COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 03 SEPTEMBRE 2024
N° 2024/01348
N° RG 24/01348 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNT7C
Copie conforme
délivrée le 03 septembre 2024 par courriel à :
-l'avocat
-le préfet
-le CRA
-le JLD/TJ
-le retenu
-le MP
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de Marseille en date du 1er septembre 2024 à 11h05.
APPELANT
X se disant Monsieur [K] [Y]
né le 2 août 2005 à [Localité 11] (Tunisie)
de nationalité Tunisienne
Comparant en visioconférence depuis le centre de rétention administrative de [Localité 8] en application des dispositions de la loi n°2024-42 du 26 janvier 2024;
Assisté de Me Domnine ANDRE, avocate au barreau d'Aix en Provence, avocate commise d'office, et de Monsieur [K] [L], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, tous deux présents au siège de la cour;
INTIMÉ
MONSIEUR LE PRÉFET DU VAR
Représente par M. [O] [G], présent au siège de la cour;
MINISTÈRE PUBLIC
Avisé et non représenté;
******
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique le 03 septembre 2024 devant M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de M. Corentin MILLOT, Greffier.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 03 septembre 2024 à 17h42,
Signée par M. Guillaume KATAWANDJA, Conseiller, et M. Corentin MILLOT, Greffier.
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 26 septembre 2023 par le préfet des Bouches-du-Rhône, notifié à X se disant M. [K] [Y] le même jour à 13h00 ;
Vu la décision de placement en rétention prise le 27 août 2024 par le préfet du Var notifiée à X se disant M. [K] [Y] le 28 août 2024 à 9h23;
Vu l'ordonnance du 1er septembre 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de Marseille décidant le maintien de X se disant M. [K] [Y] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 26 jours ;
Vu l'appel interjeté le 2 septembre 2024 à 10h02 par X se disant M. [K] [Y];
X se disant M. [K] [Y] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare:
'Je suis né a [Localité 4] en Algérie, je suis Algérien. Ca, c'était quand j'étais en prison, le consulat m'a vu, j'ai pu rectifier. J'ai fait appel pour pouvoir quitter la France en 24H. Je veux aller en Espagne, j'ai mon extrait de naissance là-bas, je n'ai pas de famille en Algérie, tout le monde est mort. Je n'ai pas de passeport. J'ai reçu une OQTF à [Localité 7] mais je ne devais pas pointer, je suis parti et je devais récupérer mon extrait de naissance. J'ai signé mais je n'ai pas eu d'interprète, si j'avais su je l'aurais fait. En prison, j'avais un rdv avec le SPIP pour donner mon extrait de naissance et prouver mes papiers, j'ai été transféré à [Localité 6], 5 jours après je suis sorti. Je n'ai pas eu d'interprète, je me suis retrouvé au CRA. Donnez-moi 24H et je pars, si vous me retrouvez, remettez-moi 3 mois là-bas.'
Son avocate a été régulièrement entendue. Elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée et la remise en liberté du retenu ou, à défaut, son assignation à résidence. A cette fin, elle fait valoir que la requête préfectorale en prolongation est irrecevable en ce que les pièces justificatives utiles n'y sont pas jointes, notamment la délégation de signature au profit du signataire de la requête et la copie actualisée du registre de rétention. En outre, elle soutient que la procédure est irrégulière, en ce que la décision de placement en rétention et les droits afférents ont été notifiés par le truchement d'un interprète par téléphone sans nécessité.
Le représentant de la préfecture a régulièrement comparu. Il déclare: 'Sur l'irrecevabilité de la requête, je m'en rapporte. Monsieur est sortant de prison, sur l'absence d'interprète en présentiel, aucun grief n'est démontré, l'usage d'un interprète par téléphone ne cause aucun grief. Les diligences sont bien effectuées. Sur l'assignation à résidence il n'y a pas de garanties de représentation. Je vous demande la confirmation de l'ordonnance du 1er juge.'
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur la recevabilité de l'appel
Aux termes des dispositions de l'article R743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), 'L'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel, dans les vingt-quatre heures de son prononcé, par l'étranger, le préfet de département et, à [Localité 10], le préfet de police. Lorsque l'étranger n'assiste pas à l'audience, le délai court pour ce dernier à compter de la notification qui lui est faite. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.
Le ministère public peut interjeter appel de cette ordonnance selon les mêmes modalités lorsqu'il ne sollicite pas la suspension provisoire.'
Selon les dispositions de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, 'A peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée. Elle est transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel qui l'enregistre avec mention de la date et de l'heure.'
L'ordonnance querellée a été rendue le 1er septembre 2024 à 11h05 et notifiée à X se disant M. [K] [Y] aux mêmes date et heure. Ce dernier a interjeté appel le 2 septembre 2024 à 10h02 en adressant au greffe de la cour une déclaration d'appel motivée. Son recours sera donc déclaré recevable.
2) Sur le moyen tiré du recours à un interprète par téléphone sans nécessité
L'article L743-12 du CESEDA prévoit qu'en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.
En application de l'article L. 141-3 du CESEDA, lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire.En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.
En l'espèce, il résulte des pièces du dossier que la décision de placement en rétention a été notifiée à X se disant M. [K] [Y] le 28 août 2024 à 9h23 par le truchement de la plateforme téléphonique d'interprétariat AFT-COM et par M. [H] [W], interprète en langue arabe.
Cependant, aucune pièce du dossier ni aucune mention ne permet pas de caractériser la nécessité du recours à l'interprète par téléphone ainsi que prévu par le texte susvisé.
Néanmoins, cette circonstance ne peut suffire à démontrer une atteinte aux droits de l'étranger.
En effet, l'appelant n'allègue et ne démontre aucun grief, soutenant simplement que la notification par téléphone a 'potentiellement' affecté sa compréhension des droits attachés à la mesure de rétention et ajoutant même avoir exprimé le souhait de contacter un proche, comme la loi le lui permet.
Par conséquent, il n'est pas établi que le recours à un interprète par téléphone pour la notification de la mesure de rétention a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'intéressé qui a eu connaissance de ces mesure et droits dans la langue arabe qu'il a déclarée comprendre, la traduction ayant été effectuée par un organisme agréé.
Le moyen sera donc rejeté.
3) Sur le moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête préfectorale en prolongation de la rétention
Aux termes de l'article R742-1 du CESEDA, 'Le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quatre jours mentionnée à l'article L. 742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 ou L. 742-7.
La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent conformément aux dispositions de l'article R. 743-1.'
Selon les dispositions de l'article R743-2 alinéas 1 et 2 du CESEDA, ' A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.
Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.'
Il résulte de ces dispositions que la requête doit émaner d'une autorité ayant pouvoir et si le signataire n'est pas le préfet, il appartient au juge de vérifier l'existence d'un arrêté donnant délégation de signature.
Il importe de rappeler que le législateur ne donne pas de définition des pièces justificatives utiles. Il est toutefois considéré qu'il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs. Les dispositions légales sanctionnent le défaut de dépôt d'une pièce justificative concomitamment à la requête préfectorale en prolongation par l'irrecevabilité de la demande. Par ailleurs, il ne peut être suppléé à l'absence du dépôt des pièces justificatives utiles par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de joindre les pièces à la requête (Cass. 1ère Civ 6 juin 2012, pourvoi n°11-30.185, Cass.1ère Civ 13 février 2019, pourvoi n°18-11.655).
En l'espèce, il ressort de la procédure que la requête préfectorale en prolongation de la rétention a été signée par M. [N] [M], secrétaire général de la préfecture du Var, investi d'une délégation de signature à cette fin résultant de l'arrêté du préfet du Var n°2024/14/MCI en date du 12 avril 2024, publié le même jour au recueil des actes administratifs n°83-2024-069.
Il sera également observé que le dossier comporte la copie du registre de rétention actualisé.
Les moyens seront donc rejetés et la requête du préfet sera déclarée recevable.
4) Sur la mise en liberté et l'assignation à résidence
Selon les dispositions de l'article L743-13 alinéas 1 et 2 du CESEDA, 'Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.'
Aux termes des dispositions de l'article L741-3 du CESEDA, 'Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.'
En l'espèce, X se disant M. [K] [Y] est dépourvu de tout document d'identité, ce qui constitue un obstacle dirimant à toute assignation à résidence. Au demeurant, il sera rappelé que l'intéressé a méconnu les termes d'une précédente mesure de cette nature ordonnée par le préfet du Rhône le 27 septembre 2022, en ne se conformant pas à l'obligation de pointage. Enfin, le susnommé ne justifie d'aucun domicile stable et effectif sur le territoire national.
Dès lors, faute de garanties suffisantes de représentation, ses demandes de mise en liberté et d'assignation à résidence seront rejetées.
Aussi, l'ordonnance querellée sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par décision par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Déclarons recevable l'appel formé par X se disant M. [K] [Y],
Rejetons les moyens soulevés,
Confirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de Marseille en date du 1er septembre 2024.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier Le président
Reçu et pris connaissance le :
X se disant Monsieur [K] [Y]
né le 2 août 2005 à [Localité 11] (Tunisie)
de nationalité Tunisienne
assisté de , interprète en langue arabe.
Interprète
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-11, Rétentions Administratives
[Adresse 9]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 5]
Aix-en-Provence, le 03 septembre 2024
À
- Monsieur le préfet du Var
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 8]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de Marseille
- MaîtreDomnine ANDRE
NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 03 SEPTEMBRE 2024, suite à l'appel interjeté par :
X se disant Monsieur [K] [Y]
né le 2 août 2005 à [Localité 11] (Tunisie)
de nationalité Tunisienne
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
Le greffier,
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.