [H] la somme de 2.242 euros (incluant les frais de recherche auprès des banques) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

-Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage

-Rejette la demande d'exécution provisoire

-Rejette toute plus ample demande.

Mme [V] a interjeté appel de ce jugement le 25 septembre 2019.

Par conclusions en date du 10 mai 2021, Mme [V] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [V] à restituer à la succession la somme de 39 900 euros avec intérêts au taux légal courant à compter du jugement outre 6 700 euros avec intérêts au taux légal courant et l'infirmer en ce qu'il a rejeté la demande de fixation au bénéfice de Mme [V] d'une créance d'assistance d'un montant de 114 278 euros .

En conséquence:

-Dire et juger irrecevables Messieurs [O] [H], [R] [H], [Z] [H] et [F] [H] de leur demande de restitution à la succession des sommes de 39 900 euros et 6700 euros .

-Débouter Messieurs [O] [H], [R] [H], [Z] [H] et [F] [H] de leur demande de restitution à la succession des sommes de 39 900 euros et 6 700 euros au taux légal courant à compter du jour du jugement.

-Les débouter de leur demande de condamnation de Mme [V] en tous les frais de recherche auprès des banques.

-Dire et juger que Mme [V] est bien fondée à solliciter la fixation d'une créance d'assistance sur les successions d'un montant de 114 278 euros .

-Ordonner la compensation entre les sommes, le cas échéant, mise à sa charge et ladite créance.

-Condamner solidairement Messieurs [O] [H], [R] [H], [Z] [H] et [F] [H] au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

-Les condamner solidairement aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de la SCP Crepin-Hertault.

Par conclusions en date du 26 août 2021, Messieurs [O] [H], [R] [H], [Z] [H] et [F] [H] demandent à la cour de:

* confirmer le jugement du en ce qu'il a :

- Ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [M] [A] et désigné pour y procéder Me [T], notaire, notaire

- Condamné Mme [V] à restituer à la succession les sommes de 39.900 euros et 6.700 euros avec intérêts au taux légal courant,

- Condamné Mme [V] à verser à Messieurs [H] la somme de 2.242 euros (incluant les frais de recherche auprès des banques) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- Rejeté la demande de fixation au bénéfice de [U] [V] d'une créance d'assistance d'un montant de 114.278 euros;

*infirmer le jugement en ce qu'il a:

- Dit que les sommes de 39.900 euros et 6.700 euros portent intérêts au taux légal courant à compter du jugement

- Jugé que le recel successoral n'est pas constitué pour les retraits en espèce de 39.900 euros

- Jugé que le recel successoral n'est pas constitué pour les donations de 13.700 euros

- Débouté les demandeurs de leur demande de rapport des donations d'un montant total de 13.700 euros

- Déclarer irrecevable et non prescrite la demande de créance d'assistance de Mme [V]

En conséquence, statuant à nouveau de ces chefs

- Condamner Mme [V] à restituer à la succession les sommes de 39.900 euros et 6.700 euros avec intérêts au taux légal courant au jour de l'ouverture de la succession le 29 avril 2013 sans pouvoir prétendre à aucune part sur ces sommes, le recel étant constitué

- Ordonner le rapport par Mme [D] [V] à la succession de sa mère Mme [M] [A] de la somme de 13.700 euros avec intérêts au jour de l'ouverture de la succession au titre des dons manuels à son profit sans pouvoir prétendre à aucune part sur ces sommes, le recel étant constitué

- Déclarer prescrite la demande en paiement de Mme [D] [V] d'une créance d'assistance et à défaut la juger mal fondée et l'en débouter

-Débouter Mme [D] [V] de sa demande d'irrecevabilité des demandes en restitution des sommes de 39.900 euros et 6.700 euros au taux légal à compter du jugement

-Condamner Mme [D] [V] à verser aux concluants la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

-Débouter Mme [D] [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

[Y] [X] n'a pas constitué avocat. La déclaration d'appel et les conclusions de Mme [V] du 24 décembre 2019 lui ont été signifiées à personne le 2 janvier 2021.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 décembre 2021 et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 10 mars 2022.

CECI EXPOSE, LA COUR:

Non contesté dans le dispositif des dernières conclusions des parties (qui seules saisissent la cour) en ce qu'il a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [M] [A], décédée le 29 avril 2013 à [Localité 15], condamné Mme [H] épouse [V] à verser à Messieurs [H] la somme de 2.242 euros (incluant les frais de recherche auprès des banques) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation et partage, le jugement sera confirmé de ces chefs.

*****

Il est constant que:

-entre le 10 juin 2008 et le 23 avril 2013, des retraits en liquide pour un montant total de 39 900 euros ont été effectués sur les comptes de [M] [A] par Mme [V] qui disposait d'une procuration,

-les 20 juillet 2010, 2 mai 2011, 29 février 2012 et 22 mars 2022, Mme [V] a effectué des retraits en liquide pour 6700 euros sans bénéficier de procuration,

-Mme [V] a reconnu devant les premiers juges avoir, ainsi que son conjoint, bénéficié de virements bancaires de 3500 euros, 2000 euros et 500 euros et qu'un chèque de 7700 euros a été émis par [M] [A] à son profit et au profit de son conjoint, ce qui constituent des donations pour un total de 13 700 euros.

Sur la recevabilité des demandes de restitution des sommes de 39 900 euros et 6700 euros:

Mme [V] conclut à l'irrecevabilité de cette demande formée à son encontre en raison de sa prescription.

Elle soutient que l'action engagée par ses frères est une action personnelle, étrangère au droit des successions, dont la sanction ne peut être que des dommages-intérêts et non la restitution de fonds à la succession et qui est fondée:

- sur une faute qu'elle aurait commise dans l'exécution du mandat qui lui avait été donné par sa mère pour la somme de 39 900 euros

- sur une faute quasi délictuelle pour la somme de 6700 euros.

Dès lors que plus de 5 années se sont écoulées depuis les retraits litigieux, la demande de restitution est prescrite.

Les consorts [H] exposent rechercher la responsabilité de leur s'ur en raison de son fait personnel en qualité de mandataire et sur un fondement quasi délictuel et n'avoir eu connaissance des retraits litigieux qu'après avoir sollicité les banques dans les mois qui ont suivi le décès de leur mère. Ainsi, quelque soit la date des retraits, ils ne pouvaient en connaître l'existence avant le décès de leur mère le 29 avril 2013. L'assignation ayant été délivrée le 5 mars 2018, leur demande est recevable.

Sur quoi:

Aux termes de l'article 122 de code de procédure civile : 'Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.'.

L'article 2224 du Code civil prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour ou le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, l'existence des prélèvements et versements litigieux n'a été révélée à Messieurs [O] [H], [R] [H], [Z] [H] et [F] [H] qu'après qu'ils ont pu obtenir les documents et relevés réclamés à la Banque Postale le 25 novembre 2013 et à la BNP le 28 août 2014.

Les assignations en restitution ont été délivrés les 5 et 8 mars 2018, donc avant l'expiration du délai de 5 ans suivant la connaissance des faits fondant leurs demandes lesquelles sont donc recevables.

Sur la demande de restitution des sommes de 39 900 euros:

Pour condamner Mme [V] à la restitution de la somme de 39 900 euros, le tribunal a retenu que par la procuration que lui avait confiée sa mère sur ses comptes, elle lui avait donné mandat dont elle était tenue de rendre compte en justifiant notamment de l'utilisation des fonds perçus ou prélevés, et notamment de démontrer qu'elle n'a pas personnellement bénéficié des sommes. Mme [V] ne justifiant pas de l'utilisation des sommes prélevées en prouvant qu'elles ont été destinées à assurer les dépenses personnelles de [M] [A], compte tenu du caractère excessif du total des retraits effectués en 2011 et 2012, au visa des dispositions de l'article 1993 du Code civil, le tribunal l'a condamnée à restituer.

Mme [V] demande à la cour d'infirmer le jugement sur ce point relevant que les dispositions de l'article 1992 du code civil qui prévoient que la responsabilité pour faute du mandataire sont appliquées moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit.

Elle ajoute qu'est demeurée auprès de leur mère qui ne pouvait vivre seule, ni même, à compter de 2011, sortir de chez elle, comme le reconnaissent d'ailleurs ses frères. C'est alors qu'elle a effectué pour elle les retraits contestés. Or leur mère avait toute sa tête et profitait pleinement de l'argent prélevé. Après paiement des charges fixes sur sa retraite de 2489 euros, [M] [A] disposait de 955 euros par mois pour les dépenses de la vie courante: le total des retraits de 39 900 euros correspond en réalité à une moyenne de 665 € prélevés par mois en espèces et correspond donc aux dépenses de la vie courante de leur mère.

Elle soutient que sa bonne foi et son désintérêt total sont exclusifs de toute faute.

Les consorts [H] concluent à la confirmation du jugement qui a condamné Mme [V] à la restitution à la succession de la somme de 39 900 euros faisant valoir que ces retraits ne peuvent correspondre aux charges courantes de leur mère qui n'aurait jamais dépensé 239 euros par semaine en frais de bouche et habillement, ses besoins étaient modérés et faits de plaisirs simples. En estimant ses besoin par mois à 500 euros, elle pouvait mensuellement économiser 455 euros soit au total sur la période 18 200 euros. Ils ajoutent qu'en 2010,2 1011 et 2012 [M] [A] a fait des rachats sur les contrats d'assurance-vie pour un montant total de 29 000 euros et que ces rachats précèdent immédiatement les retraits en espèces ( 3000 euros fin juillet 2010, 1500 euros en février 2011, 2000 euros en juin 2011 en trois fois, 2000 euros en janvier 2012 en deux fois, 2500 euros en août 2012 en deux fois et 3000 euros en novembre 2012 en deux fois). Ils contestent la moyenne de retrait de 665 euros par mois sur la période de 6 ans retenue par leur s'ur alors que les retraits se sont étalés sur 3 ans à la Banque Postale soit 1108 euros par mois

Sur quoi:

L'article 1993 du Code civil prévoit que tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eut point été dû au mandant. Le mandataire est tenu de la réédition des comptes, devant justifier de l'utilisation des fonds perçus ou prélevés.

S'agissant d'un enfant ayant, en vertu d'une procuration donnée par sa mère, effectué des retraits sur les compte de celle-ci, il lui incombe de rendre compte de l'utilisation de ces fonds.

Il résulte des pièces versées aux débats que:

-les revenus de [M] [A] s'élevaient à 2489 euros par mois, et après paiement des charges fixes elle disposait de 955 euros pour ses charges courantes,

-à compter du 18 mars 2002, [M] [A] a donné procuration à sa fille Mme [V] sur son Livret A et sur son compte ouvert auprès de La Poste, ces procurations étant connues de tous les enfants comme était connue la présence quotidienne de Mme [V] auprès de leur mère permettant son maintien à domicile,

-la somme de 39 900 euros objet des débats correspond aux retraits d'espèces opérés sur les livret A et CCP entre le 10 juin 2008 et le 23 avril 2013,

-celle de 6700 euros correspond aux retraits d'espèces opérés sur les comptes LEP sans procuration.

Selon le tableau établi par les consorts [H] que pour l'année 2011, la moyenne mensuelle des retraits est de 1100 euros , en 2012 de 1250 euros et en 2013 de1625 euros

Il ressort de ce tableau en considération de la période sur laquelle ont été effectués les retraits avec procuration, ceux ci sont supérieurs au reste à vivre de 995 euros. Si les prélèvements en liquide pour faire face aux besoins de la vie courante d'une personne âgée qui ne dispose pas d'autre moyen de paiement, sont admis, ils doivent en revanche correspondre à ses capacités financières.

Ainsi pour la période de janvier 2011 à la date du décès de [M] [A], son reste à vivre s'élevait à 955 * 26 mois: 26470 euros.

Au delà de cette somme, soit pour 13 430 euros il n'est nullement justifié de ce que les retraits en liquide ont été faits dans son intérêt.

Il convient donc d'infirmer le jugement qui a condamné Mme [V] à restituer la somme de 39 900 euros et de la condamner à restituer 13 430 euros à la succession.

Sur la demande de restitution de la somme de 6700 euros:

La somme de 6700 euros correspond à des retraits d'espèces effectués par Mme [V] sans procuration, en l'absence de preuve d'un mandat tacite et n'étant pas justifié que ces sommes n'ont pas été employées dans son propre intérêt, le tribunal a considéré, au visa de l'article 1240 du Code civil, que cette soustraction injustifiée constitue une faute causant à la succession un préjudice en la privant des sommes qui avaient vocation à intégrer l'actif successoral.

Mme [V] conclut à l'infirmation du jugement et soutient qu'en l'absence de procuration et donc de mandat, les dispositions de l'article 1993 ne peuvent s'appliquer et en tout état de cause la faute qui lui est reprochée ne saurait se déduire de l'absence de devis ou de factures justifiant de l'utilisation effective des fonds comme l'a retenu le tribunal qui a estimé que tout retrait d'argent opéré sur le compte constituait nécessairement une donation à son profit.

Les consorts [H] concluent à la confirmation du jugement.

Sur quoi:

Il résulte de l'article 1240 du code civil que tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [V] a prélevé en trois retraits la somme de 6700 euros des comptes de sa mère sur lesquels elle n'avait aucune procuration.

La seule affirmation de Mme [V] qu'elle était de bonne foi et que cet argent était destiné à sa mère ne sauraient suffire à établir qu'elle avait mandat pour ce faire.

En agissant de la sorte, alors qu'elle disposait de procuration sur les autres comptes, Mme [V] a commis une faute entraînant un préjudice pour la succession.

Il convient donc de confirmer le jugement qui a considéré que cette soustraction injustifiée constitue une faute qui a causé à la succession un préjudice en la privant des sommes qui avaient vocation à intégrer l'actif successoral et a condamné Mme [V] à payer à la succession la somme de 6700 euros de dommages-intérêts.

Sur le rapport à succession de la somme de 13 700 euros:

Pour débouter Messieurs [O] [H], [R] [H], [Z] [H] et [F] [H] leur demande de rapport des donations d'un montant de 13 700 euros le tribunal a retenu que Mme [V] reconnaissait une donation d'un montant de 13 700 euros, que la défunte n'en avait pas expressément exigé le rapport et qu'il ne pouvait être déduit du silence sur l'existence de ces donations une volonté délibérée de les dissimuler et de porter atteinte aux droits des autres héritiers.

Messieurs [O] [H], [R] [H], [Z] [H] et [F] [H] concluent à l'infirmation du jugement sur ce point dès lors que tant que la masse partageable n'est pas reconstituée il n'est pas possible de dire si ces donations dépassent la quotité disponible.

Sur quoi:

Il résulte de l'article 845 du code civil que l'héritier qui renonce à la succession peut cependant retenir le don entre vifs ou réclamer le legs à lui fait jusqu'à concurrence de la portion disponible à moins que le disposant ait expressément exigé le rapport en cas de renonciation.

En l'espèce, Mme [V] a reconnu devant les premiers juges que le virement bancaire de 3500 euros, 2000 euros et 500 euros destinés à elle-même et à son conjoint ainsi que le chèque de 7700 euros émis par [M] [A]. S'agissant de sommes provenant de sa mère versées sur un compte joint, elles constituent des biens propres de Mme [V] qui ne saurait donc prétendre, en l'absence de preuve d'une intention libérale de [M] [A] à l'égard de son époux, qu'elle était la seule bénéficiaire de ces sommes.

En tout état de cause, [M] [A] n'ayant pas expressément exigé le rapport de ces donations et n'étant pas démontré, par les consorts [H] qu'il y a, en l'état de la déclaration de succession, un dépassement de la quotité disponible, le jugement sera confirmé en ce qu'il a considéré que ces donation n'étaient pas rapportables en application des dispositions de l'article 845 du Code civil et a débouté les demandeurs de leur demande de rapport des donations d'un montant de 13 700 euros.

Sur le recel successoral:

Pour débouter les héritiers de leur demande au titre du recel successoral de la somme de 39 900 euros, de celle de 6700 euros et de celle de 13 700 euros, le tribunal a retenu qu'ils ne démontraient pas l'intention frauduleuse de Mme [V] car la destruction des archives bancaires en sa possession parmi d'autres objets appartenant à leur mère dans les jours qui ont suivi les obsèques n'implique pas nécessairement qu'elle ait entendu porter atteinte aux droits des autres héritiers, mais simplement mettre de l'ordre dans les effets personnels de la défunte. Le tribunal a considéré qu'elle avait pu se débarrasser de ces documents par ignorance de leur importance pour la succession. L'absence de réponse aux nombreuses demandes des autres héritiers et du notaire de les communiquer s'explique ainsi par le fait qu'elle ne détenait plus ces relevés de comptes bancaires litigieux

Messieurs [O] [H], [R] [H], [Z] [H] et [F] [H] soutiennent que le recel est parfaitement caractérisé dès lors que Mme [V] a dissimulé à la succession les sommes d'argent qu'elle avait reçues de sa mère, que lors de la réunion chez le notaire le 30 juillet 2013, elle a tu la perception de ces donations, qu'elle a détruit les archives bancaires de leur mère avant qu'on lui en demande communication, qu'elle s'est abstenue de répondre aux demandes insistantes qui lui étaient faites et qu'elle s'est précipitée pour renoncer à la succession pour échapper au rapport des donations qu'elle seule connaissait.

Mme [V] soutient que dès lors qu'elle a renoncé à la succession elle n'est plus héritière et qu'ainsi il ne peut lui être opposé le recel. En tout état de cause le recel impose la démonstration dans l'élément intentionnel qui ne saurait se déduire de ce qu'elle a brûlé des documents après le décès de sa mère. En effet conformément au testament olographe de leur mère du 13 décembre 2002 elle a demandé à tous les héritiers si quelqu'un souhaitait récupérer quelque chose et en l'absence de réponse elle a détruit les documents et papiers: ainsi elle a sollicité ses frères et s'urs avant de faire le tri et ne les a nullement brûlés sans les aviser comme ils le prétendent. Elle ajoute que si ses frères avaient été présents à ses côtés pour effectuer le tri dans les affaires de leur mère ils auraient pu apprécier la teneur des documents.

Sur quoi:

L'article 778 du code civil dispose que sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l'héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l'auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L'héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession.

Mme [V] ne saurait soutenir que cette disposition ne s'appliquerait pas en cas de renonciation dès lors que cet article prévoit expressément que le recel successoral peut être opposé l'héritier renonçant.

Le recel et le divertissement existent dès que sont établis des faits matériels manifestant l'intention de porter atteinte à l'égalité du partage, et ce, quels que soient les moyens mis en 'uvre.

Le recel suppose établis deux éléments: l'un matériel qui consiste en tout procédé frauduleux quel qu'il soit, dès lors que la rétention des effets de la succession est postérieure au décès (ainsi la dissimulation d'une donation soumise à rapport ou d'une dette envers le défunt) et d'un élément intentionnel, consistant dans l'intention de rompre à son profit l'égalité du partage.

Le recel ne saurait résulter de l'usage de la faculté légale de renoncer à la succession.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la destruction des documents bancaires de la défunte a été faite concomitamment avec celles d'autres objets appartenant à la défunte après un tri effectué par Mme [V] avec l'accord de ses frères et s'ur et alors qu'aucun des héritiers n'avait encore réclamé quelque information que ce soit, il ne constitue donc pas un procédé frauduleux utilisé par Mme [V] postérieurement au décès.Cette destruction des archives bancaires effectuée avec d'autres objets appartenant à la défunte ne saurait s'interpréter comme l'élément matériel d'un recel.

Par ailleurs, comme l'a justement relevé le tribunal, dès lors qu'elle ne détenait plus les relevés de comptes bancaires litigieux, il est explicable que Mme [V] soit demeurée sourde aux nombreuses demandes des autres héritiers et du notaire de les communiquer. Cette absence de réponse aux courriers ultérieurs, dans ces conditions, ne caractérise nullement sa volonté de rompre à son profit l'égalité du partage.

Il convient donc de confirmer le jugement qui a considéré que le recel successoral n'était pas caractérisé s'agissant des sommes de 39 900 euros, 6700 euros et de celle de 13 700 euros.

Sur la créance d'assistance:

Mme [V] demande à la cour de confirmer le jugement qui a déclaré sa demande en paiement d'une créance d'assitance recevable et de l'infirmer en ce qu'il l'en a déboutée. Elle soutient qu'elle pouvait formuler une demande de créance d'assistance au cours de la procédure en partage dès lors que la succession n'était pas liquidée.

Les consorts [H] concluent à l'infirmation du jugement qui a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription et demande à la cour de déclarer prescrite la demande en paiement d'une créance d'assistance, le point de départ de la prescription quinquennale étant la date du décès de [M] [A], le 29 avril 2018 et la demande en paiement n'ayant été formée que par conclusions notifiées le 30 novembre 2018.

Sur quoi:

En application de l'article 1303 du code civil, 'Celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié doit, à celui qui s'en trouve enrichi, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement'.

Il est admis en jurisprudence, en application de ce principe de l'enrichissement sans cause, que l'enfant héritier qui s'est consacré à l'entretien et aux soins de ses parents au-delà de ce qu'exigeait le devoir de piété filiale ou l'obligation alimentaire des enfants à l'égard de leur parents, sans intention libérale particulière, a droit à une indemnité envers ses co-héritiers lorsque ses prestations ont entraîné un enrichissement de ses parents, lequel peut résulter des économies faites, et un appauvrissement de l'héritier.

Cette créance d'assistance se prescrit en 5 ans, selon les règles de droit commun prévues à l'article 2224 du code civil, le point du départ du délai de prescription étant la date du décès du parent auquel un enfant s'est consacré, le décès faisant naître la créance.

Il résulte de l'article 2241 du Code civil que si en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte tende aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.

Pour écarter la fin de non-recevoir tiré de la prescription opposée à Mme [V] relatives à une créance d'assistant, le tribunal a retenu qu'en assignant Mme [V] en partage les 3 et 5 octobre 2018, les consorts [H] avait interrompu le délai de prescription de l'ensemble des demandes susceptibles d'établir l'actif et le passif de la succession.

Cependant l'action en paiement d'une créance d'assistance par un héritier renonçant, qui ne tend ni à la liquidation de l'indivision successorale ni à l'allotissement de son auteur, n'a pas la même finalité que l'action en partage et ne peut donc être considéré comme virtuellement comprise dans celle-ci.

L'assignation en partage ne peut donc avoir eu pour effet d'interrompre le délai de prescription de l'action en paiement de la créance d'assistance.

En l'espèce:

- [M] [A] est décédée le 29 avril 2013.

- assignée suivant acte du 3 octobre 20018 en partage par les consorts [H], Mme [V], qui avait renoncé à la succession le 14 octobre 2013, a sollicité paiement d'une créance d'assistance par conclusions du 30 novembre 2018.

Plus de cinq années s'étaient écoulées depuis le décès de [M] [A] lorsque Mme [V] a conclu en formant sa demande en paiement.

Il convient donc d'infirmer le jugement qui a déclaré recevable la demande de Mme [V] et de la déclarer irrecevable comme prescrite.

Sur les demandes accessoires:

Le sens du présent arrêt justifie que chaque partie conserve à sa charge les dépens qu'elle aura exposés pour la procédure d'appel.

L'équité commande qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

Par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en dernier ressort:

Déclare recevables les demandes en restitution des sommes de 39 900 euros et 6700 euros formées par Messieurs [O] [H], [R] [H], [Z] [H] et [F] [H],

Confirme le jugement rendu le 23 août 2019 sauf en ce qu'il a:

-condamné Mme [H] épouse [V] à restituer à la succession la somme de 39.900 euros, avec intérêts au taux légal courant à compter du présent jugement,

-déclaré recevable le demande en indemnité pour assistance formée par Mme [V],

Statuant à nouveau et y ajoutant:

Condamne Mme [H] épouse [V] à restituer à la succession la somme de 13 430 euros, avec intérêts au taux légal courant à compter du présent jugement,

Déboute Messieurs [O] [H], [R] [H], [Z] [H] et [F] [H] du surplus de leur demande en restitution,

Déclare irrecevable comme prescrite la demande formée par Mme [V] en paiement d'une indemnité au titre d'une créance d'assistance,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens de la procédure d'appel qu'elle aura exposés.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/07082
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;19.07082 ?
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