ARRET No
société MORY TEAM
contre X...
GH / PC COUR D'APPEL D'AMIENS
5ème chambre sociale cabinet A
PRUD'HOMMES
ARRET DU 25 MARS 2008
******************************************************************** RG : 07 / 01520
jugement du Conseil de prud'hommes de AMIENS (REFERENCE DOSSIER No RG 05 / 00253) en date du 27 mars 2006
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Société MORY TEAM agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux pour ce domicilié en cette qualité audit siège :... BP 612 80006 AMIENS
NON COMPARANTE REPRESENTEE concluant et plaidant par Me FEREIRE substituant Me Jacqueline CORTES, avocat au barreau de PARIS
ET :
INTIME
Monsieur Romuald X... ... 80000 AMIENS
NON COMPARANT REPRESENTE concluant et plaidant par Me CANU REHANY de la SELAFA CANU DEBRUYNE ET ASSOCIES, avocats au barreau D'ABBEVILLE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2006 / 008668 du 10 / 10 / 2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'AMIENS)
DEBATS :
A l'audience publique du 04 Décembre 2007, devant Mme HAUDUIN, Conseiller, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
- Mme HAUDUIN en son rapport,- les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives.
Mme HAUDUIN a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 25 Mars 2008 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme CAMBIEN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme HAUDUIN en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, cabinet A de la Cour composée en outre de : Mmes BESSE et LECLERC- GARRET, Conseillers qui en a délibéré conformément à la Loi.
ARRET : CONTRADICTOIRE
PRONONCE :
Le 25 Mars 2008, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme HAUDUIN, Conseiller, désignée par ordonnance de M. le Premier Président pour remplacer le Président empêché et Mme CAMBIEN, Greffier présente lors du prononcé.
* * *
DECISION :
Vu le jugement en date du 27 mars 2006 par lequel le conseil de prud'hommes d'AMIENS statuant dans le litige opposant Monsieur Romuald X... à la SAS MORY TEAM, a dit le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse, a condamné l'employeur à lui verser différentes sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement illégitime, indemnité de préavis, congés payés sur préavis, indemnité de licenciement, prime de 13ième mois et indemnité procédurale ;
Vu l'appel interjeté le 13 avril 2006 par la SAS MORY TEAM de cette décision qui lui a été notifiée le 4 avril précédent ;
Vu la réinscription de l'affaire au rôle de la Cour après radiation prononcée pour défaut de diligences des parties par arrêt du 6 février 2007 ;
Vu les conclusions et observations orales des parties à l'audience du 4 décembre 2007 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d'appel ;
Aux termes de conclusions récapitulatives enregistrées au greffe le 4 décembre 2007 et soutenues oralement à l'audience, la SAS MORY TEAM, poursuivant l'infirmation du jugement entrepris, invoquant le caractère fautif des faits fondant la rupture et soutenant que les dispositions de l'article 2 de l'accord du 13 novembre 1992 ne s'appliquaient pas au salarié et en tout état de cause ne s'imposaient pas à elle et ne pouvaient l'empêcher d'exercer son pouvoir disciplinaire, demande à la cour de débouter le salarié de l'intégralité de ses prétentions et de le condamner à lui verser la somme de 1.500,00 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et subsidiairement, sollicite la réduction des dommages et intérêts et demande une application limitée des dispositions de l'article L. 122-14-4 du code du travail au profit de l'Assédic ;
Aux termes de conclusions enregistrées au greffe le 30 novembre 2007 et soutenues oralement à l'audience, Monsieur X..., réfutant les moyens et l'argumentation soutenus par la partie appelante, faisant valoir que la conduite d'un véhicule en état alcoolique, fait qu'il ne conteste pas, comme ayant été constatée hors le temps du travail, ne peut justifier son licenciement disciplinaire, demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner la partie appelante à lui verser la somme de 1. 500, 00 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR :
Attendu que Monsieur Romuald X..., engagé par la SAS MORY TEAM suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 décembre1999 en qualité de manutentionnaire, puis employé comme cariste à partir du 31 août 2004, a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 octobre 2004 par lettre du 19 octobre précédent, puis licencié pour faute par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 2 novembre 2004, motivée comme suit :
"... nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave pour le motif suivant :
Faits de conduite en état d'ivresse constatée par décision de justice, commis en dehors de votre temps de travail, mais se rattachant à votre vie professionnelle, absolument incompatibles avec vos fonctions de manutentionnaire habilité à la conduite de chariots élévateurs, rendant impossible votre maintien dans l'entreprise pour préserver la sécurité des personnes.
Vous avez déjà fait l'objet en date du 13 octobre 2004 d'une condamnation par le Tribunal Correctionnel d'Amiens pour conduite en état d'ivresse avec un taux de 2.2 grammes dans le sang qui a notamment entraîné l'annulation de votre permis de conduire.
Ces faits, bien que commis en dehors de votre temps de travail, sont incompatibles avec vos fonctions de Manutentionnaire dans la Société.
Vous êtes en effet affecté en exécution de votre contrat de travail à la conduite de Chariots élévateurs pour laquelle vous êtes titulaire d'une autorisation de conduite depuis le 31 août 2004 et vous exercez vos fonctions sur un quai de transport où travaillent des manutentionnaires manipulant des transpalettes et où d'autres circulent à l'aide de chariots.
Compte tenu de vos fonctions, nous ne pouvons supporter le risque que vous mettiez en danger votre propre sécurité, ainsi que celles de vos collègues de travail, en conduisant un chariot en état d'ébriété.
D'autant que ce ne n'est pas la première fois que nous avons eu connaissance de votre état d'ébriété. Vous avez en effet déjà été l'objet d'une mise à pied pour un état d'ébriété sur le lieu de travail.
Dans de telles conditions, nous ne pouvons maintenir votre contrat de travail.
Ce comportement rend impossible la poursuite de votre contrat de travail et constitue une faute grave privative des indemnités de rupture, du préavis et du 13ème mois.
De ce fait, votre licenciement prendra effet à la date de première présentation de ce courrier. " ;
Attendu qu'estimant avoir été l'objet d'un licenciement illégitime et n'avoir pas été rempli de ses droits au moment de la rupture des relations contractuelles, Monsieur Romuald X... a saisi le conseil de prud'hommes d'AMIENS, qui, par jugement du 27 mars 2006, dont appel, s'est déterminé comme indiqué ci-dessus ;
Attendu qu'il convient préalablement de relever que l'application des dispositions de la convention collective des transports routiers, notamment dans son article 2, relatives aux salariés chauffeurs ayant fait l'objet d'une mesure administrative ou judiciaire affectant leur permis de conduire, n'étant pas revendiquée par Monsieur X..., l'argumentation soutenue par la société appelante, n'a pas d'incidence sur la résolution du présent litige ;
Attendu au fond que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail, d'une importance telle qu'elle rend impossible la maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur ;
Q'il appartient à l'employeur et à lui seul d'en rapporter la preuve ;
Attendu que le fait pour un salarié de conduire un véhicule terrestre à moteur en état d'imprégnation alcoolique en dehors des temps et lieu du travail, fait dont la matérialité n'est pas contestée, alors que son employeur ne lui confie aucune fonction entraînant la conduite de véhicules automobiles, l'intéressé ayant été embauché comme manutentionnaire puis employé comme cariste, l'employeur ne pouvant de surcroît arguer de l'existence d'une sanction disciplinaire prononcée en 2002 pour des faits d'ébriété sur le lieu de travail alors qu'il a confié postérieurement au salarié la conduite de chariots élévateurs nécessitant une autorisation spéciale, estimant donc à ce moment que l'intéressé pouvait conduire de tels véhicules sans mettre en danger d'autres salariés de l'entreprise, la survenance de la condamnation pour conduite d'un véhicule en état alcoolique prononcée par le Tribunal Correctionnel le 13 octobre 2004 pour des faits commis durant la vie privée et donc sans aucun rapport avec le travail ne pouvant à elle seule avoir pour effet de remettre en cause, en l'absence de tout autre élément de nature à établir le danger qu'il y aurait de laisser au salarié la conduite de chariots élévateurs, sa capacité, ne peut justifier la rupture unilatérale du contrat de travail par l'employeur ;
Attendu que par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges que la Cour adopte, le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions, les indemnités de rupture et la prime de 13 ième mois n'étant pas utilement contestées et les premiers juges ayant justement évalué le préjudice subi par le salarié du fait de l'illégitimité de la rupture en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 du code du travail ;
Attendu que le salarié ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur fautif à l'Assédic des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement dans la limite de six mois en application des dispositions de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail, étant observé que ces dispositions doivent recevoir application dans tous les cas où le licenciement du salarié est reconnu comme non fondé sur une cause réelle et sérieuse et ce sans qu'une faute de l'employeur, distincte de celle résultant du fait d'avoir licencié de façon illégitime un salarié, soit établie et que la Cour n'a pas en sa qualité de juridiction prud'homale, uniquement saisie de la rupture du contrat de travail, à s'immiscer dans l'appréciation qui pourrait être faite par l'Assédic du droit éventuel du salarié à percevoir des indemnités de chômage et du respect par celui- ci des conditions d'obtention ;
Attendu qu'il convient d'allouer au salarié une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur du montant précisé au dispositif ci- après ;
Attendu que la société MORY TEAM, qui succombe, sera condamnée à supporter les dépens d'appel qui pour ces derniers seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement rendu le 27 mars 2006 par le conseil de prud'hommes d'AMIENS en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne la société MORY TEAM à rembourser à l'Assédic concernée les indemnités de chômage versées au salarié depuis le jour du licenciement dans la limite de six mois ;
Condamne la société MORY TEAM à verser à Monsieur Romuald X... la somme de 1.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société MORY TEAM aux dépens d'appel qui pour ces derniers seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT.