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03/09/2024 | FRANCE | N°20/08864

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 03 septembre 2024, 20/08864


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1



ARRÊT AU FOND

DU 03 SEPTEMBRE 2024



N°2024/277













Rôle N° RG 20/08864 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGI7D







[I] [V]

[R] [F] épouse [V]





C/



E.U.R.L. BEL AZUR

























Copie exécutoire délivrée le :

à :



Me Sophie MORREEL-WEBER

Me Corinne GROS





Décision déférée à la Cour :



Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 9] en date du 16 Juin 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00091.





APPELANTS



Monsieur [I] [V]

né le 25 Septembre 1979 à [Localité 11], demeurant [Adresse 5]



Madame [R] [F] épouse [V]

née ...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 03 SEPTEMBRE 2024

N°2024/277

Rôle N° RG 20/08864 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGI7D

[I] [V]

[R] [F] épouse [V]

C/

E.U.R.L. BEL AZUR

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Sophie MORREEL-WEBER

Me Corinne GROS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 9] en date du 16 Juin 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00091.

APPELANTS

Monsieur [I] [V]

né le 25 Septembre 1979 à [Localité 11], demeurant [Adresse 5]

Madame [R] [F] épouse [V]

née le 26 Mars 1981 à [Localité 10] (ALLEMAGNE) ([Localité 4], demeurant [Adresse 5]

Tous deux représentés et assistés par Me Sophie MORREEL-WEBER de la SELARL LEX&CO AVOCATS, avocat au barreau de NICE

INTIMEE

E.U.R.L. BEL AZUR

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Corinne GROS, avocat au barreau de TARASCON et assistée par Me Fabrice BABOIN de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituée par Me Marie HANNEBICQUE-RIGAL, avocat au barreau de NIMES, avocat plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Olivier BRUE, Président, et Madame Catherine OUVREL, Conseillère, chargés du rapport.

Madame Catherine OUVREL, Conseillère, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président de chambre

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2024.

Signé par Madame Catherine OUVREL, Conseillère, pour le Président de chambre empêché et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

L'EURL Bel Azur exerce une activité de marchand de biens et a pour gérant M. [E] [K].

Par acte des 12 et 27 mai 2016, l'EURL Bel Azur s'est engagée, à acquérir des consorts [J] une propriété située [Adresse 6], au prix de 774 000 €, sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt, condition devant être réalisée au plus tard le 31 décembre 2016, délai finalement reporté au 31 octobre 2017. Une clause pénale d'un montant de 41 000 € était prévue à l'acte.

Par acte du 16 juin 2017, reçu en l'étude de M. [D] [M], notaire, l'EURL Bel Azur, d'une part, et, M. [I] [V] et Mme [R] [F] épouse [V], d'autre part, ont signé un compromis de vente aux termes duquel la première a consentie à vendre aux seconds une partie de cette propriété, cadastrée BX [Cadastre 1] et BX [Cadastre 2], sous condition suspensive de l'acquisition par elle de l'entière propriété auprès des consorts [J]. Il était également prévu à l'acte une clause pénale de 41 000 €.

Par courrier du 23 novembre 2017, l'EURL Bel Azur a indiqué aux époux [V] : 'l'acquisition de ce bien par l'EURL Bel Azur n'a pas été réalisée au 31/10/2017 malgré tous nos efforts, cette condition suspensive n'étant donc pas réalisée, nous sommes donc au regret de vous annoncer que votre compromis s'annule et que votre acquisition n 'aura pas lieu'.

-2-

Par acte du 26 décembre 2017, les époux [V] ont fait assigner l'EURL Bel Azur aux fins, notamment, d'obtenir la restitution de la somme de 10 000 € au titre de la somme versée sous séquestre entre les mains du notaire, M. [D] [M], d'obtenir le paiement par l'EURL Bel Azur de diverses sommes et qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils bénéficieront de la condition suspensive permettant la vente forcée de leur bien si l'EURL Bel Azur acquiert au préalable l'entière propriété du bien.

Par acte d'huissier du 10 octobre 2018, l'EURL Bel Azur a assigné M. [D] [M] en intervention forcée, aux fins de le voir condamner à la relever et garantir de toutes condamnations qui viendraient à être prononcées à son encontre.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 21 décembre 2018.

L'acompte de 10 000 € a été restitué en cours de procédure.

Par jugement en date du 16 juin 2020, le tribunal judiciaire de Draguignan a :

rejeté les demandes formées par M. [I] [V] et Mme [R] [F] épouse [V] contre l'EURL Bel Azur,

déclaré sans objet les demandes formées par l'EURL Bel Azur contre M. [D] [M], notaire,

condamné M. [I] [V] et Mme [R] [F] épouse [V] à payer à l'EURL Bel Azur la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. [I] [V] et Mme [R] [F] épouse [V] aux entiers dépens,

rejeté le surplus des demandes.

Le tribunal a estimé qu'aucun comportement fautif de l'EURL Bel Azur envers les époux [V] n'était établi eu égard au principe de l'effet relatif des contrats. Il a en effet retenu que la condition suspensive de l'obtention d'un prêt stipulée dans la promesse d'achat consentie par l'EURL Bel Azur aux consorts [J] n'était pas reproduite ni dans la promesse d'achat signée par les époux [V], ni dans le compromis signé entre eux et l'EURL Bel Azur, de sorte qu'elle ne leur est pas opposable et qu'ils ne peuvent s'en prévaloir pour en tirer un manquement fautif de leur vendeur. Le tribunal a estimé que c'est en raison d'une commercialisation insuffisante, dans les délais prévus, que le concours financier de la banque a été refusé à l'EURL Bel Azur pour l'acquisition de la propriété aux consorts [J]. Il en a déduit que l'EURL Bel Azur n'avait donc aucun intérêt à mettre en échec la vente avec les époux [V]. Il en a déduit qu'en l'absence de faute de l'EURL Bel Azur, la condition suspensive ne pouvait être réputée acquise.

Le tribunal a par ailleurs retenu, au visa de l'article 1304-2 du code civil, que la condition suspensive stipulée dans le cadre du compromis signé le 16 juin 2017 entre les époux [V] et l'EURL Bel Azur, tenant en l'acquisition préalable de l'entière propriété auprès des consorts [J], était soumise à la volonté de cette dernière, mais également des consorts [J] et de la banque, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une condition potestative. Il en a déduit la validité de cette clause et la caducité du compromis faute de réalisation de cette condition.

Selon déclaration reçue au greffe le 15 septembre 2020, M. [I] [V] et Mme [R] [F] épouse [V] ont interjeté appel de cette décision à l'endroit de la SARL Bel Azur seulement, l'appel portant uniquement sur le rejet de leurs demandes et leur condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Par dernières conclusions transmises le 30 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [I] [V] et Mme [R] [F] épouse [V] sollicitent de la cour qu'elle :

réforme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté leurs demandes, les a condamné au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

juge que les conditions d'exécution du contrat du 27 mai 2016 conclu entre les consorts [J] et l'EURL Bel Azur constitue un fait juridique dont ils sont fondés à se prévaloir,

-3-

juge que l'EURL Bel Azur n'a pas respecté son obligation de solliciter un prêt conforme aux stipulations contractuelles du contrat du 27 mai 2016,

juge qu'en s'abstenant de déposer une demande de prêt conforme aux stipulations contractuelles de la promesse d'achat, l'EURL Bel Azur a commis une faute dont ils sont fondés à se prévaloir sur le fondement délictuel,

juge que le non respect par l'EURL Bel Azur de la condition a directement empêché la réalisation de la condition suspensive d'acquisition du bien stipulée dans la promesse synallagmatique à leur égard,

juge que la faute commise par l'EURL Bel Azur résultant du non respect de ses obligations contractuelles à l'égard des consorts [J] est à l'origine exclusive de la caducité du contrat du 16 juin 2017,

juge que la condition suspensive d'achat de la propriété des consorts [J] est réputée acquise en raison des agissements fautifs de l'EURL Bel Azur,

juge que l'EURL Bel Azur a commis une faute contractuelle qui leur a causé un préjudice direct,

à titre subsidiaire, requalifie la condition suspensive d'achat de la propriété des consorts [J] en condition potestative, et, en conséquence, l'annule ou la dise inopposable,

juge que l'EURL Bel Azur engage sa responsabilité civile délictuelle,

En tout état de cause :

prononce la résolution de la promesse de vente aux torts de l'EURL Bel Azur,

condamne l'EURL Bel Azur au paiement de la somme de 50 000 € chacun à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

condamne l'EURL Bel Azur au paiement de la somme de 41 000 € au titre de la clause pénale,

condamne l'EURL Bel Azur au paiement de la somme de 10 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance, et de la somme de 10 000 € au même titre en appel, condamne l'EURL Bel Azur au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel.

Les époux [V] invoquent d'abord la défaillance de l'EURL Bel Azur dans le cadre de la promesse d'achat conclue avec les consorts [J]. Ils soutiennent que l'EURL Bel Azur a délibérément empêché la réalisation de la vente à leur profit en s'abstenant d'être diligente pour obtenir le crédit de 1 050 000 € dans le cadre de l'achat de la propriété auprès des consorts [J], n'ayant pas effectué les démarches requises à cette fin. Les appelants reprochent, d'une part, à l'EURL Bel Azur de n'avoir pas valablement exercé de faculté de substitution dans le cadre de ce projet de vente, faute d'en avoir régulièrement avisé le notaire, de sorte que la demande de prêt formée par une société tierce ne vaut pas diligence de sa part en vue de l'obtention d'un prêt à son profit. D'autre part, ils soutiennent que la demande de prêt ainsi présentée n'est pas conforme aux caractéristiques de la promesse d'achat. Ils en déduisent que l'EURL Bel Azur a manqué à ses obligations de diligence et de loyauté dans la recherche d'un financement bancaire conforme, leur causant directement un préjudice puisque mettant en échec la vente envisagée à leur profit. Ils estiment donc que la condition liée à l'obtention d'un prêt est donc réputée accomplie par application de l'article 1176 du code civil.

A titre principal, les époux [V] entendent mettre en oeuvre la responsabilité contractuelle de l'EURL Bel Azur. Ils estiment que la défaillance de l'EURL Bel Azur dans le premier contrat engendre immédiatement et directement sa défaillance à leur égard, l'intimée ayant fait preuve de déloyauté à leur endroit, rendant la condition suspensive d'acquisition de la parcelle réputée accomplie. Ils dénoncent une dénaturation par le premier juge des termes des contrats, sur le fondement des articles 1315 et 1178 du code civil. A titre subsidiaire, les époux [V] invoquent la requalification de la condition suspensive d'acquisition préalable de la propriété [J] en condition potestative, dépendant de la seule volonté de l'intimée, au sens de l'article 1170 du code civil et 1304-2 nouveau du même code. Dans la mesure où la promesse synallagmatique doit produire ses effets, ils s'estiment bien fondés à se prévaloir de la clause pénale contractuellement prévue, estimant son montant, correspondant à 10 % du prix convenu, ni excessif, ni abusif. En sus, les époux [V] entendent être indemnisés du préjudice moral que l'attitude de l'EURL Bel Azur leur a causé.

-4-

A titre subsidiaire, les époux [V] souhaitent engager la responsabilité délictuelle de l'EURL Bel Azur, à raison de la faute commise par elle dans ses obligations envers les consorts [J], empêchant la réalisation des deux conditions suspensives stipulées dans les deux contrats interdépendants.

Par dernières conclusions transmises le 23 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l'EURL Bel Azur sollicite de la cour qu'elle :

statue ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,

À titre principal :

confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

À titre subsidiaire :

juge manifestement excessive la clause pénale stipulée dans le compromis de vente du 16 juin 2017,

réduise à de plus justes proportions la dite clause pénale,

rejette la demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice moral des époux [V],

En tout état de cause :

rejette les demandes des époux [V],

condamne les époux [V] au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.

L'EURL Bel Azur soutient, en premier lieu, que la condition suspensive stipulée dans la promesse de vente signée entre elle et les époux [V] ne s'est pas réalisée, rendant le compromis caduc.

Elle se fonde sur l'article 1304-6 du code civil et fait valoir que la condition de l'acquisition préalable par elle auprès des consorts [J], au plus tard le 31 octobre 2017, de l'entière propriété dont dépend la parcelle vendue ne s'est pas accomplie. Elle conteste l'analyse des appelants au support d'une condition suspensive 'réputée accomplie'. Elle soutient en effet que les époux [V] ne peuvent exciper d'un inexécution contractuelle dans la réalisation d'une condition suspensive d'une promesse à laquelle ils ne sont pas parties pour réputer accomplie une condition suspensive stipulée dans un autre contrat, compte tenu de l'effet relatif des conventions prévu par l'article 1199 du code civil. Elle en déduit que l'engagement de sa responsabilité contractuelle à ce titre ne peut avoir lieu. En tout état de cause, l'EURL Bel Azur fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute à l'origine de la défaillance de cette condition, ayant seulement essuyé un refus de financement par la banque. Elle explique avoir usé de la faculté de substitution prévue à l'acte de sorte que le prêt a valablement été sollicité par la société substituée. Elle ajoute que le prêt sollicité d'un montant inférieur à celui stipulé dans la promesse a été refusé, et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée de ce fait.

L'EURL Bel Azur conteste par ailleurs le caractère potestatif de la condition suspensive litigieuse, et assure, au contraire, que la condition est pleinement valide au regard des articles 1304 et 1304-2 du code civil. Elle fait valoir que la réalisation de cette condition dépendait des consorts [J] et de la banque, et non de sa seule volonté à elle.

En tout état de cause, en présence d'une condition purement potestative, l'EURL Bel Azur fait valoir que c'est la promesse de vente du 16 juin 2017 qui serait nulle, ce qui emporte nullité de la clause pénale contenue, de sorte que les appelants ne peuvent en demander l'application.

En second lieu, l'EURL Bel Azur entend que le jugement entrepris soit confirmé au titre du rejet de la demande en paiement de la clause pénale et de la demande d'indemnisation d'un préjudice moral. S'agissant de la clause pénale, l'EURL Bel Azur fait valoir qu'en l'état de la caducité du compromis, cette clause ne peut trouver à s'appliquer. S'agissant du préjudice moral, l'intimée fait valoir que celui-ci est déjà réparé par la clause pénale, ne peut être forfaitairement évalué et n'est pas justifié. Elle ajoute que la réparation de ce préjudice est sollicitée de mauvaise foi, les appelants demeurant à l'adresse du bien qu'ils envisageaient d'acquérir auprès d'elle.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 6 mai 2024.

-5-

MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour d'appel précise, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations', de 'prise d'acte' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

Sur la demande relative à l'issue du compromis de vente

En vertu de l'article 1304 du code civil, l'obligation est conditionnelle lorsqu'elle dépend d'un événement futur et incertain. La condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l'obligation pure et simple.

L'article 1304-2 du même code prévoit qu'est nulle l'obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. Cette nullité ne peut être invoquée lorsque l'obligation a été exécutée en connaissance de cause.

L'article 1304-3 du code civil ajoute que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement.

L'article 1304-6 du même code stipule que l'obligation devient pure et simple à compter de l'accomplissement de la condition suspensive. Toutefois, les parties peuvent prévoir que l'accomplissement de la condition rétroagira au jour du contrat. La chose, objet de l'obligation, n'en demeure pas moins aux risques du débiteur, qui en conserve l'administration et a droit aux fruits jusqu'à l'accomplissement de la condition. En cas de défaillance de la condition suspensive, l'obligation est réputée n'avoir jamais existé.

Par ailleurs, en vertu de l'article 1199 du code civil, le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties. Les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraints de l'exécuter, sous réserve des dispositions de la présente section et de celles du chapitre III du titre IV.

Sur la réalisation de la condition suspensive aux torts de l'EURL Bel Azur

Les époux [V] soutiennent que la condition suspensive de l'obtention d'un prêt souscrite dans le cadre de la promesse d'achat, avec avenants, signée par l'EURL Bel Azur au bénéfice des consorts [J], doit être réputée accomplie du fait de la défaillance fautive du promettant qui y avait intérêt. Ils en déduisent que l'intimée aurait engagé ainsi à leur égard sa responsabilité contractuelle, et, à titre subsidiaire, sa responsabilité délictuelle.

Aux termes de la promesse d'achat des 12 et 27 mai 2016, l'EURL Bel Azur s'est engagée, à acquérir des consorts [J] une propriété située [Adresse 7], au prix de 774 000 €, sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt, condition devant être réalisée au plus tard le 31 décembre 2016. Une clause pénale d'un montant de 41 000 € était prévue à l'acte.

Par avenant des 24, 28, 30 décembre 2016 et 11 janvier 2017, l'accord de prêt avec obtention de l'offre a été reporté au 28 février 2017. Ce terme a été reporté au 30 avril 2017 par avenants signés en mars et avril 2017. Enfin, par avenant des 25 avril, 5, 9 et 10 mai 2017, ce délai pour l'obtention du prêt et la réalisation de la promesse a été finalement reporté au 31 octobre 2017.

Les conditions du prêt sont demeurées inchangées, soit 'l'obtention par le promettant d'un ou plusieurs prêts pour un montant de 1 050 000 € auprès de tous organismes, pour une durée de 2 ans'.

Alors que cette condition suspensive était toujours en cours, l'échéance n'étant pas acquise, l'EURL Bel Azur s'est engagée, par acte du 16 juin 2017, reçu en l'étude de M. [D] [M], notaire, envers M. [I] [V] et Mme [R] [F] épouse [V], dans le cadre d'un compromis de vente aux termes duquel elle a consentie à leur vendre une partie de la propriété, cadastrée BX [Cadastre 1] et BX [Cadastre 2], sous condition suspensive de l'acquisition par elle de l'entière propriété auprès des consorts [J]. Il était également prévu à l'acte une clause pénale de 41 000 €.

-6-

Or, l'EURL Bel Azur a informé les appelants le 23 novembre 2017 de ce qu'elle n'avait pas acquis la totale propriété des consorts [J], n'ayant pas obtenu le prêt escompté.

Tout d'abord, force est de relever que la condition suspensive de l'obtention de ce prêt ne figure que dans la promesse liant l'EURL Bel Azur aux consorts [J], et non dans le compromis de vente entre l'EURL Bel Azur et les époux [V]. Dès lors, si l'effet relatif des contrats n'empêche pas l'opposabilité d'un contrat à des tiers, seul l'engagement de la responsabilité délictuelle de l'EURL Bel Azur peut être recherchée à supposer qu'il soit démontré que la non réalisation de la condition suspensive stipulée dans le premier contrat est due à une inexécution contractuelle fautive de l'EURL Bel Azur envers les consorts [J], cette faute impactant le second contrat bénéficiant aux époux [V].

Par ailleurs, il appert que l'EURL Bel Azur justifie, en sa pièce 3 (lettre d'accord du 30 avril 2017), qu'une demande de prêt a été formée, dans le cadre de l'opération immobilière engagée avec les consorts [J], pour l'acquisition d'un terrain situé [Adresse 8] à [Localité 12], en vue d'une promotion de logements pour un prix de revient global de l'opération TTC de 2 417 688 €. Le crédit sollicité dans ce cadre l'a été au nom de la SNC Le Repos des Cigales, et non au nom de l'EURL Bel Azur. Néanmoins, la promesse d'achat prévoyait une faculté de substitution de l'acheteur, ce dont la demande de prêt fait expressément état, prévoyant notamment un transfert du permis de construire au nom de cette SNC. Les conditions de mise en oeuvre de la faculté de substitution, avec dénonce dans les formes au notaire chargé de la vente, ne sont pas requises dans le cadre et au stade de la demande de prêt, de sorte que celle-ci a valablement été sollicitée par la société substituée. Aucun manquement ne peut être imputé à l'EURL Bel Azur au titre d'une mise en oeuvre défaillante de la faculté de substitution dont elle disposait.

En outre, le prêt a été sollicité pour un montant de 730 000 € sur 24 mois au titre du crédit acquisition, outre un montant de 200 000 € sur 24 mois au titre du crédit accompagnement, soit 930 000 € au total. L'EURL Bel Azur, ou sa société substituée, a donc sollicité un prêt bancaire correspondant aux conditions de la promesse d'achat, conformément aux caractéristiques prévues, étant observé qu'un prêt inférieur répond à ces exigences.

Il était expressément stipulé que plusieurs conditions avaient été posées par l'organisme prêteur pour accorder ce prêt, dont, principalement, la justification d'une commercialisation de 1 408 000 € TTC avec des contrats de réservation signés, la production de l'attestation d'assurance, la production de l'état descriptif de division.

Or, par courrier du 29 septembre 2017, la banque a informée l'EURL Bel Azur du refus de prêt en raison de la non levée des réserves suivantes énoncées dans la lettre d'accord du 30 avril 2017, soit le défaut de production de l'attestation de non recours concernant le permis de construire obtenu, et, le défaut de justification d'une pré-commercialisation de 1 408 000 € TTC avec des contrats de réservation signés.

Il en résulte donc que l'EURL Bel Azur, ou la société se substituant valablement à elle, a formé auprès de la banque une demande de financement conforme aux conditions de la promesse d'achat signée les 12 et 27 mai 2016 auprès des consorts [J], amendée par plusieurs avenants, mais qu'elle n'a pu obtenir dans les délais requis le prêt demandé en raison d'une commercialisation insuffisante, bien indépendante de sa volonté, y ayant, au contraire, tout intérêt. Aucune défaillance fautive n'est caractérisée envers l'EURL Bel Azur, de sorte que la condition suspensive d'obtention d'un prêt ne peut être réputée accomplie.

Sur la condition suspensive du compromis tenant en l'acquisition préalable auprès des consorts [J]

Dans le cadre du compromis de vente signé entre les époux [V] et l'EURL Bel Azur le 16 juin 2017, il a été stipulé la condition suspensive suivante : 'l'acquisition par le vendeur des consorts [J] de l'entière propriété dont dépend la parcelle vendue et pour lequel il est bénéficiaire d'une promesse d'achat acceptée par les consorts [J], la réalisation devant intervenir au plus tard au 31 octobre 2017.'

-7-

M. [I] [V] et Mme [R] [F] épouse [V] soutiennent qu'il s'agit d'une condition potestative, parfaitement déloyale et nulle en application de l'article 1304-2 du code civil, précité.

Or, il apparaît que cette condition de l'acquisition préalable de l'entière propriété des consorts [J] par l'EURL Bel Azur dépendait certes de la volonté d'achat de cette dernière, étant observé qu'elle avait d'ores et déjà signé un engagement dans le cadre de la promesse d'achat des 12 et 27 mai 2016, mais pas uniquement. Cette condition dépendait en outre de la volonté des consorts [J], seuls bénéficiaires de la promesse d'achat, et de la banque puisque l'acquisition était dépendante de l'obtention, ou non, du financement sollicité.

Cette condition n'est donc pas potestative, et donc aucunement nulle.

En définitive, cette condition suspensive stipulée dans l'acte du 16 juin 2017 ne s'est pas réalisée, de sorte que le compromis de vente par l'EURL Bel Azur aux époux [V] est caduc.

La décision entreprise doit donc être confirmée à ce titre.

Sur les demandes indemnitaires des époux [V]

Sur le paiement de la clause pénale

Le compromis de vente étant caduc, la clause pénale stipulée dans ce cadre, ne peut trouver à s'appliquer. La décision entreprise doit donc être confirmée sur le rejet de cette demande en paiement de M. [I] [V] et Mme [R] [F] épouse [V].

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Il a été démontré qu'aucune faute n'est imputable à l'EURL Bel Azur du fait de la non réalisation de la vente projetée au bénéfice des époux [V] compte tenu de la caducité du compromis. En outre, les appelants qui résident manifestement à l'adresse du bien qu'ils projetaient d'acquérir de l'EURL Bel Azur, ne démontrent aucunement l'existence d'un préjudice moral souffert par eux.

Cette demande indemnitaire ne saurait prospérer et doit être écartée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

M. [I] [V] et Mme [R] [F] épouse [V], qui succombent au litige, supporteront les dépens de première instance et d'appel. En outre, l'indemnité à laquelle ils ont été condamnés en première instance au titre des frais irrépétibles sera confirmée, et, une indemnité supplémentaire de 3 000 € sera mise à leur charge au bénéfice de l'EURL Bel Azur, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en considération de l'équité et de la situation économique respectives des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant :

Condamne M. [I] [V] et Mme [R] [F] épouse [V] à payer à l'EURL Bel Azur la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [I] [V] et Mme [R] [F] épouse [V] de leurs demandes sur ce même fondement,

-8-

Condamne M. [I] [V] et Mme [R] [F] épouse [V] au paiement des dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

-9-


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-1
Numéro d'arrêt : 20/08864
Date de la décision : 03/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-09-03;20.08864 ?
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