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18/06/2008 | FRANCE | N°07/01962

France | France, Cour d'appel d'Amiens, Ct0200, 18 juin 2008, 07/01962


ARRET No

X...

C /
Y...
LOR. / MCD

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE DE LA FAMILLE
ARRET DU 18 JUIN 2008

RG : 07 / 01962

JUGEMENT DU JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COMPIEGNE DU 23 MAI 2006
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame Ghislaine, Mireille X... épouse Y... née le 09 Mai 1960 à SENLIS (60) de nationalité française ... 60200 COMPIEGNE

Comparante concluant par la SCP TETELIN-MARGUET et DE SURIREY, avoués à la Cour.
ET :
INTIME
Monsieur Denis, René, Pierre Y... né le

15 Juillet 1956 à BOISSY FRESNOY (60) de nationalité française ...60117 VAUMOISE

Comparant concluant par la SCP MILLON et ...

ARRET No

X...

C /
Y...
LOR. / MCD

COUR D'APPEL D'AMIENS

CHAMBRE DE LA FAMILLE
ARRET DU 18 JUIN 2008

RG : 07 / 01962

JUGEMENT DU JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE COMPIEGNE DU 23 MAI 2006
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame Ghislaine, Mireille X... épouse Y... née le 09 Mai 1960 à SENLIS (60) de nationalité française ... 60200 COMPIEGNE

Comparante concluant par la SCP TETELIN-MARGUET et DE SURIREY, avoués à la Cour.
ET :
INTIME
Monsieur Denis, René, Pierre Y... né le 15 Juillet 1956 à BOISSY FRESNOY (60) de nationalité française ...60117 VAUMOISE

Comparant concluant par la SCP MILLON et PLATEAU, avoués à la Cour.
DEBATS :
A l'audience de la Chambre du Conseil du 23 Avril 2008 ont été entendus M. LAYLAVOIX Président, en son rapport, les avoués en leurs conclusions et observations.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

M. LAYLAVOIX Président, Mmes LORPHELIN et DUBAELE Conseillers,

qui a renvoyé l'affaire à l'audience publique du 18 Juin 2008 pour prononcer l'arrêt et en a délibéré conformément à la Loi.
GREFFIER LORS DES DEBATS : M. GODRON
PRONONCE :
A l'audience publique du 18 Juin 2008, l'arrêt a été rendu par M. LAYLAVOIX, Président de Chambre, qui a signé la minute avec M. GODRON, Greffier présent lors du prononcé.

* * *

DECISION :
Monsieur Denis Y... et Madame Ghislaine X... se sont mariés à Gondreville (Oise), le 12 Mars 1977, sans contrat préalable, et trois enfants aujourd'hui majeurs sont issus de cette union, Eve, née le 23 Mai 1977, Cyril, né le 19 Novembre 1979, et David, né le 22 Décembre 1986.
Madame Ghislaine X..., épouse Y..., autorisée par une ordonnance de non-conciliation du 12 Octobre 2004, a fait assigner son époux en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil par un acte d'huissier du 28 Février 2005.
Par un jugement du 23 Mai 2006, le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de COMPIEGNE a prononcé le divorce aux torts partagés des époux, ordonné la liquidation des droits des époux dans le régime matrimonial, dit que M. Y... devra verser à la communauté une indemnité pour l'occupation du domicile conjugal depuis l'ordonnance de non-conciliation, débouté Mme X... de sa demande de prestation compensatoire et condamné chacune des parties à supporter les dépens dans la proportion de la moitié.
Madame Ghislaine X... a formé appel de ce jugement le 6 Décembre 2006.
L'affaire, radiée le 10 Avril 2007 par application des dispositions de l'article 915 du code de procédure civile, a été réinscrite au rôle à la requête de M. Denis Y... le 3 Mai 2007.
Aux termes de conclusions du 6 Septembre 2007, expressément visées, Mme Ghislaine X... prie la Cour d'infirmer le jugement des chefs du prononcé du divorce et de la prestation compensatoire, de prononcer le divorce aux torts exclusifs de l'époux, de condamner M. Y... à lui verser une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de trente huit mille quatre cent euros, tout en lui accordant la possibilité de s'acquitter de ce capital sous la forme de règlements mensuels de 400 euros pendant une durée de huit années, et de condamner M. Y... à supporter les dépens de première instance et d'appel et à lui verser une indemnité de 1. 300 euros pour ses frais d'instance par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur Denis Y... a conclu le 3 Mai 2007 pour demander à la Cour de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a accueilli la demande en divorce de l'épouse, de prononcer le divorce aux torts exclusifs de celle-ci, de la débouter de ses demandes et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel.
La procédure a été clôturée en cet état par une ordonnance du conseiller de la mise en état du 18 Mars 2008 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 23 Avril 2008.

SUR QUOI :

Sur le divorce :
L'article 242 du code civil issu de sa rédaction de la loi du 26 mai 2004, applicable en l'espèce dès lors que l'assignation en divorce a été délivrée postérieurement au 1er Janvier 2005, dispose que le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.
Au soutien de sa demande principale en divorce, Mme X... invoque le comportement adultère et violent de son époux. Elle conteste avoir abandonné le domicile conjugal et fait valoir qu'elle est partie avec l'accord de son époux afin de prendre du recul par rapport à la relation conjugale, mais qu'elle n'a pu reprendre la vie commune dans la mesure où son époux avait posé un nouveau verrou et poursuivi sa relation extra-conjugale. Elle conteste enfin la portée du rapport de détective privé produit aux débats en soulignant que la présence d'un homme à son domicile dans son appartement ne saurait démontrer qu'elle entretient une relation adultère.
Monsieur Y..., qui impute l'entière responsabilité de la rupture du lien conjugal à son épouse en faisant valoir qu'elle a quitté le domicile conjugal de son plein gré pour aller rejoindre un autre homme au cours de l'année 2004, soutient que le témoignage de Mme A... se heurterait à la règle selon laquelle « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude », qu'au surplus, sa relation adultère avec cette femme ne serait démontrée par aucun autre élément de preuve, qu'enfin, il s'agit de faits postérieurs au départ de son épouse du domicile conjugal dont celle-ci ne saurait tirer grief.
La teneur des deux courriers remis par Mme X..., épouse Y..., à son époux à l'époque de son départ du domicile conjugal permet de considérer, ainsi qu'elle le soutient en cause d'appel, que cette séparation est intervenue au cours du mois de mai 2003 d'un commun accord entre les époux. Ce départ ne saurait donc être constitutif d'une faute au sens de l'article 242 du code civil et le jugement doit être réformé en ce qu'il a retenu le contraire.
Par ailleurs, il n'apparaît pas établi que M. Y... se serait opposé à une reprise de la vie commune et le témoignage de M. Nicolas B..., qui atteste avoir personnellement assisté au cours du mois de juin 2003 à une conversation entre les époux au cours de laquelle Mme X..., qui était accompagnée d'un homme qu'elle a elle-même présenté comme étant son nouveau compagnon, a clairement signifié qu'elle n'entendait pas revenir au domicile conjugal, démontre le contraire, ainsi que la réalité du grief d'adultère soutenu par M. Y... selon lequel son épouse a refait sa vie avec un autre homme à une date contemporaine de la séparation des époux. Un tel comportement de l'épouse constitue au regard des dispositions de l'article 242 du code civil une violation grave ou renouvelée des devoirs et des obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune.
L'attestation de Mme Marie-Christine A..., si elle ne se heurte pas à la règle invoquée par M. Y... qui ne trouve pas d'application en matière de témoignage, manque cependant de précision quant à l'époque de sa liaison avec M. Y..., l'indication « après le départ de Madame (Y...) » étant insuffisante pour apprécier le caractère injurieux de cette liaison intervenue en tout état de cause après la séparation des époux. Madame X... ne versant pas d'autre témoignage permettant de situer cette relation extra-conjugale par rapport à la date de séparation des époux et n'établissant pas la réalité de l'autre grief tiré du comportement agressif et violent de son époux envers elle, il convient de considérer qu'elle ne rapporte pas la preuve à l'encontre de son époux de faits constituant une violation grave ou renouvelée des devoirs et des obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune.
En conséquence, le jugement doit être infirmé du chef du prononcé du divorce et le divorce sera prononcé aux torts exclusifs de l'épouse.
Les autres dispositions du jugement sur les mentions du divorce sur les actes d'état civil et la liquidation des droits des époux dans le régime matrimonial n'étant pas discutées en cause d'appel, il convient de les confirmer.

Sur la prestation compensatoire :

L'article 270 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 26 Mai 2004 dispose que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives.
Il convient de rappeler que la prestation compensatoire s'apprécie désormais indépendamment de l'imputation des torts dans le prononcé du divorce, sauf pour le juge à retenir des circonstances particulières de la rupture qui justifieraient en équité le rejet de cette demande.
En l'espèce, aucune circonstance particulière de la rupture ne justifiant le rejet de la demande de prestation compensatoire, il convient d'examiner la demande formée par Mme X... qui a formé appel du jugement de ce chef.
Le jugement doit être réformé en ce qu'il l'a déboutée de cette demande au motif que la rupture du mariage n'entraînerait pas dans la situation respective des époux une disparité suffisamment caractérisée, alors qu'à la date du présent arrêt les pièces produites par les parties font ressortir les éléments d'appréciation suivants :
- Monsieur Denis Y... est âgé de cinquante deux ans. Il exerce une activité de conducteur d'engin dans une entreprise de travaux publics lui assurant en 2007 un revenu net moyen mensuel de 2. 200 euros. Cependant, il n'a pas fourni l'intégralité de ses bulletins de salaire pour cette période et son avis d'imposition pour les revenus de l'année 2006 mentionne des salaires pour un montant global de 35. 725 euros, soit une moyenne mensuelle de 2. 977 euros, différence importante sur laquelle il ne fournit aucune explication dans ses écritures. Il invoque des charges fixes mensuelles de l'ordre de 650 euros. Madame X... soutient, sans être contredite sur ce point, qu'il vit maritalement et qu'il partage ses charges courantes avec une tierce personne.
- Madame X... est âgée de quarante huit ans. Elle exerce auprès de deux employeurs une activité d'agent de service lui assurant un revenu net moyen mensuel de 1. 455 euros. Elle produit un relevé de carrière mentionnant qu'au cours du mariage, elle a alterné des périodes d'activité et des périodes de chômage et qu'à la date du 14 Mars 2007, elle a cotisé pendant quatre-vingt douze trimestres au régime général de la sécurité sociale, ce qui semble insuffisant pour lui assurer une retraite à taux plein à l'âge de soixante cinq ans dans l'état actuel des textes en la matière. Elle justifie supporter des charges fixes mensuelles de l'ordre de 910 euros, étant souligné que l'emprunt qu'elle a contracté en avril 2006 auprès de la Banque Populaire pour l'acquisition d'un véhicule automobile et qui était remboursable par échéances mensuelles de 133. 25 euros, est parvenu à échéance le 10 Avril 2008. Elle déclare sur l'honneur vivre seule.
- Les époux sont propriétaires d'une maison, laquelle est actuellement occupée par l'époux. M. Y... indique, sans être contredit sur ce point, avoir réglé les dernières échéances de l'emprunt afférent à l'acquisition de cet immeuble entre le mois de mai 2003 et le mois de mars 2006. La valeur actuelle de ce bien n'a pas été précisée par les parties.
Les époux ne mentionnent aucun autre élément de patrimoine en propre ou en communauté.
En considération de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande de prestation compensatoire et de condamner M. Y... à lui verser de ce chef un capital de vingt sept mille euros.
En l'absence d'une demande de M. Y... tendant à un règlement fractionné de ce capital, la Cour ne saurait faire application des dispositions de l'article 275 du code civil et la demande de Mme X... sera donc rejetée de ce chef.

Sur la demande d'indemnité d'occupation :

L'article 262-1 du code civil prévoit que la jouissance du logement conjugal par un seul des époux conserve un caractère gratuit sauf décision contraire du juge.
En l'espèce, Mme X... demande la confirmation du jugement en ce qu'il a prévu que M. Y... serait redevable, à compter de la date de l'ordonnance de non-conciliation, d'une indemnité pour l'occupation du logement conjugal.
Monsieur Y... demande l'infirmation du jugement de ce chef et le débouté de cette demande au motif que son épouse aurait quitté le domicile conjugal pour rejoindre un autre homme.
Il convient de rappeler que l'appréciation du caractère ou non gratuit de la jouissance du logement conjugal est totalement indépendante des fautes qui peuvent être retenues contre l'un ou l'autre des époux dans le cadre du prononcé du divorce et que, cette mesure constituant l'exécution en nature du devoir de secours entre les époux, seule doit être pris en considération la situation économique de chacun d'eux.
En l'espèce, l'ordonnance de non-conciliation a attribué à l'époux la jouissance du domicile conjugal sans préciser si cette jouissance serait ou non gratuite, de sorte que Mme X... apparaît bien fondée à demander l'application des dispositions de l'article 262-1 du code civil dans le cadre de l'instance sur le fond du divorce.
Il convient de considérer qu'au regard de la situation économique de chacun des époux telle qu'elle vient d'être exposée précédemment pour l'appréciation de la prestation compensatoire et du fait que, si la résidence habituelle de David, enfant handicapé, a été fixée provisoirement au domicile du père, la charge de l'entretien de cet enfant se trouve répartie entre les deux parents, l'ordonnance de non-conciliation mentionnant que cet enfant est hébergé en internat pendant la semaine et qu'il réside en alternance au domicile de chacun des parents chaque fin de semaine, aucun élément ne justifie l'attribution à M. Y... de la jouissance à titre gratuit du logement conjugal.
En conséquence, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a prévu que l'occupation par M. Y... du logement conjugal donnera lieu au règlement d'une indemnité d'occupation à compter de la date de l'ordonnance de non-conciliation.

Sur les dépens :

Il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a partagé les dépens par moitié entre les parties et, en considération de l'imputation des torts dans le prononcé du divorce, de condamner Mme X... à supporter les dépens de première instance.
Chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions devant la Cour, il convient de prévoir qu'elles conserveront la charge de leurs dépens d'appel et celle de leurs frais d'instance, de sorte que la demande d'indemnité formée par Mme X... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, après débats en Chambre du Conseil, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement rendu le 23 Mai 2006 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de COMPIEGNE des chefs des torts dans le prononcé du divorce, de la prestation compensatoire et des dépens,
Le confirme en ses autres dispositions,
Statuant à nouveau,
Prononce aux torts exclusifs de l'épouse le divorce de M. Denis Y... et de Mme Ghislaine X...,
Condamne M. Denis Y... à verser à Mme Ghislaine X... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de vingt sept mille euros (27. 000 euros),
Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 275 du code civil,
Déboute Mme X... de sa demande d'indemnité pour ses frais d'instance,
Condamne Mme X... aux dépens de la procédure de première instance,
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Amiens
Formation : Ct0200
Numéro d'arrêt : 07/01962
Date de la décision : 18/06/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Compiègne, 23 mai 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.amiens;arret;2008-06-18;07.01962 ?
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