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26/04/2022 | FRANCE | N°19/01717

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 26 avril 2022, 19/01717


ARRET







[O]





C/



[E]

[J]













PB/VB





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU VINGT SIX AVRIL

DEUX MILLE VINGT DEUX



Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 19/01717 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HHLH



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SENLIS DU VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF

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PARTIES EN CAUSE :



Madame [X] [O] épouse [S]

née le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par Me POILLY substituant Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, ...

ARRET

[O]

C/

[E]

[J]

PB/VB

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU VINGT SIX AVRIL

DEUX MILLE VINGT DEUX

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 19/01717 - N° Portalis DBV4-V-B7D-HHLH

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE SENLIS DU VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF

PARTIES EN CAUSE :

Madame [X] [O] épouse [S]

née le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me POILLY substituant Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocats au barreau d'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Julien BROCHOT, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

ET

Monsieur [I] [E]

né le [Date naissance 2] 1930 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Me Isabelle MAIGRET de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat au barreau de SENLIS

Plaidant par Me Caroline MARTIN- FORISSIER, avocat au barreau de PARIS

Madame [G] [J] épouse [E]

née le [Date naissance 1] 1397 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 6]

ReprésentéE par Me Isabelle MAIGRET de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, avocat au barreau de SENLIS

Plaidant par Me Caroline MARTIN- FORISSIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

DEBATS :

A l'audience publique du 22 février 2022, l'affaire est venue devant M. Pascal BRILLET, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 avril 2022.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRET :

Le 26 avril 2022, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

*

* *

DECISION :

FAITS ET PROCÉDURE

M. [I] [E] et Mme [G] [J], épouse [E] (époux [E]), qui avaient respectivement souscrit auprès de la société d'assurance MMA Vie un contrat d'assurance-vie les 1er avril 1974 et 21 juin 2007, ont découvert courant février 2016 que Mme [X] [O], épouse [S] (Mme [S]), gérante de la société Assurance Saint Georges, chargée d'en assurer le suivi, avait procédé à plusieurs rachats partiels sans autorisation entre septembre 2012 et octobre 2015 pour une somme totale de 412 752,36 €, ramenant la valeur résiduelle de ces contrats à la somme de 4 083,96 € et de 1 465,08 €.

Après un premier acte manuscrit du 26 février 2016 où elle s'est reconnue débitrice de la somme totale de 412 752,36 € à l'égard des époux [E], Mme [S] s'est engagée à consentir une hypothèque sur sa résidence située à [Localité 4], à en supporter le coût et s'est portée fort de son époux, un protocole transactionnel a été signé le 3 mai 2016 aux termes duquel elle s'est engagée à régler en une seule échéance au plus tard le 31 août 2016 le solde en principal restant dû à la date de signature, soit la somme de 250 752,36 € tenant compte des quelques remboursements partiels intervenus, et a renouvelé son engagement concernant l'inscription d'hypothèque sur le bien immobilier lui appartenant avec son époux situé à [Localité 4].

L'époux de Mme [S] n'ayant pas déféré à la convocation du notaire le 24 mai 2016 aux fins de formaliser cette affectation hypothécaire par acte authentique, celle-ci n'a finalement pas été consentie.

Mme [S] s'est toutefois engagée devant ce notaire à cette date :

- à régler le solde de la somme due, soit 240 752,36 €, en deux échéances égale de 120 376,18 € les 15 juillet et 31 août 2016,

- à régler les intérêts au taux de 2,35 % sur la somme de 412 752,36 € ainsi que l'économie des droits de succession évaluée à 40 % de cette somme, la date de règlement devant être fixée d'un commun accord entre les parties entre les 15 jours de l'acte,

- à régler de même tous les frais supportés par les époux [E].

L'engagement ayant pas été respecté, les époux [E] ont dénoncé le protocole du 3 mai 2016 et obtenu d'un juge de l'exécution le 8 août 2016 l'autorisation de faire inscrire une hypothèque judiciaire conservatoire sur l'immeuble propriété indivise de Mme [S] en garantie de leur créance respective fixées provisoirement à la somme de 92 386,03 € s'agissant de M. [E] et de 274 853,39 € s'agissant de Mme [E].

Par acte d'huissier de justice du 9 septembre 2016, les époux [E] ont fait assigner Mme [S] devant le tribunal judiciaire de Senlis sur le fondement l'article 1326 du Code civil, lui demandant dans le dernier état de leurs écritures, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de la condamner à leur verser la somme totale de 210 819,98 € en réparation de leur préjudice, d'ordonner la capitalisation des intérêts, et de la condamner à leur payer les sommes de 3 000 € correspondant aux frais de l'inscription des hypothèques judiciaires provisoires et de 5 000 € au titre des frais irrépétibles.

Mme [S] a fait état de remboursements à concurrence de 404 100 € et a soutenu que la dette en principal ne s'élevait qu'à la somme de 8 652,36 €, sollicitant le débouté des époux [E] pour le surplus de leurs demandes.

Par jugement en date du 22 janvier 2019, auquel la cour renvoie pour une présentation plus complète des faits et de la procédure antérieure, le tribunal a :

- condamné Mme [S] à payer aux époux [E] les sommes de :

- 35 752,36 €, au titre du capital restant dû sur les sommes détournées de leurs contrats d'assurance-vie,

- 9 699,68 € au titre des intérêts évalués forfaitairement,

- 165 100,94 € au titre de la perte du bénéfice d'exonération des droits de succession sur les contrats d'assurance-vie,

- 3 000 € au titre des frais relatifs à l'inscription des hypothèques judiciaires provisoires,

- ordonné la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'ancien article 1154 du Code civil,

- condamné Mme [S] aux entiers dépens de l'instance,

- condamné Mme [S] à payer aux époux [E] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Mme [S] a interjeté appel du jugement par déclaration en date du 8 mars 2019.

Par ordonnance du 27 juin 2019, la juridiction du Premier président a débouté Mme [S] de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement dont appel.

Par ordonnance du 25 novembre 2020, le conseiller de la mise en état a dit n'y avoir lieu à radiation de l'instance sollicitée sur le fondement des nouvelles dispositions de l'article 524 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions récapitulatives de Mme [S] notifiées par voie électronique le 1er mars 2021 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement des chefs critiqués suivants :

- condamne Mme [S] à payer aux époux [E] :

- la somme de 35 752,36 €, au titre du capital restant dû sur les sommes détournées de leurs contrats d'assurance-vie,

- la somme de 9 699,68 € au titre des intérêts évalués forfaitairement,

- la somme de 165 100,94 € au titre de la perte du bénéfice d'exonération des droits de succession sur les contrats d'assurance-vie,

- la somme de 3 000 € au titre des frais relatifs à l'inscription des hypothèques judiciaires provisoires,

- ordonne la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'ancien article 1154 du Code civil,

- condamne Mme [S] aux entiers dépens de l'instance,

- condamne Mme [S] à payer aux époux [E] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute Mme [S] de ses demandes plus amples ou contraires.

Statuant à nouveau,

- sur le montant du capital restant dû : débouter les consorts [E] de leurs demandes au titre du capital restant dû en ce qu'il a été intégralement versé par elle,

- sur les intérêts : lui donner acte de ce qu'elle doit une somme de 5 614,70 € après déduction des sommes saisies par l'huissier de justice,

- sur le règlement d'économie des droits de succession : débouter les époux [E] de leurs demandes,

- débouter les époux [E] de toutes fins ou prétentions plus amples contraires,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Vu les dernières conclusions récapitulatives des époux [E] notifiées par voie électronique le 31 décembre 2021 aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- fixer la condamnation de Mme [S] à leur payer la somme de 35 752,36 € au titre du capital restant dû sur les sommes détournées de leur contrat d'assurance-vie, en deniers ou quittances compte tenu des opérations de recouvrement forcé effectuées par l'huissier de justice depuis le prononcé du jugement,

- condamner Mme [S] à leur verser la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel, outre les entiers dépens d'appel dont distraction au profit de maître Le Tarnec, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 janvier 2022.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

Mme [S] ne conteste pas le principe de son obligation à l'égard des époux [E] mais conteste certains éléments de la créance alléguée par ces derniers et pour le surplus son montant, prétendant avoir déjà remboursé plus que ce qu'ils admettent avoir reçu.

- sur la dette principale, soit 35 752,36 €, retenue par le jugement dont appel.

Mme [S] reconnaît la perception injustifiée d'une somme totale de 412 752,36 €, soit 311 252,36 € au titre du contrat de Mme [G] [E] et la somme de 101 500 € au titre du contrat de M. [I] [E]. Elle indique dans ses écritures n'avoir jamais contesté les termes de la reconnaissance de dette souscrite le 26 février 2016 au profit des époux [E], qui porte sur ce montant.

Elle fait cependant valoir l'existence de divers remboursements partiels intervenus depuis. Elle prétend qu'un règlement de 30 000 € opéré le 16 juin 2017 n'a pas été pris en compte par le tribunal pour retenir finalement une somme restant due de 35 752,36 € en capital. Elle affirme qu'au regard des remboursements intervenus, elle ne reste devoir que la somme de 5 752,36 €.

Cependant, il ressort du relevé de compte produit aux débats que la somme de 30 000 € alléguée a été réglée par virement du 16 juin 2017 au bénéfice de « Magenta Distribution » avec pour motif « acompte MMA juin 2017 ».

Si les époux [E] ne contestent pas que la société Magenta Distribution est une société dont leur fils [D] [E] est le président, cela ne peut suffire à avérer les allégations de Mme [S] selon lesquelles ce sont ces derniers qui lui ont demandé de procéder à ce règlement par cette voie.

Ils font en effet valoir que leur fils [D] avait également confié la gestion de ses divers contrats d'assurances, professionnels et personnels, à la société d'assurance Saint-Georges gérée par Mme [S], ce qui explique le virement. Il précise que cette dernière a également détourné la somme de 106 000 € au préjudice de la société Magenta Distribution en faisant plusieurs demandes de rachat partiel pour le compte de cette société et en encaissant ensuite les différents chèques établis par la compagnie d'assurances MMA sur le compte de sa propre société.

De fait, il est produit un courrier en date du 8 mars 2017, dont le cabinet d'assurance Saint-Georges a accusé réception le 10 mars suivant, aux termes duquel la société Magenta Distribution lui reproche d'avoir encaissé une somme totale de 106 000 € correspondant à 5 chèques émis entre novembre 2012 et février 2015 dans le cadre d'un contrat multi stratégie retraite pro souscrit auprès de MMA le 23 décembre 2008 et la met en demeure de lui rembourser la somme.

En l'état de ces éléments, qui ne sont pas utilement remis en cause, Mme [S] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de ce qu'elle a effectivement versé cette somme de 30 000 € en règlement de sa dette à l'égard des époux [E].

Le jugement est donc confirmé de ce chef.

Mme [S] ajoute que des saisies successives ont abouti au paiement, entre mai et octobre 2019, d'une somme de 7 578,34 € et que, dans les 2 mois qui ont suivi, une somme de 2 256 € a également été prélevée en sorte que sa dette principale reconnue est donc éteinte.

Les époux [E] ne contestent pas le principe de ces versements complémentaires entre septembre 2019 et mai 2020, mais soutiennent qu'ils se sont élevés à un total de 9 639,56 € et non 9 834,34 €.

Il appartient Mme [S] de faire la preuve de sa libération.

Elle produit un décompte de l'huissier de justice mandaté par les époux [E] pour procéder aux recouvrements de leurs créances en date du 11 octobre 2019. Ce relevé fait état d'acomptes à déduire de 7 578,34 €. Il n'est justifié d'aucun montant complémentaire.

En conséquence, le montant de 9 639,56 € reconnu par les époux [E] doit être retenu.

- sur le règlement de l'économie des droits de succession

Les époux [E] sont âgés de plus de soixante-dix ans et ne bénéficient donc plus de l'exonération fiscale liée aux investissements en assurance-vie réalisés avant cet âge. Ils ont perdu le bénéfice de l'exonération s'agissant du montant des sommes détournées par Mme [S] et, compte tenu de leur âge, ils ne pourraient pas bénéficier de cette exonération s'ils décidaient de réinvestir en contrat d'assurance-vie les sommes remboursées par cette dernière.

Le premier juge a considéré qu'il résultait expressément du procès-verbal de carence dressé par le notaire le 24 mai 2016 que Mme [S] s'était engagée à régler la somme de 165 100,94 € au titre de la perte du bénéfice de cette exonération des droits de succession sur les contrats d'assurance vie.

Mme [S] conteste le principe de cette dette. Elle affirme qu'à aucun moment elle n'a consenti à régler l'économie des droits de succession évaluée à 40 % de la somme de 412 752,36 €. Elle allègue que la reconnaissance de dette du 26 février 2016 ne vise nullement un tel engagement. Elle ajoute que le protocole d'accord en date du 3 mai 2016 est à ce jour caduc puisque dénoncé le 4 août suivant par les époux [E]. Elle affirme enfin que le procès-verbal de carence dressé par le notaire le 24 mai 2016 doit être requalifié en acte sous-seing privé en raison d'un défaut affectant l'acte. Elle fait valoir que, contrairement aux dispositions des articles 21 et 22 du décret du 10 août 2005, la procuration n'a pas été annexée à l'acte notarié ni davantage au rang des minutes puisque aucune mention figurant dans l'acte en fait référence. Elle ajoute que cet acte ne permet d'attester que d'un accord portant sur le total de la créance due mais en aucun cas à régler l'économie des droits de succession évaluée à 40 % de cette même somme. Elle soutient n'avoir donné son accord dans cet acte qu'au dire des époux [E], et aux dires, dire ne portant que sur le solde restant dû, soit 240 752,36 €.

Il est constant que la reconnaissance manuscrite de dette du 26 février 2016 ne fait pas état de cette obligation.

Le protocole d'accord transactionnel en date du 3 mai 2016, signé par toutes les parties, ne la stipule pas davantage.

L'acte dressé le 24 mai 2016 par maître [R], notaire à [Localité 10], est un procès-verbal de carence pour M. [W] [S] (époux de Mme [S] sommé de comparaître et qui n'a pas déféré) et un procès-verbal de difficulté pour les époux [E] et Mme [S].

Au paragraphe suivant « contestation », l'acte mentionne : « le requérant déclare être en désaccord sur les raisons évoquées par Mme [S]. Après avoir entendu les explications des parties et tenté vainement un arrangement amiable entre elles, le notaire soussigné enregistre comme il suit leurs dires respectifs.

Dires du requérant : « le solde restant dû, c'est-à-dire la somme de [240 752,36 € en toutes lettres] (240 752,36 €) sera réglé en 2 échéances de :

- 120 376,18 € le 15 juillet 2016,

- 120 376,18 € le 31 août 2016.

Les intérêts au taux de 2,35 % sur la somme de 412 752,36 €, ainsi que l'économie des droits de succession évaluée à 40 % de cette même somme de 412 752,36 € forfaitairement, seront réglés par Mme [S], la date de ce règlement sera fixée d'un commun accord entre les parties entre les 15 jours des présentes il en va de même de tous les frais supportés par M. et Mme [E]. À défaut chaque partie reprendra sa liberté d'action.

Dires de Mme [S] :

Mme [S] donne son accord avec l'intégralité du dire de M. et Mme [E] et s'engage à honorer les paiements et à fixer une date pour le paiement du solde au plus tard dans les 15 jours des présentes avec l'accord de M. Et Mme [E] '.

Mme [S] fait preuve d'une mauvaise foi certaine s'agissant de l'interprétation en réalité parfaitement claire de cette mention de l'acte.

Elle a donné son accord avec « l'intégralité du dire » des époux [E], ce qui veut dire que, parmi tous les éléments de la créance alléguée par ces derniers, elle n'en a strictement contesté aucun.

D'ailleurs, dans son propre dire, Mme [S] s'est engagée à « honorer les paiements et à fixer une date pour le paiement du solde ». Or, ce « paiement du solde » n'aurait eu aucun sens si, comme elle le soutient, elle n'avait reconnu devoir que la somme principale de 240 752,36 € devant pour sa part être soldée en honorant les deux paiements de 120 376,18 €.

C'est pourquoi, encore, Mme [S] s'est engagée à fixer une date pour le paiement de ce solde. Un tel engagement n'avait aucun sens s'agissant du paiement de la seule créance de 240 752,36 € puisque les dates de paiement en deux versements de 120 376,18 € étaient d'ores et déjà fixées les 15 juillet et 31 août 2016.

Ce paiement du solde correspond donc nécessairement aux autres éléments de la créance des époux [E] qu'elle a donc reconnus, soit les intérêts au taux de 2,35 % sur la somme de 412 752,36 € ainsi que l'économie des droits de succession évaluée forfaitairement à 40 % cette même somme.

Mme [S] est une professionnelle de l'assurance. Elle en connaît donc nécessairement les conséquences fiscales. Elle s'est donc engagée en pleine connaissance de cause. Dès lors, elle met vainement en avant le fait qu'elle n'était pas assistée au moment de la signature de l'acte. Les époux [E] ne l'étaient d'ailleurs pas davantage et, en toute hypothèse sur le principe, elle n'a pas manqué de bénéficier du conseil du notaire.

Enfin l'argument tenant à la perte du caractère authentique de l'acte notarié du 24 mai 2016 doit être rejeté dès lors d'une part que l'acte précise que Mme [E] « est non présente à l'acte mais représentée par M. [I] [E], son époux, ci-dessus nommé, qualifié et domicilié en vertu des pouvoirs qu'elle lui a conférés au terme d'une procuration sous-seing privée en date à [Localité 10] du 10 mai 2016 demeurée annexée aux présentes ».

D'autre part, l'inobservation de l'obligation, pour le notaire, de faire figurer les procurations en annexe de l'acte authentique ou de les déposer au rang de ses minutes ne fait pas perdre à l'acte son caractère authentique, partant son caractère exécutoire (Ch. mixte., 21 décembre 2012, n° 11-28.688, Civ., 19 février 2013, n° 11-24.287).

Enfin, et en toute hypothèse, une reconnaissance de dette par acte sous-seing privé n'en reste pas moins régulière et totalement opposable au débiteur. Or, il ne peut être prouvé contre un écrit constatant un engagement que par un autre écrit sous signature privée ou authentique (article 1341 du Code civil dans sa rédaction au jour de l'acte notarié précité) ou dans les conditions des articles 1347 et suivants, ce qui n'est en tout état de cause pas fait.

Mme [S] s'est donc également reconnue débitrice des époux [E] au titre des pertes financières de ces derniers liés à l'économie des droits de succession et des intérêts de la dette principale. En application des dispositions de l'article 1134 du Code civil, dans sa rédaction au jour de l'acte notarié, elle est donc tenue d'honorer son engagement dans les termes contractuellement stipulés.

Vainement conteste-t-elle la réalité du préjudice allégué par les époux [E] au titre des pertes financières liées à l'économie des droits de succession ou encore son montant réel, dont la preuve ne serait pas rapportée, dès lors qu'elle s'est contractuellement engagée de ce chef de préjudice, qu'elle en a accepté l'évaluation forfaitaire à concurrence de 40 % du montant total détourné et qu'elle ne sollicite pas la nullité de son engagement dans le dispositif de ses écritures qui seul lie la cour.

Les écritures des parties ne recèlent aucune critique utile de la somme de 9 699,68 € retenue par le tribunal au titre des intérêts évalués forfaitairement ni davantage de l'obligation à la charge de Mme [S] de supporter le coût de l'inscription hypothécaire, sur la somme de 3 000 €.

Enfin, il doit être fait droit à la demande de capitalisation des intérêts échus dès lors que les conditions de l'article 1154 du Code civil (dans sa rédaction applicable au jour de l'acte notarié précité) sont, comme en l'espèce, réunies.

Le jugement doit donc être intégralement confirmé.

Dans la mesure où les parties devront notamment tenir compte des versements de Mme [S] intervenus depuis à concurrence au moins de 9 639,56 € et où les époux [E] indiquent eux-mêmes que des opérations de recouvrement forcé par huissier de justice sont intervenues depuis le jugement, le présent arrêt précisera l'existence d'une condamnation à payer la créance de 35 752,36 € aux époux [E] en deniers ou quittances, le montant de cette créance étant arrêté à la date du jugement.

Condamnée aux dépens, avec doit de recouvrement direct reconnu au conseil des époux [E] dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, Mme [S] sera également condamnée à payer à ces derniers la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par sa mise à disposition au greffe, après débats publics, en dernier ressort,

Confirme le jugement,

Précise que Mme [X] [O], épouse [S] est condamnée à payer en deniers ou quittances à M. [I] [E] et Mme [G] [J], épouse [E] la somme de 35 752,36 €, compte arrêté à la date du jugement dont appel,

Condamne Mme [X] [O], épouse [S] à payer à M. [I] [E] et Mme [G] [J], épouse [E] la somme complémentaire de 2 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Condamne Mme [X] [O], épouse [S] aux dépens, maître Le Tarnec, avocat, bénéficiant du droit de recouvrement direct des dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/01717
Date de la décision : 26/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-26;19.01717 ?
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