La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/04/2022 | FRANCE | N°20/02214

France | France, Cour d'appel d'Amiens, 1ère chambre civile, 21 avril 2022, 20/02214


ARRET







[K]





C/



[M] VEUVE [K]























































































PM/SGS





COUR D'APPEL D'AMIENS



1ERE CHAMBRE CIVILE



ARRET DU VINGT ET UN AVRIL

DEUX MILLE

VINGT DEUX





Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 20/02214 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HW4H



Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT





PARTIES EN CAUSE :



Madame [R] [U] [H] [K]

née le 08 Décembre 1967 à AMIENS

de nationalité Française

9 rue René Cassin

34000 MONTPELLIER



Représentée par Me D...

ARRET

[K]

C/

[M] VEUVE [K]

PM/SGS

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU VINGT ET UN AVRIL

DEUX MILLE VINGT DEUX

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 20/02214 - N° Portalis DBV4-V-B7E-HW4H

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU VINGT NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT

PARTIES EN CAUSE :

Madame [R] [U] [H] [K]

née le 08 Décembre 1967 à AMIENS

de nationalité Française

9 rue René Cassin

34000 MONTPELLIER

Représentée par Me Dominique ANDRE, avocat au barreau D'AMIENS

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/4512 du 11/06/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AMIENS)

APPELANTE

ET

Madame [V] [M] VEUVE [K]

née le 18 Janvier 1937 à NEUILLY SUR SEINE

de nationalité Française

100 RUE DU VAL D'AUTHIE

62870 MAINTENAY

Représentée par Me VARLET substituant Me Gonzague DE LIMERVILLE de la SCP CROISSANT DE LIMERVILLE ORTS, avocat au barreau D'AMIENS

INTIMEE

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L'affaire est venue à l'audience publique du 24 février 2022 devant la cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l'audience, la cour était assistée de Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

Sur le rapport de M. [N] [A] et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 avril 2022, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 21 avril 2022, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Présidente de chambre, et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

Par acte notarié en date du 26 février 1983, M. [X] [K] et Mme [V] [M] épouse [K] (ci-après Mme [V] [W]) ont consenti une donation-partage au profit de leurs trois enfants mineurs portant sur divers biens tant communs que propres.

Mme [W] a notamment fait don à sa fille Mme [R] [K], avec réserve d'usufruit à son profit et au profit de son époux survivant en cas de prédécès, des trois biens immobiliers suivants situés sur la commune d'Huppy(Somme) :

- un terrain sis lieudit Les huit au Bel Air cadastré section ZL numéro 25 d'une contenance de 2 ha 92 a 36 ca devenue depuis section ZP numéro 28 d'une contenance de 2 ha 91 a 74 ca ;

- un terrain sis lieudit Au Moulin à l'Huile cadastré section ZL numéro 47 d'une contenance de 22 ha 15 a 86 ca devenue depuis section ZY numéro 29 d'une contenance de 22 ha 00 a 26 ca ;

- un terrain sis lieudit Au Moulin à l'Huile cadastré section ZK numéro 65 d'une contenance de 13 ha 47 a 60 ca devenue depuis section ZX numéro 29 d'une contenance de 13 ha 41 a 96 ca.

Souhaitant donner à bail rural les parcelles, Mme [V] [W] s'est heurtée au silence de sa fille Mme [R] [K], dont elle avait sollicité l'accord en sa qualité de nue-propriétaire desdites parcelles. À titre temporaire, Mme [V] [W] a, par acte notarié en date du 6 juin 2016, consenti à M. [O] [J] et Mme [B] [D] épouse [J] un prêt à usage à titre gratuit portant sur la partie de la parcelle sise lieudit Au Moulin à l'Huile cadastrée section ZX numéro 29 pour une contenance de 7 ha 36 a et sur une partie de la parcelle sise lieudit Au Moulin à l'Huile cadastrée section Z Y numéro 29, pour une contenance d'environ 10 ha, pour une durée de dix huit mois commençant rétroactivement le 1er octobre 2015 et venant à expiration au 30 septembre 2016.

Parallèlement, Mme [V] [W] a fait dresser par son notaire, Maître [Y] [F], un projet de bail rural à long terme pour une durée de dix-huit ans au profit de Mme [E] [J], fille des preneurs, portant sur la parcelle sise lieudit Les huit au Bel Air cadastrée section ZP numéro 28, la parcelle sise lieudit Au Moulin à l'Huile cadastrée section ZX numéro 29, et une partie de la parcelle sise lieudit Au Moulin à l'Huile cadastrée section ZY numéro 2, pour une contenance de 18 ha 97 a 09 ca, ledit projet de bail étant transmis à Mme [R] [K] et au notaire de celle-ci, Maître [G] [I], par courriers en date des 7 et 18 avril 2016.

En l'absence d'accord sur ce projet de bail rural, Mme [V] [W], autorisée par ordonnance du président du tribunal de grande instance d'Amiens en date du 2 octobre 2016, a par exploit d'huissier en date du 8 novembre 2016 fait assigner à jour fixe Mme [R] [K] devant le tribunal de grande instance d'Amiens aux fins d'être autorisée à conclure seule le bail rural envisagé.

Par ordonnances en date des 2 février 2017 et 7 décembre 2017, le juge de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire, les parties ayant indiqué tenter de procéder au règlement amiable du présent litige.

Après réinscription de l'affaire au rôle, par jugement du 29 janvier 2020, le tribunal judiciaire d'Amiens a :

-Autorisé Mme [V] [W] à conclure seule, en sa qualité d'usufruitière et nonobstant l'absence d'accord de Mme [R] [K] en sa qualité de nue-propriétaire, un bail rural à long terme au bénéfice de Mme [E] [J] ayant pour objet les biens immobiliers suivants situés sur la commune d'Huppy;

. un terrain sis lieudit Les huit au Bel Air cadastré section ZP numéro 28 d'une contenance de 2 ha 91 a 74 ca,

. une partie, pour une contenance de 18 ha 97 a 09 ca, du terrain sis lieudit Au Moulin à l'Huile cadastré section ZY numéro 29 d'une contenance totale de 22 ha 00 a 26 ca,

. un terrain sis lieudit Au Moulin à l'Huile cadastré section ZX numéro 29 d'une contenance de 13 ha 41 a 96 ca, soit une contenance totale de 35 ha 30 a 79 ca, notaire, soit une contenance totale de 35ha 30 a79 ca ;

-Débouté Mme [R] [K] de l'intégralité de ses demandes,

-Condamné Mme [R] [K] aux dépens,

-Ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 12 juin 2020, Mme [R] [K] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 16 mars 2021, Mme [R] [K] demande à la Cour de :

Réformant le jugement dont appel,

-Débouter Mme [V] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

-La condamner à lui payer la somme de 1.950 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de profit de la SCP Millon Plateau, avocats selon l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions transmises par la voie électronique le 1er octobre 2020, Mme [V] [W] demande à la Cour de :

-Déclarer autant irrecevable que mal fondée Melle [R] [K] en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

-Confirmer le jugement entrepris,

En conséquence,

-L'autoriser à conclure seule, en sa qualité d'usufruitière et nonobstant l'absence d'accord de Mme [R] [K] en sa qualité de nue-propriétaire, un bail rural à long terme au bénéfice de Mme [E] [J] ayant pour objet les biens immobiliers suivants situés sur la commune d'Huppy (Somme) :

. un terrain sis lieudit Les huit au Bel Air cadastré section ZP numéro 28 d'une contenance de 2 ha 91 a 74 ca,

. une partie, pour une contenance de 18 ha 97 a 09 ca, du terrain sis lieudit Au Moulin à l'Huile cadastré section ZY numéro 29 d'une contenance totale de 22 ha 00 a 26 ca,

. un terrain sis lieudit Au Moulin à l'Huile cadastré section ZX numéro 29 d'une contenance de 13 ha 41 a 96 ca, soit une contenance totale de 35 ha 30 a 79 ca, conformément au projet de bail rural dressé par Maître [Y] [F], notaire, soit une contenance totale de 35ha 30 a79 ca ;

-Condamner Mme [R] [K] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance du 19 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l'affaire pour plaidoiries à l'audience du 24 février 2022.

CECI EXPOSE, LA COUR,

Sur la demande d'autorisation de conclure un bail rural :

Il résulte des dispositions de l'article 595 du code civil, l'usufruitier peut jouir par lui-même, donner à bail à un autre, même vendre ou céder son droit à titre gratuit ; cependant, il ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. À défaut d'accord du nu-propriétaire, l'usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte.

En application de ces dispositions, il est considéré:

-qu'il appartient au tribunal d'apprécier l'intérêt global de l'opération envisagée, en soupesant les intérêts respectifs en présence, à savoir tant l'intérêt immédiat de l'usufruitier de donner le bien à bail pour en tirer des revenus que l'intérêt différé du nu-propriétaire de récupérer à la cessation de l'usufruit un bien libre de toute charge, ainsi qu'en prenant en considération l'intérêt du fonds lui-même ;

-que l'intérêt de l'usufruitier n'est pas considéré comme prépondérant ;

-que l'autorisation de conclure un bail rural peut être refusée s'il est estimé que la location est appelée à devenir préjudiciable au nu-propriétaire.

En l'espèce, il ressort des éléments de la cause :

-que Mme [R] [K] en sa qualité de nue propriétaire n'a aucun intérêt économique à la conclusion d'un bail rural sur les terres litigieuses ;

-qu'elle y a d'autant moins intérêt qu'elle n'est pas exploitante agricole, n'a aucun descendant susceptible de le devenir, qu'elle justifie ne percevoir que de modestes revenus constitués d'une allocation adulte handicapé et que la vente des terres lui permettrait incontestablement de disposer d'un capital pour améliorer son quotidien ;

-que Mme [V] [W] en sa qualité d'usufruitière ne justifie d'aucun intérêt économique à la conclusion d'un bail rural sur les terres litigieuses ;

-qu'elle dispose d'un revenu annuel moyen de l'ordre de 28.000 euros n'ayant donc pas manifestement pas besoin des fermages afférents aux terres litigieuses pour vivre et peut incontestablement faire face à la charge que constitue le paiement des impôts fonciers afférents aux terres litigieuses qu'elle assume sans difficulté depuis que les terres litigieuses sont libres d'occupation;

-que par ailleurs, si l'intérêt des deux parties est que les terres soient entretenues et exploitées rien n'empêche que les terres soient temporairement exploitées sous le régime d'un prêt à usage ou commodat.

Cependant, cette situation ne peut s'éterniser et force est de constater que Mme [R] [K] qui s'oppose légitimement à la conclusion d'un bail s'oppose également à la vente.

En effet, le 7 novembre 2014, Mme [V] [W] qui fait manifestement preuve de bonne volonté a indiqué à Mme [R] [K] qu'elle n'était pas opposée à la vente.

En 2015, une offre au prix de 15.000 € parfaitement conforme au prix de marché a été reçue et Mme [R] [K] a alors fait savoir par l'intermédiaire de son notaire qu'elle sollicitait un prix de 22.000 € l'hectare ;

De 2015 à 2017 elle a échangé avec Maître [F] notaire en envisageant divers projets notamment de vente de parcelles à bâtir qui ne se sont jamais concrétisés par une quelconque offre.

La seule offre concrète a été une proposition de rachat du 25 mars 2017 au prix de 17.782 € l'hectare mais elle n'a prix aucune disposition pour que cette offre se concrétise par une vente.

Or il n'est pas établi que cette offre est encore valable et Mme [K] ne justifie plus d'aucun échange avec sa mère ou Maître [F] notaire depuis la fin de l'année 2017 et n'a plus répondu aux sollicitations tant de sa mère que du notaire sur l'avenir des terres litigieuses.

Ainsi, manifestement Mme [R] [K] qui indique ne pas s'entendre avec sa mère maintient entre elles un conflit sur les terres agricoles sans rechercher aucune solution constructive car elle ne peut à la fois vouloir vendre et ne prendre aucune disposition pour vendre.

Dans ce contexte et alors que cette situation persiste depuis de nombreuses années, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré qu'il est de l'intérêt des deux parties que l'entretien des terres soit assuré et en ce qu'il a en conséquence autorisé Mme [V] [W] à conclure seule le bail rural envisagé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Mme [R] [K] succombant, il convient de la condamner aux dépens d'appel et de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance.

L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel en faveur de Mme [V] [W], il convient de lui allouer de ce chef la somme de 1800 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

Confirme le jugement rendu entre les parties le 29 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d'Amiens en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

Condamne Mme [R] [K] à payer à Mme [V] [M] veuve [K] la somme de 1800 euros par application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs plus amples demandes ;

Condamne Mme [R] [K] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/02214
Date de la décision : 21/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-21;20.02214 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award