COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 03 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/1355
N° RG 24/01355 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNUED
Copie conforme
délivrée le 03 Septembre 2024 par courriel à :
-l'avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Septembre 2024 à 12h05.
APPELANT
X se disant Monsieur [B] [X]
né le 14 Mars 1990 à [Localité 4] (Algérie)
de nationalité Algérienne
Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 7] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024;
Assisté de Maître Domnine ANDRE, avocate au barreau d'Aix-en-Provence
commise d'office et de Monsieur [J] [O], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, tous présents au siège de la cour;
INTIMÉ
Monsieur le Préfet des Bouches-du-Rhône
Représenté par Monsieur [F] [W], présent au siège de la cour;
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé et non représenté;
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 03 Septembre 2024 devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de M. Corentin MILLOT, Greffier.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2024 à 18h15,
Signée par M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, et M. Corentin MILLOT, Greffier.
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 13 janvier 2024 par le préfet des Bouches-du-Rhône, notifié à X se disant Monsieur [B] [X] le même jour à 15h00;
Vu la décision de placement en rétention prise le 02 août 2024 par le préfet des Bouches-du-Rhône notifiée à X se disant Monsieur [B] [X] le 03 août 2024 à 9h03;
Vu l'ordonnance du 02 Septembre 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de X se disant Monsieur [B] [X] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 30 jours;
Vu l'appel interjeté le 02 Septembre 2024 à 15h36 par X se disant Monsieur [B] [X];
X se disant Monsieur [B] [X] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare: 'Je suis né à [Localité 5]. Je ne connais pas mon adresse, mon avocat a l'adresse, elle est présente dans votre dossier mais c'est à [Localité 7]. Je vous jure par Dieu je suis né à [Localité 5]. J'ai fait appel car j'en ai marre d'être enfermé et de la prison, j'ai des papiers pour le Portugal, je suis en France depuis 2017. Je vais partir, si vous me retrouvez vous pouvez m'emmener directement en prison. Sur les précédentes OQTF, je suis parti et je suis revenu. J'étais en Espagne et au Portugal. Je suis ici pour voir mon frère, il a un visa. Je suis venu d'Espagne. J'ai beaucoup de famille en Algérie mais je ne peux plus y retourner. Je suis en France depuis 2017, je suis venu par l'Italie. Je suis venu en 2018 jusqu'en 2019 je suis revenu, je fais des allers-retours pour les visas. Merci à vous.'
Son avocate a été régulièrement entendue. Elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée et la remise en liberté du retenu ou, à défaut, son assignation à résidence. A ces fins, elle soutient que la requête préfectorale en prolongation de la rétention est irrecevable car non accompagnée de pièces justificatives utiles, à savoir la délégation de signature au profit du signataire de l'acte et la copie actualisée du registre de rétention. Elle reproche en outre au représentant de l'Etat de ne pas avoir accompli de diligences en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement durant 41 jours et estime qu'il n'existe aucune perspective d'éloignement au regard de la rupture des relations diplomatiques entre la France et l'Algérie.
Le représentant de la préfecture a été régulièrement entendu. Il déclare: 'Sur le 1er moyen, nous sommes en 2 ème prolongation je vous demande de rejeter ce moyen. Les perspectives d'éloignement sont réelles. Les diligences sont effectuées, le consulat est interrogé et a été relancé le 30 août dernier. Pour l'assignation à résidence, Monsieur n'a pas de garanties de représentation sérieuses.'
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur la recevabilité de l'appel
Aux termes des dispositions de l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), 'L'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel, dans les vingt-quatre heures de son prononcé, par l'étranger, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. Lorsque l'étranger n'assiste pas à l'audience, le délai court pour ce dernier à compter de la notification qui lui est faite. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.
Le ministère public peut interjeter appel de cette ordonnance selon les mêmes modalités lorsqu'il ne sollicite pas la suspension provisoire.'
Selon les dispositions de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée. Elle est transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel qui l'enregistre avec mention de la date et de l'heure.'
L'ordonnance querellée a été rendue le 2 septembre 2024 à 12h05 et notifiée à X se disant Monsieur [B] [X] à ces mêmes date et heure. Ce dernier a interjeté appel le même jour à 15h36 en adressant au greffe de la cour une déclaration d'appel motivée. Son recours sera donc déclaré recevable.
2) Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête préfectorale en prolongation faute de pièces justificatives utiles
Aux termes de l'article R742-1 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7.
La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l'article R. 743-1.'
Selon les dispositions de l'article R743-2 alinéas 1 et 2 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.'
L'article L744-2 du CESEDA dispose qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil.
L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Il importe de rappeler que le législateur ne donne pas de définition des pièces justificatives utiles. Il est toutefois considéré qu'il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs. Les dispositions légales sanctionnent le défaut de dépôt d'une pièce justificative concomitamment à la requête préfectorale en prolongation par l'irrecevabilité de la demande. Par ailleurs, il ne peut être suppléé à l'absence du dépôt des pièces justificatives utiles par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de joindre les pièces à la requête (Cass. 1ère Civ 6 juin 2012, pourvoi n°11-30.185, Cass.1ère Civ 13 février 2019, pourvoi n°18-11.655).
En l'espèce, la requête en prolongation de la rétention du 1er septembre 2024 a été signée par Mme [R] [H], responsable de la section éloignement de la préfecture des Bouches-du-Rhône. Or, contrairement à ce que soutient l'appelant, la procédure comporte l'arrêté n°13-2024-03-22-00005 du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 22 mars 2024 portant délégation de signature au profit de l'intéressée aux fins de saisine du juge des libertés et de la détention en prolongation de la rétention. En outre, il est établi que l'arrêté susvisé a été publié le 22 mars 2024 au recueil des actes administratifs n° 13-2024-075 de la préfecture des Bouches-du-Rhône.
De la même manière, la copie actualisée du registre de rétention, mentionnant notamment la décision du juge des libertés et de la détention de Marseille en date du 7 août 2024 et celle de la présente cour d'appel du 9 août 2024, figure bien au dossier de la procédure.
Les moyens seront donc rejetés.
3) Sur le moyen tiré du défaut de diligences de l'autorité préfectorale et de l'absence de perspectives d'éloignement
L'article 15 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 16 décembre 2008 rappelle:
'1. À moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsque:
a)
il existe un risque de fuite, ou
b)
le ressortissant concerné d'un pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement.
Toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.
(...)
4. Lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.
Selon les dispositions de l'article L742-4 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;
2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.'
Aux termes de l'article L741-3 du CESEDA, 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'
Il appartient au juge des libertés et de la détention, en application de l'article L. 741-3 du CESEDA de rechercher concrètement les diligences accomplies par l'administration pour permettre que l'étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. Cela induit, sauf circonstances insurmontables, la production de pièces par l'administration qui établissent ces diligences, en fonction de la situation de l'étranger.
En l'espèce, le préfet justifie de la saisine des autorités algériennes dès le 19 juillet 2024, soit durant l'incarcération de l'appelant, d'une demande de laissez-passer. Le représentant de l'Etat a ensuite sollicité ce document par mail du 2 août 2024 à 11h26, soit près de deux heures après le placement en rétention. Il a ensuite relancé le consulat d'Algérie par courriel du 30 août 2024, étant rappelé qu'aucune disposition légale n'impose une telle relance et que l'administration ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte à l'égard de l'autorité étrangère. Si les relations diplomatiques entre la France et l'Algérie sont à ce jour dégradées, il importe de relever qu'elles restent par nature évolutives, circonstance empêchant de considérer qu'il n'existe aucune perspective d'éloignement alors que la durée maximum de la rétention est de trois mois.
Le moyen sera donc rejeté.
4) Sur la mise en liberté et l'assignation à résidence
Selon les dispositions de l'article L743-13 alinéas 1 et 2 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'
Aux termes des dispositions de l'article L741-3 du CESEDA, 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'
L'appréciation de l'opportunité d'accorder cette mesure, qui ne saurait non plus être automatique, suppose que les éléments de la procédure ne laissent pas apparaître un risque de non exécution de la mesure d'éloignement.
En l'espèce, l'appelant ne dispose pas d'un passeport original en cours de validité. Ce seul élément constitue un obstacle dirimant à l'octroi d'une mesure d'assignation à résidence. Par ailleurs, il ne justifie d'aucun hébergement stable et effectif sur la territoire national. Enfin, il sera relevé qu'il s'est soustrait à deux précédents arrêtés portant obligation de quitter le territoire pris à son encontre le 19 juin 2021 et le 11 août 2022.
Dès lors, faute de garanties sérieuses de représentation, ses demandes de mise en liberté et d'assignation à résidence seront rejetées.
Aussi, l'ordonnance entreprise sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Déclarons recevable l'appel formé par X se disant Monsieur [B] [X],
Rejetons les moyens soulevés,
Confirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 02 Septembre 2024.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
X se disant Monsieur [B] [X]
né le 14 Mars 1990 à [Localité 4] (Algérie)
de nationalité Algérienne
Assisté de , interprète en langue arabe.
Interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 8]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 6]
Aix-en-Provence, le 03 Septembre 2024
À
- Monsieur le préfet des Bouches-du-Rhône
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 7]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE
- Maître Domnine ANDRE
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 03 Septembre 2024, suite à l'appel interjeté par :
X se disant Monsieur [B] [X]
né le 14 Mars 1990 à [Localité 4] (Algérie)
de nationalité Algérienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.