COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8b
ARRÊT AU FOND
DU 30 AOUT 2024
N°2024/.
Rôle N° RG 22/15988 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BKNKZ
[U] [C]
C/
SAS [3]
CPAM DES ALPES MARITIMES
S.A.S. SAS [5]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Bernard VIGNERON
-Me Isabelle FICI
- Me Stéphane CECCALDI
- Me Julie MOREAU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pole social du TJ de Nice en date du 03 Novembre 2022,enregistré au répertoire général sous le n° 16/02227.
APPELANT
Monsieur [U] [C], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Bernard VIGNERON, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
SAS [3], demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Isabelle FICI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Magatte DIOP, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
CPAM DES ALPES MARITIMES, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Clément BEAUMOND, avocat au barreau de MARSEILLE
S.A.S. SAS [5], demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Julie MOREAU, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Juin 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Août 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Août 2024
Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [U] [C], salarié intérimaire de la société [5], a été victime le 7 mai 2013, alors qu'il était mis à disposition de la société [3], en qualité d'électricien de chantier, d'un accident du travail, pris en charge au titre de la législation professionnelle.
La caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes a déclaré M. [C] consolidé à la date du 31 décembre 2014 puis a fixé à 8% son taux d'incapacité permanente partielle.
M. [C] a saisi le 27 septembre 2016 un tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans son accident du travail.
Par jugement en date du 13 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Nice, pôle social, a, notamment :
* dit que l'accident du travail dont M. [U] [C] a été victime le 7 mai 2013 est imputable à la faute inexcusable de la société [5],
* ordonné avant dire droit une expertise médicale,
* alloué à M. [U] [C] une indemnité provisionnelle de 3 000 euros,
* dit que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes fera l'avance des sommes allouées à titre de réparation à M. [U] [C],
* condamné la société [5] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes les sommes dont elle sera amenée à faire l'avance au titre de la réparation de la faute inexcusable,
* condamné la société [3] à relever et garantir la société [5] du chef des sommes mises à sa charge au titre de la faute inexcusable à savoir les majorations d'indemnités servies en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale et les indemnisations des préjudices complémentaires,
* condamné la société [3] à verser à M. [U] [C] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* sursis à statuer sur les autres demandes.
Le rapport d'expertise a été déposé le 11 février 2021.
Par jugement en date du 3 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, a:
* fixé à son taux maximal la majoration de rente en capital de M. [U] [C],
* fixé ainsi qu'il suit les indemnités dues à M. [U] [C]:
- 3 716.75 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 8 000 euros au titre des souffrances endurées,
- 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément,
- 4 965 euros au titre de la tierce personne,
soit au total à 18 681.75 euros,
* débouté M. [U] [C] de ses demandes d'indemnisation du préjudice professionnel et de celui résultant de la diminution des possibilités de promotion professionnelle,
* débouté M. [U] [C] de sa demande portant sur la fixation du point de départ des intérêts sur les sommes allouées au 7 mai 2013,
* dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement, avec capitalisation, s'ils sont dus pour une année entière,
* dit que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes fera l'avance des sommes allouées et pourra les recouvrer auprès de l'employeur,
* dit que la provision de 3 000 euros viendra en déduction,
* condamné la société [3] à relever et garantir la société [5] du chef des sommes mises à sa charge au titre de la faute inexcusable à savoir les majorations d'indemnités servies en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale et les indemnisations des préjudices complémentaires,
* rejeté la demande portant sur l'opposabilité à l'assureur de la société [3],
* condamné la société [3] à payer à M. [U] [C] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
* débouté M. [U] [C] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dirigée à l'encontre de la société [5],
* condamné la société [5] aux entiers dépens, ainsi qu'aux frais d'expertise.
Ce jugement est assorti de l'exécution provisoire.
M. [U] [C] a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées, cet appel étant limité à l'indemnité fixée au titre du préjudice d'agrément, et au débouté de ses demandes d'indemnisation du préjudice professionnel et de celui résultant de la diminution des possibilités de promotion professionnelle, au point de départ fixé des intérêts de retard au taux légal et au débouté de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre la société [5].
Par conclusions récapitulatives remises par voie électronique le 30 mai 2023, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. [C] sollicite l'infirmation du jugement en ses dispositions fixant l'indemnisation du préjudice d'agrément, le déboutant de ses demandes d'indemnisation du préjudice professionnel, de celui résultant de la diminution des possibilités de promotion professionnelle et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre la société [5] ainsi que de la fixation du point de départ des intérêts de retard au taux légal au 7 mai 2013.
Il demande à la cour, statuant à nouveau, de:
* condamner la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes à lui verser les sommes suivantes:
- 7 500 euros au titre du préjudice d'agrément,
- 300 000 euros au titre du préjudice professionnel et de la diminution de promotion professionnelle,
* juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal depuis le 7 mai 2013, et à tout le moins depuis le 22 janvier 2021,
* débouter les sociétés [5] et [3] de l'intégralité de leurs demandes,
* condamner la société [5] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais de première instance,
* condamner 'tout succombant' à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en cause d'appel.
Par conclusions réceptionnées par le greffe le 30 mars 2023, reprises oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [5] sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives remises par voie électronique le 27 juillet 2023, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société [3] sollicite également la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de condamner M. [C] aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions remises par voie électronique le 6 février 2024, oralement soutenues à l'audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes indique s'en rapporter à la décision de la cour sur l'indemnisation du préjudice d'agrément et de confirmer le jugement l'ayant débouté de ses demandes au titre du préjudice professionnel et de la diminution de promotion professionnelle.
Elle lui demande en outre de confirmer la condamnation de la société [5] à lui rembourser toutes les sommes dont elle a fait et fera l'avance au titre de cet accident en exécution de l'arrêt à intervenir, et de condamner solidairement les sociétés [5] et [3] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS:
Lorsque l'accident du travail est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime a droit, en application des dispositions des articles L.452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, indépendamment de la majoration de rente, à une indemnisation complémentaire du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurée, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, et depuis la décision du conseil constitutionnel en date du 18 juin 2010, à une réparation de son préjudice au-delà des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale.
1- sur l'indemnisation des préjudices complémentaires:
Il résulte de l'expertise que M. [C] a été victime d'une chute alors qu'il travaillait sur un escabeau dans des escaliers et a présenté lors de son admission le 28 mai 2013 (sic) à l'hôpital:
* un traumatisme crânien avec perte de connaissance,
* une fracture-tassement du plateau supérieur de D12,
et que cet accident est survenu chez une personne présentant une discopathie C5-C6 cervicale et un état dégénératif rachidien modéré avec séquelles de maladie de Scheuermann et des lésions ostéophytiques.
L'expert retient en conclusion de son rapport:
* un déficit fonctionnel temporaire à 66% pendant 3 mois,
* un déficit fonctionnel temporaire à 35% du 7 août 2013 au 31 décembre 2013,
* un déficit fonctionnel temporaire à 10% du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2014,
* des souffrances endurées évaluées à 3/7,
* l'absence de préjudice esthétique et de préjudice sexuel,
* un état séquellaire ne permettant pas de faire tous les sports provoquant des vibrations et des tassements dans l'axe rachidien malgré l'état antérieur rachidien,
et précise que M. [C] a été déclaré par le médecin du travail inapte à son poste de travail, mais apte à un poste de travail sans contraintes physiques (pas de manutentions de charges lourdes, pas de postures pénibles) et ne nécessitant pas de station debout prolongée, et aurait perdu une habilitation soumise à renouvellement régulier, ce qui entraîne une diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
En cause d'appel, le litige est circonscrit au préjudice d'agrément ainsi qu'au préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, outre celui du point de départ des intérêts moratoires.
A- s'agissant des postes de préjudice extra-patrimoniaux:
- préjudice d'agrément:
Pour chiffrer à 2 000 euros l'indemnisation de ce poste de préjudice, les premiers juges ont retenu d'une part que l'expert conclut sans équivoque que même s'il existait un état antérieur, c'est bien l'accident du travail du 7 mai 2013 qui est à l'origine de l'impossibilité de pratiquer les sports provoquant des vibrations et tassements de cette nature, alors que le tennis, le ski, le kitesurf dont M. [C] revendique la pratique antérieure les provoquent, et que s'il justifie de sa pratique antérieure du kitesurf, par contre la pratique des autres sports résulte de sa seule affirmation.
Exposé des moyens des parties:
M. [C] allègue d'une vie sportive antérieure trés active pour soutenir que l'indemnisation de ce poste de préjudice doit être portée à 7 500 euros.
Les sociétés [5] et [3] s'y opposent en relevant l'absence de justification de la pratique alléguée d'autres sports.
La caisse primaire d'assurance maladie souligne le manque d'éléments probatoires étayant cette demande indemnitaire.
Réponse de la cour:
Le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique antérieure.
S'il résulte de l'expertise, ainsi que retenu avec pertinence par les premiers juges, que M. [C] ne peut plus pratiquer des sports provoquant des vibrations et des tassements dans l'axe rachidien malgré l'état antérieur rachidien, pour autant la seule justification de la pratique régulière antérieure à son accident du travail concerne le kitesurf, et non point d'autres sports, ce qui conduit la cour à confirmer de ce chef le jugement ayant fixé à 2 000 euros l'indemnisation de ce poste de préjudice.
B- s'agissant des postes de préjudice patrimoniaux:
- perte ou diminution de possibilités de promotion professionnelle:
Pour débouter M. [C] de sa demande d'indemnisation de ce poste de préjudice, les premiers juges ont retenu:
* d'une part que l'indemnisation de la perte d'emploi relève de la juridiction prud'homale et qu'elle se distingue de l'indemnisation des préjudices résultant de la faute inexcusable de l'employeur dans un accident du travail,
* d'autre part que la perte de revenus professionnels pendant la période antérieure à la consolidation est compensée par les indemnités journalières et que la perte de gains professionnels résultant l'incapacité permanente partielle ainsi que l'incidence professionnelle de cette incapacité et le déficit fonctionnel permanent sont indemnisés par l'attribution de la rente majorée, et ne peuvent l'être une seconde fois.
Tout en reconnaissant que la perte de chance de promotion professionnelle ou de diminution de possibilités de promotion professionnelle ne fait pas partie des préjudices indemnisés par le livre IV du code de la sécurité sociale, ils ont considéré que la promesse d'embauche de la société [3] (sic) du 28 mars 2013 ne précise pas ses conditions et que le projet de création d'entreprise émane de M. [C] alors qu'il ne peut se constituer une preuve à lui-même.
Exposé des moyens des parties:
M. [C] argue que la promesse d'embauche de la société [4] à partir du 1er juillet 2013 précise à la fois la rémunération et la qualification par référence aux dispositions conventionnelles (niveau 3 position 2) alors que lors de sa mission pour la société [3] il était classé position 1, pour soutenir qu'ainsi il devait bénéficier d'une promotion lors de son embauche par [4] dont il a été privé par la survenance de son accident du travail. Il ajoute que son accident du travail l'a privé de ses fonctions d'électricien et de ses habilitations en ce domaine.
La société [5] lui oppose que la promesse d'embauche en qualité d'électricien de la société [4] à compter du 1er juillet 2023 ne peut suffire à apporter la preuve de la perte d'une chance de promotion professionnelle, et la société [3] relève que cette offre d'embauche est imprécise pour ne pas mentionner le poste, et préciser uniquement le nouveau de qualification requis et le salaire.
La caisse primaire d'assurance maladie argue qu'en sa qualité d'électricien employé par une société d'intérim, M. [C] ne démontre nullement qu'il avait des chances non hypothétiques de promotion porfessionnelle.
Réponse de la cour:
La victime d'un accident du travail imputable à la faute inexcusable de son employeur a droit à être indemnisée du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, mais doit justifier que la disparition de l'éventualité favorable d'une possibilité de progression, dont cet accident l'a privée, présente un caractère sérieux et non hypothétique.
Ce poste de préjudice est distinct de l'incidence professionnelle de l'accident du travail.
L'expert a retenu une diminution des possibilités de promotion professionnelle en lien avec les restrictions émises par le médecin du travail et la perte alléguée d'une habilitation soumise à renouvellement régulier.
Lors de son accident du travail du 7 mai 2013, M. [C], âgé de 43 ans et travaillait en intérim, en qualité d'électricien (niveau 3, position 1, coefficient 120 de la convention collective des ouvriers et employés du bâtiment).
S'il justifie d'une promesse d'embauche datée du 28 mars 2023, émanant de la société [4] à effet au 1er juillet 2023 pour un poste de 'niveau 3, position 2" sans autre précision que celle du montant du salaire brut mensuel indiqué, pour autant ce document ne caractérise pas une possibilité de promotion professionnelle, alors qu'il n'était pas employé par cette société, qu'il ne peut s'agir d'une promotion mais tout au plus d'une perspective d'embauche avec une meilleure rémunération.
De plus, ainsi que retenu par les premiers juges, cette promesse d'embauche est incomplète en ce que le poste de travail n'est pas précisé.
La cour constate en outre que M. [C] ne justifie nullement de son activité professionnelle antérieure à son contrat de mise à disposition portant sur la période du 22/04/2013 au 07/05/2013 et qu'il résulte du courrier de Pôle emploi daté du 18 décembre 2020, que sa demande d'allocation déposée le 10 juin 015 n'a pu recevoir de suite favorable au motif qu'il ne justifie pas 'd'une durée d'affiliation ou de travail suffisante'.
Faute de justifier d'une réelle activité professionnelle antérieure offrant des perspectives sérieuses de promotion professionnelle, il ne peut être considéré qu'en raison des restrictions émises par le médecin du travail, son accident du travail lui a occasionné une perte de promotion professionnelle en lien avec cette seule promesse d'embauche.
Le jugement entrepris qui l'a débouté de sa demande d'indemnisation du poste de préjudice ainsi allégué doit être confirmé.
2- sur le point de départ des intérêts au taux légal sur les indemnisations fixées par les premiers juges:
Pour fixer à compter du prononcé de leur décision le point de départ des intérêts légaux les premiers juges ont fait application des dispositions de l'article L.1231-7 du code civil.
Exposé des moyens des parties:
Tout en demandant à titre principal à la cour de fixer au 7 mai 2023, date de l'accident du travail, le point de départ des intérêts légaux, M. [C] argue que le rapport d'expertise ayant été déposé le 22 janvier 2021, cette seconde date doit être retenue comme point de départ, le juge se trouvant alors en capacité de réparer les préjudices.
La société [5] s'y oppose tout en soutenant que le point de départ doit être fixé à la date à laquelle le juge est en capacité de réparer les dommages et qu'il s'agit de la date du jugement.
Réponse de la cour:
Selon l'article 1231-7 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
En cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.
Si M. [C] a été victime le 7 mai 2013 d'un accident du travail, pour autant la date de sa consolidation a été fixée au 31 décembre 2014 et ce n'est que par jugement en date du 13 septembre 2019 que la faute inexcusable de son employeur a été reconnue, et que le 11 février 2021 qu'a été déposé le rapport d'expertise.
Pour autant cette dernière date n'est pas celle à laquelle le juge est en mesure de se prononcer sur la liquidation des préjudices, n'étant pas encore saisi de demandes précises à cet égard.
Il résulte du jugement en date du 3 novembre 2022, frappé d'appel que les conclusions de M. [C] saisissant les premiers juges de ses demandes indemnitaires ont été soutenues à l'audience du 1er septembre 2022.
Il s'ensuit que tout en tenant compte de l'ancienneté de cet accident du travail, le point de départ des intérêts moratoires, ne peut, en l'absence de dispositions spécifiques, être fixé antérieurement au 1er septembre 2022, ce qui conduit la cour à réformer sur ce point le jugement entrepris.
Enfin, s'agissant de la demande de réformation du jugement en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre la société [5] alors que sa faute inexcusable a été reconnue par le jugement du 13 septembre 2019, la cour rappelle qu'en matière d'accident du travail imputable à la faute inexcusable de l'employeur, il résulte de l'article L.412-6 du code de la sécurité sociale que l'entreprise utilisatrice est regardée comme substituée dans la direction, au sens de l'article L.452-1, à l'entreprise de travail temporaire et que l'article L.1251-21 du code du travail dispose que pendant la durée de la mission, l'entreprise utilisatrice est responsable des conditions d'exécution du travail, et notamment de ce qui a trait à la santé et à la sécurité au travail.
Il n'existe donc pas contrairement à ce qu'allègue l'appelant de contradiction entre la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [5] et l'absence de condamnation de celle-ci au paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Succombant principalement en son appel, M. [C] doit être condamné aux dépens y afférents et ne peut utilement solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Compte tenu de la disparité de situation, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des société [5] et [3], comme de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes les frais qu'elles ont été amenées à exposer pour leur défense en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
- Confirme le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour, hormis en ce qui concerne la fixation au prononcé du jugement du point de départ des intérêts au taux légal sur les indemnités allouées,
Le réforme de ce chef,
Statuant à nouveau du chef réformé et y ajoutant,
- Fixe au 1er septembre 2022 le point de départ des intérêts au taux légal dus sur les indemnisations allouées par le jugement du 3 novembre 2022,
- Déboute M. [U] [C] de ses autres demandes et prétentions,
- Déboute les sociétés [5] et [3] ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. [U] [C] aux dépens d'appel.
Le Greffier Le Président