ARRET No
B...
C /
S. A. AUCHAN
JL / LG.
COUR D' APPEL D' AMIENS
5ème chambre sociale cabinet B PRUD' HOMMES
ARRET DU 27 FEVRIER 2008
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RG : 06 / 04701
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD' HOMMES de BEAUVAIS en date du 19 janvier 2006
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame Nicole B...... 60290 NEUILLY SOUS CLERMONT
Représentée, concluant et plaidant par Me Dahbia MESBAHI, avocat au barreau de PARIS.
ET :
INTIMEE
S. A. AUCHAN 103 Avenue de l' Europe 60180 NOGENT SUR OISE
Représentée, concluant et plaidant par Me Bruno DRYE, avocat au barreau de SENLIS.
DEBATS :
A l' audience publique du 06 Novembre 2007 ont été entendus les avocats en leurs conclusions et plaidoiries respectives devant Mme SEICHEL, Conseiller, siégeant en vertu des articles 786 et 945- 1 du nouveau Code de procédure civile sans opposition des parties qui a renvoyé l' affaire à l' audience publique du 27 Février 2008, pour prononcer l' arrêt par mise à disposition au greffe de la copie.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme LECLERC- GARRET en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, cabinet B de la Cour composée en outre de :
Mme DARCHY, Président de chambre, Mme SEICHEL, Conseiller, qui en a délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
A l' audience publique du 27 Février 2008, l' arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme DARCHY, Président de chambre et Mme LEROY, Greffier, présente lors du prononcé.
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DECISION :
Vu le jugement en date du 19 JANVIER 2006 par lequel le conseil de prud' hommes de BEAUVAIS, statuant dans le litige opposant Madame B... à la société SA AUCHAN a débouté la demanderesse de l' intégralité de ses demandes, ainsi que la défenderesse de celle formée sur le fondement de l' article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu l' appel de cette décision interjeté le 15 février 2006 par Madame B... ;
Vu l' arrêt de la Cour d' Appel de céans du 22 novembre 2006 qui a ordonné la radiation de l' affaire inscrite au répertoire général sous le numéro 06 / 00681 ;
Vu la lettre du 28 novembre 2006 par laquelle Madame B... a sollicité la reprise d' instance et la réinscription de l' affaire au rôle ;
Vu les conclusions et observations orales des parties à l' audience du 6 novembre 2007 auxquelles il est renvoyé pour l' exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d' appel ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 28 novembre 2006, régulièrement communiquées et soutenues oralement à l' audience, par lesquelles l' appelante sollicite l' infirmation du jugement entrepris et formant une nouvelle demande en cause d' appel, la nullité de la mise à la retraite de la salariée, la condamnation de l' employeur à lui payer les sommes mentionnées au dispositif de ses écritures à titre de dommages- intérêts pour défaut d' affiliation au régime de retraite des cadres pour la période du 1 / 01 / 1999 au 30 / 09 / 2000, d' indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférent, d' indemnité conventionnelle de licenciement, d' indemnités pour violation du statut protecteur, de dommages- intérêts pour mise à la retraite illicite et d' indemnité par application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile, aux motifs essentiellement :
- que l' employeur ne peut se prévaloir des dispositions conventionnelles qu' il invoque, l' accord de substitution du 1 / 12 / 1998 qui a supprimé le bénéfice de l' article 36 de l' annexe I de la convention AGIRC du 14 / 03 / 1947 pour les agents de maîtrise classés à un coefficient compris entre 200 et 300 n' ayant pas été communiqué à toutes les organisation syndicales et aux salariés en application des articles L135- 7 et 135- 8 du code du travail ;
- que l' affiliation au régime AGIRC s' est incorporée au contrat de travail de la salariée, que l' employeur ne pouvait modifier de façon unilatérale,
- que s' agissant de la mise à la retraite d' un salarié protégé, elle doit être annulée comme prononcée par l' employeur sans l' autorisation de l' inspecteur du travail, intervenue postérieurement,
- que dès lors Madame B... est bien fondée à réclamer des indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis et indemnité de licenciement), ainsi que des indemnités au titre de la violation de son statut protecteur et du caractère illicite du licenciement ;
Vu les conclusions enregistrées au greffe le 2 novembre 2007, régulièrement communiquées et reprises oralement à l' audience, aux termes desquelles la société intimée qui forme appel incident, sollicite la confirmation du jugement entrepris, le débouté de la salariée de sa demande de nullité de la mise à la retraite et des demandes indemnitaires y afférent, la condamnation de l' appelante à lui restituer la somme de 4991 euros et le paiement d' une somme de 2000 euros au titre de l' article 700 du nouveau code de procédure civile, faisant valoir en substance :
- que les demandes de la salariée à raison du défaut de cotisations AGIRC pour la période antérieure au 28 / 09 / 1999 sont irrecevables comme prescrites,
- qu' en tout état de cause l' affiliation au régime AGIRC en sa qualité d' agent de maîtrise est un élément du statut collectif de l' entreprise, qui ne s' incorpore pas au contrat de travail et qui a été modifié par l' accord de substitution du 1 / 12 / 1998 qui s' impose aux salariés,
- que subsidiairement les demandes chiffrées doivent être réduites à de plus justes proportions,
- qu' enfin s' agissant de la rupture du contrat de travail, il convient de la requalifier en départ à la retraite, assimilé à une démission qui prive dès lors la salariée de la possibilité d' invoquer la violation de son statut protecteur,
- qu' enfin la requalification en départ à la retraite justifie la demande de restitution d' un trop perçu au titre de l' indemnité de départ, outre le fait que la salariée ne peut prétendre aux indemnités de rupture et aux dommages- intérêts ;
SUR CE :
Attendu que Madame B... était embauchée le 16 juin 1960 par la société LES HYPERMARCHES DE L' OISE en qualité de vendeuse, classée employée qualifiée jusqu' au 1 janvier 1981 date à laquelle elle accédait à la qualification d' « agent de maîtrise assimilée cadre » ;
Attendu que du 1 janvier 1981 au 31 décembre 1998 elle cotisait au régime de retraite complémentaire des cadres (AGIRC), que suite à l' absorption de la société LES HYPERMARCHES DE L' OISE par la société AUCHAN, Madame B... ne cotisait plus au régime des cadres sur la période querellée s' étendant du 1 janvier 1999 au 30 septembre 2000 ; qu' à compter du 1 octobre 2000 elle cotisait de nouveau à ce régime ayant été promue cadre ;
Attendu que la salariée, déléguée syndicale, quittait la société le 29 février 2004 et faisait valoir ses droits auprès des organismes de retraite, que contestant l' absence de cotisations de son employeur auprès de l' AGIRC pour la période litigieuse, elle saisissait le conseil de prud' hommes le 28 septembre 2004 aux fins de réparation de la perte financière en découlant ;
Attendu que déboutée de ses demandes, elle interjetait appel de la décision du conseil de prud' hommes et formait en cause d' appel une demande nouvelle relative à l' illicéité de sa mise à la retraite ;
Sur le défaut d' affiliation au régime de retraite complémentaire des cadres pour la période du 1 janvier 1999 au 30 septembre 2000 :
Attendu que l' intimée soulève en premier lieu l' irrecevabilité de la demande de l' appelante pour la période antérieure au 28 septembre 1999, invoquant la prescription quinquennale prévue par l' article L143- 14 du code du travail qui s' appliquerait en l' espèce, les cotisations qui auraient dues être prélevées sur le salaire constituant un accessoire de celui- ci ;
Attendu cependant que l' action de la salariée ne tend qu' à obtenir des dommages- intérêts en réparation du préjudice résultant de l' incidence sur sa pension de retraite du manquement allégué de son employeur à son obligation de cotisation à la caisse de retraite des cadres pendant la période litigieuse ; que dès lors l' action de Madame B... ne relève pas du domaine d' application de la prescription quinquennale et doit être déclarée recevable ;
Attendu qu' en application des articles L 921- 1et 921- 4 du code de la sécurité sociale, les dispositions relatives à l' affiliation au régime de retraite complémentaire des cadres (régime AGIRC) sont d' ordre public, que les parties ne peuvent y déroger ;
Attendu qu' il ressort des pièces versées aux débats que Madame B..., classée au coefficient 210 puis 230 ne conteste pas, malgré l' erreur matérielle sur son relevé de carrière, avoir été affiliée au régime AGIRC du 1 janvier 1981 au 31 décembre 1998 en application des dispositions de l' article 36 de l' annexe 1 de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres (AGIRC) du 14 mars 1947, qui permettent l' extension du champ d' application de ce régime aux employés, techniciens et agents de maîtrise dont les fonctions sont classées à un coefficient au moins égal à 200 et inférieur à 300 ;
Attendu que l' application de l' article 36 susvisé a été opérée par voie d' accord collectif conclu au sein de l' entreprise des Hypermarchés de l' Oise, qu' il est d' ailleurs fait référence à cet accord lors des négociations annuelles de 1996 ;
Attendu qu' en application de l' article L132- 8 du code du travail un accord général d' entreprise portant rapprochement du statut social de la société des Hypermarchés de l ‘ Oise vers le statut social Auchan a été signé le 1er décembre 1998 entre la direction de l' entreprise Les Hypermarchés de l' Oise et deux organisations syndicales, qu' il ressort des pièces versées aux débats que Madame B..., en sa qualité de déléguée syndicale a été convoquée à toutes les réunions de négociation, mais surtout que cet accord général était applicable à partir du moment où il était signé par au moins une organisation syndicale représentative, qu' au surplus il n' a fait l' objet d' aucune action en nullité ; que dès lors l' adhésion du personnel au régime ARRCO et AGIRC prévu par l' article 18 de l' accord de substitution relève bien d' un accord collectif dont l' employeur peut se prévaloir, peu important le prétendu défaut d' information des salariés et des organisations syndicales représentatives, au surplus non établi ;
Attendu que l' article 18 susmentionné supprime expressément « les extensions article 36 », en prévoyant que « les bénéficiaires de cette extension rejoindront les systèmes de cotisation prévus à ce titre du personnel non cadre et relèveront par conséquence du régime ARRCO » à compter du 1 janvier 1999 ; qu' en application de ces dispositions applicables par voie d' accord collectif à Madame B... qui ne peut se prévaloir d' un accord individuel avec son employeur, cette dernière a cessé de cotiser au régime de retraite AGIRC du 1 janvier 1999 au 30 septembre 2000 au profit du régime ARRCO ;
Attendu par ailleurs que la poursuite jusqu' au mois de septembre 1999 de l' adhésion de la salariée à un régime de prévoyance des cadres résulte de l' application de l' article 17- 3 de l' accord général de substitution qui prévoyait un droit d' option pour les salariés assimilés cadres en ce qui concernait uniquement la prévoyance (décès) ; que Madame B... qui prétend n' avoir pas été en mesure d' exercer cette option n' a jamais protesté, ni émis aucune observation au cours de la période litigieuse alors qu' elle ne cotisait plus au régime des cadres pour la retraite mais qu' elle continuait à y cotiser pour la prévoyance, comme elle en avait la possibilité ;
Attendu en conséquence que par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont débouté Madame B... de sa demande de dommages- intérêts, que la décision sera confirmée de ce chef ;
Sur l' illicéité de la mise à la retraite de la salariée :
Attendu qu' en date du 20 octobre 2003 un courrier recommandé avec accusé de réception était adressé à Madame B... par son employeur, rédigé comme suit :
" Suite à la conversation que nous avons eue ensemble ce jeudi 16 octobre 2003 et conformément à l' article 19 de la C. C. N. du Commerce à prédominance alimentaire, je vous informe que l' établissement AUCHAN de Nogent- sur- Oise a pris la décision de vous mettre à la retraite.
- vous aurez 60 ans le 19 novembre 2003, étant née le 19 novembre 1943,
- vous avez déjà travaillé plus de 40 ans, ayant intégré notre site le 16 juin 1960.
Vous avez donc la possibilité de faire valoir vos droits à la retraite.
Le délai de prévenance étant de 6 mois, votre contrat de travail prendra fin le 30 avril 2004.
Cette date pourra être avancée si vous le souhaitez. "
Attendu que la qualité de déléguée syndicale de la salariée n' est pas contestée ; que la mise à la retraite d' un salarié protégé doit être autorisée par l' inspecteur du travail et qu' à défaut la rupture du contrat s' analyse en un licenciement nul ;
Attendu que le moyen tiré de la rupture du contrat de travail dès l' ouverture des droits à la retraite est inopérant, qu' en effet la demande de constatation de la nullité de la décision de mise à la retraite prise par l' employeur ne peut être assimilée à une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;
Attendu que quelle que soit la chronologie du départ de l' entreprise de Madame B... et sa volonté ou non de solliciter son départ en retraite, il résulte des pièces du dossier que par un courrier du 20 octobre 2003 l' employeur a pris la décision de mettre à la retraite une salariée protégée en l' absence d' autorisation de l' inspecteur du travail, autorisation sollicitée seulement le 21 octobre 2003 et accordée le 4 novembre 2003 ;
Attendu qu' à défaut d' autorisation par l' inspecteur du travail, préalablement à la mise à la retraite d' un salarié protégé, la rupture du contrat de travail s' analyse en un licenciement nul ; qu' outre la sanction de la méconnaissance du statut protecteur, le salarié protégé, qui ne demande pas la poursuite de son contrat de travail illégalement rompu, a le droit d' obtenir, non seulement les indemnités de rupture, mais une indemnité réparant l' intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l' article L. 122- 14- 4 du Code du travail ;
Attendu que la salariée est donc bien fondée à réclamer des indemnités de rupture, au titre d' une indemnité compensatrice de préavis de trois mois, outre les congés payés y afférents et d' une indemnité conventionnelle de licenciement de douze mois eu égard à son ancienneté dans l' entreprise (43 ans) ;
Attendu que la sanction de la méconnaissance du statut protecteur du salarié protégé qui ne réclame pas sa réintégration est égale au montant des salaires qu' il aurait perçus depuis la date de son éviction jusqu' à la fin de la période de protection, qu' en application des dispositions de l' article L412- 18 alinéa 4 du code du travail elle est égale à douze mois de salaires ;
Attendu enfin que le salarié protégé licencié en violation des dispositions protectrices est fondé à obtenir une indemnisation au moins équivalente à celle allouée au titre de l' article L122- 12- 4 du code du travail ;
Attendu qu' en conséquence la société AUCHAN sera condamnée à payer à Madame B... les sommes mentionnées au dispositif de l' arrêt ;
Attendu cependant que la nullité de la mise à la retraite de Madame B... doit entraîner la restitution des sommes qu' elle a perçues à ce titre, soit l' indemnité compensatrice de préavis de six mois et l' indemnité de départ à la retraite ; qu' il convient d' ordonner la restitution de ces sommes par Madame B... à la Société AUCHAN ;
Sur les autres demandes :
Attendu qu' il n' apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais hors dépens exposés en première instance et en appel ;
Attendu que succombant pour partie, la SA AUCHAN supportera les dépens d' appel, ceux de première instance étant, compte tenu de l' objet du litige soumis aux premiers juges, laissés à la charge de la salariée ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Reçoit l' appel régulier en la forme,
Au fond,
Déclare recevable la demande de dommages- intérêts pour défaut d' affiliation au régime de retraite complémentaire des cadres pour la période du 1 janvier 1999 au 30 septembre 2000,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déclare nulle la mise à la retraite de Madame B...,
Condamne la société AUCHAN à payer à Madame B... les sommes de :
- 6556, 08 euros à titre d' indemnité compensatrice de préavis,
- 655, 08 euros au titre des congés payés afférents,
- 26224, 32 euros à titre d' indemnité conventionnelle de licenciement,
- 26224, 32 euros à titre d' indemnité pour violation du statut protecteur,
- 13112, 16 euros à titre d' indemnité sur le fondement de l' article L122- 14- 4 du code du travail,
Ordonne la restitution par Madame B... à la Société AUCHAN des sommes perçues au titre de l' indemnité compensatrice de préavis et de l' indemnité de départ en retraite en conséquence de la nullité de sa mise à la retraite,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Déboute chacune de parties de ses demandes au titre de l' article 700 nouveau code de procédure civile présentées en première instance et en appel,
Condamne la SA AUCHAN aux dépens d' appel.
LE GREFFIER : LE PRESIDENT :