La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/08/2024 | FRANCE | N°24/01300

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Rétention administrative, 26 août 2024, 24/01300


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE



CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative





ORDONNANCE

DU 26 AOÛT 2024



N° 2024/1300



N° RG 24/01300 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNTDD













Copie conforme

délivrée le 26 Août 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP



















Décision déférée à la Cour :



Ordonnance r

endue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 24 Août 2024 à 13h12.







APPELANT



Monsieur [I] [Y]

né le 22 Septembre 1979 à [Localité 5]

de nationalité Algérienne

Comparant par le biais de la visio-conférence

Assisté de Maître LAURENS Maev...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 26 AOÛT 2024

N° 2024/1300

N° RG 24/01300 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BNTDD

Copie conforme

délivrée le 26 Août 2024 par courriel à :

-l'avocat

-le préfet

-le CRA

-le JLD/TJ

-le retenu

-le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 24 Août 2024 à 13h12.

APPELANT

Monsieur [I] [Y]

né le 22 Septembre 1979 à [Localité 5]

de nationalité Algérienne

Comparant par le biais de la visio-conférence

Assisté de Maître LAURENS Maeva, avocat au barreau d'Aix-en-Provence, choisi et de M. [O] [E], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Comparant en visioconférence, par application des dispositions de la loi immigration du 26 janvier 2024.

INTIMÉ

Monsieur le Préfet des Bouches-du-Rhône

Représenté par Monsieur [P] [G]

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé et non représenté

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 26 Août 2024 devant Mme Anne-Laurence CHALBOS, présidente de chambre à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance, assistée de Mme Carla D'AGOSTINO, Greffier,

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 26 Août 2024 à 18H30,

Signée par Mme Anne-Laurence CHALBOS, président, et M Corentin MILLOT, Greffier lors de la mise à disposition,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 20 août 2024 par le préfet des Bouches-du-Rhône , notifié le même jour à 20h15 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 20 août 2024 par le préfet des Bouches-du-Rhône notifiée le même jour à 20h15;

Vu l'ordonnance du 24 Août 2024 rendue par le Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE décidant le maintien de Monsieur [I] [Y] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu l'appel interjeté le 26 Août 2024 à 9h20 par Monsieur [I] [Y] ;

Monsieur [I] [Y] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare :

Normalement j'ai un logement, j'ai une entreprise.

J'avais un rendez-vous à la préfecture le 5 septembre, j'ai appelé l'assistante pour qu'elle reporte le rendez-vous au 10 octobre.

Son avocat a été régulièrement entendu ; il conclut à l'annulation et subsidiairement à l'infirmation de l'ordonnance entreprise et développe les moyens suivants :

- nullité de l'ordonnance pour défaut de réponse à un moyen,

- irrégularité de la procédure préalable : impossibilité de contrôler la régularité de l'interpellation en l'absence de production de la procédure,

- défaut d'habilitation du fonctionnaire ayant procédé à la consultation du FAED,

- nullité de la prolongation de la garde à vue (absence d'élément justifiant la prolongation, notification en recourant à un interprétariat par téléphone sans en justifier la nécessité, par un interprète non assermenté)

Le représentant de la préfecture sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

Sur la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise :

Selon les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.

L'article 458 du code de procédure civile prévoit que ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 doit être observé à peine de nullité.

L'appelant soutient que le premier juge n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de réquisition à interprète.

L'examen de la décision querellée révèle que le premier juge a développé un cinquième chef de motivation intitulé 'sur l'absence de réquisition à interprète assermenté' de sorte qu'il doit être considéré qu'il a été répondu au moyen et que la nullité de l'ordonnance n'est pas encourue.

Sur l'irrégularité tirée du défaut d'habilitation du fonctionnaire ayant procédé à la consultation du FAED :

En application de l'article L. 142-2 du CESEDA, en vue de l'identification d'un étranger qui n'a pas justifié des pièces ou documents mentionnés à l'article L. 812-1 ou qui n'a pas présenté à l'autorité administrative compétente les documents de voyage permettant l'exécution d'une décision de refus d'entrée en France, d'une interdiction administrative du territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français ou d'une peine d'interdiction du territoire français ou qui, à défaut de ceux-ci, n'a pas communiqué les renseignements permettant cette exécution, les données des traitements automatisés des empreintes digitales mis en 'uvre par le ministère de l'intérieur peuvent être consultées par les agents expressément habilités des services de ce ministère dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le traitement automatisé des empreintes digitales, mentionné à l'article L. 142-2 du CESEDA est régi par le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 modifié relatif au fichier automatisé des empreintes digitales géré par le ministère de l'intérieur selon l'article R. 142-41 du CESEDA.

L'article 8 du décret en date du 8 avril 1987 relatif au FAED dispose que :

Les fonctionnaires et militaires individuellement désignés et habilités des services d'identité judiciaire de la police nationale, du service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale ainsi que des unités de recherches de la gendarmerie nationale peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations contenues dans le traitement :

1° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ou des agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en vertu des dispositions de l'article 28-1 du code de procédure pénale ;

2° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des fonctionnaires de la police ou des militaires de la gendarmerie dans le cadre des recherches aux fins d'identification des personnes décédées prévues aux articles L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales et 87 du code civil et du décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d'identification des personnes décédées ;

3° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions des articles L. 611-1-1 , L. 611-3 et L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

4° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions de l'article 78-3 du code de procédure pénale .

Le fichier FAED, fichier automatisé des empreintes digitales, a été créé par le décret no 87-249 du 8 avril 1987.Il est également utilisé pour vérifier l'identité des personnes retenues en application de l'article 78-3 du code de procédure pénale ou dans les conditions de l'article L. 142-2 du CESEDA. Plus précisément, il permet d'identifier les personnes par comparaison biométrique des traces et empreintes relevées sur les lieux de commission d'infractions et de s'assurer de la véritable identité des personnes mises en cause dans une procédure pénale ou condamnées à une peine privative de liberté. L'enregistrement de traces d'empreintes digitales ou palmaires donne lieu à l'établissement d'une fiche alphabétique qui comporte de très nombreux renseignements, dont en particulier l'identification de la personne, la nature de l'affaire et la référence de la procédure, l'origine de l'information et les clichés anthropométriques dans le cas d'empreintes. Toutes les informations peuvent être conservées pendant 25 ans. L'accès au FAED est prévu par le décret en date du 8 avril 1987.

Au regard de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la conservation dans un fichier automatisé des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable et la consultation de ces données, l'habilitation des agents à les consulter est une garantie institutionnelle édictée pour la protection des libertés individuelles.

La CEDH juge par ailleurs'que la conservation, dans un fichier des autorités nationales, des empreintes digitales d'un individu identifié ou identifiable constitue une ingérence dans le droit au respect de la vie privée' (M. K. c. France du 18 avril 2013, requête no 19522/09, point 29 ' S. et Marper c/ Royaume-Uni, § 86) et d'autre part, que la législation interne doit donc ménager des garanties appropriées pour empêcher toute utilisation de données à caractère personnel qui ne serait pas conforme aux garanties prévues dans l'article 8 CEDH (S. et Marper, précité, § 103, Gardel c/ France, requête no 16428/05, § 62 ; [H] c/ France, requête no 5335/06, § 61).

L'article 15-5 du code de procédure pénale rappelle que seuls les personnels spécialement et individuellement habilités peuvent procéder à la consultation de ces traitements informatiques, que la réalité de cette habilitation peut être contrôlée à tout moment par un magistrat à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée et que l'absence de mention de cette habilitation sur les différentes pièces de la procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporte pas, par elle-même, la nullité de la procédure.

Comme le prévoit l'article 15-5 du code de procédure pénale, l'absence de mention de l'habilitation sur les pièces de procédure résultant de la consultation du fichier FAED n'emporte pas par elle-même la nullité de la procédure.

Ainsi, l'analyse croisée de cette disposition et de l'étude d'impact relative à la loi n°2023-22 du 24 janvier 2023 l'instaurant, révèle que le législateur a entendu créer une présomption d'habilitation des agents consultant le FAED, complétée par un mécanisme permettant au juge de vérifier, par mesure d'instruction, d'initiative ou pour répondre à la demande d'une partie, la réalité de cette habilitation. Ce dispositif tend donc à interdire au juge de déduire de l'absence de mention l'absence de l'habilitation.

En l'espèce, la procédure jointe à la requête comporte un rapport d'identification dactyloscopique donnant un résultat positif, faisant apparaître comme auteur de la saisie '7110027- [V] [R]'.

Or il est également produit un document établi par le commissaire divisionnaire, chef de la sûreté départementale des Bouches-du-Rhône intitulé 'fiche collective d'habilitation d'accès aux fichiers', comportant la liste des personnels habilités, sur laquelle M. [V] [R] ne figure pas.

En outre, la préfecture des Bouches-du-Rhône ne produit toujours pas, en cause d'appel, la justification de l'habilitation du fonctionnaire ayant procédé à la consultation du fichier, alors que cette demande a été expressément réitérée par l'appelant dans sa déclaration d'appel.

Il ne peut plus, dans ces conditions, qui viennent démentir la présomption, être considéré que la consultation a été opérée par un agent habilité.

La violation d'une disposition destinée à garantir la protection des libertés individuelles au regard de l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée que constituent, au sens de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accès au FAED, cause nécessairement grief et entache la procédure d'une irrégularité qui justifie la main levée de la rétention de M. [Y], sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Rejetons la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise,

Infirmons l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE en date du 24 Août 2024,

Ordonnons la mainlevée de la mesure de rétention de M. [I] [Y],

Rappelons à l'intéressé qu'il doit quitter immédiatement le territoire français par ses propres moyens,

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [I] [Y]

né le 22 Septembre 1979 à [Localité 5]

de nationalité Algérienne

Assisté d'un interprète

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

Palais Verdun , bureau 443

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : cra.ca-aix-en-provence@justice.fr

Aix-en-Provence, le 26 Août 2024

À

- Monsieur le préfet des Bouches-du-Rhône

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 4]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE

- Maître [U] [W]

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 26 Août 2024, suite à l'appel interjeté par :

Monsieur [I] [Y]

né le 22 Septembre 1979 à [Localité 5]

de nationalité Algérienne

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Rétention administrative
Numéro d'arrêt : 24/01300
Date de la décision : 26/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-26;24.01300 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award