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28/04/2022 | FRANCE | N°20/00931

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Chambre Économique, 28 avril 2022, 20/00931


ARRET



















CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PI CARDIE





C/



[N]

[W]









DB





COUR D'APPEL D'AMIENS



CHAMBRE ÉCONOMIQUE



ARRET DU 28 AVRIL 2022





N° RG 20/00931 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HU5F



JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 14 FÉVRIER 2020





PARTIES EN CAUSE :





APPELANTE







CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]





Représentée par Me Emilie DENYS substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avo...

ARRET

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PI CARDIE

C/

[N]

[W]

DB

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE ÉCONOMIQUE

ARRET DU 28 AVRIL 2022

N° RG 20/00931 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HU5F

JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SAINT-QUENTIN EN DATE DU 14 FÉVRIER 2020

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL BRIE PICARDIE, agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Emilie DENYS substituant Me Franck DERBISE de la SCP LEBEGUE DERBISE, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 06

ET :

INTIMES

Madame [F] [N] épouse [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Monsieur [I] [W]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentés par Me Frédéric MALINGUE substituant Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'AMIENS, vestiaire : 65

Ayant pour avocat plaidant Me Jérémie BOULAIRE, avocat au barreau de DOUAI

DEBATS :

A l'audience publique du 05 Octobre 2021 devant Mme Dominique BERTOUX, entendue en son rapport, magistrat rapporteur siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2021.

GREFFIER : Mme Charlotte RODRIGUES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme Dominique BERTOUX, en a rendu compte à la Cour composée de :

Mme Dominique BERTOUX, Présidente de chambre,

Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,

et Mme Cybèle VANNIER, Conseillère,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le délibéré a été prorogé au 28 avril 2022.

Le 28 avril 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Mme Dominique BERTOUX, Présidente a signé la minute avec Mme Vanessa IKHLEF, Greffier.

DECISION

Suivant offre de prêt émise le 07 décembre 2010 et acceptée le 20 décembre 2010, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel Brie Picardie a consenti à Monsieur [I] [W] et Madame [F] [N], épouse [W], un crédit immobilier d'un montant de 110.000 € remboursable en 120 mensualités, au taux nominal fixe de 3,15% l'an et au taux effectif global de 3,4038% l'an, pour financer l'acquisition de leur résidence principale.

Expliquant que leur attention avait été attirée concernant d'éventuelles anomalies contractuelles et qu'une expertise avait révélé que le prêt litigieux stipulait des intérêts calculés sur la base d'une année de 360 jours, M.[I] [W] et Mme [F] [N] épouse [W] ont, par acte d'huissier de justice du 14 mars 2019, fait assigner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie devant le tribunal de commerce de Saint-Quentin, qui, par jugement du 14 février 2020, a :

- débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie de ses moyens, fins et conclusions;

- dit recevables et fondées les demandes des époux [W];

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée;

- constaté que les intérêts périodiques du prêt n° 72186068381 ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile;

- ordonné en conséquence la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat de prêt initial;

- dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie devra établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année après année, le cas échéant, semestre par semestre;

- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie à restituer aux époux [W] le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel du prêt n° 72186068381 et les intérêts au taux légal, et notamment la somme à parfaire de 12.000 euros, au titre du prêt n°2186068381, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation;

- dit que lesdites sommes devront être actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de souscription du contrat;

- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie à payer aux époux [W] la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté contractuelle;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement;

- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie à payer aux époux [W] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- rejeté toutes demandes et prétentions contraires de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie;

- condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie aux entiers dépens de l'instance.

La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 26 février 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions remises le 14 septembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions;

statuant à nouveau,

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel;

- dire et juger les époux [W] prescrits en leurs demandes à son égard;

- en conséquence, débouter les époux [W] de l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions;

A titre subsidiaire,

- dire et juger les époux [W] mal fondés en leurs demandes, dès lors qu'il n'est pas démontré l'existence d'un écart supérieur à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation entre le taux mentionné dans le crédit et le taux réel compte tenu d'une différence de 2,11 € entre les intérêts calculés sur la base de l'année lombarde et les intérêts calculés sur la base d'une année de 360 jours;

- en conséquence, débouter les époux [W] de l'ensemble de leurs demandes, moyens, fins et conclusions;

A titre très subsidiaire,

- dire et juger que l'erreur dans le calcul des intérêts conventionnels ne peut être sanctionnée que par des dommages et intérêts ou la déchéance du droit aux intérêts à hauteur de 2,11 € en application de l'article L312-33 du code de la consommation;

- condamner in solidum les époux [W] à lui payer une somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions d'intimés remises le 1er septembre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé détaillé des moyens développés, M. et Mme [W] demandent à la cour de:

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

* dit recevables et fondées les demandes des époux [W];

* constaté que les intérêts périodiques du prêt n° 72186068381 ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile;

* ordonné en conséquence la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat de prêt initial;

* dit que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie devra établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel, depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année après année, le cas échéant, semestre par semestre;

* condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie à restituer aux époux [W] le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel du prêt n° 72186068381 et les intérêts au taux légal, et notamment la somme à parfaire de 12.000 euros, au titre du prêt n°2186068381, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation;

* dit que lesdites sommes devront être actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie, au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre, depuis la date de souscription du contrat;

* condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie à payer aux époux [W] la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Subsidiairement, si par impossible le jugement était infirmé et la substitution des intérêts légaux aux intérêts conventionnels écartée,

- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels du prêt n°72186068381;

En tout état de cause,

- condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie à leur payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter toutes demandes et prétentions contraires de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie;

- condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 05 octobre 2021.

SUR CE

- sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes des époux [W]

Les époux [W], arguant de l'existence d'une erreur affectant le taux effectif global du prêt, avaient sollicité en première instance notamment qu'il soit constaté que les intérêts périodiques du prêt n°7218606831 ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, soit sur une base autre que l'année civile et ordonné en conséquence la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial souscrit par eux.

Le tribunal a fait droit à ces demandes.

En cause d'appel ils sollicitent la confirmation de la décision de ces chefs.

Ces demandes doivent s'analyser en une demande d'annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l'intérêt légal. Ils sollicitent, à titre subsidiaire, la déchéance de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie du droit aux intérêts.

L'article L.313-1 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 24 mars 2006 au 01er mai 2011, applicable en l'espèce, le contrat de crédit immobilier ayant été souscrit le 07 décembre 2010, dispose que 'Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Toutefois, pour l'application des articles L. 312-4 à L. 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.

En outre, pour les prêts qui font l'objet d'un amortissement échelonné, le taux effectif global doit être calculé en tenant compte des modalités de l'amortissement de la créance.

Un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'application du présent article.'

Selon l'article L.313-2 du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 24 mars 2006 au 19 mars 2014, applicable en l'espèce, 'Le taux effectif global déterminé comme il est dit à l'article L. 313-1 doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente section.

Toute infraction aux dispositions du présent article sera punie d'une amende de 4 500 €.'

Depuis l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019, le nouvel article L. 341-48-1 du Code de la consommation prévoit que 'En cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global prévue à l'article L. 314-5, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur.

Lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.'

Il est admis qu'en l'absence de sanction prévue par la loi, exception faite de l'offre de prêt immobilier et du crédit à la consommation, il est jugé qu'en application des articles 1907 du code civil et L. 313-2, alinéa 1, précité, l'inexactitude de la mention du TEG dans l'écrit constatant tout contrat de prêt, comme l'omission de la mention de ce taux, qui privent l'emprunteur d'une information sur son coût, emportent l'annulation de la clause stipulant l'intérêt conventionnel et la substitution à celui-ci de l'intérêt légal (1re Civ., 24 juin 1981, pourvoi n° 80-12.903, Bull. 1981, I, n° 234 ; 1re Civ., 15 octobre 2014, pourvoi n° 13-16.555, Bull. 2014, I, n° 165) ; que, pour les contrats souscrits postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2019-740 du 17 juillet 2019, en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global dans un écrit constatant un contrat de prêt, le prêteur n'encourt pas l'annulation de la stipulation de l'intérêt conventionnel, mais peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur ; que, dans ces conditions, pour permettre au juge de prendre en considération, dans les contrats souscrits antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance précitée, la gravité du manquement commis par le prêteur et le préjudice subi par l'emprunteur, il apparaît justifié d'uniformiser le régime des sanctions et de juger qu'en cas d'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de prêt, comme en cas d'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge (Cass.1ère civ. 10 juin 2020 n°18-24287)

Ainsi, désormais, un seul régime vaut, y compris pour les actions judiciaires en cours, comme en l'espèce, à savoir la déchéance du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, au regard de l'appréciation par ce dernier, du préjudice subi par les emprunteurs.

Il s'en déduit qu'en l'espèce la seule action possible en cas de TEG erroné est l'action en déchéance du droit aux intérêts.

Ceci étant précisé, l'action tant en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel qu'en déchéance du droit aux intérêts conventionnels du prêteur en raison d'une erreur affectant le taux effectif globlal, est soumise, comme toutes les actions personnelles à la prescription quinquennale prévue à l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile,contrairement à ce que soutiennent les époux [W] qui se prévalent de la déloyauté de la banque qui lui interdirait de se prévaloir d'une quelconque prescription.

Si, aux termes de l'article 2224 du code civil, le délai de prescription de l'action en nullité court « à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. », ce qui signifie que tant que le titulaire de l'action en nullité n'a pas connaissance de la cause de nullité qui affecte l'acte, le délai de prescription ne court pas, l'article 2232 al.2 prévoit que « le report du point de départ, la suspension ou l'interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. » Ainsi une limite dans le temps au report du point de départ du délai de prescription lié à l'ignorance qu'a pu avoir le justiciable des faits qui lui permettent d'agir, est posé. Dès que le justiciable en a connaissance, il dispose d'un délai de cinq ans pour agir. Le délai butoir de 20 ans invoqué par les époux [W] ne fait donc pas obstacle à la prescription quinquennale de leur action dont le point de départ court à compter de leur connaissance des faits leur permettant d'agir.

Par ailleurs, il résulte des articles 1304 et 1907 anciens du code civil et L.312-2 du code de la consommation, que le point de départ de cette action engagée par l'emprunteur à raison d'une erreur affectant le TEG est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur ou, lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur. Ainsi, la prescription peut être acquise, dans cette hypothèse, concernant les contrats de crédit toujours en cours d'exécution, contrairement à ce que soutiennent les époux [W].

Il est admis que pour fixer au jour de la convention le point de départ du délai pour agir, il convient d'évaluer si l'emprunteur non-professionnel, pouvait être en mesure de déceler l'erreur à cette date.

En outre le point de départ du délai de prescription ne peut résulter de la seule volonté des emprunteurs de faire vérifier leur offre de prêt par un analyste financier sous peine de rendre imprescriptible ce type d'action.

Le point de départ du délai de prescription est donc susceptible de varier selon les éléments sur lesquels porte l'erreur et notamment selon qu'ils étaient facilement contrôlables par tout profane ou qu'ils impliquaient un calcul complexe et une expertise renforcée.

A cet égard, en l'espèce, les appelants font figurer parmi les pièces communiquées en première instance, le rapport d'expertise sur l'emprunt. Bien que visé au bordereau, ce document fondant l'action des époux [W] ne se trouve pas au dossier de ces derniers, ce que relève également la société intimée dans ses conclusions.

En l'espèce l'offre de prêt est rédigée dans les termes suivants :

' COUT TOTAL DU CREDIT

Intérêts du crédit au taux de 3,1500 % l'an : 18.376,19 € ;

Frais fiscaux : 0 € ;

Frais de dossier : 360 € ;

Frais de prise de garantie hypotécaire évalués à: 860,00 € ;

Coût du crédit : 19.696,19 € ;

Taux effectif global: 3,4038 % l'an ;

Taux effectif global en fonction de la périodicité mensuelle : 0,2837 %;

Après avoir pris connaissance des conditions d'émission du capital, l'Emprunteur déclare adhérer au capital social du Prêteur en la personne de la caisse locale de HAM par la souscription de parts sociales, pour un total de 100,00 €

CONDITIONS DE REMBOURSEMENT

Périodicité: mensuelle

Nombre d'écéhances : 120 jour d'échéance retenu le : 15

montant des échéances sans assurance décès invalidité :

119 échéances de 1.069,80 € (capital et intérêts)

1 échéance de 1.069,99 € (capital et intérêts).

La banque produit un tableau d'amortissement paraphé et signé des emprunteurs comprenant un tableau intégrant à nouveau les conditions de remboursement, le montant du prêt 110.000 €, la périodicité mensuelle, le taux du prêt 3,1500 % fixe, le nombre d'échéances 120, la somme à payer tous les mois comprenant le capital, les intérêts, soit les 119 premières mensualités d'un montant de 1.069,80 € chacune, et la 120ème d'un montant de 1.069,99 €, et ce en conformité avec les mentions de l'offre de prêt, et mentionnant mois par mois le capital restant dû.

Les époux [W] produisent de leur côté, un tableau d'amortissement faisant état d'une première mensualité au 15 janvier 2011 d'un montant de 935,05 € qu'ils auraient soumis pour analyse à l'expert qui aurait relevé, selon leurs déclarations, 'qu'un déblocage de fonds a été réalisé le 30 décembre 2010 pour un montant de 110.000 € et la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie a prélevé le 15 janvier 2011, soit sur une période de 16 jours, la somme de 154 € au titre des intérêts...le taux étant de 3,15% par an, cette somme de 154 € procède de l'application pour le calcul des intérêts, d'un diviseur 360...l'application du diviseur 360 a engendré ici une majoration du montant des intérêts car, sur la base d'une année civile de 365 jours, le calcul des intérêts aurait dû être le suivant : 110.000 € x 3,15% l'an/365 jours x 16 jours = 151,89 €.'

Les données complètes contenues dans l'offre sus mentionnées, rapportées au nombre de jours dans le mois et dans l'année dans le cadre d'une opération mathématique simple et accessible à un profane (capital restant dû x taux d'intérêts x nombre de jours dans le mois rapporté au nombre de jours dans l'année), étant observé que les époux [W] se déclarent retraités sans précision de leur activité professionnelle antérieure, empêchant la cour d'apprécier leur qualité de 'profane' ou pas, permettait d'établir sans difficulté que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie n'avait pas calculé le taux d'intérêt conventionnel sur la base d'une année civile de 365 jours mais sur la base d'une année lombarde de 360 jours sans avoir recours à un analyste financier.

Par ailleurs, compte tenu des divergences relatives au montant de la première mensualité devant être prélévée le 15 janvier 2011 telle que figurant au tableau d'amortissement dont se prévalent les époux [W], d'une part, et au tableau d'amortissement paraphé et signé par les époux [W] versé par la banque, d'autre part, ayant seul valeur contractuelle, les emprunteurs étaient en mesure, dès le prélèvement de la première mensualité du 15 janvier 2011 d'un montant de 935,05 €, qui ne correspondait ni à celui figurant dans l'offre de prêt qu'ils avaient signé et qui faisait état de mensualités constantes, 119 échéances de 1.069,80 € et une échéance de 1.069,99 €, ni à celui de la lettre accompagnant l'envoi du tableau d'amortissement reprenant les données figurant dans l'offre, de s'interroger sur la régularité de la mensualité remboursée, et demander un rendez-vous à la banque pour obtenir des explications, ce qu'ils prétendent avoir fait, sans toutefois préciser la date de leur intervention auprès d'elle, ou soumettre à une autre banque ou à un analyste leur contrat peu de temps après avoir pris connaissance des données contractuelles complètes, et au moins dans le délai de cinq années du prélèvement de la première mensualité non conforme au contrat et au tableau d'amortissement qu'ils avaient signés.

En conséquence, M. et Mme [W] avaient la possibilité de déceler l'erreur invoquée par une opération simple dès la première mensualité prélevée ou de se la faire expliquer dans le délai de cinq ans de cette date s'ils avaient réellement un doute sur le montant de la mensualité remboursée, de sorte que le point de départ du délai de prescription en l'espèce est fixée au 15 janvier 2011 date du prélèvement de la première échéance et qu'assignant la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie, le 14 mars 2019 M et Mme [W] sont irrecevables en leurs demandes tant principale que subsidiaire comme prescrites.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé.

Les demandes tant principales que subsidiaires étant irrecevables il n'y a pas lieu de statuer sur leur bien fondé.

- sur les autres demandes

Les époux [W] qui succombent en cause d'appel, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

Il paraît inéquitable de laisser à la charge de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie ses frais irrépétibles, non compris dans les dépens, qu'il convient d'évaluer à la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DECLARE irrecevables comme prescrites les demandes tant principale que subsidiaire de M. [I] [W] et de Mme [F] [N] épouse [W] à l'encontre de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie;

CONDAMNE in solidum M.[I] [W] et de Mme [F] [N] épouse [W] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Brie Picardie la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

DEBOUTE M.[I] [W] et de Mme [F] [N] épouse [W] de leur demande d'indemnité de procédure formée tant en première instance qu'en cause d'appel;

CONDAMNE in solidum M.[I] [W] et de Mme [F] [N] épouse [W] aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier,La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Chambre Économique
Numéro d'arrêt : 20/00931
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;20.00931 ?
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