No 120
du 23 Octobre 2014
ARRET ASSISTANCE EDUCATIVE
AFF : Wesley X... (MINEUR) Bradley X... (MINEUR)
RG : 13/ 06877 COUR D'APPEL D'AMIENS
Arrêt rendu en Chambre du Conseil par la CHAMBRE SPECIALE DES MINEURS, statuant conformément aux dispositions des articles 375 à 375-8 du CODE CIVIL et des articles 1181 à 1200-1 du Code de procédure civile, le vingt trois Octobre deux mille quatorze
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS,
Président : Monsieur Michel COURAL, désigné président suppléant de la Chambre Spéciale des Mineurs par ordonnance du Premier Président du 4 juillet 2014
Conseillers : Monsieur Luc BILLON, Vice-Président placé auprès du Premier Président de la Cour d'Appel d'Amiens, délégué pour compléter la Chambre Spéciale des Mineurs par ordonnance du Premier Président du 30 juin 2014
Monsieur Samuel GREVIN
En présence de Monsieur BERTHE, Ministère Public chargé par Monsieur le Procureur Général des affaires de mineurs,
Greffier : Madame BAZARÉ
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
Madame Blandine Y... ...02500 HIRSON
Monsieur Alex X... ...Appt 4 60340 ST LEU D'ESSERENT
Monsieur Tesselimi Z... ... 95380 LOUVRES
ASSOCIATION DEPARTEMENTALE DE SAUVEGARDE DE L'ENFANCE ET DE L'ADOLESCENCE DE L'OISE Service d'assistance éducative en milieu ouvert Les marches de l'Oise-bat Copenhague-100 rue Louis Blanc 60160 MONTATAIRE
LES APPELS :
Appel a été interjeté par Mme Blandine Y..., le 28 Novembre 2013 du Jugement en date du 05 Novembre 2013 rendu par le Juge des enfants de LAON
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
A l'appel de la cause, à l'audience en Chambre du Conseil en date du 25 Septembre 2014, Monsieur le Président a constaté l'absence de Monsieur Z... Tesselimi
Ont été entendus :
Monsieur le Conseiller BILLON en son rapport,
Madame Y... Blandine en son audition
Monsieur X... Alex en son audition
Madame A... représentante de l'association Départementale de Sauvegarde de l'Enfance et de l'Adulte de l'Oise en ses observations
Maître MECHIN substituant Maître Sylvie RACLE-GANDILLET, en sa plaidoirie pour Madame Y...,
Monsieur BERTHE, Substitut de Monsieur le Procureur Général, en son avis,
Monsieur le Président a ensuite averti les parties présentes que l'arrêt serait prononcé le 23 Octobre 2014, la Cour s'étant ensuite retirée pour délibérer conformément à la loi, hors la présence du Ministère Public et du Greffier.
DÉCISION
· ETAT CIVIL : · Les enfants concernés sont : Wesley X..., né le 28 juin 1998 ; Bradley X..., né le 15 janvier 2004. Leur mère est Blandine Y.... Leur père est Alex Kossivi X....
Monsieur X... a reconnu Wesley en 2005 mais le père biologique de Wesley serait Monsieur Tessilimi Z.... Madame Y... a entamé une procédure en vue d'annuler cette reconnaissance pour que Monsieur Z... puisse reconnaître son fils. Madame Y... a eu 4 enfants, Wesley, Bradley, Curtis (décédé en juillet 2013) et un garçon né le 30 juin 2013. Madame Y... et Monsieur X... entretiennent des rapports très conflictuels.
L'APPEL :
Par déclaration enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 28 novembre 2013, Madame Y... a interjeté appel de la décision rendue par le juge des enfants de Laon le 05 novembre 2013. La décision contestée lui a été notifiée le 14 novembre 2013. RAPPEL DE LA PROCEDURE :
Historique :
Suite à un signalement effectué par l'institution scolaire en 2009 et a des maltraitances dénoncés par Wesley et Bradley de la part Madame Y..., (violences que cette dernière conteste) les deux mineurs ont été placés à l'A. S. E à partir du 29 septembre 2009 et le Juge des enfants a ordonné la mainlevée de leur placement en juillet 2010 afin de les placer chez leur père.
Suivant jugement du 24 mars 2011, Bradley et Wesley ont été confiés à Monsieur X... et une mesure d'A. E. M. O a été instaurée afin d'accompagner cet accueil et de médiatiser tant la relation entre adultes, qu'entre Madame Y... et ses fils, mais également pour faire en sorte que la place de Madame AGBO soit préservée. Ce jugement a été confirmé en appel le 22 septembre 2011. La mesure d'A. E. M. O a depuis été renouvelée. Madame Y... s'est vue octroyer un droit de visite et d'hébergement « dont la fréquence et la durée seront discutées entre les deux parents et le mineur, étant précisé toutefois qu'un temps durant chaque périodes de vacances scolaires est préconisé » (jugement du Juge des enfants du 7 novembre 2012).
Déroulement de la mesure :
la prise en charge des mineurs :
Il résulte du rapport d'échéance du 11 octobre 2013 que Monsieur X... héberge ses enfants dans de bonnes conditions. Lors des visites effectués par le service, il a été constaté que les enfants évoluent dans un environnement calme où le respect est de mise. Bradley et Wesley vivent au domicile avec les enfants de Monsieur et Madame X... et s'entendent bien avec ces derniers. Sur le plan scolaire, Wesley rencontre toujours des difficultés, le travail scolaire n'est pas toujours fait et les résultats sont très moyens. Un soutien scolaire a été mis en place. Monsieur s'est déclaré favorable à un redoublement de l'enfant mais Madame s'y est opposée au motif qu'un redoublement ne sert à rien car, selon elle, l'enfant n'a pas de suivi sérieux chez son père.
Concernant Madame Y..., son domicile est spacieux et les chambres des enfants sont pourvus de tout le nécessaire. En mai 2013 les deux mineurs ont passé une semaine chez leur mère qui s'est bien déroulée. La prise en charge matérielle, éducative et affective apparaît adaptée chez chacun des parents.
Les ressentis des enfants par rapport à la situation et la communication au sein de la famille : Wesley n'hésite pas à faire part de son ressenti. Ainsi, en novembre 2012, les vacances passées chez sa mère se sont mal déroulées, celle-ci l'aurait puni et insulté suite à un conflit au sujet des sorties de l'enfant. Il a même écrit au Juge des enfants le 27 novembre 2012 pour faire part de ses disputes et de sa volonté de ne plus retourner chez sa mère. Face à cette situation, le service est intervenu afin que mère et fils puissent dialoguer. Wesley a exprimé sa déception de ne jamais pouvoir participer aux voyages scolaires à l'étranger faute de carte d'identité. Madame Y... lui a expliqué qu'une annulation de reconnaissance de paternité était en cours et que son père biologique, Monsieur Z... ferait en parallèle, une demande de reconnaissance de paternité. De son côté, Wesley pense que son père biologique ne veut pas le reconnaître et que Monsieur X... ne le souhaite plus et qu'il se trouve sans filiation paternelle. La situation est bloquée et le mineur n'a toujours pas de carte d'identité.
Cependant, grâce au dialogue établi, Wesley a accepté de passer une semaine de vacances chez sa mère qui s'est bien déroulée (en avril 2013). Il ne souhaite pas pour le moment vivre chez sa mère.
Concernant Bradley, c'est un enfant partagé entre ses 2 parents qu'il aime profondément. Il apprécie être à Liancourt chez son père où il s'est adapté, mais exprime qu'il souhaiterait vivre chez sa mère mais pas tout de suite (dans un an). Il entretient un lien chaleureux avec chaque parent et ne manifeste aucune appréhension envers eux. En février 2013, Bradley a évoqué des périodes difficiles avec sa belle-mère car il avait la sensation qu'elle privilégiait Noah (fils du couple X...). Le service est intervenu afin d'instaurer une meilleure communication entre les concernés. L'impact de la décision du J. A. F sur les relations entre les deux parents à travers leur capacité à organiser les droits de visite et d'hébergement sans tiers Le service a sans cesse eu besoin de rappeler à Madame la décision du Juge aux affaires familiales afin que les droits de visite et d'hébergement se déroulent bien. Les relations entre le père et la mère demeurent très tendues et il est impossible d'envisager un quelconque dialogue entre eux.
Madame Y... a dénoncé des faits de violence de Madame X... sur les enfants. Interrogés sur ce point par le service, les enfants ont démenti les propos de leur mère.
Au mois de juillet 2013, Curtis, le fils aîné de Madame Y..., est décédé. Elle n'a pas voulu que Bradley et Wesley assistent aux obsèques de leur demi-frère. De son côté, Monsieur X... souhaitait que les enfants puissent y aller afin de les aider à faire leur deuil.
Madame Y... peine à respecter la décision du Juge aux affaires familiales et contacte régulièrement le service et fait par moment preuve d'agressivité. Elle a déjà menacé de porter plainte, accusant le service d'avoir un intérêt financier à ce que les enfants rentrent chez leur père.
Dynamique générée par l'intervention :
La mesure éducative permet aux enfants d'avoir un tiers avec lequel s'exprimer et également de faire respecter la décision du J. A. F.
Cependant, un tiers est encore indispensable entre Monsieur et Madame, mais même avec un tiers, la négociation reste difficile, voire impossible. Les exigences et la violence verbale de Madame Y... ne donnent accès à aucune discussion. Il est ainsi nécessaire de rappeler le cadre et le service de la mission du service éducatif que Madame a tendance à considérer comme son prestataire.
Bilan et perspectives :
Le conflit perdure et l'animosité de Madame Y... envers Monsieur X... met les enfants dans un danger psychologique certain. Elle peine à privilégier l'intérêt de ses enfants par rapport au sien et continue à vouloir démontrer que Monsieur X... est un mauvais père. Il apparaît important de maintenir la mesure éducative afin de poursuivre les objectifs suivants : tenter de finaliser l'obtention de la carte d'identité de Wesley, préciser la demande de Bradley de vivre avec sa mère à compter de juillet 2014 et continuer à faire tiers entre Monsieur et madame au sujet des droits de visite et d'hébergement.
A l'audience devant le juge des enfants : Madame Y... n'a eu de cesse de digresser dans ses propos et de s'emporter vivement, allant jusqu'à déclarer que Monsieur X... était responsable de la mort de Curtis. La situation de Wesley a été évoquée : madame reproche à Monsieur X... de l'avoir reconnu, de lui faire porter son nom et s'engage à faire établir à Wesley une carte d'identité dans les jours à venir. Madame Y... s'estime persécutée et stigmatisée. Elle a déclaré que Madame X... battait Bradley, ce que ce dernier a réfuté spontanément. Le conseil de Madame Y... est intervenue pour demander la fin de l'audience et que les enfants soient entendus seuls. Or, il est relevé qu'à diverses reprises, Wesley et Bradley interviendront spontanément pour démentir les propos accusatoires de leur mère vis à vis de Monsieur X....
Le service éducatif et Monsieur X... sollicitent le maintien du suivi éducatif. Madame Y... s'y oppose estimant que le service a pris le parti de Monsieur X....
Par jugement en date du 5 novembre 2013, le Juge des enfants de Laon :
- a débouté Madame Y... de sa demande de placement de Wesley et Bradley à son domicile et de sa demande de placement à l'Aide Sociale à l'Enfance ;- a confirmé la mesure d'A. E. M. O ouverte à l'égard des deux mineurs à compter du 3 novembre 2013 jusqu'au 5 novembre 2013 ;- a maintenu la mesure d'A. E. M. O à l'égard de Wesley et de Bradley à compter du 5 novembre 2013 jusqu'au 6 novembre 2014, l'A. D. S. E. O sera en charge de cette mesure.- le Juge des enfants de Laon se dessaisit au profit du Juge des enfants de Beauvais. (le père des mineurs est domicilié à Liancourt)
Ce jugement a été motivé au regard du danger psychologique auquel les mineurs sont exposés du fait du conflit parental aigu. La haine de Madame Y... vis à vis de Monsieur X... paraît sans limite et même si le travail éducatif est compliqué dans un tel contexte, il convient de le maintenir pendant 1 an pour soutenir Monsieur X... dans la prise en charge des enfants, d'aider Wesley à se réorienter et de permettre aux enfants d'avoir un lieu neutre d'expression. Le jugement précise qu'il est demandé au service de ne plus intervenir dans la gestion des droits de visite et d'hébergement et de laisser les parents régler leurs différends devant les tribunaux. Il a été rappelé en début d'audience que le Juge des enfants n'est pas la juridiction d'appel au Juge des affaires familiales. De surcroît, Madame Y... ne rapporte aucun élément de danger pouvant justifier une modification du lieu de résidence. Madame Y... est vivement invitée à entreprendre un suivi psychiatrique, la douleur de la perte d'un enfant ne justifiant pas les propos tenus d'une extrême gravité à l'audience et ce, sans aucun élément factuel.
A l'audience de la Cour, Monsieur X... indique avoir récemment quitté LIANCOURT pour s'établir à SAINT LEU D'HESSERENT, dans le ressort du tribunal pour enfants de Senlis. La décision entreprise prend fin le 6 novembre 2014 et un juge des enfants devra bientôt se prononcer pour une éventuelle future mesure.
L'appel s'analyse comme la volonté de Madame Y... que ses enfants lui soint remis ou placés à l'ASE mais surtout ne soient pas confiés à Monsieur X....
Les éléments qu'elle invoque semblent plutôt soutenir une demande d'élargissement de ses droits de visite qui relèvent du JAF qui s'est déjà prononcé et demeure compétent.
Le Ministère Public requiert la confirmation en ce que le jugement tient pleinement compte du contexte et de l'intérêt des enfants.
L'animosité de Madame Y... envers Monsieur X... ne peut être le fondement d'une infirmation de la décision critiquée. Celle-ci, parfaitement motivée, mérite confirmation.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant contradictoirement sauf à l'égard de Monsieur Z... pour qui l'arrêt sera réputé contradictoire.
CONFIRME le jugement du 5 novembre 2014, rendu par le juge des enfants de Laon.
Arrêt rendu par la Cour composée de :
PRÉSIDENT : Monsieur COURAL, délégué à la Protection de l'Enfance,
Assisté de Madame BAZARÉ, Greffier,
En présence du Ministère Public,
Le Greffier, Le Président.