ARRET No
MINISTERE PUBLIC
C /
X... Y...
D. / MCD
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE DE LA FAMILLE
ARRET DU 17 SEPTEMBRE 2008
RG : 08 / 01051
JUGEMENT DU JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D'AMIENS DU 08 SEPTEMBRE 2006
ARRET DE LA COUR D'APPEL D'AMIENS DU 14 FEVRIER 2007
ARRET DE LA COUR DE CASSATION DU 06 FEVRIER 2008
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
LE MINISTERE PUBLIC 14 Rue Robert de Luzarches 80000 AMIENS
Comparant concluant par M. CABAT, Avocat Général.
ET :
INTIMEES
Madame Camille Stéphanie Delphine X... née le 03 Mars 1975 à EU (76)... 80910 ARVILLERS
Comparante concluant en personne.
Madame Dominique Y... de nationalité française... 80910 ARVILLERS
Non comparante.
DEBATS :
A l'audience de la Chambre du Conseil du 02 Juillet 2008 ont été entendus M. DIOR Président, en son rapport, M. CABAT, Avocat Général, et Mme X... en leurs conclusions et observations.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
M. DIOR Président, Mmes DUBAELE et LAPRAYE Conseillers,
qui a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 17 Septembre 2008 pour prononcer l'arrêt et en a délibéré conformément à la Loi.
GREFFIER LORS DES DEBATS : M. GODRON
PRONONCE :
A l'audience publique du 17 Septembre 2008, l'arrêt a été rendu par M. DIOR, Président de Chambre, qui a signé la minute avec M. DELANNOY, Greffier présent lors du prononcé.
* * *
DECISION :
Madame Dominique Y..., née le 28 Décembre 1972, et Madame Camille X..., née le 3 mars 1975, vivent ensemble depuis 1995 et ont conclu un pacte civil de solidarité (PACS) le 10 janvier 2001.
Le 25 Juillet 2004 est né l'enfant Emile Y..., à la suite de l'insémination artificielle de Mme Y... par un donneur anonyme effectuée en Belgique.
Sur requête de Mme X... du 2 Janvier 2006, le Tribunal de Grande Instance d'AMIENS a, par jugement rendu le 8 Septembre 2006, prononcé l'adoption simple par Mme X... de l'enfant Emile Y... et dit que l'enfant porterait désormais le nom patronymique de Y...- X....
Sur appel du Ministère Public, la Cour d'Appel d'AMIENS a confirmé le jugement par arrêt du 14 février 2007.
Le Ministère Public a formé un pourvoi en cassation et la première chambre civile de la Cour de Cassation, dans un arrêt rendu le 6 Février 2008, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions, l'arrêt du 14 février 2007, a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la même Cour, autrement composée, condamnant Mmes X... et Y... aux dépens.
Dans des observations en date du 8 Avril 2008, le Ministère Public conclut à l'infirmation du jugement entrepris et au rejet de la requête au motif que l'adoption aurait pour effet de priver la mère biologique, qui entend continuer à élever son enfant, de ses propres droits sur celui-ci, ce qui constitue une violation de l'article 365 du Code Civil et est manifestement contraire à l'intérêt de l'enfant.
Par conclusions du 9 juin 2008, Mme X... prie la Cour de confirmer le jugement en faisant valoir que l'adoption simple sollicitée est de l'intérêt supérieur de l'enfant qui est élevé depuis sa naissance par sa mère et par elle-même, qu'il convient de concrétiser les liens existant tant avec elle qu'avec l'ensemble de sa famille et de protéger Emile en lui donnant deux parents au lieu d'un et un statut juridique qui coïncidera avec sa réalité quotidienne, que l'adoption lui assurera une vocation successorale supplémentaire et permettra à l'adoptante d'être physique-ment et juridiquement présente en cas de décès de la mère biologique, qu'enfin une délégation partielle de l'autorité parentale pourrait être consentie à celle-ci.
Madame Y... n'a pas conclu.
SUR CE, LA COUR,
qui se réfère pour un plus ample exposé des faits de la procédure et des moyens des parties à la décision déférée et à leurs écritures ;
Considérant que les conditions relatives à l'âge et aux consentements requises pour l'adoption simple par les article 360 et suivants du code civil ne sont pas discutées ;
Qu'il convient de rechercher si l'adoption sollicitée est en outre conforme à l'intérêt de l'enfant ;
Considérant qu'aux termes de l'article 365 du code civil, l'adoptant est investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté ; que tel n'étant pas le cas en l'espèce, l'adoption priverait en conséquence la mère biologique non seulement de l'exercice de l'autorité parentale mais du droit lui-même et ce, même en cas de décès de la mère adoptive, alors qu'elle continue d'élever son enfant ; que l'invocation de la possibilité de recourir à la procédure de délégation de l'autorité parentale prévue par l'article 377 du code civil, démontre bien la volonté de Mme Y... de garder ses prérogatives de mère alors que cette délégation, qui n'est pas de droit mais est soumise à l'accord de l'adoptante et à l'appréciation du juge aux affaires familiales, n'est qu'hypothétique, la preuve devant être rapportée devant le juge que les circonstances l'exigent ; que la perte de son autorité parentale par Mme Y... mettrait donc l'enfant dans une situation d'insécurité juridique ;
Considérant dans ces conditions et nonobstant les liens affectifs existant entre la requérante et l'enfant, dont la réalité n'est pas mise en doute, que l'adoption d'Emile par Mme X... n'apparaît pas conforme à son intérêt ; que le jugement doit être infirmé et la requête rejetée ;
Considérant que Mme X... supportera les entiers dépens de l'instance ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après débats en Chambre du Conseil, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare l'appel bien fondé,
Infirme en toutes dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau,
Rejette la requête de Mme X... aux fins d'adoption simple de l'enfant Emile Y...,
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,