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04/09/2024 | FRANCE | N°22/04363

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 2-4, 04 septembre 2024, 22/04363


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4



ARRÊT AU FOND

DU 04 SEPTEMBRE 2024



N° 2024/ 166







Rôle N° RG 22/04363 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJDLI







[G] [N]





C/



[L] [K]

[S] [U]





















Copie exécutoire délivrée

le :

à :





Me Ludmilla HEUVIN



Me Charles TOLLINCHI











Décisi

on déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal judiciaire de GRASSE en date du 27 Janvier 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/04767.





APPELANTE



Madame [G] [N]

née le [Date naissance 9] 1967 à [Localité 20], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Ludmilla HEUVIN, avocat au barreau de GRASSE ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 04 SEPTEMBRE 2024

N° 2024/ 166

Rôle N° RG 22/04363 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJDLI

[G] [N]

C/

[L] [K]

[S] [U]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Ludmilla HEUVIN

Me Charles TOLLINCHI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal judiciaire de GRASSE en date du 27 Janvier 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/04767.

APPELANTE

Madame [G] [N]

née le [Date naissance 9] 1967 à [Localité 20], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Ludmilla HEUVIN, avocat au barreau de GRASSE (avocat postulant) et plaidant par Me Clarisse MOUTON, avocat au barreau de NANCY

INTIMEES

Madame [L] [K]

née le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 23], demeurant [Adresse 16]

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) et plaidant par Me Franck BANERE de la SELARL CABINET FRANCK BANERE, avocat au barreau de GRASSE,

Madame [S] [U]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 22], demeurant [Adresse 15]

représentée par par Me Charles TOLLINCHI de la SCP CHARLES TOLLINCHI - CORINNE PERRET-VIGNERON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) et plaidant par Me Franck BANERE de la SELARL CABINET FRANCK BANERE, avocat au barreau de GRASSE,

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 12 Juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Michèle JAILLET, Présidente

Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère

Mme Pascale BOYER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2024,

Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOS'' DU LITIGE

Mme [I] [M], née le [Date naissance 6] 1910 à [Localité 24] (Aisne), a épousé le [Date mariage 4] 1941 à [Localité 20] (Hauts-de-Seine) M. [A] [N], né le [Date naissance 12] 1912 à [Localité 18] (Hauts-de-Seine).

De cette union sont nés :

- M. [F] [N], le [Date naissance 13] 1942 à [Localité 20] et décédé le [Date décès 10] 1942 dans cette même ville, - Mme [L] [N], le [Date naissance 17] 1943 à [Localité 23] ; - M. [V] [N], le [Date naissance 11] 1946 à [Localité 23].

M. [A] [N] est décédé le [Date décès 5] 1985 à [Localité 20].

M. [V] [N] est décédé le [Date décès 7] 2010 à [Localité 19] en laissant pour lui succéder sa fille, Mme [G] [N].

Par donation-partage du 13 mai 2011 reçue par Maître [R] [B], notaire à [Localité 19], Mme [I] [M] veuve [N] a attribué :

- la pleine propriété d'un appartement sis [Adresse 16] à [Localité 19] (Alpes-Maritimes) à Mme [L] [N] épouse [K] ;

- la nue-propriété d'un appartement sis [Adresse 14] à [Localité 19] à Mme [G] [N], à charge pour elle de régler une soulte d'une valeur de 34.000 €.

Par testament olographe rédigé le 15 février 2012 et reçu par Maître [R] [B], Mme [I] [M] veuve [N] a souhaité transmettre l'argent placé sur ses comptes bancaires à la [26] entre trois personnes, à savoir sa fille, Mme [L] [N] épouse [K], sa petite-fille Mme [S] [U]( fille de [L] [N] ) et sa seconde petite-fille, Mme [G] [N].

Mme [I] [M] veuve [N] est décédée le [Date décès 8] 2017 à [Localité 19].

Mme [G] [N] a relevé, au décès de sa grand-mère, des mouvements qu'elle considère anormaux sur les comptes bancaires de la défunte à partir de l'année 2010.

C'est dans ce contexte que Mme [G] [N] a fait assigner, par exploit extrajudiciaire du 24 septembre 2019, sa tante Mme [L] [N] épouse [K], puis dans un second temps sa cousine Mme [S] [U], devant le tribunal de grande instance de Grasse.

Par jugement contradictoire du 27 janvier 2022, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, le tribunal judiciaire de Grasse a :

- Débouté Mme [L] [K] et Mme [S] [U] de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de communication des comptes de gestion concernant [I] [N] antérieurs au 24 septembre 2014 ;

- Déclaré l'action de Mme [G] [N] recevable ;

- Débouté Mme [G] [N] de sa demande tendant à ordonner à Mme [L] [K] de rendre compte de la gestion des comptes de sa mère ;

- Dit qu'aucun recel successoral n'est établi à l'encontre de Mme [L] [K] ;

- Débouté Mme [G] [N] de l'ensemble de ses demandes sur le fondement du recel successoral ;

- Débouté Mme [G] [N] de sa demande de nullité de la demande de modification de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie [25] en date du 13 juillet 2012 ;

- Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire ;

- Condamné Mme [G] [N] à payer à Mme [L] [K] et Mme [S] [U] la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné Mme [G] [N] aux entiers dépens de l'instance, distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration reçue au greffe le 23 mars 2022, Mme [G] [N] a interjeté appel de cette décision.

Par premières conclusions déposées le 23 juin 2022, l'appelante demandait à la cour de :

Déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté par Madame [G] [N] ;

Y faisant droit,

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de GRASSE le 27 janvier 2022 (RG N° 19/04767) en ce qu'il a :

- Débouté Madame [G] [N] de sa demande tendant à ordonner à Madame [L] [K] de rendre compte de la gestion des comptes de sa mère ;

- Dit qu'aucun recel successoral n'est établi à l'encontre de Madame [L] [K];

- Débouté Madame [N] de l'ensemble de ses demandes sur le fondement du recel successoral ;

- Débouté Madame [N] de sa demande de nullité de la demande de modification de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie [25] en date du 13 juillet 2012 ;

- Rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- Condamné Madame [N] à payer à Madame [K] et à Madame [U] la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Ordonner à Madame [L] [K] de rendre compte de la gestion des comptes de sa mère, Madame [I] [N] pour lesquels elle avait procuration et de justifier de l'ensemble des opérations effectuées de juin 2010, date à laquelle la procuration a été donnée, jusqu'au décès;

D'ores et déjà et à défaut de justification des opérations effectuées,

Condamner Madame [K] à verser à la succession les sommes 158 750 € au titre des retraits et chèques effectués et 2 872,65 € au titre de l'emploi des rachats partiels d'assurance vie ;

Dire et juger qu'en application de l'article 778 du Code civil, Madame [K] sera privée de tout droit sur ces sommes ;

Prononcer la nullité de la demande de modification de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie [25] intervenue le 13 juillet 2012 ;

Débouter Madame [L] [K] et Madame [S] [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires ;

Condamner Madame [L] [K] à verser à Madame [G] [N] la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner Madame [L] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par premières conclusions notifiées le 30 juillet 2022, les intimées sollicitaient de la cour de :

Vu les pièces versées aux débats, Vu l'article 2224 du Code Civil,

CONFIRMER le jugement 27 janvier 2022 en ce qu'il a :

Débouté Madame [G] [N] de sa demande tendant à ordonner à Madame [L] [K] de rendre compte de la gestion des comptes de sa mère ;

Dit qu'aucun recel successoral n'est établi à l'encontre de Madame [L] [K];

Débouté Madame [G] [N] de l'ensemble de ses demandes sur le fondement du recel successoral

Débouté Madame [G] [N] de sa demande de nullité de la demande de modification de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie [25] en date du 13 juillet 2012 ;

Rejeté toute autre demande plus ample ou contraire

Condamné Madame [G] [N] à payer à Madame [L] [K] et Madame [S] [U] la somme de 2000€ en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Condamné Madame [G] [N] aux entiers dépens de l'instance, distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile

INFIRMER le jugement du 27 janvier 2022 en ce qu'il a :

Débouté Madame [L] [K] et Madame [S] [U] de leur fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande de communication des comptes de gestion concernant [I] [N] antérieurs au 24 septembre 2014

Déclaré l'action de Madame [G] [N] recevable

Statuant à nouveau,

DECLARER les demandes de compte-rendu de gestion pour la procuration de 2010 au 24 septembre 2014, prescrites,

REJETER la demande de compte rendu de gestion de 2014 jusqu'au jour du décès, faute de démonstration de l'intervention de Madame [L] [K] à titre personnel,

En tout état de cause,

DEBOUTER Madame [G] [N] de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNER Madame [G] [N] aux entiers dépens, outre 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre de l'appel

L'appelante a transmis des conclusions en réplique le 27 octobre 2022 en demandant de voir :

Déclarer recevable mais mal fondé l'appel incident interjeté par Madame [L] [K] et Madame [S] [U] ;

Le rejeter.

Par conclusions notifiées le 17 février 2023, les intimées ont maintenu leurs prétentions initiales.

Par avis du 12 mars 2024, le magistrat chargé de la mise en état a informé les parties que cette affaire était fixée à l'audience du 12 mars 2024.

Par conclusions récapitulatives déposées le 26 mars 2024, l'appelante a réitéré ses demandes figurant dans ses écritures du 27 octobre 2022.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Les demandes de 'donner acte' sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Ne constituent pas par conséquent des prétentions au sens de l'article sus-cité du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ou encore à 'prendre acte' de sorte que la cour n'a pas à y répondre.

Il n'y a donc pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que' ou 'dire que ' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.

L'article 9 du code de procédure civile dispose qu''il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention' et que l'article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée 'avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation'.

Par ailleurs l'effet dévolutif de l'appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.

Sur l'action en reddition de compte

L'appelante sollicite l'infirmation du jugement afin que la Cour ordonne à Mme [L] [N] épouse [K] de rendre compte de la gestion des comptes bancaires de sa mère pour lesquels elle avait procuration et ainsi de justifier de l'ensemble des opérations effectuées de juin 2010 jusqu'au décès de Mme [I] [M] veuve [N].

Elle expose, en substance, que :

- sur la prescription invoquée, c'est à bon droit que le jugement a placé le point de départ de celle-ci au jour de l'ouverture de la succession, soit au 1er octobre 2017. Ce ne serait qu'à compter de l'ouverture de la succession qu'elle a pu avoir accès aux documents permettant de constater l'anormalité alléguée des retraits litigieux.

- Si avant le décès de M. [V] [N], premier mandataire de sa mère Mme [I] [M] épouse [N], les retraits étaient mesurés et conformes au mode de vie de cette dernière, la procuration donnée à Mme [L] [N] épouse [K] aurait été le point de départ de retraits incessants.

- L'appelante a pu constater, à la lecture des relevés bancaires, que plusieurs retraits par carte ont eu lieu chaque mois pour des sommes totales allant entre 1.500 € et plus de 3.000 € mensuels.

- Toutes les charges courantes de Mme [I] [M] veuve [N] faisaient pourtant l'objet de prélèvements ([21], téléphone mutuelle, imposition ou encore charges de copropriété). Les dépenses de la vie quotidienne ne peuvent donc pas justifier de tels retraits.

- L'appelante considère comme suspectes les sommes suivantes :

en 2010 : 12.340 € ;

en 2011 : 22.220 € ;

en 2012 : 25.460 € ;

en 2013 : 18.200 €, outre un retrait espèces de 1 500 € le 26 octobre et des chèques d'environ 2 000 € toujours en octobre, soit au total 21.700 € ;

en 2014 : 20.510 € ;

en 2015 : 22.660 € ;

en 2016 : 21.770 € ;

en 2017 : 12.090 €.

- Au total ce serait donc une somme de 158.750 € qui aurait été prélevée sans une quelconque explication.

- À défaut d'explication de la part de sa tante, l'appelante sollicite la condamnation de Mme [L] [N] épouse [K] au versement de la somme de 158.750 €.

- Mme [I] [N] avait souscrit un contrat d'assurance-vie [25] le 24 juin 1999 qui a fait l'objet de plusieurs rachats dont un rachat le 1er juillet 2016 pour un montant sollicité de 3.000 € et un montant réglé de 2.872,65 €. Or, cette somme aurait été absorbée par les retraits mensuels intervenus par la suite qui seraient liés aux agissements de Mme [L] [N] épouse [K] au moyen de sa procuration.

- L'appelante estime qu'il conviendrait donc également de condamner Mme [L] [N] épouse [K] à rembourser la somme de 2.872,65 €.

- Il y aurait ainsi recel successoral de ces sommes, et ce sur le fondement de l'article 778 du code civil, Mme [L] [K] ayant eu de plus un comportement maltraitant envers sa mère.

Les intimées élèvent un appel incident sur la prescription de l'action en reddition de comptes.

Elles font observer notamment que :

Sur la prescription :

- Mme [G] [N] avait procuration sur les comptes de Mme [I] [M] veuve [N], ce qui fait qu'elle aurait donc dû connaitre les faits lui permettant d'exercer son action avant l'ouverture de la succession.

- Aucun texte ne prévoit que le point de départ du délai de prescription de l'action fondée sur le recel successoral commencerait à courir au jour du décès uniquement.

- L'action de l'appelante devrait donc être déclarée prescrite sur la période antérieure au 24 septembre 2014.

Sur le fond :

- Mme [L] [N] épouse [K] n'aurait aucune obligation de rendre compte de sa gestion à Mme [G] [N] puisque la reddition de comptes ne doit se faire qu'au mandant et non à un tiers.

- Elles précisent encore que Mme [G] [N] étant titulaire de la même procuration, elle devrait également rendre compte de sa gestion.

- La reddition de comptes n'est pas nécessaire dans la mesure où Mme [G] [N] pouvait vérifier l'utilisation de la procuration de sa tante grâce à son propre mandat sur les comptes de Mme [I] [M] veuve [N].

Le jugement entrepris a considéré que la prescription quinquennale n'est pas acquise concernant cette action car les faits constitutifs d'un recel successoral ne peuvent être connus qu'au décès et non auparavant.

Par conséquent, la demande de communication de pièces formée par Mme [N] n'a pas été déclarée prescrite.

Le tribunal a toutefois débouté de sa demande Mme [G] [N] puisque :

- Mme [L] [K] n'avait pas pour mission de la représenter dans le cadre d'une tutelle ou d'une curatelle et qu'elle n'avait donc pas à rendre compte de sa gestion.

- Aucun document à l'appui de sa demande n'est visé par Mme [G] [E], la justification de l'ensemble des opérations de juin 2010 au décès ne relevant pas d'une communication de pièces mais de la présentation des arguments de défense de ses contradicteurs.

- La demande de communication n'est, par conséquent, pas fondée.

Il convient de distinguer le problème de la prescription de celui sur le fond de la reddition de comptes.

1°/ Sur la prescription

L'article 2224 du code civil dispose que 'Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

L'appelante mentionne que 'En effet, si Madame [G] [N] a disposé d'une procuration sur les comptes de Madame [I] [N], cela ne lui permettait aucunement de consulter les comptes car aucun accès au système de banque à distance n'a été mis en place'.

Mme [G] [N] admet donc en appel, comme en première instance, avoir détenu une procuration sur les comptes bancaires de sa grand-mère, comme sa tante, Mme [L] [N] épouse [K].

Si Mme [G] [N] avait procuration au même titre que Mme [L] [N] épouse [K], le point de départ de la prescription de l'action en reddition de comptes ne peut être fixé au jour du décès.

Il n'est pas contesté que l'assignation introductive formalisant cette demande a été signifiée à Mme [L] [N] épouse [K] le 24 septembre 2019.

Par conséquent, l'action de Mme [N] est prescrite pour la période antérieure au 24 septembre 2014.

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] et Mme [U] de leurs demandes tendant à déclarer Mme [N] irrecevable en sa demande de reddition de compte pour la période antérieure au 24 septembre 2014.

Il s'ensuit que les demandes de compte-rendu de gestion pour la procuration de 2010 sont également irrecevables pour la période antérieure au 24 septembre 2014.

2°/ Sur le fond

Sur la période postérieure à l'année 2014, Mme [G] [N] ne vise aucune pièce susceptible de démontrer que les retraits allégués sont du fait de Mme [L] [N] épouse [K] puisque l'appelante était elle-même titulaire d'une procuration.

Il convient, dès lors, de débouter Mme [G] [N] de sa demande tendant à 'Condamner Madame [K] à verser à la succession les sommes 158 750 € au titre des retraits'.

Le jugement entrepris doit, dès lors, être confirmé.

La demande de recel est ainsi formulée dans le dispositif de l'appelante : 'Dire et juger qu'en application de l'article 778 du Code civil, Madame [K] sera privée de tout droit sur ces sommes;'.

Or, il n'est pas établi que Mme [L] [E] épouse [K] soit, par sa procuration, à l'origine des retraits pour un total de 158.750 €.

Par conséquent, cette demande est sans objet.

La demande de recel portant sur la somme de 2.872,65 € n'est donc pas davantage fondée puisque les retraits mensuels litigieux ne sont pas démontrés comme provenant de l'action de Mme [L] [K] au titre de sa procuration et ce d'autant plus que Mme [G] [N] était également titulaire d'une procuration.

Aucune démonstration ne permet de justifier que cette somme aurait été absorbée par les retraits litigieux.

Le jugement entrepris sera donc confirmé eu égard aux motifs ci-dessus énoncés.

Sur le contrat d'assurance-vie

L'appelante demande à la cour de prononcer la nullité de la demande de modification de la clause bénéficiaire intervenue le 13 juillet 2012 du contrat d'assurance-vie [25] souscrit initialement le 24 juin 1999 par Mme [I] [M] veuve [N].

Elle expose, en substance, que :

- il ressortirait de l'étude de plusieurs pièces de comparaison que le changement de bénéficiaire litigieux n'aurait pas été rédigé par Mme [I] [M] veuve [N] elle-même, dans la mesure où les deux écritures seraient radicalement différentes.

- Mme [L] [K] ne justifierait pas de la volonté certaine et non équivoque de Mme [I] [M] veuve [N] de modifier les bénéficiaires du contrat, et particulièrement au regard des conditions dans lesquelles la défunte était traitée dans les dernières années de sa vie.

- Il est fort peu probable que cette dernière ait pu s'opposer à signer quoi que ce soit alors qu'elle ne pouvait plus disposer librement de ses deniers en raison de l'intervention alléguée de Mme [L] [N] épouse [K].

- Il serait choquant que le tribunal ait pu se contenter de la seule signature de Mme [I] [N], qui était en fait totalement dépossédée de ses biens au motif de son âge et de sa faiblesse.

Les intimées s'y opposent en rappelant que :

- il n'est pas démontré que Mme [I] [M] veuve [N] présentait une altération de ses facultés mentales.

- Mme [G] [N] ne soutient d'ailleurs pas que sa grand-mère était atteinte de troubles mentaux, invoquant une absence d'écriture infondée sur le fond.

- Le notaire de la famille, Maître [R] [B], aurait certifié de la matérialité de la signature de Mme [I] [M] épouse [N] sur le document sollicitant la modification de la clause bénéficiaire.

- Elles ajoutent que la clause correspondrait clairement à la volonté de gratifier Mme [S] [U], fille de Mme [L] [K]. Une telle volonté se manifesterait par le testament du 15 février 2012 qui indique que les sommes issues des comptes bancaires [26] soient répartis entre sa fille et ses deux petites-filles.

Elles sollicitent, dès lors, la confirmation du jugement attaqué.

Le jugement entrepris a retenu que :

- il est évident que l'écriture du testament de Mme [I] [N] rédigé le 15 février 2012 et celle du courrier de modification des bénéficiaires de l'assurance-vie du 13 juillet 2012 sont en tous points différentes. Toutefois, il ressort de l'examen des signatures de ces deux actes que celles-ci sont identiques.

- Aucune règle n'impose la rédaction manuscrite de la demande de changement de bénéficiaire d'une assurance-vie par le seul détenteur du contrat. La validité de l'acte ne saurait donc être remise en cause pour cette raison.

Le tribunal a, dès lors, débouté Mme [G] [N] de sa demande de nullité de la demande de nullité de la modification du contrat d'assurance-vie [25].

En cause d'appel, l'appelante vise au soutien de sa demande de nullité :

- sa pièce n°19 qui est la demande de modification litigieuse ; - sa pièce n°33 qui est un courrier manuscrit du 11 décembre 2008 de Mme [I] [N] qui ne présente pas de signature.

Aucune de ces deux pièces ne permet de démontrer que Mme [I] [N] n'a pas signé elle-même la modification de la clause bénéficiaire litigieuse.

L'appelante procède par voie d'inversion de la charge de la preuve quand elle estime que c'est aux intimées de justifier de la volonté certaine de Mme [I] [M] veuve [N] de modifier la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie [25].

Par conséquent, le jugement entrepris ne saurait qu'être confirmé.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance.

Mme [G] [N] doit être condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles.

Les intimées ont exposé des frais en cause d'appel ; Mme [G] [N] sera condamnée à verser la somme globale de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement en date du 27 janvier 2022 rendu par le tribunal judiciaire de Grasse mais seulement en ce qu'il a :

Débouté Mme [L] [K] et Mme [S] [U] de leur fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de communication des comptes de gestion concernant [I] [N] antérieurs au 24 septembre 2014 ;

Déclaré l'action de Mme [G] [N] recevable ;

Statuant de nouveau,

Juge irrecevables les demandes de compte-rendu de gestion pour la procuration de 2010 pour la période antérieure au 24 septembre 2014,

Confirme pour le surplus le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne Mme [G] [N] aux dépens d'appel,

Condamne Mme [G] [N] à verser à Mme [L] [N] épouse [K] et à Mme [S] [U] la somme globale de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame Michèle Jaillet, présidente, et par Madame Fabienne Nieto, greffière, auxquelles la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

la greffière la présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 2-4
Numéro d'arrêt : 22/04363
Date de la décision : 04/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-04;22.04363 ?
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