COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-4
ARRÊT AU FOND
DU 04 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/ 162
Rôle N° RG 19/14673 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BE4YB
[M], [P] [R]
C/
[C] [E]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Thimothée JOLY
Me Gérald GUILLOT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 25 Juin 2019 enregistré(e) au répertoire général .
APPELANT
Monsieur [M], [P] [R]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 12] (06), demeurant [Adresse 13]
représenté par Me Thimothée JOLY, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE (avocat postulant) et plaidant par Me Mireille MAGNAN, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Madame [C] [E]
née le [Date naissance 6] 1964 à [Localité 12], demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Gérald GUILLOT, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Michèle JAILLET, Présidente
Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère
Mme Pascale BOYER, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Fabienne NIETO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2024,
Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Mme Fabienne NIETO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige
[C] [E] et [M] [R] se sont mariés le [Date mariage 5] 1984 dans les ALPES-MARITIMES sans contrat de mariage préalable.
Par ordonnance de non-conciliation du 20 mai 2003, le juge aux affaires familiales de NICE a autorisé les époux à résider séparément et, statuant sur les mesures provisoires, a notamment attribué la jouissance du domicile conjugal à l'épouse.
Par jugement en date du 16 décembre 2003, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NICE a :
- prononcé le divorce des époux aux torts exclusifs de [M] [R],
- prononcé la dissolution du régime matrimonial ayant existé entre eux
- désigné le Président de la chambre des notaires des ALPES-MARITIMES pour procéder à la liquidation sous la surveillance d'un Juge commis.
Le 19 mars 2008, Maître [G] [S], notaire à [Localité 12], désignée pour ce faire, a dressé entre les ex-époux un procès-verbal de difficultés en raison de la contestation par Monsieur [R] de l'évaluation des biens immobiliers.
En 2009, Madame [E] a saisi le tribunal de grande instance de NICE d'une demande de liquidation et partage de l'indivision post communautaire.
Dans un arrêt du 12 avril 2012, la cour d'appeI d'AIX EN PROVENCE a confirmé un jugement du 23 mai 2011 ayant ordonné, avant dire droit, une expertise judiciaire des biens immobiliers situés à [Localité 11].
Le rapport d'expertise a été déposé le 16 octobre 2013.
Par jugement du 02 mars 2015, le tribunal de grande instance de NICE a :
- fixé la valeur vénale des biens immobiliers dépendant de la communauté des ex-époux comme suit :
- 7200 euros pour le bien numéro 1 : parcelle de terrain lieudit [Adresse 10] cadastrée section B n 0 [Cadastre 3] ;
- 6400 euros pour le bien numéro 4 : parcelle à usage de pâturage section E n o [Cadastre 9], et une parcelle de terre incluse dans la parcelle cadastrée section E n o [Cadastre 8] ;
- fixé la valeur vénale des biens immobiliers, biens propres par accessoires de Monsieur [R] à 54.000 euros pour la bergerie et 180.000 euros pour la maison,
- fixé la récompense due par Monsieur [R] à la communauté pour un montant de 234.000 euros représentant la valeur vénale de la bergerie et la maison d'habitation ;
- accordé à Monsieur [R] un droit préférentiel sur les biens immobiliers cadastrés section B numéros [Cadastre 3], [Cadastre 2], [Cadastre 4], E numéro [Cadastre 9] et E numéro [Cadastre 8] ,
- dit que le notaire reprendra ses opérations de partage en tenant compte des décisions prises
- dit que les frais d'expertise seront inclus dans les dépens employés en frais privilégiés de partage et que chacune des parties supportera ses frais irrépétibles.
Le 23 septembre 2016, Maître [S] a de nouveau dressé un procès-verbal de dires et difficultés sur la question des comptes entre les parties.
Le 24 août 2017, Madame [E] a fait assigner Monsieur [R] en partage devant le tribunal de grande instance de NICE.
Le 2 août 2018, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence du juge aux affaires familiales devant lequel l'instance a été enrôlée.
Les deux parties ont émis des contestations sur la composition et la valorisation de l'actif de la communauté et des prétentions relatives à des récompenses ou créances entre époux supplémentaires par rapport à celles jugées en 2015.
Par jugement du 25 juin 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NICE a notamment :
- Déclaré irrecevables les demandes des parties relatives à la contestation de la valeur du cheptel au titre de l'actif de la communauté, des récompenses encore dues par Monsieur [M] [R] à la communauté et de la contestation des créances dues par Monsieur [M] [R] à Madame [C] [E] ; en raison de l'autorité de la chose jugée et en invoquant la concentration des demandes et moyens et le fait que Madame [E] a déjà obtenu les sommes réclamées.
- Dit que les sommes dues par Monsieur [M] [R] emporteront intérêt au taux légal à compter du 24 août 2017 ;
- Renvoyé Madame [E] à mieux se pourvoir s'agissant de sa demande d'attribution des lots à partager ;
- Débouté Monsieur [R] de sa demande subsidiaire aux fins d'expertise comptable ;
- Renvoyé les parties devant maître [G] [S], notaire à [Localité 12], pour dresser l'acte de partage conformément aux éléments ci-dessus rappelés ;
- Condamné Monsieur [R] à verser à Madame [E] une somme de 2000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- Débouté Monsieur [R] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire,
- Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
La décision a été signifiée le 23 août 2019 par Madame [E].
Monsieur [R] a formé appel de la décision par déclaration par voie électronique du 18 septembre 2019 en énumérant toutes les dispositions du jugement.
L'intimée a constitué avocat le 4 décembre 2019 avant de changer de conseil le 16
juillet 2021.
Dans ses uniques conclusions du 15 décembre 2019, l'appelant demande à la cour de :
- RECEVOIR Monsieur [M] [R] en son appel et le dire bien fondé ;
- REFORMER le jugement déféré en toutes ses dispositions,
sauf en ce que le premier juge a renvoyé Madame [C] [E] à mieux se pourvoir s'agissant de sa demande d'attribution des lots à partager ;
Statuant à nouveau,
- DÉCLARER recevables les demandes relatives à la contestation de la prise en compte du cheptel disparu depuis 2002, au titre de l'actif de la communauté ;
- DÉCLARER recevables les demandes relatives à la contestation des récompenses
- DÉCLARER recevables les demandes relatives à la contestation du montant des créances opposées par Madame [C] [E] à l'encontre de Monsieur [M] [R] ;
- CONSTATER le parfait remboursement à hauteur de 50 000 euros des emprunts de la communauté par Monsieur [M] [R] postérieurement au prononcé du jugement de divorce ;
En conséquence,
- JUGER que Madame [C] [E] est débitrice d'une somme de 25 000 euros à l'égard de Monsieur [M] [R] ;
- DEBOUTER Madame [C] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Subsidiairement, et si par le plus grand des hasards, la Cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée sur les éléments comptables,
- ORDONNER une expertise comptable et désigner tout expert-comptable à l'effet de faire le compte entre les parties.
En toute hypothèse,
- CONDAMNER Madame [C] [E] au paiement de la somme de 5000 à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire ;
- CONDAMNER Madame [C] [E] au paiement de la somme de 3500 par application des dispositions de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par ses premières conclusions du 20 février 2020, l'intimée demande à la cour de :
- CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice en date du 25 juin 2019 dans toutes ses dispositions ;
Vu l'article 564 du Code de procédure civile,
- CONSTATER que la demande tendant à la condamnation de Madame [E] au paiement de la somme de 25.000 euros est présentée pour la première fois en cause d'appel ;
- REJETER cette demande comme étant irrecevable,
En toute hypothèse,
- REJETER cette demande comme étant infondée
- REJETER la demande de condamnation de Madame [E] au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire
- CONDAMNER Monsieur [R] à payer à Madame [E] la somme de 20.000 euros à titre de résistance abusive ;
- CONDAMNER Monsieur [R] à payer à Madame [E] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles.
Le 16 juillet 2021, les parties ont été avisées de la désignation du conseiller de la mise en état de la chambre 2-4.
Le 30 janvier 2024, le conseil de Monsieur [R] a indiqué que les parties s'étaient rendues devant le notaire mais qu'aucune transaction n'avait pu aboutir.
Les parties ont été avisées le 1er février 2024 de la fixation de l'audience de plaidoiries au 12 juin 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mai 2024.
Motifs de la décision
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.
Sur l'étendue de la saisine de la cour
Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.
Les demandes de 'donner acte' sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l'article 4 du code de procédure civile.
Ne constituent pas, par conséquent, des prétentions au sens de l'article sus-cité du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir 'constater' ou 'donner acte' ou encore à 'prendre acte' de sorte que la cour n'a pas à y répondre.
Il n'y a donc pas lieu de reprendre ni d'écarter dans le dispositif du présent arrêt les demandes tendant à 'constater que' ou 'dire que' telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lesquelles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'arrêt.
L'article 9 du code de procédure civile dispose qu''il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention' et que l'article 954 du même code, dans son alinéa 1er, impose notamment aux parties de formuler expressément ses prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune des prétentions est fondée 'avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et leur numérotation'.
En application de cet article, la cour n'est saisie que des prétentions figurant dans le dispositif des conclusions des parties.
Par ailleurs l'effet dévolutif de l'appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s'ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu'en cours d'instance d'appel.
La cour ne statuera donc pas en tout état de cause sur la demande de 'Constater le parfait remboursement à hauteur de 50.000 euros des emprunts de la communauté par Monsieur [R] postérieurement au prononcé du jugement de divorce.'
Sur la question de l'effet dévolutif de l'appel
Selon l'article 542 du code de procédure civile : 'L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.'
L'article 911 du code de procédure civile impose à l'appelant de mentionner dans la déclaration d'appel 'les chefs du jugement expressément critiqués auquel l'appel est limité'.
L'article 954 du même code dispose en ses alinéas 2 et 3 que : 'Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif dans lequel l'appelant indique s'il demande l'annulation ou l'infirmation du jugement et énonce, s'il conclut à l'infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués, et dans lequel l'ensemble des parties récapitule leurs prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes conclusions sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.'
L'énoncé des chefs du jugement critiqués dans les conclusions d'appelant permet à la cour de déterminer l'étendue de sa saisine.
En effet, l'appelant a le droit de renoncer à sa demande d'infirmation ou de réformation sur certains des chefs critiqués dans la déclaration d'appel.
Dans la déclaration d'appel, Monsieur [R] a indiqué qu'il sollicitait la réformation ou l'infirmation du jugement et énoncé les chefs de la décision qu'il critiquait sans reprendre l'intégralité de ces chefs.
Dans ses uniques conclusions, il demande que le jugement soit réformé 'en toutes ses dispositions sauf en ce que le premier juge a renvoyé Madame [C] [E] à mieux se pourvoir s'agissant de sa demande d'attribution des lots à partager'.
Il n'a pas procédé à l'énonciation des chefs du dispositif dont il demande la réformation.
Il ne reprend pas ensuite dans sa demande de statuer à nouveau l'intégralité des points jugés en première instance.
En outre, les demandes qu'il émet contiennent un mélange de prétentions et de moyens qui ne permet pas à la cour de déterminer l'étendue de sa saisine.
L'appelant ne peut ajouter des chefs critiqués à ceux énoncés dans la déclaration d'appel mais peut renoncer à certains de ces chefs.
En l'absence de toute énonciation des chefs critiqués, la cour ne peut déterminer sur quels chefs elle doit statuer à nouveau.
Il convient donc de juger qu'aucun chef du jugement n'a été dévolu à la cour par les conclusions de l'appelant en l'absence d'énonciation des chefs critiqués dans le dispositif de ses écritures.
L'intimée n'a pas formé d'appel incident. Elle a sollicité la confirmation de l'intégralité des chefs du jugement y compris celui par lequel elle a été débouté de toutes demandes plus amples ou contraires et notamment sa demande de dommages et intérêts.
Dès lors, aucun des chefs du jugement n'a été dévolu à la cour par l'intimée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
En ce qui concerne l'instance d'appel, Monsieur [R] qui succombe sera condamné à les supporter.
Il devra aussi régler à Madame [E] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort :
Juge sans effet dévolutif le dispositif des conclusions de l'appelant ;
Constate l'absence d'appel incident ;
Condamne Monsieur [M] [R] aux dépens de l'instance d'appel ;
Condamne Monsieur [M] [R] à payer à Madame [C] [E] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame Michèle Jaillet, présidente, et par Madame Fabienne Nieto, greffière, auxquelles la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière La présidente